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Patient insolvable – Obligation déontologique du médecin
En sa séance du 19 octobre 2019, le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné si un médecin est déontologiquement contraint de soigner un patient insolvable.
La Constitution belge dispose que chacun a le droit à la sécurité sociale, à la protection de la santé et à l'aide sociale, médicale et juridique (article 23, troisième alinéa, 2°, Constitution belge). Il se fait néanmoins que certaines personnes ne bénéficient pas à un moment donné de la sécurité sociale. Il s'agit en particulier des patients sans domicile, des personnes non assurées et des personnes en séjour illégal.
Malgré les systèmes de protection que sont les CPAS et la CAAMI, les médecins peuvent se retrouver face à des patients complètement démunis de moyens de paiement.
L'Ordre des médecins est interrogé sur l'attitude à adopter si, après la mise en route d'un traitement, il apparaît qu'aucune instance ne prend en charge les honoraires et frais engagés et que le patient n'a pas de fonds propres.
Il lui revient que, dans certains hôpitaux, les frais seraient réclamés au médecin hospitalier lui-même. Pourtant, le BMF (budget des moyens financiers des hôpitaux) prévoit un poste de financement destiné à l'accompagnement des patients avec problèmes sociaux ou financiers (le B8). Le montant de ce poste est calculé sur la base des caractéristiques socio-économiques des patients admis.
Des patients bénéficiant de la sécurité sociale peuvent avoir des difficultés à assumer les frais engendrés par leur état de santé et leur traitement.
Les autorités ont pris des mesures pour prévenir ces situations, dont le maximum à facturer (MAF), le tiers payant automatique et les avantages financiers liés au dossier médical global et au renvoi vers un spécialiste par un généraliste. Il y a également le Fonds spécial de solidarité(1).
La loi relative aux droits du patient stipule que le patient a droit, de la part du praticien professionnel, à des prestations de qualité répondant à ses besoins (art. 5, Loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient).
Le Code de déontologie médicale précise que le médecin soigne avec la même conscience et sans discrimination tous les patients (art. 30, Code de déontologie médicale 2018).
Ce principe déontologique de non-discrimination signifie que le médecin ne peut jamais faire dépendre sa décision de prendre en charge un patient de la situation financière de celui-ci. Le médecin ne peut pas faire de discrimination basée sur le patrimoine et a, en outre, le devoir de traiter avec la même qualité tous ses patients.
Chaque patient doit avoir accès au système de soins et a droit à tous les soins nécessaires à une vie conforme à la dignité humaine. Le médecin peut devoir orienter le patient, après lui avoir administré les soins urgents nécessaires, vers les instances spécialement mises en place pour assurer l'aide aux personnes insolvables. Cette situation existe dans une ville comme Bruxelles où les CPAS ont des accords avec certains hôpitaux. Un patient admis dans l'institution « la plus proche » peut devoir être transféré vers une institution agréée par le CPAS dont il dépend.
En pratique, le Conseil national ne peut définir d'attitude uniforme à adopter face aux situations de précarité et d'insolvabilité en ce qui concerne tant l'accès aux soins que la procédure de recouvrement des factures de soins.
Pour trouver la meilleure solution face aux cas particuliers, que ce soit dans le cadre des soins hospitaliers ou des cercles de médecins généralistes, on pourrait mettre en place des « groupes de réflexion » qui pourraient élaborer des directives concernant l'accès aux soins de qualité pour tous les patients et réfléchir au budget à y consacrer et aux modalités de recouvrement des factures de soins impayées.
Lors de l'élaboration des directives, le respect de la dignité humaine doit rester la règle de base. En effet, il est ici question du droit aux soins d'un groupe particulièrement vulnérable de la population.
Pour les soins hospitaliers, le groupe de réflexion pourrait se composer d'un médecin traitant, d'un membre du comité d'éthique, d'un délégué du conseil médical, du médecin-chef et du directeur financier ou administratif ou de l'un de ses représentants. Les services sociaux compétents pourraient aussi être consultés dans ce cadre. Au vu de la complexité des statuts légaux(2), il est préférable d'impliquer également le juriste hospitalier dans cette matière.
Pour la première ligne, ce groupe de réflexion pourrait se composer du président du cercle de médecins généralistes, d'un éthicien, d'un ou de plusieurs médecins généralistes, ainsi que d'un travailleur social et/ou d'un juriste.
Le groupe de réflexion se réunirait de façon ad hoc. Il respecterait le secret professionnel et le Règlement général sur la protection des données(3).
