Résultats
Résultats
Attestation par le médecin généraliste de l’existence d’une contre-indication médicale à l’adoption.
En sa séance du 23 mars 2024, le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné la question de savoir si un médecin généraliste peut attester de l’existence d’une contre-indication médicale à l’adoption dans le cadre d’une procédure d’adoption entreprise par l’un de ses patients.
1/ S’il désire adopter un enfant, l’adoptant doit être qualifié et apte à adopter. Est apte à adopter, la personne qui possède les qualités socio-psychologiques nécessaires pour ce faire.[1]
En règle, l’adoptant doit, avant d’effectuer quelque démarche que ce soit en vue d’une adoption, obtenir un jugement le déclarant qualifié et apte à assumer une adoption (jugement d’adoption).[2]
L’aptitude est appréciée par le tribunal de la famille sur la base d’une enquête sociale ; qu’il ordonne.[3] Pour apprécier l’aptitude, le tribunal tient compte, notamment, de la situation personnelle, familiale et médicale de l’intéressé, et des motifs qui l’animent.[4]
L'enquête sociale est concrétisée par des services reconnus par les différentes Communautés. Certains services demandent au médecin traitant de l'adoptant de remplir un questionnaire et d'attester s’il y a une contre-indication médicale à l'adoption.
2/ Il n'est pas rare que les services sociaux fassent appel au médecin traitant d'une personne pour constater l’état de santé de cette personne.
Le médecin généraliste, en tant que gestionnaire du dossier médical global du patient, a accès à un grand nombre d’informations relatives à la santé du patient, est proche de ce dernier et est le mieux placé pour dresser un tableau complet de son état de santé physique et psychologique général.
Le médecin remet au patient les documents médicaux dont il a besoin. Conscient de la confiance que la société place en sa fonction, le médecin les rédige de façon sincère, objective, prudente et discrète.[5]
En cas de doute sur l’existence d'une contre-indication médicale à l'adoption, en concertation avec le patient, un deuxième avis peut être demandé à un médecin spécialiste ou à un autre professionnel des soins de santé spécialisé dans un domaine de soins particulier.
En cas de présence d’une contre-indication médicale à l’adoption, le médecin généraliste engage le dialogue avec le patient et lui explique en honneur et conscience les raisons de la présence de cette contre-indication. Le médecin ne se prononce que sur l'aspect médical et n’apprécie pas par ailleurs l'opportunité de l'adoption.
Pour des raisons de secret professionnel et de relation de confidentialité avec le patient, le rapport ou l’attestation ne sera transmis(e) aux services compétents qu'avec le consentement du patient.
3/ Si, à titre exceptionnel et en raison de circonstances particulières, le médecin généraliste estime ne pas avoir la compétence, l'objectivité ou l'indépendance nécessaires pour établir l'attestation, il peut refuser la mission. Le patient, qui a besoin de ces documents dans le cadre de la procédure d'adoption, ne peut en subir aucun préjudice. Le médecin généraliste a alors l’obligation déontologique de motiver son refus et de l'attester à la demande du patient.
[1] Art. 346-1, ancien code civil belge.
[2] Art. 346-1/1, premier alinéa, ancien code civil belge.
[3] Art. 346-1/2, premier alinéa, ancien code civil belge.
[4] Art. 346-1/2, quatrième alinéa, ancien code civil belge.
[5] Art. 26, Code de déontologie médicale.
Refus, par un médecin généraliste, d'un patient dont le dossier médical global est géré par un autre médecin généraliste si le rendez-vous est pris uniquement pour des raisons de convenance personnelle du patient.
De plus en plus de patients font usage des systèmes d’agenda en ligne pour consulter un médecin généraliste. Lorsque le médecin généraliste détenteur du DMG n’est pas rapidement disponible, le patient prend rendez-vous avec un autre médecin généraliste qui peut le recevoir dans de plus courts délais.
En sa séance du 23 mars 2024, le Conseil national a examiné la question de savoir si un médecin généraliste peut refuser un patient dont le dossier médical global est détenu par un autre médecin généraliste si ce patient désire une consultation avec lui uniquement pour des raisons de convenance personnelle.
1/ Le patient a droit au libre choix du médecin et il a le droit de modifier son choix.[1]
Lorsqu’un patient inconnu du médecin généraliste prend rendez-vous avec celui-ci par le biais d’un système d’agenda en ligne, le médecin généraliste ne sait pas toujours pour quelle(s) raison(s) le patient vient en consultation. Les raisons peuvent être variées et légitimes : la recherche d’une second opinion, l’empêchement du médecin traitant détenteur du DMG, le souhait du patient de changer de médecin généraliste détenteur de son DMG, la présence d’une pathologie extrêmement urgente, etc.
En conséquence, le médecin généraliste ne peut pas refuser un patient du seul fait que le dossier médical global de ce patient est détenu par un autre médecin généraliste.
2/ Différentes obligations légales et déontologiques incombent au médecin généraliste :
- l’obligation légale d’assistance[2] en cas de pathologie extrêmement urgente ;
- la garantie de la continuité des soins[3]. Le médecin généraliste détenteur du DMG doit organiser sa pratique de façon à pouvoir répondre à son obligation de garantir la continuité des soins, et de recevoir les patients dont il détient le DMG dans un délai raisonnable ;
- le remplacement des confrères empêchés[4] ;
- la participation à la permanence médicale[5] ;
- etc.
Par ailleurs, le médecin est attentif à sa propre santé et s’efforce de maintenir un équilibre entre ses activités professionnelles et sa vie privée.[6]
Si la raison pour laquelle le patient a pris rendez-vous avec un autre médecin généraliste est purement de convenance personnelle, parce que le médecin généraliste détenteur du DMG propose une autre date dans un délai raisonnable qui convient moins au patient, le médecin généraliste peut refuser le patient.
La relation médecin-patient résulte d'un engagement volontaire entre le patient et le médecin, dans le respect de l'autonomie du médecin et du patient. Le médecin généraliste peut s'engager dans cette relation, la refuser ou y mettre un terme, en tenant compte de ses devoirs légaux et déontologiques. En cas de refus, la communication avec le patient doit être claire.
En ce sens, il est recommandé de faire en sorte que le système d’agenda en ligne soit uniquement accessible aux patient connus du médecin ou aux patients détenteurs d’un DMG. Les patients inconnus peuvent, par exemple, être invités à être contactés par téléphone pour demander au préalable les motifs de la consultation.
[1] Art. 6, loi du 22 août 2022 relative aux droits du patient ; art. 15, Code de déontologie médicale.
[2] Art. 422bis, Code pénal.
[3] Art. 17, loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé ; art. 13, Code de déontologie médicale.
[4] Art. 13, Code de déontologie médicale.
[5] Art. 17, loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé ; art. 13, Code de déontologie médicale.
[6] Art. 10, Code de déontologie médicale.
Echange d’informations entre le médecin en charge d’un enfant et celui de sa mère dans le contexte de la naissance.
Le Conseil national est interrogé concernant le respect du secret médical dans le cadre de l’échange d’informations médicales entre un gynécologue et un pédiatre en charge d’une mère et de son enfant dans le contexte de la naissance.
1. En règle, l’accord de la patiente doit être demandé pour permettre l’accès à ses données médicales par un médecin qui n’a pas de relation thérapeutique avec elle. Les raisons pour lesquelles cet accès est demandé et les informations qui sont recherchées sont préalablement portées à sa connaissance.
Ce n’est que lorsque l’urgence des soins de santé à apporter à l’enfant ne permet matériellement pas de demander à la mère son consentement que l’intérêt supérieur de l’enfant justifie de consulter les données de santé de celle-ci sans solliciter préalablement son accord.
2. Dans le contexte d’une naissance, l'échange d'informations entre les professionnels en charge de la mère et de l’enfant se fait sur la base d'une fiche de liaison (un dossier) de l'enfant.
