keyboard_arrow_right
Déontologie

Donneurs à coeur non battant

Donneurs à cœur non battant

Un conseil provincial souhaite connaître la position du Conseil national concernant le prélèvement d'organes, à des fins de transplantation, chez des donneurs à cœur non battant. Suivant le protocole de Maastricht, quatre catégories de patients entrent en considération (allant du décès lors de l'arrivée à l'hôpital à l'état végétatif persistant). Des problèmes peuvent se poser, notamment en ce qui concerne la relation de confiance médecin-patient, la responsabilité des médecins traitants du donneur potentiel, l'indépendance des médecins de l'équipe de transplantation, etc.
Le président du conseil provincial souhaite savoir si la législation actuelle relative à la transplantation d'organes et les avis émis par le Conseil national en la matière s'appliquent aussi au prélèvement d'organes chez des donneurs à cœur non battant.

Avis du Conseil national:

En sa séance du 15 juillet 2006, le Conseil national a examiné votre demande concernant la problématique des donneurs « non-heart-beating ».

La transplantation d’organe est une modalité thérapeutique permettant la survie et la revalidation de nombreux patients. La pénurie relative d’organes à transplanter limite cependant le développement de cette thérapeutique et de nombreux patients décèdent avant de disposer de l’organe qui leur est nécessaire. Dès lors, des recherches ont été entreprises pour accroître la source de donneurs. Une des solutions possibles est le recours à des donneurs en arrêt cardiorespiratoire (« non-heart-beating donor »). Il y est fait de plus en plus fréquemment appel.

Lorsqu’un prélèvement est envisagé chez un donneur en arrêt cardiorespiratoire, des conflits peuvent surgir entre l’obligation des soins à assurer au donneur potentiel et l’importance pour les receveurs de la préservation optimale des organes à transplanter. L’assistance au donneur potentiel et à sa famille doit toujours être la priorité.

Le Conseil national estime que les règles définies dans la loi du 13 Juin 1986 sur le prélèvement et la transplantation d’organes ainsi que les recommandations reprises dans les avis du Conseil national du 20 juin 1992 (Bulletin n° 57, septembre 1992, p. 32) et du 19 février 1994 (Bulletin n° 64, juin 1994, p. 32) s’appliquent mutatis mutandis aux prélèvements effectués chez des donneurs « non-heart-beating ».

En particulier, le Registre national doit être consulté afin de s’assurer que le donneur potentiel n’a pas de son vivant exprimé d’opposition aux prélèvements d ‘organes ou de tissus.

Avis du Conseil national du 20 juin 1992, BCN 57, p. 32 :

Prélèvement de tissus sur cadavres

1. Concrètement, la question est de savoir si le prélèvement de tissus ou d'organes "à froid" est soumis aux mêmes dispositions légales que le prélèvement de tissus ou d'organes "à chaud".

2. Les chapitres III et IV, art.10 à 14, de la loi du 13 juin 1986 sur le prélèvement et la transplantation de tissus et d'organes règlent les aspects essentiels de la matière:
2.1. Ia mort doit être constatée suivant l'état le plus récent de la science
2.2. Ie prélèvement ne peut avoir lieu si le défunt s'y était opposé ou si des proches s'y opposent
2.3 Ie décès doit être constaté par trois médecins, à l'exclusion de ceux qui traitent le receveur ou qui effectueront le prélèvement ou la transplantation
2.4. Ie prélèvement des organes et la suture du corps doivent être effectués dans le respect de la dépouille mortelle et en ménageant les sentiments de la famille

3. Bien que la loi ne le mentionne pas de manière expresse, on peut déduire de l'art.11 qu'il s'agit d'un prélèvement "à chaud", c'est à dire chez une personne dont le coeur pompe encore et chez qui la pression sanguine et l'hématose tissulaire sont maintenues artificiellement.
Ces personnes ne sont donc pas mortes suivant les critères cardio respiratoires classiques, mais elles le sont, en tout cas, suivant les critères neurologiques.

4. En ce qui concerne le prélèvement de tissus ou organes "à froid" en vue de leur transplantation, donc chez des personnes qui ont été déclarées mortes suivant les critères cardio respiratoires (il s'agit de la peau, des vaisseaux sanguins, des valves cardiaques, des yeux, des osselets de l'oreille, etc.), il n'y a évidemment pas de raison de faire constater le décès par trois médecins.
Afin que le médecin qui constate le décès soit au dessus de tout soupçon, il nous paraît recommandable qu'en cette circonstance aussi, ni lui ni ses collaborateurs ne prélèvent ou n'utilisent des tissus ou organes de leurs patients (cf.2.3.).

Etant donné que le prélèvement de tissus ou d'organes "à froid" entraîne tout autant de modifications post mortem et étant donné que ces tissus ou organes sont destinés à être utilisés chez des personnes vivantes, il n'y a pas de raison de s'écarter des prescriptions de l'art.10, § 4 (1°, 2° et 3°) concernant l'opposition au prélèvement.