(2) https://www.riziv.fgov.be/fr/themes/cout-remboursement/facilite-financiere/Pages/default.aspx#.XYCQD2bLi70 ; http://www.agii.be/thema/vreemdelingenrecht-internationaal-privaatrecht/sociaal-medisch/wie-betaalt-welke-medische-kosten/medische-kosten-per-betalingsregeling; http://www.agii.be/thema/vreemdelingenrecht-internationaal-privaatrecht/sociaal-medisch/wie-betaalt-welke-medische-kosten/medische-kosten-per-verblijfssituatie
(3) Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE
Tiers payant (CP Luxembourg)
Tiers payant
Suite au dernier accord médico‑mutuelliste, le Conseil provincial du Luxembourg se propose d'envoyer une lettre concernant le tiers payant à chaque médecin inscrit à son tableau. Il soumet ce texte, pour accord, au Conseil national.
Au cours de sa séance du 10 avril 1985, le Conseil national a donné son accord moyennant quelques modifications.
Ci‑dessous le texte approuvé:
1. Le Conseil de l'Ordre attire tout particulièrement l'attention des Confrères sur les impératifs du Titre II du Chapitre VI: «Les honoraires», du Code de déontologie, notamment en ses articles 72, 73, 74 et 79 (*).
2. L'Accord médico‑mutuelliste, dans son paragraphe F intitulé Tiers Payant § 4 prévoit: «Le système de tiers payant couvre pour chaque prestataire qui y adhère, toutes les prestations concernées par l'engagement individuel, à l'exception des consultations et visites effectuées par les médecins de médecine générale.»
3. Nous vous rappelons l'avis émis par le Conseil national dans son Bulletin Officiel n° 31, à la page 31, relatif au Ticket Modérateur et ce, en sa séance du 16 avril 1983: «Nous référant à votre lettre du 8 mars 1983, relative aux contrats qui prévoient la non‑perception du Ticket Modérateur, nous avons l'honneur de vous faire savoir que le Conseil national a décidé que la non‑perception de ce ticket va à l'encontre de l'article 78, alinéa 2, du Code de déontologie, dans les limites indiquées par celui‑ci».
4. Nous vous rappelons, une nouvelle fois, que tout contrat écrit, par ailleurs obligatoire, entre un praticien et un tiers, relatif à l'exercice de son art et/ou aux rémunérations qui en résultent, doit, préalablement à sa signature, être soumis au Conseil provincial de l'Ordre des médecins qui veillera particulièrement au respect des règles déontologiques énoncées aux articles 27, 36, 72, 74 à 101 du Code de déontologie (*).
5. Concernant la publicité, le Conseil de l'Ordre rappelle, une fois encore, le respect des articles 12, 13, 14 et 16 du Code de déontologie (*)et veillera à leur application.
(*) Code de déontologie:
Art. 12 La publicité directe ou indirecte est interdite. La réputation du médecin est fondée sur sa compétence professionnelle et son intégrité.
Art. 13 § 1. Les mentions figurant sur les plaques, papier à lettres, feuilles d'ordonnance, dans les annuaires, etc., seront discrètes dans leur forme et leur contenu.
§ 2. Les indications autorisées sur la plaque apposée à la porte du cabinet médical, sont exclusivement les noms et prénoms, le titre légal, la spécialité pratiquée, les jours et heures de consultation du médecin et éventuellement le numéro d'appel téléphonique.
§ 3. Les indications autorisées sur les feuilles d'ordonnances, le papier à lettres ou dans un annuaire non commercial sont exclusivement les noms et prénoms, les titres légaux, les fonctions universitaires ou hospitalières, la spécialité pratiquée et les mentions qui facilitent les relations du médecin avec ses clients.
§ 4. Aucune de ces mentions ne peut figurer dans une publication commerciale.
§ 5. Le médecin ne peut faire état d'une compétence qu'il ne possède pas.
Art. 14 Les médecins exerçant dans des organismes publics ou privés doivent veiller à ce que les modes d'information utilisés par ceux‑ci soient conformes aux règles de la déontologie.
Les médecins commettent une faute en tolérant que ces organismes utilisent leur nom à des fins publicitaires.
Art. 16 Les médecins peuvent participer à une campagne sanitaire, à des émissions radiodiffusées ou télévisées destinées à l'éducation du public et donner des conférences à condition d'observer les règles de discrétion, de dignité, de tact et de prudence propres à la profession médicale, de conserver en règle générale l'anonymat, et de ne faire aucune publicité en faveur de leur activité privée ou de celle d'une institution déterminée.
Le médecin informera le Conseil provincial dont il relève, de sa participation à une émission radiodiffusée ou télévisée.
Art. 27 Le libre choix du médecin par le patient est un principe fondamental de la relation médicale. Tout médecin doit respecter cette liberté de choix et veiller à ce qu'elle soit sauvegardée.