Par définition, celui-ci reprend les informations pertinentes de la grossesse (maladies infectieuses, médicaments, complications,...) et les antécédents familiaux qui sont nécessaires pour que l’enfant reçoive des soins de qualité auxquels il a droit, dans les délais nécessaires (vaccination immédiate (hépatite b), médicaments contre la toxoplasmose, lait antiallergique pour les parents atopiques, examens complémentaires en cas d'anomalies à l'échographie fœtale, etc.).
Le recueil du consentement de la maman à la communication de données de santé la concernant à l’équipe médicale qui prend en charge son enfant peut se faire durant sa grossesse. Il s’accompagne d’une information concernant les raisons d’une telle communication et le type de données visées. Cela permet d’anticiper et de gérer dans de meilleures conditions un éventuel refus. Le médecin reste attentif au fait que la mère peut changer d’avis, dans un sens comme dans l’autre.
3. Dans l’hypothèse, exceptionnelle, où une mère refuse l’accès à ses données de santé en dépit de l’intérêt de son enfant, il convient de s’intéresser aux raisons de ce refus pour s’assurer qu’il n’est pas motivé par un malentendu ou une incompréhension qui pourrait être levé, par la crainte que le père de l’enfant ait accès à ses données (voir point 5 ci-dessous), qu’il ne s’adresse pas à un soignant déterminé et non au reste de l’équipe médicale, etc.
Face à un refus persistant, le gynécologue et le pédiatre se concertent pour décider s’il se justifie pour protéger un intérêt essentiel de l’enfant sur le plan de la santé d’outrepasser le refus de la mère.
Pour rappel l’article 22bis, alinéa 4, de la Constitution dispose que « dans toute décision qui le concerne, l'intérêt de l'enfant est pris en considération de manière primordiale ». Cette disposition a une portée générale et s’applique également en matière de santé.
Le Conseil national estime que l’intérêt de l’enfant à être en bonne santé prévaut sur le droit de sa mère au respect de sa vie privée.
Le cas échéant, la mère est informée de la consultation de ses données.
4. L’accès doit être limité aux données de santé de la mère nécessaires tenant compte du but poursuivi, en l’espèce une prise en charge médicale qualitative de l’enfant.
5. En tant que représentant légal, le père peut consulter directement ou recevoir copie du dossier médical de son enfant à l’exception des données qui concernent des tiers. La mère doit être considérée comme un tiers[1]. Le père n’a donc pas accès aux informations médicales relatives à la mère qui seraient contenues dans le dossier médical de son enfant, à moins que la mère consente à ce qu’elles lui soient communiquées.
Si l’enfant souffre d’une pathologie héréditaire ou doit prendre un traitement préventif ou curatif du fait de la situation de santé de l’un de ses parents, cet élément concerne cette fois la santé de l’enfant lui-même et ne peut pas être caché à l’autre parent exerçant l’autorité parentale[2].
6. En cas de décès de la mère, le proche qui a le droit de consultation indirecte du dossier médical de la défunte peut charger le pédiatre de prendre connaissance des informations utiles à la santé de l’enfant[3].
[1] Au sens de l’article 9, § 2, de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient
[2] Avis du 19 juin 2021 du Conseil national, Secret médical – information du père d’un nouveau-né quant au traitement prescrit à son enfant du fait de la séropositivité de sa mère, a168013.
[3] Article 9, § 4, de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient.
Recours à la contrainte pour imposer un acte médical à un étranger dans le cadre d’une procédure de transfert, de refoulement, de retour ou d'éloignement.
Le Conseil national de l’Ordre des médecins a été sollicité par plusieurs confrères pour donner son avis concernant le projet de loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers et la loi du 12 janvier 2007 sur l’accueil des demandeurs d’asile et de certaines autres catégories d’étrangers sur la politique de retour proactive (Doc. Parl., sess. 2022-2023, doc 55 3599/001).
Leur question s’inscrit dans les débats qui sont actuellement menés autour de l’article 26 du projet de loi qui insère un article 74/23 dans la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers (l’article est repris in extenso à la suite de cet avis), dont il ressort que, dans certaines conditions à vérifier au cas par cas, l’étranger majeur peut être soumis par la contrainte à des examens médicaux afin de permettre l'exécution forcée d'une mesure de transfert, de refoulement, de retour ou d'éloignement le concernant et à laquelle il refuse de coopérer.
1. Dans l’état actuel de la législation belge relative aux procédures de contrainte justifiant l’intervention d’un médecin, la contrainte physique pour l’exécution d’un acte médical est exceptionnelle et strictement encadrée[1].
Ce projet de loi s’inscrit dans le cadre d’une politique migratoire européenne que chaque État doit respecter au même titre que les droits humains fondamentaux qui sont en jeu.
En l’occurrence, le projet prévoit le recours à la contrainte pour imposer un acte médical qui n’est pas réclamé par la loi belge mais imposé, comme à d’autres États européens, par le pays de destination ou de transit, ou comme condition de voyage par le transporteur responsable du transport de l’étranger, dans le cadre d’une urgence de santé publique de portée internationale déclarée par l’Organisation mondiale de la santé.
Les actes médicaux qui pourront être imposés par la force ne sont pas définis, ni leur degré d’atteinte à l’intégrité physique de l’individu qui y est soumis. Il est seulement affirmé que l’acte médical doit permettre de déterminer si l’étranger peut voyager sans mettre en danger sa propre santé, celle des autres voyageurs ou celle de la population du pays de destination. L’acte médical doit en outre figurer sur une liste dressée par le Roi, sur « proposition conjointe du ministre[2] et du ministre de la Santé publique », par un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres.
L’individu n’a pas de recours permettant de s’opposer, avant son application, à la coercition au motif que la mise en place d’une telle procédure compliquerait très sérieusement l’exécution de la mesure de transfert, de refoulement, de retour ou d’éloignement et que, par conséquent, l’introduction de l’obligation de se soumettre à un examen médical n’aurait plus d’utilité (Doc. Parl., doc 55 3599/001, p. 15).
Face au refus d’un étranger de coopérer à l’examen médical, la décision de recourir à la contrainte et l’exercice de celle-ci appartient au délégué du ministre (un membre du personnel de l’Office des Étrangers), qui aura reçu une formation spécifique à cet effet, à déterminer par le Roi.
2. Il est légitime que le corps médical, dont les valeurs déontologiques et éthiques reposent par essence sur le respect de l’intégrité et l’intérêt de l’individu, s’interroge sur son rôle dans une procédure fondée sur une conception où la bonne exécution de la politique migratoire, qui s’exerce à l’égard d’un groupe d’individus par nature vulnérables, est jugée supérieure à ces valeurs.
Le Bureau du Conseil national a été interrogé par le cabinet du Secrétaire d’Etat à l’asile et à la migration sur un avant-projet de loi avant que le présent projet de loi ne soit déposé à la Chambre.
Sans se positionner sur le fond, il a fait valoir que compte tenu de l’étendue de la gamme d’examens médicaux possibles et du fait notamment que l’examen médical peut être une exigence du seul transporteur, le type d’examen et sa finalité devraient être précisés. La mention que l’examen ne peut avoir un caractère vexatoire et est effectué dans le respect de la dignité de l’étranger, sans d’ailleurs mentionner qui apprécie que tel est bien le cas, ne lui a pas paru suffisante.
Le Bureau a souscrit à l’interdiction de recourir à la contrainte pour pratiquer un examen médical sur un mineur ou en présence d’un mineur, qu’un examen ne peut jamais être réalisé lorsqu’il est susceptible de mettre en danger la santé de la personne concernée, à l’obligation que l’examen médical soit réalisé par du personnel médical qualifié, au fait que l’examen le moins invasif soit effectué, au caractère résiduaire de l’examen médical, qui ne sera pratiqué qu’en l’absence des attestations et certificats médicaux nécessaires, et de la contrainte, prévue à défaut d’autre moyen moins coercitif. Ces restrictions sont reprises dans le projet de loi déposé.
