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Refus d'un rendez-vous pour une consulation uniquement pour des raisons de convenance personnelle du patient.
De plus en plus de patients font usage des systèmes d’agenda en ligne pour consulter un médecin généraliste. Lorsque le médecin généraliste détenteur du DMG n’est pas rapidement disponible, le patient prend rendez-vous avec un autre médecin généraliste qui peut le recevoir dans de plus courts délais.
En sa séance du 23 mars 2024, le Conseil national a examiné la question de savoir si un médecin généraliste peut refuser un patient dont le dossier médical global est détenu par un autre médecin généraliste si ce patient désire une consultation avec lui uniquement pour des raisons de convenance personnelle.
1/ Le patient a droit au libre choix du médecin et il a le droit de modifier son choix.[1]
Lorsqu’un patient inconnu du médecin généraliste prend rendez-vous avec celui-ci par le biais d’un système d’agenda en ligne, le médecin généraliste ne sait pas toujours pour quelle(s) raison(s) le patient vient en consultation. Les raisons peuvent être variées et légitimes : la recherche d’une second opinion, l’empêchement du médecin traitant détenteur du DMG, le souhait du patient de changer de médecin généraliste détenteur de son DMG, la présence d’une pathologie extrêmement urgente, etc.
En conséquence, le médecin généraliste ne peut pas refuser un patient du seul fait que le dossier médical global de ce patient est détenu par un autre médecin généraliste.
2/ Différentes obligations légales et déontologiques incombent au médecin généraliste :
- l’obligation légale d’assistance[2] en cas de pathologie extrêmement urgente ;
- la garantie de la continuité des soins[3]. Le médecin généraliste détenteur du DMG doit organiser sa pratique de façon à pouvoir répondre à son obligation de garantir la continuité des soins, et de recevoir les patients dont il détient le DMG dans un délai raisonnable ;
- le remplacement des confrères empêchés[4] ;
- la participation à la permanence médicale[5] ;
- etc.
Par ailleurs, le médecin est attentif à sa propre santé et s’efforce de maintenir un équilibre entre ses activités professionnelles et sa vie privée.[6]
Si la raison pour laquelle le patient a pris rendez-vous avec un autre médecin généraliste est purement de convenance personnelle, parce que le médecin généraliste détenteur du DMG propose une autre date dans un délai raisonnable qui convient moins au patient, le médecin généraliste peut refuser le patient.
La relation médecin-patient résulte d'un engagement volontaire entre le patient et le médecin, dans le respect de l'autonomie du médecin et du patient. Le médecin généraliste peut s'engager dans cette relation, la refuser ou y mettre un terme, en tenant compte de ses devoirs légaux et déontologiques. En cas de refus, la communication avec le patient doit être claire.
En ce sens, il est recommandé de faire en sorte que le système d’agenda en ligne soit uniquement accessible aux patient connus du médecin ou aux patients détenteurs d’un DMG. Les patients inconnus peuvent, par exemple, être invités à être contactés par téléphone pour demander au préalable les motifs de la consultation.
[1] Art. 6, loi du 22 août 2022 relative aux droits du patient ; art. 15, Code de déontologie médicale.
[2] Art. 422bis, Code pénal.
[3] Art. 17, loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé ; art. 13, Code de déontologie médicale.
[4] Art. 13, Code de déontologie médicale.
[5] Art. 17, loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé ; art. 13, Code de déontologie médicale.
[6] Art. 10, Code de déontologie médicale.
Echange d’informations entre le médecin en charge d’un enfant et celui de sa mère dans le contexte de la naissance.
Le Conseil national est interrogé concernant le respect du secret médical dans le cadre de l’échange d’informations médicales entre un gynécologue et un pédiatre en charge d’une mère et de son enfant dans le contexte de la naissance.
1. En règle, l’accord de la patiente doit être demandé pour permettre l’accès à ses données médicales par un médecin qui n’a pas de relation thérapeutique avec elle. Les raisons pour lesquelles cet accès est demandé et les informations qui sont recherchées sont préalablement portées à sa connaissance.
Ce n’est que lorsque l’urgence des soins de santé à apporter à l’enfant ne permet matériellement pas de demander à la mère son consentement que l’intérêt supérieur de l’enfant justifie de consulter les données de santé de celle-ci sans solliciter préalablement son accord.
2. Dans le contexte d’une naissance, l'échange d'informations entre les professionnels en charge de la mère et de l’enfant se fait sur la base d'une fiche de liaison (un dossier) de l'enfant.
