Rédaction des documents médicaux : principes et recommandations
En sa séance du 19 septembre 2020, le Conseil national a émis l'avis qui suit concernant la rédaction des documents médicaux, notamment les certificats médicaux, afin de rappeler aux confrères les principes qui doivent les guider.
L'article 26 du Code de déontologie médicale (CDM 2018) énonce :
Le médecin remet au patient les documents médicaux dont il a besoin.
Conscient de la confiance que la société place en sa fonction, le médecin les rédige de façon sincère, objective, prudente et discrète sans mentionner d'éléments relatifs à des tiers.
Le médecin fournit, à la demande du patient, les documents au médecin désigné par le patient.
1.1. Objet de l'article 26 du CDM 2018
L'article 26 du CDM 2018 traite de la conduite du médecin traitant sollicité par son patient pour rédiger ou compléter un document concernant son état de santé.
Les termes « documents médicaux » utilisés à l'article 26 du CDM 2018 sont des termes généraux qui visent tout document, dont le patient a besoin, rédigé par le médecin dans lequel celui-ci décrit ou déclare avoir constaté un fait de nature médicale (état de santé physique ou psychique, maladie, accident, soins), à l'issue d'une consultation médicale ou sur la base du dossier médical, à l'intention de tiers.
Cela englobe des rédactions diverses, dont les attestations et certificats médicaux, les réponses aux questionnaires médicaux, ou encore les cartes médicales reprenant des informations relatives à la santé du patient (allergie, injection d'un produit radioactif, etc.).
Les finalités de ces documents sont multiples : l'obtention d'un avantage social (allocation de remplacement de revenus, aide sociale pour une personne handicapée, etc.), la dispense ou l'exécution d'une obligation légale (obligation scolaire, obligation de vote, obligation de vaccination, etc.), l'obtention du remboursement d'un médicament nécessitant l'accord du médecin-conseil, l'établissement de la preuve dans le cadre d'une expertise ou d'une relation contractuelle (assurance annulation de voyage, etc.) en sont quelques exemples.
Ces documents ont en commun qu'ils visent à garantir la réalité d'un fait médical auprès de tiers. La valeur probante qui y est attachée résulte de la confiance que la société place dans le corps médical, et plus particulièrement de la compétence professionnelle de son auteur et de la probité à laquelle sa déontologie professionnelle l'astreint. La rédaction d'un document médical engage la responsabilité du médecin.
Les principes de sincérité, d'objectivité, de prudence et de discrétion doivent toujours être respectés pour leur rédaction.
Certains documents médicaux sont soumis à une législation spécifique qui en fixe la forme et les destinataires (par exemple l'arrêté royal du 29 juillet 2019 déterminant la forme et le contenu du formulaire type de certificat médical circonstancié pris en exécution de l'article 1241, § 1er, alinéa 1er, du Code judiciaire).
Répondre, dans les limites de ses compétences et avec objectivité, aux demandes légitimes du patient qui ne peuvent se concrétiser sans la coopération du médecin traitant est un devoir déontologique auquel celui-ci ne peut se soustraire sans motif légitime.
1.2. Date du document et des éléments sur lesquels il se fonde
Le document médical doit toujours être daté du jour de sa rédaction.
En cas de duplicata, le médecin précise la date de la rédaction du document original et date le duplicata du jour de sa rédaction.
Sauf raison particulière à mentionner dans le dossier médical (par exemple un état de santé définitif), le document est rédigé à l'issue de la consultation médicale au cours de laquelle le médecin a pu recueillir l'information nécessaire, à jour, et procéder à un examen clinique.
Si le médecin est sollicité pour attester de l'état de santé du patient à un moment passé (antérieur à la rédaction), il peut se fonder sur des éléments médicaux recueillis à ce moment-là ou sur des données actualisées du dossier.
1.3. Sincérité
Le médecin rédige, consciencieusement et en toute sincérité, le document médical, guidé par l'état actuel de la science.
Attester faussement de manière intentionnelle est passible de poursuites pénales et disciplinaires.
Un certificat de complaisance est une fausse attestation que le médecin rédige volontairement, par pure complaisance en vue de susciter la bienveillance du destinataire envers son patient.