Le Conseil national maintient ces observations.
3. Le Conseil national prend acte que l’intervention médicale sous la contrainte envisagée ne pourra viser qu’une situation d’« urgence de santé publique de portée internationale déclarée par l’Organisation mondiale de la santé ». Il conviendrait de s’assurer que la loi en projet ne permettra pas d’accomplir un tel acte médical hors le type d’urgence précité.
Le Conseil national s’interroge sur la portée de la « contrainte physique » préalable à l’intervention médicale. Ce concept n’est pas explicité dans l’exposé des motifs, bien que le Conseil d’État en avait déjà fait l’observation dans son avis relatif à l’avant-projet de loi (Doc. Parl., doc 55 3599/001, pp. 102-103). La contrainte physique peut prendre des formes très diverses et il ne faudrait pas que cette autorisation de la loi soit comprise comme un blanc-seing pour les agents de l’exécutif. Au regard des droits et libertés consacrés par la Constitution et la Convention européenne des droits de l’homme, cette notion devrait être clarifiée.
En ce qui concerne l’examen médical, l’article 26 du projet prévoit que seul l’examen le moins invasif sera effectué « à condition que cet examen soit disponible ». Les dispositions qui s’imposent doivent avoir été prises pour que l’examen le moins invasif soit réellement disponible. A défaut de quoi, le Conseil national estime que l’examen ne pourra pas être pratiqué.
4. Sur le plan déontologique, dans l’hypothèse où ce projet aboutirait, le Conseil national estime qu’un médecin appelé à prêter son concours à un examen médical pratiqué sous la contrainte dans le cadre d’une mesure de transfert, de refoulement, de retour ou d'éloignement, garde son indépendance professionnelle. Aucun médecin ne peut être tenu de pratiquer un tel acte.
Il est de la responsabilité du médecin de vérifier que son intervention est conforme à la loi, tant sur le plan des exigences légales relatives à l’examen médical qu’à sa réalisation par contrainte.
S’il considère que ces conditions ne sont pas rencontrées ou que le recours à la contrainte n’est pas adapté à la vulnérabilité de la personne ou que l’objectif peut être atteint par des moyens moins coercitifs, il ne posera pas l’acte médical en question.
Le médecin a toujours le droit de refuser de poser cet acte s’il l’estime en conscience contraire aux valeurs prônées par la déontologie médicale de professionnalisme, respect, intégrité et responsabilité. L’intervention du médecin doit toujours être conforme au Code de déontologie médicale (entre autres son article 30) et est susceptible de contrôle.
Enfin, le Conseil national tient à affirmer avec force qu’en aucun cas, il ne faudrait que les médecins et aucun professionnel des soins de santé ne soient instrumentalisés pour parer les difficultés et les impasses diplomatiques avec les pays tiers dans l’exercice de la politique migratoire.
****
L’article 26 du projet de loi du 29 septembre 2023 modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers et la loi du 12 janvier 2007 sur l’accueil des demandeurs d’asile et de certaines autres catégories d’étrangers sur la politique de retour proactive, énonce :
Dans le Chapitre I, inséré (dans la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers) par l’article 24, il est inséré un article 74/23, rédigé comme suit:
“Art. 74/23. § 1er. En vue de l’exécution forcée d’une mesure de transfert, de refoulement, de retour ou d’éloignement, un étranger peut être soumis à un examen médical, le cas échéant par la contrainte, pour autant qu’un tel l’examen soit requis afin de déterminer si l’étranger peut voyager sans mettre en danger sa propre santé, celle des autres voyageurs ou celle de la population du pays de destination. L’examen médical obligatoire ne peut être effectué que s’il est nécessaire parce qu’il est imposé comme condition d’entrée ou de transit par le pays de destination ou de transit, ou comme condition de voyage par le transporteur responsable du transport de l’étranger, dans le cadre d’une urgence de santé publique de portée internationale déclarée par l’Organisation mondiale de la santé, et que les attestations médicales disponibles ne sont pas acceptées comme étant suffisantes par le pays de destination ou de transit, ou par le transporteur.
L’étranger est informé au préalable de l’examen médical qui lui sera imposé, de la manière dont il sera effectué, de l’objectif de l’examen, de son éventuel effet sur sa santé et de la possibilité, en cas de refus de coopérer, de procéder à l’examen médical par la contrainte conformément au paragraphe 2. Ces informations sont fournies dans une langue que l’étranger comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend.
L’étranger signe une déclaration dans laquelle il s’engage à coopérer à cet examen médical. Cette déclaration comprend les informations mentionnées à l’alinéa 2. L’étranger a la possibilité, avant de signer la déclaration et en étant séparé du personnel impliqué dans l’examen, de relire les informations fournies.
Sur proposition conjointe du ministre et du ministre de la Santé publique, le Roi détermine, par un arrêté délibéré en Conseil des ministres, les examens médicaux qui peuvent être imposés à l’étranger en application du présent article.
§ 2. Si l’étranger ne se soumet pas volontairement à l’examen médical visé au paragraphe 1er et que l’objectif ne peut être atteint par des moyens moins coercitifs, l’examen médical peut être effectué par la contrainte.
Le recours à la contrainte lors de l’examen médical est exclu pour les mineurs étrangers. Le recours à la contrainte lors de l’examen médical ne se fait jamais en présence de mineurs étrangers.
Le recours à la contrainte est effectué par le délégué du ministre qui a reçu une formation spécifique à cet effet. Le Roi détermine le contenu de cette formation.
Le recours à la contrainte est soumis aux conditions prévues à l’article 37 de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police. Le recours à la contrainte est adapté à la vulnérabilité de la personne.
Les moyens de contrainte autorisés sont la contrainte physique, la clef de bras et les menottes aux poignets et/ou aux pieds.
Tout recours à la contrainte lors d’un examen médical fait l’objet d’un rapport détaillé sans délai. Le délégué du ministre indique dans le rapport les moyens de contrainte utilisés, la durée du recours à la contrainte et la justification de celle-ci.
§ 3. L’examen médical visé au paragraphe 1er est effectué par du personnel médical qualifié.
Seul l’examen médical le moins invasif est effectué, compte tenu des conditions imposées par le pays de destination ou de transit, ou par le transporteur, et à condition qu’un tel examen soit disponible.
L’examen médical ne peut avoir un caractère vexatoire et est effectué dans le respect de la dignité de l’étranger. Si le personnel médical estime que l’examen est susceptible de mettre en danger la santé de l’étranger, il ne l’effectue pas.”.
[1] Voir par exemple l’article 90undecies, du Code d’instruction criminelle (analyse ADN) et l’article 524quater, § 2, du Code d’instruction criminelle (analyse de la possibilité de transmission d'une maladie contagieuse grave lors de la commission d'une infraction).
[2] Il faut sans doute lire « secrétaire d’État à l’Asile et la Migration », comme il est mentionné dans l’exposé des motifs (Doc. Parl., doc 55 3599/001, p. 15).
Collaboration entre la police, le ministère public et les hôpitaux, les postes de gardes de médecine générale et les cabinets médicaux – Principes généraux
En sa séance du 20 janvier 2024, le Conseil national de l’Ordre des médecins s’est penché sur l’avis relatif à la collaboration entre la police, le ministère public et les hôpitaux et l’a étendu aux postes de garde de médecine générale et aux cabinets médicaux.
Cet avis remplace les avis a167013 et a167039.