Art. 36 Le médecin jouit de la liberté diagnostique et thérapeutique.
Il s'interdira de prescrire des examens et des traitements inutilement onéreux ou d'exécuter des prestations superflues.
Art. 72 Le médecin garde la propriété entière de ses honoraires, qu'ils soient perçus directement ou par l'intermédiaire d'un mandataire.
Lorsque le médecin pratique dans une institution, cette disposition doit être expressément mentionnée dans tout contrat liant le médecin à cette institution.
Art. 73 Le médecin établit en principe personnellement ses notes d'honoraires. S'il fait appel à du personnel ou à un service administratif, ceux‑ci doivent agir sous son contrôle et sous sa responsabilité personnelle.
Art. 74 Le médecin adresse ou fait adresser son état d'honoraires endéans l'année de la prestation. Pour leur recouvrement, il s'abstiendra de faire appel à des formes ou à des procédés qui ne respectent pas la dignité qui convient aux rapports entre malades et médecins.
Art. 75 Le médecin peut réclamer une indemnisation pour une visite à domicile devenue inutile, ou pour un rendez-vous manqué, s'il n'ont pas été décommandés en temps utile.
Art. 76 En cas de consultation entre médecins ou de participation à une intervention chirurgicale, chaque médecin réclame lui‑même ses honoraires.
Art. 77 Si plusieurs médecins collaborent au diagnostic ou au traitement et qu'une note collective est établie, le montant des honoraires réclamés par chaque médecin y sera mentionné.
Art. 78 La réclamation d'honoraires manifestement excessifs constitue un manquement à la probité et à la discrétion et peut, sans préjudice du pouvoir des Conseils provinciaux d'arbitrer les contestations relatives aux honoraires, entraîner l'application d'une sanction disciplinaire.
Lorsqu'il existe des conventions auxquelles des praticiens ont adhéré ou des usages locaux, les médecins s'interdisent tout acte constituant un abus du droit de fixer leurs honoraires à un taux moins élevé et en particulier tout acte par lequel ils sollicitent la clientèle en faisant état de quelque manière que ce soit, de la fixation de leurs honoraires à un taux systématiquement inférieur.
Art. 79 Il est d'usage pour les médecins de ne pas se faire honorer pour des soins donnés à leurs proches parents, leurs collaborateurs et leur personnel, ainsi qu'aux confrères et aux personnes qui leur sont à charge.
Le médecin peut cependant demander l'indemnisation de ses frais. Il peut également, sauf pour ses parents proches, se faire honorer à concurrence des montants pris en charge par des tiers.
Art. 80 Le partage d'honoraires entre médecins est autorisé s'il correspond à un service rendu directement ou indirectement au malade dans le cadre d'une médecine de groupe.
Hormis ce cas, I'acceptation, I'offre ou la demande d'un partage d'honoraires, même non suivi d'effet, constitue une faute grave.
Art. 81 Tout partage d'honoraires entre médecins et non médecins est interdit.
Art. 82 Lorsque la rétribution du médecin est forfaitaire, elle ne peut avoir pour effet de subordonner son activité professionnelle aux intérêts financiers des personnes physiques ou morales qui le rétribuent.
Celles‑ci ne peuvent retirer aucun bénéfice en exploitant la différence entre les honoraires perçus en tant que mandataire du médecin et la rétribution forfaitaire de ce dernier.
Seuls les frais normaux résultant de l'activité médicale peuvent justifier cette différence, s'ils sont connus du médecin et approuvés par lui. La rétribution forfaitaire ne peut être inférieure au revenu correspondant du médecin s'il exerçait à la vacation pour une activité équivalente. Tout contrat au statut portant rétribution forfaitaire des médecins doit obligatoirement, avant sa conclusion ou l'adhésion des médecins, être soumis pour avis au Conseil provincial de l'Ordre compétent.
Art. 83 Il est interdit au médecin d'accepter des honoraires forfaitaires couvrant à la fois des prestations et la fourniture de médicaments ou de prothèses.
Art. 84 Sans préjudice de l'article 80, si de commun accord, un pool d'honoraires est instauré au sein d'un groupe médical, ce dernier ne peut comprendre que des médecins actifs participant tous aux soins donnés aux patients.
Le contrat d'association doit être soumis préalablement au Conseil provincial de l'Ordre. Ce dernier veillera à faire respecter dans le contrat les règles de déontologie. Il examinera, en particulier, si les conditions garantissant le libre choix du malade et l'indépendance du médecin sont réunies.
Il veillera également à ce que cette forme d'association ne donne pas lieu à l'exploitation de l'activité de certains membres du pool par d'autres, ou à des pratiques donnant lieu à des abus de la liberté thérapeutique et diagnostique.