Ce devoir de sincérité porte sur tous les éléments du document : faits médicaux décrits, traitements proposés, dates mentionnées, signatures, etc.
1.4. Objectivité
Le médecin fait preuve d'objectivité, en veillant entre autres à ne pas se laisser influencer par des demandes indues de la part du patient ou de tiers et à ne pas attester des choses qui échappent à sa compétence médicale, ou scientifiquement injustifiées, sans rapport avec l'état de santé du patient ou mettant en cause des tiers qu'il ne connaît pas ou qu'il n'a pas examiné (concernant les tiers, voir également le point 1.6. Secret médical). Il est seul maître de ce qu'il écrit.
Il atteste si ce qu'il décrit se fonde sur une anamnèse, un examen clinique, une consultation à distance, sur des documents médicaux (dossier médical) ou uniquement sur base des déclarations du patient (dixitattest).
Une attestation dixit est une attestation basée uniquement sur les déclarations de l'intéressé et pas sur les constatations médicales propres du médecin. Le médecin évite, dans la mesure du possible, de rédiger un tel document. Comme toutes les attestations, elle ne peut pas comporter de déclarations sur des tiers.
1.5. Prudence et rigueur
Le médecin est prudent dans ce qu'il énonce, conscient des limites de ses connaissances et de la part imprévisible dans l'évolution d'un état de santé.
Il évite les erreurs de rédaction (absence de date ou de signature, illisibilité, etc.).
Il est attentif à ce que la forme et le contenu du document répondent au prescrit légal en vigueur, ainsi qu'à la motivation de la demande et au destinataire du document (INAMI, assureur-loi, organismes assureurs, compagnies d'assurances, commission de probation, établissement scolaire, employeur, etc.).
Le médecin doit procéder de façon extrêmement rigoureuse lors du recueil et de l'analyse des éléments sur lesquels il se base pour attester un fait médical. Ses justifications doivent être prudentes et nuancées et se limiter à des considérations médicales.
Le document mentionne l'identité de la personne concernée. Il comprend également les coordonnées professionnelles, en ce compris le numéro INAMI, du médecin afin que celui-ci soit identifiable.
La conservation dans le dossier médical d'une copie ou d'une trace de la rédaction du document est utile et fortement recommandée notamment pour garder la mémoire des dates mais aussi en cas de perte ou même de litige.
1.6. Discrétion et secret professionnel
Le médecin est attentif à limiter le contenu du document à ce qui est pertinent et nécessaire au vu du contexte dans lequel il intervient (à titre exemplatif, le certificat d'incapacité de travail destiné à l'employeur ne mentionne pas le diagnostic contrairement à celui qui est destiné à l'organisme assureur (mutualité)).
Sa rédaction respecte la dignité du patient.
Le médecin qui remet au patient un document contenant des données à caractère personnel relatives à sa santé que celui-ci lui a confiées ne viole pas le secret médical à l'égard du patient lui-même.
À l'égard des tiers auxquels le document est destiné, le respect du secret est mis en cause si des éléments sont inutilement révélés.
La volonté du patient que soient précisés dans le document des éléments sans rapport avec son objet, ne suffit pas à prémunir le médecin d'une infraction au devoir de confidentialité.
1.7. Loyauté
Le médecin explique au patient les éléments qu'il révèle dans le document médical afin que celui-ci, parfaitement éclairé quant à son contenu, puisse en faire librement l'usage qu'il désire, dans le respect de son autonomie.
Si le patient s'oppose à certaines révélations, le médecin apprécie s'il y a lieu qu'il refuse de rédiger le document au motif que l'omission demandée par le patient affecte la sincérité de son contenu.
1.8. Remise du document
Le médecin remet le document médical au patient, ou à sa personne de confiance si le patient le souhaite, même s'il est destiné à être remis à un tiers. Si le patient est un majeur incapable ou un mineur qui n'est pas apte à apprécier raisonnablement ses intérêts, le médecin délivre le document à son représentant.
Le médecin peut transmettre le document médical qu'il a rédigé au médecin désigné par le patient moyennant son accord (le médecin-conseil de l'organisme assureur (mutualité), le médecin scolaire, etc.).