5. Il convient de conclure de ce qui précède que pour ce qui concerne le prélèvement de tissus et/ou d'organes "à froid" (c'est à dire un certain temps après l'apparition des signes cardiorespiratoires du décès), le chapitre III de la loi du 13 juin 1986 est d'application dans sa totalité, exception faite de ce que dispose l'art.11, 1°, à savoir qu'il suffit en l'occurrence que le décès soit constaté par un seul médecin.

6. Addendum: I'art.12 dispose que le prélèvement des organes et la suture du corps doivent être effectués dans le respect de la dépouille mortelle et en ménageant les sentiments de la famille. L'article 3 précise que tout prélèvement et toute transplantation de tissus ou d'organes doivent être effectués par un médecin dans un hôpital.
Contrairement au prélèvement "à chaud", le prélèvement "à froid" ne s'effectue pas dans la salle d'opération, mais à la morgue de l'hôpital. La morgue est partie intégrante d'un hôpital, de sorte que rien ne peut y être objecté.
Cependant, qui veillera à ce que le prélèvement soit effectué par un médecin et à ce que le corps soit suturé soigneusement et rendu présentable ?
Si on se réfère à R. DIERKENS (Les droits sur le corps et le cadavre de l'homme, Masson & Cie, Paris 1966), lequel pose qu'un cadavre ne peut faire l'objet d'un droit de propriété, mais bien d'un droit et d'un devoir d'en disposer, qui reviennent en principe aux proches parents du défunt, à moins que le procureur du Roi ou le juge d'instruction n'en dispose temporairement, on se demande qui a la disposition d'un cadavre se trouvant dans la morgue d'un hôpital, lorsque la cause du décès était une cause naturelle.
La famille a incontestablement le droit de décider du culte, de l'enterrement, etc., mais elle n'a pas librement accès à la morgue et par conséquent au corps.

Il nous paraît indiscutable que le médecin, auquel le défunt s'en était remis de son vivant, reste le gardien du corps aussi longtemps qu'il se trouve dans l'hôpital, fût ce à la morgue (ce qui équivaut tout autant à un devoir de disposition et à un droit de disposition).

En effet, c'est à ce médecin traitant qu'il appartient de requérir une autopsie diagnostique ou d'élever des objections à l'encontre d'un prélèvement de tissus ou d'organes. Dans la pratique, le droit et le devoir de disposition sont toutefois exercés, pendant la durée du séjour du corps à la morgue de l'hôpital, par le préposé (en chef) à la morgue, sur ordre de la direction.

Dans beaucoup d'hôpitaux, mais non pas dans tous, loin s'en faut, les préposés à la morgue travaillent sous la supervision de l'anatomo-pathologiste. Etant donné que, pour des raisons pratiques, le médecin traitant ne peut surveiller ce que l'on fait de celui qui fut son patient, nous pensons qu'il doit confier cette responsabilité à un confrère de l'hôpital, de préférence l'anatomo pathologiste.

Il va de soi que toutes les analyses qui assurent la qualité clinique du prélèvement, afin de garantir la sécurité du patient pour lequel ce matériel humain sera utilisé, doivent être réalisées, y compris la recherche du virus HIV, laquelle est d'ailleurs obligatoire lors d'un prélèvement de sang pour transfusion.

Avis du Conseil national du 19 février 1994, BCN 64, p. 32 :

Dons d'organes - Constatation du décès

1. Le Conseil national renvoie à la loi du 13 juin 1986 sur le prélèvement et la transplantation d'organes, et à son avis du 20 octobre 1984 (BULLETIN OFFICIEL DU CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MÉDECINS, N° 33, 1984 1985, P.32).

2. Le Conseil national renvoie à son avis du 20 juin 1992 pour ce qui concerne le prélèvement d'un organe ou d'un tissu "à froid" (BULLETIN DU CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MÉDECINS, N° 57, SEPTEMBRE 1992, P.32).

3. Le décès du donneur doit être constaté par trois médecins, à l'exclusion de ceux qui traitent le receveur ou qui effectueront le prélèvement ou la transplantation.

Par dérogation à l'avis du 20 juin 1992, le décès est constaté par trois médecins.

Par dérogation à l'avis du 20 octobre 1984, ces médecins peuvent exercer la même discipline.
Ces médecins mentionnent dans un protocole daté et signé, la date et l'heure du décès et la méthode de sa constatation. Le protocole est conservé dans le dossier médical du donneur. Dès que le décès est constaté, une perfusion froide peut être mise en place.
Les prescriptions de l'article 10 de la loi du 13 juin 1986 doivent être respectées pour que le prélèvement des reins (ou d'autres organes) puisse avoir lieu.
Le chapitre III de la loi du 13 juin 1986 est par conséquent d'application dans son intégralité.