L’obligation de traitement
La question a été soumise au Conseil national de savoir si les médecins confrontés à de nouvelles pandémies doivent continuer à s’investir en dépit des risques pour leur propre sécurité et leur santé ?
Avis du Conseil national :
Cet apparent dilemme refait surface régulièrement lorsque des épidémies menacent comme, durant les dernières décennies, le SIDA, EBOLA ou SARS ou récemment encore la grippe aviaire.
Le Conseil national estime que chaque médecin a une obligation déontologique de traitement et de soins. Ceci non seulement pour ne pas s’exposer comme tout citoyen aux conséquences que la loi attache à l’abstention coupable, à la rupture d’un contrat ou d’un engagement, mais surtout aussi en raison du rôle social chargé d’espoir qu’il assume. Ainsi, le choix conscient de devenir et d’être médecin est indissociable de l’acceptation d’un devoir de traitement et de soins. Ce devoir n’est pas une condition connexe facultative. Il est au cœur même de ce qui permet de définir la profession de médecin. A cet égard, l’article 7 du Code de déontologie médicale s’énonce comme suit : « En cas de danger public, le médecin ne peut abandonner ses malades, à moins qu'il n'y soit contraint par les autorités qualifiées ».
Les obligations déontologiques plus difficiles à cerner qui déterminent l’essence d’une profession peuvent évidemment faire l’objet d’un débat social. Mais laisser s’éroder l’obligation de traitement entraînerait des préjudices inacceptables pour les patients, pour la sécurité sociale et pour les médecins.
L’acceptation par le médecin de l’obligation de traitement ne signifie pas qu’il doive faire totalement abstraction de sa propre sécurité ni d’autres devoirs conflictuels, pour la plupart d’ordre familial. Ainsi, lors de la récente menace du SARS, la crainte existait chez les dispensateurs de soins concernés de contaminer les membres de leur famille. Ils devaient faire passer loin derrière leur travail les problèmes pratiques dans l’éducation et les soins au quotidien de leurs enfants de même que les questions existentielles concernant la protection de leurs proches.
La pratique ne peut en l’occurrence se cantonner à juger du devoir dont l’appel prédomine et doit aller de pair avec une approche offrant un espace où faire coexister des valeurs antagonistes. Entre autres, l’obligation de traitement du médecin entraîne aussi des devoirs contraignants pour la société et les institutions de soins. En sus du soutien social sous forme d’assurances adéquates maladie, invalidité et décès, de soins à l’enfance, etc., elles doivent maximaliser la sécurité des divers dispensateurs œuvrant aux avant-postes. Outre la formation, le développement d’une infrastructure adaptée et l’élaboration de stratégies préventives (la plus grande frustration de spécialistes expérimentés fut de n’avoir finalement pas pu soigner correctement les victimes), une juste répartition des risques transparente, professionnelle et élaborée avec tous les intéressés est une expression minimale, sur le plan de la société et de la profession, de respect, d’équité et de solidarité.
La menace continue de nouvelles épidémies dangereuses, mais aussi d’accidents majeurs, d’attaques terroristes, de catastrophes naturelles et nucléaires ne fait pas que renouveler la confrontation de l’humanité aux risques incessants qui la guettent malgré le formidable essor de la médecine au cours des dernières décennies. Elle rappelle au médecin son importante obligation déontologique de dévouement et de secret professionnel. Elle recentre l’attention avec acuité sur la valeur fondamentale de mesures de précaution dans la pratique quotidienne en matière d’hygiène, de stérilité et de prévention des infections, et valide la recherche fondamentale et clinique, également dans les domaines qui aident à trouver une réponse organisationnelle à ces nouveaux défis.