Risque d’abstention coupable - Ebola
Le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné la question de savoir s'il n'y a pas de risque d'abstention coupable lorsqu'un hôpital non-tertiaire n'a pas recours à toutes les techniques invasives d'usage pour un patient dont l'état est très instable.
Avis du Conseil national :
En sa séance du 15 novembre 2014, le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné la demande d'avis de Monsieur Stevens, de l'Equipe de coordination Ebola, au sujet de la question de l'AZ Sint-Jan de savoir s'il n'y a pas de risque d'abstention coupable lorsqu'un hôpital non-tertiaire n'a pas recours à toutes les techniques invasives d'usage pour un patient dont l'état est très instable.
Dans un premier temps, le Conseil national renvoie à son avis du 24 janvier 2009 concernant l'obligation de traitement. Cet avis souligne que le médecin a une obligation déontologique de traitement et de soins, que ce devoir n'est pas une condition connexe facultative, mais le devoir essentiel de la profession. A cet égard, l'article 7 du Code de déontologie médicale s'énonce comme suit : « En cas de danger public, le médecin ne peut abandonner ses malades, à moins qu'il n'y soit contraint par les autorités qualifiées. ».
Accepter cette obligation de traitement ne signifie pas pour autant qu'il faille renoncer à sa propre sécurité ou être imprudent.
Ainsi, l'obligation de traitement entraîne des devoirs de préservation maximale de la sécurité du médecin, de son avenir et de ceux de ses proches, par des mesures de précaution d'hygiène et sociales adéquates, à charge non seulement du médecin concerné, mais également de l'institution et de la société.
Dans la directive « Procédure opérationnelle destinée à la maîtrise du risque de santé publique lié à l'épidémie de fièvre hémorragique à virus Ebola en cours en Afrique de l'Ouest et en RDC », l'attention est à maintes reprises attirée sur les mesures décrites sous la mention de « Possibility of VHF » de l'avis 9188 du Conseil supérieur de la santé.
L'article 422bis, alinéa 2, du Code pénal qui définit l'abstention coupable/le non-respect de l'obligation d'assistance énonce : « Le délit requiert que l'abstenant pouvait intervenir sans danger sérieux pour lui-même ou pour autrui. ».
Il ressort de ce qui précède que les soins requis ne doivent être procurés que dans le respect des mesures de sécurité précitées. Ce n'est que dans des circonstances qui permettent le respect des mesures de sécurité que l'on se rend coupable « d'abstention coupable » si on ne procure pas les soins requis.
Il ressort de la directive précitée qu'en présence d'un patient défini comme « cas probable » que le transfert de celui-ci vers l'hôpital tertiaire le plus proche est obligatoire. Dans les cas qui ne sont pas qualifiés de « cas probable », il n'y a pas de transfert prévu et l'hôpital ou le cabinet où le patient se présente doit assurer les soins de qualité, dont question à l'article 5 de la loi du 22 août 2002 relative aux droits des patients, dans les limites des mesures de sécurité mentionnées ci-dessus. Priver ce patient de soins est une violation du droit à des soins de qualité et implique l'abstention coupable. Lorsqu'un patient se présente à un hôpital ou à un cabinet de médecin et qu'on suppose qu'il s'agit d'un « cas probable » ou pire, le médecin-inspecteur d'hygiène doit immédiatement être contacté. Ce dernier est responsable de l'organisation rapide du transfert du patient vers l'hôpital tertiaire le plus proche.
Jusqu'au moment où le patient est transféré, l'hôpital ou le cabinet où le patient s'est présenté, a l'obligation de donner les soins requis au patient dans les limites des mesures de sécurité. C'est la responsabilité de chaque institution de soins de définir une procédure interne de gestion du risque sur la base des mesures décrites sous la mention de « Possibility of VHF » de l'avis 9188 du Conseil supérieur de la santé pour de pareilles situations.
Lorsqu'il s'agit d'un patient défini comme « cas confirmé », la directive stipule en outre que les actions nécessaires pour offrir des soins de qualité au patient en tenant compte de la gestion des risques de santé publique ne peuvent être entreprises que pour autant qu'elles aient été décidées par le Risk Management Group.
Le Conseil national conclut que le risque d'abstention coupable devra être apprécié au cas par cas. En fonction de la phase de gravité, les mesures qui doivent être prises dans le cadre des risques de santé publique (exposition du personnel soignant, etc.) feront que, dans les cas plus sérieux, l'aide médicale sans danger pour soi-même ou pour autrui, sera plus difficile à dispenser, vu les mesures de sécurité plus strictes, sans que l'obligation légale d'assistance de l'article 422bis du Code pénal ne soit compromise.