Le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné la question de savoir si, à la demande d'un tiers, un médecin externe (qui n'a pas de relation thérapeutique avec le patient) a le droit d'examiner un patient sans le consentement de ce patient, ni de son représentant légal, dans le cadre de la rédaction d'un certificat médical circonstancié en vue de la désignation d'un administrateur.
Avis du Conseil national :
En sa séance du 17 décembre 2016, le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné votre lettre du 4 mars 2016 concernant la question de savoir si, à la demande d'un tiers, un médecin externe (qui n'a pas de relation thérapeutique avec le patient) a le droit d'examiner un patient sans le consentement de ce patient, ni celui de son représentant légal, dans le cadre de la rédaction d'un certificat médical circonstancié en vue de la désignation d'un administrateur.
Contexte
Un homme réside dans une maison de repos et de soins. Un de ses enfants demande à un médecin qui n'est pas le médecin traitant de son père de réaliser un examen médical sur ce dernier en vue de compléter un certificat médical circonstancié, tel que visé à l'article 1241 du Code judiciaire (1) . Ce document doit être annexé à une requête d'administration des biens et/ou de la personne (2) .
1/ Examen médical récent
Conformément à l'article 8 de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient, un patient pour autant qu'il soit capable d'exprimer sa volonté a toujours le droit de consentir à toute intervention d'un professionnel des soins de santé. La capacité du patient à exprimer sa volonté est la règle dans ce cadre. Le séjour du patient dans une maison de repos et de soins ne porte pas atteinte à la présomption de sa capacité à exprimer sa volonté. Le patient est le seul à pouvoir accepter un examen médical nécessaire pour compléter un certificat médical circonstancié.
2/ Dossier patient
Conformément à l'article 1241 du Code judiciaire, un médecin peut aussi rédiger un certificat médical circonstancié sur la base des données médicales actualisées issues du dossier patient, outre un examen médical actuel.
Pour qu'un médecin externe puisse le faire, il doit disposer du dossier patient ou au moins des données pertinentes issues de ce dossier. Conformément à l'article 33 de la loi coordonnée du 10 mai 2015 relative à l'exercice des professions des soins de santé, un médecin est tenu de communiquer à un confrère médecin toutes les informations utiles et nécessaires d'ordre médical pour poursuivre le diagnostic. Cependant, ce n'est possible que si le patient désigne ce médecin et donne son accord pour que lui soient communiquées les informations d'ordre médical le concernant aux fins de rédaction d'un tel certificat.
3/ Refus du patient
Si le patient refuse de consentir à un examen médical et/ou s'il refuse que toutes les informations utiles et nécessaires soient communiquées à un médecin externe pour que celui-ci puisse compléter le certificat médical circonstancié, l'article 1241, dernier alinéa, du Code judiciaire a prévu un autre système : « Si le requérant est dans l'impossibilité absolue de joindre à la requête le certificat médical visé à l'alinéa 1er, il en donne expressément les raisons dans la requête et il justifie pourquoi une mesure de protection judiciaire lui semble indiquée. Le juge de paix qui estime, par une ordonnance expressément motivée, que la condition de l'impossibilité absolue est remplie et que la requête contient suffisamment de raisons sérieuses pouvant justifier une mesure de protection, désigne un expert médical qui émet un avis sur l'état de santé de la personne à protéger conformément à l'alinéa 2. »
Les travaux préparatoires ne laissent planer aucun doute : l'intention du législateur est de prendre en considération le cas de refus par le patient (Proposition de loi (R. Terwingen et consorts) instaurant un statut de protection global des personnes majeures incapables, Exposé des motifs, Doc. Parl. Chambre 2010-11, n° 53K1009/001, 67).
4/ Incapacité du patient à exprimer sa volonté
Si le patient n'est plus capable d'exprimer sa volonté, l'article 14 de la loi relative aux droits du patient prévoit un système de représentation. Pour autant que le patient, lorsqu'il était encore capable d'exprimer sa volonté, n'a désigné aucun représentant, il est possible de déterminer le représentant de ce patient sur la base de réglementation « en cascade » de cet article 14. Si la personne à protéger n'a plus d'époux cohabitant, tous les enfants majeurs sont compétents pour intervenir comme représentants. Ce sont ces représentants qui marqueront aussi leur accord, lorsque le patient sera incapable d'exprimer sa volonté, pour un examen médical à effectuer sur le patient, demandé par un tiers à un médecin afin de pouvoir rédiger un certificat médical circonstancié et qui donneront également leur accord pour fournir des informations utiles et nécessaires d'ordre médical issues du dossier patient à un médecin externe.
Si les enfants interviennent comme représentants sur la base du système en cascade susmentionné, le médecin veille, le cas échéant en concertation pluridisciplinaire, aux intérêts du patient en cas de conflit entre les enfants.
In casu, si un enfant en tant que représentant demande à un médecin externe de réaliser un examen médical en vue de rédiger un certificat médical circonstancié et si les autres enfants qui agissent aussi en tant que représentants ne sont pas d'accord, il reviendra au médecin externe d'apprécier la situation dans l'intérêt du patient.
Conformément à l'article 11 du Code de déontologie médicale, les médecins doivent entretenir entre eux des rapports de bonne confraternité et se prêter assistance. En référence à la concertation pluridisciplinaire mentionnée à l'article 14 de la loi relative aux droits du patient, en cas de conflit entre les représentants de même rang, le médecin externe aura le devoir déontologique de prendre contact avec le médecin traitant pour discuter de ce conflit. Ils devront prendre une décision commune dans l'intérêt de la personne à protéger. Ces médecins (médecin externe et médecin traitant) peuvent proposer à la personne qui souhaite lancer la procédure de protection de demander l'application de l'article 1241, dernier alinéa, du Code judiciaire.
5/ Médecin traitant
Le Conseil national rappelle son avis du 18 août 2001, intitulé « Rapport médical circonstancié en vue de la protection de la personne des malades mentaux », qui souligne que le médecin traitant est la personne la mieux placée pour réaliser un examen médical et rédiger un certificat médical circonstancié, en toute indépendance professionnelle et intellectuelle, dans l'intérêt du patient et en vue de préserver la relation de confiance.
Le médecin traitant doit, à ces fins, obtenir le consentement éclairé du patient ou de son représentant.
1.Si le requérant est dans l'impossibilité absolue de joindre à la requête le certificat médical visé à l'alinéa 1er, il en donne expressément les raisons dans la requête et il justifie pourquoi une mesure de protection judiciaire lui semble indiquée. Le juge de paix qui estime, par une ordonnance expressément motivée, que la condition de l'impossibilité absolue est remplie et que la requête contient suffisamment de raisons sérieuses pouvant justifier une mesure de protection, désigne un expert médical qui émet un avis sur l'état de santé de la personne à protéger conformément à l'alinéa 2.
2.Arrêté royal du 31 août 2014 déterminant la forme et le contenu du formulaire type de certificat médical circonstancié pris en exécution de l'article 1241, alinéas 2 et 3, du Code judiciaire
Cet avis a été modifié le 23 mars 2024.