Contenu
1. Introduction
2. Situations particulières
2.1 Le patient commet un fait punissable dans l’hôpital, le poste de garde ou le cabinet médical
2.2 Le médecin a connaissance d’un fait punissable – patient en tant qu’auteur ou victime
2.3 Stupéfiants sur ou dans le corps du patient
2.4 Patient sous surveillance policière
2.5 Donner priorité à la police au service d’urgence, au poste de garde ou au cabinet médical
2.6 La police pénètre dans l’hôpital, le poste de garde ou le cabinet médical
2.7 La police demande des informations sur les interventions à l’hôpital
2.8 Interrogatoire à l’hôpital, au poste de garde ou au cabinet médical
2.9 Personnes disparues
2.9.1 Appréciation du caractère « inquiétant » de la disparition
2.9.2 Recherche du patient
2.9.3 Pour la rédaction d’un dossier ante mortem
2.10 Attestation médicale concernant une disposition à l’enfermement
2.11 Moyens légaux soutenant l’information ou l’instruction
2.11.1. Témoignage en justice
2.11.2. Concertation
2.11.3. Désignation d’un médecin expert judiciaire pendant l’enquête – Prise de sang ou salive dans le cadre de la détection d’une intoxication (alcool, drogues) ou pour déterminer le profil ADN
2.11.3.1. Généralités
2.11.3.2. Prélèvement sanguin dans le cadre judiciaire
2.11.3.3. Application spécifique : prélèvement sanguin dans le cadre judiciaire si la victime a potentiellement été contaminée par une maladie grave à la suite d’un fait punissable
2.11.3.4. Test ADN
2.12. Caméras de surveillance pour éviter ou constater les délits en milieu hospitalier, au poste de garde ou au cabinet médical
3. Conclusion
1. Introduction
Dans le cadre du fonctionnement de l’hôpital, du poste de garde et du cabinet médical, les médecins visent une autre finalité que les services de police et les parquets. La mission des premiers est de dispenser des soins de qualité à tout patient qui se présente, tandis que celle des seconds est de garantir la sécurité de la société et de faire des constatations objectives pour faciliter par la suite la découverte de la vérité judiciaire.
Cependant, ces deux groupes d’intervenants sont régulièrement en contact et la situation les oblige à collaborer, nonobstant leurs objectifs et normes souvent divergents. Ainsi, le médecin est tenu au secret professionnel, alors que la police, dans le cadre d’une enquête, tente de recueillir autant d’informations que possible sur un potentiel auteur ou sur une victime. D’autres droits fondamentaux, comme le droit aux soins et le droit de la défense, restent d’application.
Le cadre légal prévu n’est souvent pas suffisamment connu, tant par les médecins que par les services de police, ou n’indique pas assez clairement comment les deux acteurs doivent agir dans une situation spécifique. Dans certaines régions[1], les hôpitaux, les cercles de médecins généralistes, la police et le ministère public ont rédigé un protocole de collaboration, qui fixe plusieurs accords sur la façon dont les interactions entre eux doivent se dérouler en vue d’une efficacité maximale des deux services.
De tels protocoles favorisent une collaboration aisée entre les différents acteurs sur le terrain et offrent une réponse à plusieurs situations spécifiques. Cependant, le risque existe que chaque région rédige des accords différents ou contraires à la législation existante ou à la déontologie médicale.
Pour éviter ces cas de figure, le Conseil national donne, dans le présent avis, un aperçu des principes déontologiques que le médecin doit prendre en compte dans une situation spécifique, dans le respect du droit à la vie privée, du secret professionnel, de l’accès aux soins, de la qualité des soins, de la sécurité du patient, de la dignité humaine et de l’autonomie du patient.
2. Situations particulières
2.1. Le patient commet un fait punissable dans l’hôpital, le poste de garde ou le cabinet médical
Si un patient se rend coupable d’un fait punissable envers un autre patient, un médecin, le personnel ou l’hôpital, le poste de garde ou le cabinet médical peut porter plainte auprès de la police. Il peut par exemple s’agir de menaces à l’encontre du médecin, de violences physiques à l’égard de collaborateurs ou de patients, de destructions dans le local de consultation ou aux infrastructures de l’hôpital, de la possession d’armes dangereuses[2], etc.
Le médecin donne à la police le nom de l’auteur et le lieu où les faits se sont produits. Les données médicales de l’auteur ne sont pas divulguées.
La police qui se rend sur place a accès au local où le patient se trouve et où les faits se sont produits pour pouvoir faire les premières constatations.
2.2. Le médecin a connaissance d’un fait punissable– patient en tant qu’auteur ou victime
Lorsque le médecin apprend dans l’exercice de sa profession que le patient a commis un fait punissable, cela relève du secret professionnel.
De même, lorsque le médecin apprend dans l’exercice de sa profession que le patient a été victime d’un fait punissable, cela relève du secret professionnel et le médecin respecte le choix de la victime de ne pas porter plainte auprès de la police.
Pour certaines infractions commises sur un mineur ou une personne vulnérable, l’article 458bis du Code pénal dispose que le médecin peut briser son secret professionnel, moyennant le respect de certaines conditions.[3] C’est le cas en particulier d’infractions qui portent gravement atteinte à l’intégrité physique d’un mineur ou d’une personne vulnérable, comme la traite d’êtres humains, l’assassinat ou des violences conjugales, abus de nature sexuelle, comme un attentat à la pudeur ou le viol d’un enfant ou d’une personne handicapée.[4]
Si le médecin a connaissance d’un délit précité et s’il estime qu’il existe un danger grave et imminent que l’auteur récidive et s’il n’est pas en mesure de protéger, seul ou avec l’aide de tiers, l’intégrité physique ou psychique du mineur ou de la personne vulnérable, il peut en informer le procureur du Roi.[5]
Outre l’exception légale de l’article 458bis du Code pénal, le médecin est soumis à l’article 422bis du Code pénal qui comporte une obligation légale d’assistance envers une personne exposée à un péril grave. Dans certaines situations, il n’est pas évident de concilier ces deux normes, à savoir le secret professionnel et l’obligation légale d’assistance.[6] Dans le cas d’un tel conflit de devoirs, « l’état de nécessité » peut être d’application.
L’état de nécessité est une notion issue de la doctrine et de la jurisprudence, impliquant que, dans des circonstances exceptionnelles, la transgression d’une norme pénale (par exemple la violation du secret professionnel) ne sera pas punie lorsque cette infraction peut être justifiée pour protéger un autre intérêt ayant une même valeur ou une valeur considérée supérieure ou en prévention d’une autre infraction (par exemple un meurtre). Une violation du secret professionnel peut exceptionnellement être justifiée si un danger grave, actuel et certain ne peut être évité autrement.[7] Tout dépend des circonstances de fait pour qu’il soit question d’état de nécessité. Il incombe au médecin de confronter les deux normes ou intérêts.[8]
Enfin, conformément à l’article 30 du Code d’instruction criminelle, toute personne qui a été témoin d’une atteinte, soit à la sécurité publique, soit à la vie ou à la propriété d’une personne, est obligée de le signaler au procureur du Roi, soit du lieu du délit ou du crime, soit du lieu où peut se trouver le suspect.[9]
Dans le cadre de la relation de soins entre un médecin et un patient, cette obligation générale de déclaration de crime de violence et contre la propriété est contraire au secret professionnel. Par conséquent, la doctrine et la jurisprudence énoncent que la déclaration obligatoire contenue à l’article 30 du Code d’instruction criminelle ne s’applique pas à une infraction commise par un patient.[10]
Si un patient a été la victime d’une infraction, l’obligation générale de déclaration, lue en lien avec les exceptions de l’article 458bis du Code pénal, doit être nuancée. L’objectif ne peut jamais être de faire une déclaration d’un délit lorsque cela va à l’encontre des intérêts du patient. Dans le cadre de la relation de soins, une déclaration sera uniquement faite après une évaluation réfléchie des différentes normes. Par conséquent, il est question d’un droit de parole et non d’une obligation.
