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Déontologie

Intervention du médecin coordinateur et conseiller d’une maison de repos et de soins dans le cadre de la procédure d'euthanasie d'un résident.

Le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné, en sa séance du 9 décembre 2023, la question de savoir si un médecin coordinateur et conseiller (MCC) d’une maison de repos et de soins peut intervenir en tant que premier ou deuxième médecin consulté dans le cadre de la procédure d’euthanasie de l’un des résidents de cette maison de repos et de soins.

Conformément à la loi relative à l’euthanasie[1], le(s) médecin(s) consulté(s) doi(ven)t être indépendant(s) à l’égard d’un (des) autre(s) médecin(s) consulté(s), du patient et du médecin traitant. L’absence de tout lien entre les personnes concernées est la meilleure garantie d’obtenir un avis indépendant. Compte tenu de ses obligations légales, le MCC ne peut pas satisfaire pleinement à l’exigence d’indépendance.

Avis du Conseil national :

1/ Introduction

La loi relative à l’euthanasie[2] détermine certaines conditions quant à la qualité des médecins consultants dans le cadre d’une procédure d’euthanasie.

Le premier (ou autre) médecin consulté doit être indépendant, tant à l’égard du patient qu’à l’égard du médecin traitant, et être compétent quant à la pathologie concernée.[3]

Le deuxième médecin consulté (qui n’est consulté que si le patient ne décèdera manifestement pas à brève échéance) doit être psychiatre ou spécialiste de la pathologie concernée. Il doit lui aussi être indépendant, tant à l’égard du patient qu’à l’égard du médecin traitant et du premier médecin consulté.[4]

Tant la condition de « compétence » que la condition d’« indépendance » doivent être remplies pour intervenir en tant que médecin consultant dans le cadre d’une procédure d’euthanasie.

2/ Les exigences en matière de compétence

La loi relative à l’euthanasie énonce que le premier médecin consulté doit être compétent quant à la pathologie concernée.[5] Cela signifie que le MCC, qui est un médecin généraliste agréé[6], peut agir en tant que premier médecin consulté pour autant qu’il ait une connaissance suffisante de la pathologie et pour autant qu’il dispose de la compétence et de l’expérience nécessaires et démontrables, tel que doit en témoigner son portfolio.[7]

En ce qui concerne le deuxième médecin consulté, la loi relative à l’euthanasie énonce des exigences différentes en matière de compétence. Le deuxième médecin consulté doit être un psychiatre ou un spécialiste de la pathologie en question.[8] Un médecin généraliste ne peut être le deuxième médecin consulté que s’il est suffisamment familier avec la pathologie en question, ce qui peut survenir en cas de polypathologie.[9] Il devra lui aussi disposer de la compétence et de l’expérience nécessaires et démontrables, tel que doit en témoigner son portfolio.[10]

3/ Les exigences en matière d’indépendance

En ce qui concerne l’ « indépendance », le médecin consulté doit pouvoir se prononcer en toute indépendance et objectivité à l’égard du patient et à l’égard des autres médecins (le médecin traitant et le premier médecin éventuellement consulté).

La Commission fédérale de Contrôle et d’Évaluation de l’Euthanasie (CFCEE) considère que l’indépendance implique que le(s) médecin(s) consulté(s) ne doi(ven)t avoir aucun lien hiérarchique et que le patient ne doit pas être régulièrement suivi par le médecin consulté. En ce qui concerne la relation hiérarchique, tout risque de pression ou de « conflit de loyautés » doit être évité. Le médecin consulté ne peut pas non plus avoir une relation thérapeutique régulière avec le patient. Toutefois, la notion d’indépendance ne signifie pas que le médecin consulté ne doit jamais avoir rencontré le patient ni connaître ses antécédents médicaux, précise la Commission.[11]

Outre la CFCEE, le Conseil national s’est déjà prononcé sur la notion d’indépendance dans le cadre d’une procédure d’euthanasie. Un avis antérieur indique que l’absence de tout lien entre les parties impliquées est la meilleure garantie d’obtenir un avis indépendant de la part des médecins consultés. Ainsi, il convient que le patient et les médecins consultés n’aient pas eu de contacts antérieurs, tandis que l’absence de liens contractuels, matériels et moraux entre les médecins impliqués est la meilleure garantie de l’indépendance recherchée.[12]

La question se pose de savoir si les obligations légales du MCC[13] sont compatibles avec l'exigence d'indépendance par rapport au patient et à l'autre (aux autres) médecin(s) prévue par la loi relative à l'euthanasie.