Art. 85 Chaque fois qu'une aide contraceptive s'indique, le médecin est tenu de donner tout renseignement utile.
Art. 86 Lorsque le médecin estime qu'il existe une indication de pratiquer l'interruption de grossesse il doit, avant d'y procéder, demander l'avis de deux médecins dont au moins un exerce la discipline dont relève l'indication invoquée. Un protocole de la décision prise permettant l'identification ultérieure de la patiente doit être adressé, sous pli fermé, par le médecin qui pratique l'interruption de grossesse, au Conseil provincial dont celui‑ci relève.
Le médecin ne peut pratiquer une interruption de grossesse qu'avec l'accord de la patiente dûment informée, et uniquement dans une institution agréée en tant qu'établissement hospitalier.
Art. 87 Le médecin peut, en raison de ses convictions, refuser de pratiquer l'interruption de grossesse.
Art. 88 L'hétéro‑insémination artificielle ne peut se pratiquer que si la femme et son mari, dûment informés, ont donné leur accord par écrit. Le médecin est tenu de s'entourer de tous renseignements utiles sur la motivation de l'insémination et sur la santé du donneur. En aucun cas, le médecin ne peut révéler aux intéressés, ni à des tiers, I'identité du donneur.
Art. 89 L'essai sur l'homme de nouvelles médications et de nouvelles techniques médicales est indispensable; il ne peut cependant être pratiqué qu'après une expérimentation animale large et sérieuse.
Art. 90 L'expérimentation sur l'homme bien portant n'est admissible que si le sujet est majeur, en situation de donner librement son consentement, ce qui n'est pas le cas d'un prisonnier, et dans des conditions de surveillance médicale de nature à faire face à toute complication.
Art. 91 Les malades attendent du médecin soulagement et guérison. Ils ne peuvent à aucun titre être utilisés à des seules fins d'observation et de recherche. Ils ne peuvent être soumis sans leur consentement, ou s'ils en sont incapables, sans celui de leur répondant, à des interventions ou à des prélèvements qui pourraient leur occasionner le moindre inconvénient, sans leur être directement utiles.
Art. 92 § 1. L'essai de nouveaux traitements et notamment la méthode de «double insu» ne peuvent délibérément priver le malade d'une thérapeuthique reconnue valable: les données scientifiques et l'expérimentation préalable sur l'animal doivent laisser espérer des chances raisonnables de succès.
§ 2. Toute expérimentation de thérapeutique médicale ou chirurgicale doit être entourée de garanties morales, appréciées au besoin par le Conseil provincial de l'Ordre, et de garanties scientifiques contrôlées par un groupe compétent indépendant de l'expérimentateur. Les données doivent être recueillies avec rigueur et faire l'objet de protocoles.
§ 3. Dans le cas d'affections incurables dans l'état actuel des connaissances médicales et dans les stades terminaux de ces affections, I'essai de nouvelles thérapeutiques ou de nouvelles techniques chirurgicales doit présenter des chances raisonnables d'être utile et avant tout tenir compte du bien‑être moral et physique du malade. Il ne peut jamais lui imposer des souffrances ou même un inconfort supplémentaire.
Art. 93 Le médecin ou le groupe de médecins pratiquant une expérimentation ou un essai thérapeutique sur l'homme doit avoir une indépendance financière totale vis‑à‑vis de tout organisme ayant des intérêts commerciaux à promouvoir un nouveau traitement ou une nouvelle instrumentation.
Art. 94 L'éthique médicale interdit toutes recherches qui pourraient détériorer le psychisme ou la conscience morale du sujet, ou attenter à sa dignité.
Art. 95 Provoquer délibérément la mort d'un malade, quelle qu'en soit la motivation, est un acte criminel.
Art. 96 Cet acte ne trouve aucune justification dans le fait qu'il soit sollicité expressément par le malade.
Art. 97 Le médecin doit éviter tout acharnement thérapeutique sans espoir.
Art. 98 La décision de mettre un terme à la survie artificielle d'un «coma dépassé», ne sera prise qu'en fonction des connaissances médicales du moment.
Art. 99 Le médecin doit à la fois respecter les droits imprescriptibles de la personne humaine et remplir ses devoirs envers la communauté.
Art. 100 Tout médecin doit s'efforcer d'améliorer la qualité des soins quel que soit le milieu où il travaille.
Art. 101 Le médecin apporte sa contribution personnelle à la mission qui incombe collectivement au corps médical de promouvoir la santé de la population. Le corps médical apporte son concours, dans le respect des règles de la déontologie et des droits de l'individu, aux formes de sécurité sociale, qui ont pour but d'assurer à tous les citoyens les soins de santé les meilleurs.