2.3. Stupéfiants sur ou dans le corps du patient
Le médecin qui découvre pendant l’examen ou le traitement des stupéfiants sur ou dans le corps d’un patient remet ces stupéfiants, dans les plus brefs délais, aux services de police sans mentionner de données à caractère personnel ou médical du patient, à moins qu’il ne soit question d’une exception au secret professionnel (cf. 2.2). Ceci est communiqué au patient et indiqué dans son dossier. Il est primordial que le patient continue à avoir confiance dans le médecin et les soins qu’il lui prodigue et qu’il lui soit clairement expliqué que le médecin n’a pas de compétence de recherche et que son identité ne sera pas divulguée aux services de police.
Dans ce contexte, le médecin peut prendre en compte le principe de proportionnalité.
2.4. Patient sous surveillance policière
Si la police estime qu’un patient accompagné d’agents constitue une menace pour l’intégrité (physique) du personnel, le médecin autorise la police à être présente dans la zone de traitement ou dans l’environnement immédiat.
Le médecin respecte la décision de la police de laisser le patient menotté et peut uniquement s’opposer à cette décision pour des raisons médicales, par exemple lorsque les menottes du patient empêchent fortement la dispense de soins. Dans ce cas, le médecin et les services de police se concertent sur la façon dont ils peuvent, chacun, remplir leurs tâches de façon sécurisée et qualitative. Les deux sont tenus au respect de l’obligation légale d’assistance telle que prévue à l’article 422bis du Code pénal.
2.5. Donner priorité à la police au service d’urgence, au poste de garde ou au cabinet médical
Pour autant que l’urgence des soins à prodiguer à d’autres patients le permette, le médecin donne priorité au patient sous surveillance policière ou à l’agent de police qui, dans l’exercice de ses fonctions, est lui-même blessé ou a besoin de soins.
2.6. La police pénètre dans l’hôpital, le poste de garde ou le cabinet médical
La police peut pénétrer librement dans les espaces publics, tels que le hall d’accueil, la salle d’attente et les couloirs.
Il est uniquement permis de pénétrer dans le local de consultation moyennant l’accord du patient et du médecin traitant. Ce dernier s’y opposera seulement si cette intrusion dans le local empêche gravement la dispense de soins.
Dans un contexte hospitalier, il est seulement autorisé de pénétrer dans la chambre du patient moyennant son autorisation, sauf en cas de flagrant délit ou sur ordre du juge d’instruction conformément à l’article 89bis du Code d’Instruction criminelle.
2.7. La police demande des informations sur les interventions à l’hôpital
Les services de police qui mènent l’enquête essayent de recueillir autant d’informations que possible, notamment des informations médicales sur un auteur potentiel ou une victime.
Le médecin traitant est tenu au respect du secret professionnel et ne peut en principe pas transmettre d’informations médicales aux services de police. Ceci complique l’enquête et n’est pas favorable, plus tard, à la découverte de la vérité par le juge, en particulier lorsque l’agent de police interprète la situation médicale d’une façon qui ne correspond pas complètement à la réalité médicale.[11]
La relation de confiance entre le médecin et le patient prime et le médecin doit être très prudent quant à la violation du secret professionnel. Une attitude trop laxiste par rapport au secret professionnel peut entraîner des risques plus grands que les dangers ou inconvénients qui peuvent éventuellement être prévenus.
Cependant, le patient peut être demandeur de communiquer des informations médicales aux services de police ou au parquet. Le patient a le droit de disposer lui-même des informations médicales le concernant et de collaborer avec les services de police. Dans ce cas, le médecin peut accepter de rédiger une attestation médicale spécifique, comprenant des données médicales limitées[12], qui est remise à la police par l’intermédiaire du patient. Le médecin a pour tâche de protéger le patient de la transmission de ses données médicales à des tiers et de l’informer des conséquences possibles du transfert de ses données médicales aux services de police.
Le médecin note dans le dossier patient s’il a rédigé une attestation, quel en était le contenu et s’il a délivré ce document au patient ou directement aux services de police à la demande du patient.
Enfin, le médecin informe le patient de la possibilité de rédiger un rapport médical circonstancié. Le patient peut opter pour ajouter ce rapport au dossier de police, éventuellement ultérieurement. Le cas échéant, le médecin adresse le rapport sous pli fermé à l’éventuel médecin expert judiciaire et le transmet aux services de police avec la mention « secret médical ».
Si le patient n’est pas capable d’exprimer sa volonté, il est d’usage que le médecin transmette un certificat médical, avec un nombre limité de données médicales, au représentant du patient ou à des membres de la famille[13] en cas d’absence du représentant.
En cas d’absence du représentant ou des membres de la famille, le médecin peut remettre, dans l’intérêt du patient, un certificat médical avec un nombre limité de données médicales aux services de police après avoir considéré le principe de proportionnalité et si nécessaire. Des exemples d’un tel certificat figurent dans l’annexe 1.
2.8. Interrogatoire à l’hôpital, au poste de garde ou au cabinet de médecine
Si la police estime qu’il est nécessaire d’auditionner l’auteur potentiel ou la victime à l’hôpital, au poste de garde ou au cabinet médical, le médecin autorise la police à accéder à la zone de traitement ou à la chambre du patient, si le patient y consent et si sa situation médicale le permet.
2.9. Personnes disparues
Lorsqu’une personne est signalée disparue, la police a de nombreuses raisons de prendre contact avec le médecin traitant de cette personne ou avec les hôpitaux environnants.
2.9.1. Appréciation du caractère « inquiétant » de la disparition
La police peut être obligée de demander les informations médicales de la personne disparue pour évaluer le « caractère inquiétant » de la disparition. Le médecin traitant de la personne disparue peut uniquement communiquer avec les services de police si la disparition, au vu de la situation médicale du patient, menace potentiellement le pronostic vital, par exemple parce que le patient est suicidaire, qu’il est dépendant d’une médication vitale ou qu’il y a un risque de désorientation.
2.9.2. Recherche du patient
Sur la base de la directive ministérielle du 26 avril 2014 relative à la « Recherche des personnes disparues », en cas de disparition, qu’elle soit ou non de nature inquiétante, les services de police ont la possibilité de prendre contact avec les hôpitaux environnants. La compétence de contrôle n’est pas formulée de manière exhaustive et peut être étendue aux postes de garde et aux cabinets médicaux.
Pour éviter de poursuivre inutilement les recherches, le médecin concerné peut informer les services de police de la présence ou non du patient dans l’hôpital, sans divulguer les données médicales du patient.
Des problèmes concrets se posent quand le patient souhaite garder secrète son admission à l’hôpital pour son entourage. D’une part, le droit à la vie privée du patient concerné doit être respecté ; d’autre part, il convient d’éviter de poursuivre les recherches. Dans ce cas, il est recommandé de faire appel à un intermédiaire, par exemple le président ou un membre délégué d’un Conseil provincial de l’Ordre des médecins, ou un membre du conseil délégué, qui communique au magistrat du parquet compétent qu’il n’y a pas de raisons de considérer la disparition comme « inquiétante »[14].
En ce qui concerne la recherche de délinquants, le médecin confronte le secret professionnel à l’intérêt général.
2.9.3. Pour la rédaction d’un dossier ante mortem
Le service Disaster Victim Identification (DVI) de la Police fédérale a, notamment, pour tâche d’identifier les victimes décédées sur la base d’une comparaison entre le dossier ante mortem et le dossier post mortem.[15]
En vue de la préparation d’une identification d’une victime potentielle, un médecin expert judiciaire peut être désigné, sur ordre du Procureur du Roi ou du juge d’instruction, pour la constitution d’un dossier ante mortem. Dans ce cas, le médecin traitant transmettra le dossier patient de la personne disparue aux services de police, sous pli fermé, adressé au médecin expert judiciaire, avec la mention « secret médical ». Le médecin expert judiciaire appréciera les données issues du dossier patient qui sont nécessaires à la rédaction du dossier ante mortem.