En ce qui concerne sa relation avec le patient, le MCC organise et coordonne la continuité des soins médicaux et tient à jour[14] les dossiers médicaux des résidents.

Par ailleurs, il arrive que le MCC soit le médecin traitant de l’un des résidents.[15]

Le MCC, en ce qui concerne sa relation avec le(s) médecin(s) traitant(s), organise des réunions de concertation à intervalles réguliers, coordonne la politique des soins pharmaceutiques en concertation avec les médecins traitants, coordonne la politique de prévention des infections, informe les médecins généralistes de la maison de repos et de soins de la politique de prescription rationnelle des médicaments, etc.[16]

En raison de ces fonctions légales exercées par le MCC, notamment ses missions de soins, ses fonctions de coordination et de dispense d’avis ainsi que les contacts réguliers qui ont lieu avec le patient et les médecins traitants, l'exigence d'indépendance ne peut pas être suffisamment garantie.

En conséquence, sur le plan déontologique, il est déconseillé que le MCC d’une maison de repos et de soins soit le premier ou le deuxième médecin consulté dans le cadre de la procédure d'euthanasie de l'un des résidents.


[1] Loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie

[2] Ibid.

[3] Art. 3, §2, 3°, loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie

[4] Art. 3, §3, 1°, loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie

[5] Art. 3, §3, loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie

[6] Art. 33/1, §1, alinéa 1, Décret du 28 juin 2019 du Gouvernement flamand relatif à la programmation, aux conditions d’agrément et au régime de subventionnement de structures de soins résidentiels et d’associations d’intervenants de proximité et d’usagers

[7] Cf. art. 8, loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé

[8] Art. 3, §3, 1°, alinéa 1, loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie

[9] Commission fédérale de Contrôle et d’Évaluation de l’Euthanasie, Dixième rapport aux Chambres législatives (années 2020-2021, p. 22, https://organesdeconcertation.sante.belgique.be/sites/default/files/documents/10_rapport-euthanasie_2020-2021-fr_1.pdf.

[10] Cf. art. 8, loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé

[11] Commission fédérale de Contrôle et d’Évaluation de l’Euthanasie, Dixième rapport aux Chambres législatives (années 2020-2021), p. 24-25, https://organesdeconcertation.sante.belgique.be/sites/default/files/documents/10_rapport-euthanasie_2020-2021-fr_1.pdf

[12] Cf. avis du Conseil national du 22 mars 2003, « Avis relatif aux soins palliatifs, à l’euthanasie et à d’autres décisions médicales concernant la fin de vie »,

https://ordomedic.be/fr/avis/deontologie/consentement-eclaire/avis-relatif-aux-soins-palliatifs-a-l-euthanasie-et-a-d-autres-decisions-medicales-concernant-la-fin-de-vie

[13] Tel que déterminé par l’arrêté du Gouvernement flamand du 28 juin 2019 relatif à la programmation, aux conditions d’agrément et au régime de subventionnement de structures de soins résidentiels et d’associations d’intervenants de proximité et d’usagers et l’arrêté royal du 21 septembre 2004 fixant les normes pour l’agrément spécial comme les maisons de repos et de soins, comme centre de soins de jour ou comme centre pour lésions cérébrales acquises

[14] Cette obligation légale s'applique à la Région flamande, voir chapitre 7, annexe 11, chapitre 3, section 3, sous-section 1, article 33/1, §4, décret du 28 juin 2019 du Gouvernement flamand relatif à la programmation, aux conditions d’agrément et au régime de subventionnement de structures de soins résidentiels et d’associations d’intervenants de proximité et d’usagers

[15] Il s’agit d’une situation exceptionnelle mais non interdite en raison du droit au libre choix du médecin, voir l’avis du Conseil national du 8 décembre 2012 « Le médecin coordinateur et conseiller (MCC) d’une maison de repos et de soins peut-il être le médecin traitant des résidents », https://ordomedic.be/fr/avis/deontologie/libre-choix-du-medecin/le-medecin-coordinateur-et-conseiller-mcc-d-une-maison-de-repos-et-de-soins-peut-il-etre-le-medecin-traitant-des-residants.

[16] Chapitre 7, annexe 11, chapitre 3, section 3, sous-section 1, article 33/1, §4, arrêté du Gouvernement flamand relatif à la programmation, aux conditions d’agrément et au régime de subventionnement de structures de soins résidentiels et d’associations d’intervenants de proximité et d’usagers et l’arrêté royal du 21 septembre 2004 fixant les normes pour l’agrément spécial comme les maisons de repos et de soins, comme centre de soins de jour ou comme centre pour lésions cérébrales acquises.