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Déontologie

Injections du DHBP à des étrangers détenus en centre fermé, non psychotiques

Le directeur d'une ONG qui s'occupe de réfugiés et de migrants forcés interroge le Conseil national sur la pratique visant à injecter du dehydrobenzpéridol ou DHBP à des étrangers détenus en centre fermé, sans leur consentement, dans le but de les maîtriser lorsqu'ils manifestent de l'agressivité.
Il souhaite connaître les conditions nécessaires pour que cette pratique demeure conforme sur le plan déontologique.
Pratiquement, il s'inquiète de la présence ou non du médecin lors de l'injection. Il s'interroge sur l'opportunité de pratiquer des injections à des patients qui ne seraient pas des malades psychiatriques en conformité avec la loi sur les droits du patient.

Avis du Conseil national :

En sa séance du 20 février 2010, le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné votre courrier concernant la pratique visant à injecter du DHBP à des étrangers détenus en centre fermé, non psychotiques, sans leur consentement, dans le but de les maîtriser lorsqu'ils manifestent de l'agressivité.

L'arrêté royal du 2 août 2002 fixe le régime et les règles de fonctionnement applicables aux lieux situés sur le territoire belge, gérés par l'Office des étrangers, où un étranger est détenu, mis à la disposition du Gouvernement ou maintenu, en application des dispositions citées dans l'article 74/8, § 1er, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers.

1. Le chapitre II du Titre III de cet arrêté royal définit le régime disciplinaire auquel est soumis l'occupant d'un centre fermé.

Les mesures coercitives sont strictement et limitativement énumérées par l'article 104 de l'arrêté royal qui énonce :

La contrainte ne peut être utilisée que si le comportement de l'occupant constitue un danger pour lui-même, pour les autres occupants, pour les membres du personnel ou pour la sécurité, l'ordre ou les biens du centre ou les tiers. L'utilisation de la contrainte doit demeurer raisonnable et en rapport avec le but poursuivi.

Les mesures coercitives ne sont pas des sanctions mais des moyens de garder le contrôle de l'occupant.
Les moyens de coercition autorisés sont:
1° une contrainte physique;
2° une clef de bras;
3° des menottes aux poignets et/ou aux pieds.
Il ne peut être recouru à un moyen de coercition que si le précédent a échoué.

L'utilisation d'une camisole chimique est une atteinte à l'intégrité physique de l'individu qui n'est pas autorisée par le texte légal comme moyen de coercition.

L'article 105 prévoit en outre que lorsqu'un occupant met en danger par son comportement sa sécurité, celle des autres occupants, des membres du personnel, du centre ou le bon fonctionnement de celui-ci, le directeur du centre peut décider du transfert de l'occupant vers un autre centre ou établissement.

2. L'article 53 de l'arrêté royal du 2 août 2002 énonce que le médecin attaché au centre garde son indépendance professionnelle vis-à-vis du directeur du centre. Ses évaluations et décisions qui ont trait à la santé des occupants sont uniquement basées sur des critères médicaux.

Si le service médical considère que pour des raisons liées à la santé du détenu il y a lieu de recourir à une injection de DHBP, celle-ci ne peut se faire qu'avec le consentement du patient, conformément à la loi relative aux droits du patient.

Que ce soit au sein d'un établissement pénitentiaire ou à l'extérieur, un traitement de force n'est pas permis lorsque le patient dispose de suffisamment de facultés psychiques pour recevoir l'information et consentir au traitement proposé.

Ce n'est que dans l'hypothèse exceptionnelle où le patient est incapable d'exercer lui-même ses droits que le système de représentation du patient fixé par l'article 14 de la loi relative aux droits du patient intervient. Si le patient n'a pas désigné de mandataire et si la personne désignée par cette loi ne souhaite pas intervenir ou si elle fait défaut, c'est le praticien professionnel concerné, le cas échéant dans le cadre d'une concertation pluridisciplinaire, qui veille aux intérêts du patient.

Même dans cette hypothèse, le patient est associé à l'exercice de ses droits autant qu'il est possible et compte tenu de sa capacité de compréhension.

Lorsque, dans un cas d'urgence, il y a incertitude quant à l'existence ou non d'une volonté exprimée au préalable par le patient ou son représentant, toute intervention nécessaire est pratiquée immédiatement par le praticien professionnel dans l'intérêt du patient (art. 8, § 5, de la loi relative aux droits du patient).

En toute circonstance, la nécessité et l'adéquation du traitement médicamenteux appliqué au patient doivent pouvoir être démontrées.

La prescription doit être prudente, le risque médicamenteux doit être pris en considération d'autant qu'en l'espèce les antécédents du patient seront souvent ignorés.

Le patient doit faire l'objet d'une surveillance médicale attentive.

Enfin l'article 61 de l'arrêté royal du 2 août 2002 prévoit que si le médecin attaché au centre est d'avis que la santé mentale ou physique de l'occupant est sérieusement compromise par le maintien de la détention ou par quelque circonstance qui y soit liée, cet avis est soumis par la voie hiérarchique par le directeur du centre au Directeur général qui peut suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement ou de la mesure privative de liberté.

3. En ce qui concerne le cas du détenu psychotique, le Conseil national renvoie aux principes qu'il a développés dans ses avis des 12 mai 2007 (BCN n°117, p. 5) et 19 juillet 2008 (BCN 122, p. 2), ci-annexés.

Annexes : avis des 12 mai 2007 et 19 juillet 2008.