L’accès au dossier patient par les services de police en vue de la rédaction d’un dossier ante mortem implique une violation du secret professionnel.
2.10. Attestation médicale concernant une disposition à l’enfermement
Il peut arriver qu’une personne soit blessée pendant qu’elle commet un fait de nature criminelle. Lorsque les services de police arrêtent une personne blessée, celle-ci doit être amenée en premier lieu à l’hôpital, au service de garde ou au cabinet médical pour des soins. Dans le cas où les services de police procèdent à une privation de liberté, il est demandé au médecin traitant, le cas échéant, si l’état de santé du patient permet son enfermement ou son audition.
Il n’incombe pas au médecin traitant de délivrer un certificat d’aptitude fixant que l’état de santé du patient lui permet d’être auditionné ou enfermé. En effet, le médecin traitant n’a pas pour tâche d’intervenir comme médecin expert judiciaire ; il a uniquement pour mission de dispenser des soins et peut délivrer, via le patient, une attestation aux services de police comportant un nombre limité de données médicales (cf. supra).[16]
2.11. Moyens légaux soutenant l’information ou l’instruction
Le secret professionnel n’est pas absolu. La loi prévoit plusieurs exceptions qui permettent au médecin de parler (cf. 2.2.).
En outre, le Procureur du Roi et le juge d’instruction ont des moyens légaux à disposition pour mener une enquête efficace et fiable.
2.11.1. Témoignage en justice
Le médecin peut être appelé à témoigner en justice devant le juge d’instruction ou devant une commission d’instruction parlementaire.[17]
Le médecin a un droit de parler, pas une obligation de parler.[18]
Cette exception légale ne permet toutefois pas de témoigner devant les services de police ou le parquet.
2.11.2. Concertation
L’article 458ter du Code pénal permet d’organiser une concertation entre divers acteurs soumis au secret professionnel et d’aboutir à une collaboration pluridisciplinaire, en vue de la protection de l’intégrité physique ou psychique d’une personne ou de tiers, ou pour éviter des actes terroristes ou des délits dans le cadre d’une organisation criminelle comme prévu à l’article 324bis du Code pénal.
La concertation est organisée par ou en vertu d’une loi, d’un décret ou d’une ordonnance, ou en cas d’autorisation motivée du procureur du Roi.[19]
Le médecin qui est prié de participer à une concertation a le droit de parler, pas une obligation de parler.
2.11.3. Désignation d’un médecin expert judiciaire pendant l’enquête – Prise de sang ou salive dans le cadre de la détection d’une intoxication (alcool, drogues) ou pour déterminer le profil ADN
2.11.3.1. Généralités
Pendant l’information ou l’instruction, le procureur du Roi ou le juge d’instruction peut désigner un médecin-expert judiciaire pour examiner l’état médical de l’auteur potentiel ou de la victime.[20]
Le médecin qui, dans les limites de sa mission en tant que médecin expert judiciaire, établit le rapport sur l’état de santé d’une personne, ne viole pas le secret professionnel.
Le médecin traitant doit mettre les informations nécessaires à la disposition du médecin expert judiciaire.
Les missions du médecin expert judiciaire sont incompatibles avec celles du médecin traitant.[21]
2.11.3.2. Prélèvement sanguin dans le cadre judiciaire
Le médecin qui exécute un prélèvement sanguin dans le cadre judiciaire, sur réquisition des autorités compétentes, et qui rédige le rapport y afférent ne se rend pas coupable d’une violation du secret professionnel. Si seul le médecin traitant peut être réquisitionné, il prélève un échantillon de sang sans fournir d’informations sur les éventuels signes d’intoxication ou d’autres données médicales.
Le médecin est contraint de poser les actes requis et peut seulement s’en abstenir si ses constatations montrent une contre-indication formelle à cette mesure ou lorsqu’il reconnaît comme fondées les raisons avancées par la personne concernée pour s’y soustraire.[22]
Les résultats du prélèvement sanguin et le rapport y afférent peuvent être communiqués, sous pli fermé, aux services de police, qui les transmettront au magistrat les réclamant.
Le médecin ne peut utiliser la contrainte physique contre la personne concernée qui refuse de se soumettre à un prélèvement sanguin dans le cadre judiciaire.
2.11.3.3. Application spécifique : prélèvement sanguin dans le cadre judiciaire si la victime a potentiellement été contaminée par une maladie grave à la suite d’un fait punissable
Lorsqu’il existe de sérieuses indications qu’une victime d’un délit puisse avoir été contaminée, à la suite de ce fait punissable, par une maladie grave reprise sur une liste fixée par arrêté royal[23], le procureur du Roi peut demander au suspect le prélèvement d’un échantillon sanguin pour vérifier s’il est porteur de cette maladie.
Le cas échéant, l’information médicale relève du secret professionnel et le laboratoire de référence requis transmettra les résultats uniquement au médecin traitant de la victime et à celui du suspect à sa demande. Les données médicales ne sont pas communiquées au procureur du Roi.
2.11.3.4. Test ADN
Le médecin peut aussi être requis pour des prélèvements capillaires (avec racines), de muqueuses buccales ou de sang pour réaliser un test ADN dans le cadre judiciaire.[24] Le médecin est obligé de poser ces actes et d’établir un rapport.
Pour le test ADN, le médecin ne peut utiliser la contrainte physique contre la personne concernée. Si la personne concernée refuse de se soumettre à cette expérience, ce refus est mentionné dans le procès-verbal.
2.12. Caméras de surveillance pour éviter ou constater les délits en milieu hospitalier, au poste de garde ou au cabinet médical
Le fait de prendre des images dans le local de consultation ou dans la chambre du patient est inacceptable.[25]
Selon les conditions prévues par la loi du 21 mars 2007 réglant l’installation et l’utilisation de caméras de surveillance, des caméras peuvent être placées dans des espaces accessibles au public (hall, couloirs de l’hôpital, etc.) afin de garantir la sécurité des médecins et des patients et de recueillir des preuves d’un délit. Le matériel visuel du délit peut être transmis aux services de police.
3. Conclusion
La collaboration entre le médecin, l’hôpital, le poste de garde ou le cabinet médical et les services de police ou le ministère public doit aller de pair avec le respect des principes déontologiques propres à chaque profession. Il incombe au médecin de s’informer des dispositions légales et des principes de la déontologie médicale avant de transmettre des informations médicales aux autorités judiciaires et à la police.
Le médecin a le devoir déontologique de remplir honnêtement et scrupuleusement sa mission de médecin expert judiciaire en cas de réquisition par un magistrat. Une bonne communication et des accords clairs entre les deux acteurs favorisent le fonctionnement correct du système judiciaire et du secteur des soins.
Les principes déontologiques repris dans cet avis s’appliquent à tous les médecins.
Les médecins peuvent toujours s’adresser à leur conseil provincial pour obtenir un avis déontologique sur des situations concrètes.
