Dossier médical établi par le médecin-conseil d’une compagnie d’assurance - Droits du patient : nouvelles données
Avis du Conseil national :
En sa séance du 17 novembre 2012, le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné votre courrier du 3 août 2012 par lequel vous l'interrogez sur l'application de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient au dossier médical établi par le médecin-conseil d'une compagnie d'assurances à propos d'une personne victime d'un accident qu'il a examinée dans le cadre du suivi des conséquences de cet accident.
Les situations en matière de médecine de contrôle et d'expertise sont variées.
Votre question concerne une personne victime d'un accident.
Dans le suivi des blessés victimes d'accidents du travail couverts en assurance-loi ou d'accidents de la vie privée dont les dommages feront l'objet d'une indemnisation par l'assurance couvrant le tiers responsable ou par l'assurance individuelle, il est d'usage que le blessé soit invité à se présenter chez le médecin-conseil chargé par l'organisme assureur d'évaluer l'évolution des lésions et de suivre la démarche thérapeutique qui est indemnisée par l'organisme assureur .
Cette mission du médecin-conseil a principalement un but prévisionnel : l'organisme assureur doit prévoir les réserves financières nécessaires à l'indemnisation et éventuellement payer des avances si la situation du blessé le justifie. Elle a également un objectif d'optimalisation thérapeutique : l'assureur a intérêt à ce que le patient soit soigné au mieux de façon à réduire la gravité des séquelles de l'accident. L'assureur peut également souhaiter s'assurer que les soins administrés à la victime sont bien en rapport avec les lésions causées par l'accident.
Suite à son examen, le médecin-conseil établit un rapport qui contient les données médicales. Il y annexe une note technique concernant les prévisions d'évolution, destinée à l'assureur.
Vous interrogez le Conseil national sur le droit du blessé de recevoir copie du dossier le concernant, constitué par le médecin-conseil de l'assurance.
Dans son avis du 9 octobre 2009 relatif à la consultation du dossier médical tenu par le médecin-expert dans le cadre d'une affaire pénale, la Commission fédérale « Droits du patient » énonce, sans autre nuance, « à titre préliminaire, la Commission souligne que la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient s'applique à la médecine d'expertise. Dès lors, le patient a le droit d'accéder directement au dossier tenu par le médecin expert ».
Le Conseil national a estimé dans son avis du 24 octobre 2009 que le patient a, dans le cadre de la médecine de contrôle et de la médecine du travail, droit à la consultation de son dossier conformément à l'article 9, § 2, de la loi relative aux droits du patient.
A la demande du Service public fédéral Santé publique, une étude extensive sur l'application de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient au niveau de la médecine de contrôle et d'expertise a été réalisée en juillet 2011 par l'Université d'Anvers. Cette étude a pour objet d'identifier les écueils théoriques et pratiques rencontrés dans l'application de la loi relative aux droits du patient, dans le cadre de la médecine de contrôle et d'expertise. Elle est accessible via le site du SPF Santé publique à l'adresse suivante :
http://www.health.belgium.be/eportal/Myhealth/PatientrightsandInterculturalm/Patientrights/BillRightsPatient/index.htm.
Vous trouverez copie de ce document en annexe.
Cette étude évoque diverses restrictions possibles à l'application de la loi du 22 août 2002 précitée, en matière d'accès au dossier.
Concernant précisément votre question, il y est fait la nuance suivante (page 54, point 4.5.4., de l'étude) :
Quant aux médecins-conseils qui examinent un patient sur ordre d'une compagnie d'assurances privée, par exemple, des problèmes peuvent surgir : outre les constats strictement médicaux (anamnèse, examen clinique, imagerie, etc.), auxquels le patient doit sans aucun doute avoir accès, il existe des informations destinées au commettant qui ont trait au volet plutôt administratif et financier de l'affaire. Ainsi, l'on attend par exemple du médecin-conseil qu'il donne très tôt dans son expertise une estimation du degré d'incapacité qui pourrait être attribué au patient en question. Les compagnies d'assurances peuvent ainsi créer les provisions nécessaires. Vu que les médecins-conseils des organismes assureurs estiment que le droit à la consultation du patient ne vaut pas à ce niveau, l'affaire est souvent résolue dans la pratique en créant un dossier séparé : un dossier contenant les données médicales, personnelles et professionnelles, et un autre contenant les données relatives aux estimations techniques et financières, auxquelles le patient n'a pas accès.
Il n'est pas précisé si le contenu de cette étude a été avalisé par la Commission fédérale « Droits du patient ».
Le Conseil national a décidé d'interroger sur ce point la ministre de la Santé publique, par courrier dont vous trouverez copie en annexe.
Dans l'attente de la réponse de la ministre concernant le droit du blessé d'avoir accès à la note technique rédigée à des fins administratives par le médecin-conseil à l'intention de l'assureur, votre conseil provincial peut se fonder sur l'avis de la Commission fédérale « Droits du patient » du 9 octobre 2009 précité, relayé par l'avis du Conseil national du 24 octobre 2009, pour justifier l'accès du patient au rapport médical rédigé par le médecin-conseil.
Au vu des discussions qui précèdent, il est préférable de recommander aux médecins-conseils de clairement distinguer les deux aspects de leur mission, l'évaluation des lésions et de leur évolution (rapport médical) et la prévision du degré d'incapacité (note technique), dans les documents qu'ils établissent.
Décision du Bureau du Conseil national d.d. 22.08.2013 :Le Bureau du Conseil national de l'Ordre des médecins revient vers vous concernant l'avis du 17 novembre 2012 du Conseil national de l'Ordre des médecins, intitulé Dossier médical établi par le médecin-conseil d'une compagnie d'assurance, BCN 140. Vous trouverez en annexe l'avis du 21 juin 2013 de la Commission fédérale droits du patient concernant la médecine de contrôle et d'expertise, qui répond aux questions soulevées par le Conseil national. L'avis de la Commission fédérale droits du patient et l'avis du 17 novembre 2012 précité seront placés dans la partie publique du site internet de l'Ordre des médecins.