Sources - Législation : Artt. 422bis, 458, 458bis, 458ter, Code pénal Artt. 30, 43, 44, 56, Code d’instruction criminelle Arrêté royal du 10 juin 1959 relatif au prélèvement sanguin en vue du dosage de l’alcool et fixant la date de l’entrée en vigueur de la loi du 15 avril 1958 modifiant le Code d’instruction criminelle, la loi du 1er août 1899 portant révision de la législation et des règlements sur la police du roulage et l’arrêté-loi du 14 novembre 1939 relatif à la répression de l’ivresse Loi du 21 mars 2007 réglant l’installation et l’utilisation de caméras de surveillance Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) Arrêté royal du 16 mars 1968 portant coordination des lois relatives à la police de la circulation routière - Documentation : Code de déontologie médicale, version 2018 Handboek Gezondheidsrecht Volume II, T. Vansweevelt et F. Dewallens Omgaan met beroepsgeheim, B. Hubeau, J. Mertens, J. Put, R. Roose, K. Stas, F. Vander Laenen Beroepsgeheim en hulpverlening, I. Van der Straete, J. Put Forensische geneeskunde, W. Van de Voorde Beroepsgeheim en Politie/Justitie, KNMG Samenwerkingsprotocol tussen de Limburgse algemene ziekenhuizen – Limburgse politiediensten – Parket Limburg Samenwerkingsprotocol tussen de functies gespecialiseerde spoedgevallenzorg en de lokale politie Antwerpen Samenwerkingsprotocol politiezones-huisartsen tussen de lokale huisartsenkring en artsenkring Zennevallei Protocolakkoord-organisatie en afspraken wachtdienstregeling artsen gedwongen opnames voor meerderjarigen-Parket van de procureur des Konings Oost-Vlaanderen-afdeling Dendermonde - Avis du Conseil national de l’Ordre des médecins : Caméra de vidéo-surveillance dans un cabinet médical, avis CN du 21 septembre 2019, a166010 La présence de drogue et d'armes dans les hôpitaux psychiatriques, avis CN du 19 mars 2005, a108007 Admission dans un hôpital psychiatrique - Communication à la police ou au procureur du Roi, avis CN 24 avril 1999, a085004 Délivrance d’une attestation pour un placement en cellule par la police, avis CN du 20 avril 2013, a141014-R ‘Notion d’incapacité de travail personnel’ dans le chef de la victime de coups et blessures volontaires – article 399 du Code pénal, avis CN du 6 mai 2017, a157009 Le secret médical et la justice, avis CN du 30 septembre 2013, a144011 |
[1] Par exemple à Anvers et au Limbourg
[2] Voir aussi l’avis du Conseil national de l’Ordre des médecins, La présence de drogue et d'armes dans les hôpitaux psychiatriques, 19 mars 2005, a108007
[3] Ceci vaut tant pour les situations dans lesquelles le patient est l’auteur que pour les situations dans lesquelles le patient est victime.
[4] Art. 458bis, Code pénal
[5] Ibidem
[6] Par exemple : un patient veut mourir et confie au médecin qu’il va d’abord tuer son épouse quand il rentre. D’une part, le médecin est tenu au secret professionnel ; d’autre part, il est obligé d’aide une personne en grand péril (c’est-à-dire le patient et son épouse). Le médecin peut estimer que l’obligation légale d’assistance prime sur le secret professionnel et peut en informer des tiers (par exemple les services de police).
[7] C’est par exemple le cas lorsque le patient confie au médecin qui a l’intention de tuer quelqu’un.
[8] En cas de conflit, il revient finalement au juge d’apprécier s’il est question d’un état de nécessité.
[9] Art. 30, Code d’Instruction criminelle
[10] Cependant, il n’est pas exclu que la divulgation des faits soit justifiée en invoquant l’état de nécessité, p. ex. lorsque le patient menace sérieusement le médecin, d’autres collaborateurs de l’hôpital ou d’autres patients ou détruit l’hôpital (cf. 2.1.). Le médecin du patient-auteur qui sera parfois le seul témoin de l’infraction peut appeler les services de police pour garantir la sécurité des confrères et des autres patients. Cependant, dans une telle situation, le médecin ne peut pas transmettre à la police des informations médicales relatives au patient.
[11] Par exemple l’identification du type de lésions.
[12] Les informations suivantes figurent dans cette attestation : nom et prénom du patient, date de naissance, adresse, date de soins, nom de l’hôpital, description générale des lésions, estimation de la gravité, estimation de la durée prévue d’incapacité de travail.
[13] Le conjoint, le partenaire cohabitant légal, le partenaire cohabitant de fait, les enfants, les parents, les sœurs ou les frères.
[14] Avis du Conseil national de l’Ordre des médecins, Admission dans un hôpital psychiatrique - Communication à la police ou au procureur du Roi, 24 avril 1999, a085004
[15] Interpol standing committee on DVI – Resolution AGN/65/res/13 ; Arrêté royal du 10 juin 2014 déterminant les missions et les tâches de sécurité civile exécutées par les zones de secours et par les unités opérationnelles de la protection civile et modifiant l'arrêté royal du 16 février 2006 relatif aux plans d'urgence et d'intervention ; Arrêté royal du 14 novembre 2006 relatif à l'organisation et aux compétences de la police fédérale
[16] Voir aussi avis du Conseil national de l’Ordre des médecins, Délivrance d’une attestation pour un placement en cellule par la police, 20 avril 2013, a141014-R
[17] Art. 458, Code pénal
[18] Art. 28, Code de déontologie médicale
[19] Art. 458ter, Code pénal
[20] Art. 43, 44 et 56, Code d’Instruction criminelle
[21] Art. 43, Code de déontologie médicale
[22] Arrêté royal du 10 juin 1959 relatif au prélèvement sanguin en vue du dosage de l’alcool et fixant la date de l’entrée en vigueur de la loi du 15 avril 1958 modifiant le Code d’instruction criminelle, la loi du 1er août 1899 portant révision de la législation et des règlements sur la police du roulage et l’arrêté-loi du 14 novembre 1939 relatif à la répression de l’ivresse.
[23]Arrêté royal du 17 mai 2018 déterminant les maladies contagieuses pour lesquelles la procédure visée par le `Chapitre IX. De l'analyse de la possibilité de transmission d'une maladie contagieuse grave lors de la commission d'une infraction', du livre II, titre IV, du Code d'Instruction criminelle, peut être appliquée et déterminant les laboratoires auxquels ces examens peuvent être confiés
[24] Art. 44ter et suivants, Code d’Instruction criminelle
[25] Avis du Conseil national de l’Ordre des médecins, Caméra de vidéo-surveillance dans un cabinet médical, 21 septembre 2019, a166010
Médecins se soignant eux-mêmes – recommandations déontologiques
Le Conseil national est régulièrement interrogé sur le fait de savoir s’il est déontologiquement accepté qu’un médecin effectue une prestation de soins sur lui-même.
La nature des questions reçues par l’Ordre est assez variée : elles concernent l’autodiagnostic, l’auto-certification (d’un certificat de maladie, d’incapacité de travail, ou de divers documents visant à obtenir des avantages sociaux), l’auto-prescription, etc.
En sa séance du 20 janvier 2024, le Conseil national a examiné les limites déontologiques des prestations médicales d’un médecin effectuées sur lui-même.
Les avis antérieurs du Conseil national concernant les prestations de soins effectuées sur soi-même (a130018[1], a135007[2], a137014[3], a145011[4], et a147002[5]) sont remplacés.
1. Généralités
L’article 10 du nouveau Code de déontologie médicale (2018) met en évidence un sujet jusqu’alors plutôt délaissé par la communauté médicale. L’article énonce que les médecins doivent être attentifs à leurs besoins et prendre soin d’eux-mêmes.
Prendre soin de soi, c’est être attentif à son bien-être et préserver sa propre santé, y compris par un style de vie sain. Cela évoque une dimension positive, qui n’a rien à voir avec le fait d’effectuer une prestation de soins sur soi-même ou de pratiquer l’auto-traitement, bien au contraire. Un médecin qui prend soin de lui accepte de se laisser soigner par un confrère quand c’est nécessaire.
S’il n’est pas légalement interdit aux médecins d’effectuer une prestation de soins sur eux-mêmes, la déontologie déconseille cette pratique, en raison du manque d’objectivité et de professionnalisme qui lui sont indissociables. C’est pourquoi le Conseil national recommande à chaque médecin de ne pas y recourir et d’avoir son propre médecin traitant.
2. L’auto-prescription
Dans le monde entier, les médecins considèrent normal de se prescrire des médicaments. Notre pays ne fait pas figure d’exception [6].
Selon des études internationales [7] et l’analyse des demandes d’aides dans le cadre du parcours de « Médecins en Difficulté », la prévalence de l’abus de médicaments sur prescription chez les médecins est plus élevée que dans le reste de la population.
Plusieurs facteurs sont à l'origine de ce phénomène, notamment la facilité de l’accès aux ressources, un environnement professionnel stressant et de longues heures de travail. En raison de la pudeur, de la stigmatisation et de la tendance à minimiser les symptômes qui y sont liés, l'identification de la problématique est particulièrement difficile [8].
Les organismes de réglementation de plusieurs pays ont introduit des lignes directrices allant de l'interdiction totale de l'auto-prescription au rappel de la nécessité de consulter un confrère [9].
Le Conseil national considère qu'il est déontologiquement inadmissible que des médecins s’auto-prescrivent, pour un usage chronique, des substances pouvant créer une dépendance, tels que des somnifères et anxiolytiques, des produits psychopharmaceutiques (antidépresseurs, antipsychotiques, ...), des sédatifs, des antalgiques (opiacés) et des stimulants. Compte tenu du risque important de dépendance, il est essentiel que la prescription de ces médicaments soit contrôlée par un confrère qui possède l'objectivité et le professionnalisme nécessaires pour apprécier en connaissance de cause la prescription du médicament.
Le médecin souffrant d’une dépendance peut représenter un grave problème pour la santé publique, la qualité des soins et la sécurité des patients.
La prévention, le dépistage précoce, le traitement adéquat et le suivi par une équipe de soins spécialisée sont essentiels pour garantir à la fois la santé du médecin lui-même et la sécurité des patients.
Lorsqu'un problème de dépendance est suspecté ou constaté chez un confrère, la première étape doit être d'entamer une discussion avec lui dans le but de le persuader de suivre un traitement, avec une surveillance et un suivi appropriés. Le confrère doit être guidé de manière à le convaincre de se retirer spontanément de ses fonctions si sa compétence est altérée par son état de santé.
Les médecins ont la possibilité, en concertation et en confiance, d’être mis en contact avec des conseillers spécialisés par l'intermédiaire de Médecins en Difficulté, afin d’établir et suivre une cure de désintoxication (www.médecinsendifficulté.be).
En cas de manque de compréhension de la maladie ou de risque pour la sécurité des patients, la Commission fédérale de contrôle de la pratique des soins de santé peut être avertie.
3. L’auto-certification
En raison de l’éventualité d’un conflit d'intérêts, il est extrêmement difficile, et même généralement impossible, qu’un médecin se délivre à lui-même un certificat d’incapacité de travail. En effet, le contrôle médical prévu par la loi, pour lequel le médecin contrôleur est susceptible de prendre contact avec le médecin traitant du patient [10], est inopérant si le médecin traitant et le patient sont une même personne.
Pour ces raisons, le Conseil national est d’avis qu’un employeur peut demander à un médecin de faire attester son incapacité de travail par un autre médecin.
En outre, le Conseil national estime également qu’un médecin qui ne peut pas participer à la permanence pour des raisons médicales doit le cas échéant obtenir une attestation rédigée par un confrère.
En tout état de cause, le médecin doit prendre sa décision en âme et conscience. Un certain nombre de points d’attention doivent être pris en compte, tels que la nature de l’affection et la compétence spécifique du médecin à l’égard de cette affection.
4. Facturation d’un avis ou d’une consultation (ou une autre prestation) pour soi-même à l’assurance soins de santé et indemnités
Il est déontologiquement inacceptable qu’un médecin obtienne une indemnité de l’assurance soins de santé et indemnités pour un avis ou une consultation prodigué(e) à lui-même.
5. Missions non curatives pour soi-même
De nombreux médecins sont chargés, dans une plus ou moins large mesure, de missions non curatives. Leur tâche consiste souvent à examiner une personne (victime, employé, assuré social, etc.) sans mettre en place une thérapie particulière. Sur la base de cet examen, un avis ou une décision sera ensuite communiqué(e) à une personne ou à une instance autre que la personne examinée.
La médecine de contrôle, la médecine du travail, la médecine légale et la médecine d'assurance sont des exemples typiques de missions non curatives.
Les médecins traitants sont par ailleurs régulièrement sollicités pour des missions non curatives, par exemple pour remplir des documents médicaux pour une institution d'assurance, délivrer une attestation concernant la capacité de volonté d’un patient, délivrer un certificat attestant que le demandeur est capable de manipuler une arme sans danger pour lui-même ou pour autrui, établir un certificat médical complet dans le cadre d'une mesure de protection judiciaire, etc.
Ces missions sont des missions d'expertise pour lesquelles le médecin qui les effectue doit respecter les principes déontologiques d’indépendance, d'impartialité et d’objectivité [11]. Par conséquent, ces missions ne peuvent pas être réalisées par le médecin pour lui-même
6. Conclusion
Le Conseil national déconseille au médecin d’effectuer une prestation de soins sur lui-même, tant dans l’intérêt de sa propre santé que dans celui de la sécurité des patients.
L’auto-prescription pour un usage chronique de médicaments créant une dépendance, l’auto-délivrance d’attestations et certificats médicaux, la facturation à l’assurance soins de santé et indemnités d’une prestation pour soi-même et la réalisation de missions d’expertises sur soi-même sont déontologiquement inacceptables.
Les médecins qui effectuent des prestations médicales sur eux-mêmes dans certaines circonstances et pour certaines affections mineures doivent disposer de la compétence nécessaire tenant compte de la nature de l’affection.
Un médecin se rendra coupable d’une violation de la déontologie médicale s’il outrepasse ses compétences, transgresse une disposition de la loi, se livre à des abus ou commet un faux.
[1] Avis du Conseil national du 8 mai 2010, Délivrance à soi-même d’un certificat d’incapacité de travail.
[2] Avis du Conseil national du 8 octobre 2011, Délivrance à soi-même d’un certificat d’incapacité de travail.
[3] Avis du Conseil national du 18 février 2012, Délivrance pour soi-même d’un certificat d’incapacité de travail.
[4] Avis du Conseil national du 22 mars 2014, Délivrance pour soi-même d’un certificat de maladie.
[5] Avis du Conseil national du 20 septembre 2014, Prestation médicale d’un médecin prodiguée à lui-même.
[6] Debeuckelaere R. (Ugent), Zelfmedicatie bij artsen (ongepubliceerde masterthesis, 2019), onder begeleiding van Bastiaens H. en Van den Broeck, K. (UAntwerpen); zie onder meer in https://www.lespecialiste.be/f... en https://www.medi-sfeer.be/nl/nieuws/beroepsnieuws/ldquo-zelfzorg-moet-aandacht-krijgen-tijdens-opleiding-rdquo.html (ressource en néerlandais)
[7] Lisa J Merlo, Mark S Gold, Prescription opioid abuse and dependence among physicians : hypotheses and treatment, Harvard Review of Psychiatry. 2008;16(3):181-94.doi: 10.1080/10673220802160316.
[8]https://www.knmg.nl/.../presentatie-ambassadeurs-abs-artsen (ressource en néerlandais).
[9] Physician treatment of self, family members, or others close to them, CPOS, november 2001, https://www.cpso.on.ca/Physicians/Policies-Guidance/Policies/Physician-Treatment-of-Self-Family-Members-or; Ethical responsibilities in treating doctors who are patients, Guidance from the BMA Medical Ethics Department, januari 2010, https://www.bradfordvts.co.uk/wp-content/onlineresources/looking-after-ourselves/doctors-as-patients/doctors%20who%20are%20patients%20-%20bma%20guidance.pdf, Good medical practice: a code of conduct for doctors in Australia, Ahpra and the National Boards, oktober 2020, https://www.medicalboard.gov.au/codes-guidelines-policies/code-of-conduct.aspx.
[10] Art. 31, §4, loi du 31 juillet 1978 relative aux contrats de travail.
[11] Art. 44, Code de déontologie médicale.
Cet avis remplace les avis a167013 et a167039.