Par définition, celui-ci reprend les informations pertinentes de la grossesse (maladies infectieuses, médicaments, complications,...) et les antécédents familiaux qui sont nécessaires pour que l’enfant reçoive des soins de qualité auxquels il a droit, dans les délais nécessaires (vaccination immédiate (hépatite b), médicaments contre la toxoplasmose, lait antiallergique pour les parents atopiques, examens complémentaires en cas d'anomalies à l'échographie fœtale, etc.).
Le recueil du consentement de la maman à la communication de données de santé la concernant à l’équipe médicale qui prend en charge son enfant peut se faire durant sa grossesse. Il s’accompagne d’une information concernant les raisons d’une telle communication et le type de données visées. Cela permet d’anticiper et de gérer dans de meilleures conditions un éventuel refus. Le médecin reste attentif au fait que la mère peut changer d’avis, dans un sens comme dans l’autre.
3. Dans l’hypothèse, exceptionnelle, où une mère refuse l’accès à ses données de santé en dépit de l’intérêt de son enfant, il convient de s’intéresser aux raisons de ce refus pour s’assurer qu’il n’est pas motivé par un malentendu ou une incompréhension qui pourrait être levé, par la crainte que le père de l’enfant ait accès à ses données (voir point 5 ci-dessous), qu’il ne s’adresse pas à un soignant déterminé et non au reste de l’équipe médicale, etc.
Face à un refus persistant, le gynécologue et le pédiatre se concertent pour décider s’il se justifie pour protéger un intérêt essentiel de l’enfant sur le plan de la santé d’outrepasser le refus de la mère.
Pour rappel l’article 22bis, alinéa 4, de la Constitution dispose que « dans toute décision qui le concerne, l'intérêt de l'enfant est pris en considération de manière primordiale ». Cette disposition a une portée générale et s’applique également en matière de santé.
Le Conseil national estime que l’intérêt de l’enfant à être en bonne santé prévaut sur le droit de sa mère au respect de sa vie privée.
Le cas échéant, la mère est informée de la consultation de ses données.
4. L’accès doit être limité aux données de santé de la mère nécessaires tenant compte du but poursuivi, en l’espèce une prise en charge médicale qualitative de l’enfant.
5. En tant que représentant légal, le père peut consulter directement ou recevoir copie du dossier médical de son enfant à l’exception des données qui concernent des tiers. La mère doit être considérée comme un tiers[1]. Le père n’a donc pas accès aux informations médicales relatives à la mère qui seraient contenues dans le dossier médical de son enfant, à moins que la mère consente à ce qu’elles lui soient communiquées.
Si l’enfant souffre d’une pathologie héréditaire ou doit prendre un traitement préventif ou curatif du fait de la situation de santé de l’un de ses parents, cet élément concerne cette fois la santé de l’enfant lui-même et ne peut pas être caché à l’autre parent exerçant l’autorité parentale[2].
6. En cas de décès de la mère, le proche qui a le droit de consultation indirecte du dossier médical de la défunte peut charger le pédiatre de prendre connaissance des informations utiles à la santé de l’enfant[3].
[1] Au sens de l’article 9, § 2, de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient
[2] Avis du 19 juin 2021 du Conseil national, Secret médical – information du père d’un nouveau-né quant au traitement prescrit à son enfant du fait de la séropositivité de sa mère, a168013.
[3] Article 9, § 4, de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient.
Voir aussi l’avis CN 17 septembre 2022, a169016.
Loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé – Difficultés et préoccupations déontologiques
Le Conseil national a effectué une étude de la Loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé (Loi qualité).
Le 11 décembre 2021, il a formulé certaines préoccupations déontologiques relatives aux articles de la Loi qualité prévus d’entrer en vigueur de manière anticipée le 1er janvier 2022 au ministre de la Santé publique.
L’analyse intégrale de la Loi qualité a été achevée. Le Conseil national met cette étude à disposition en tant que document de travail explicatif pour toutes les personnes impliquées dans les soins de santé (voir document en annexe).
Avis du Conseil national :
Le Conseil national de l'Ordre des médecins a été informé de l'approbation par le Conseil des ministres du projet d'arrêté royal fixant une date d'entrée en vigueur pour un certain nombre d'articles de la loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé.
Une Commission a été créée au sein du Conseil national pour effectuer une étude de la Loi qualité du point de vue déontologique, juridique[1] et médical. Cette analyse sera finalisée dans les prochaines semaines et communiquée à titre d'information aux médecins. En outre, le Conseil national est convaincu que cette étude peut également constituer un document de travail utile, d’une part, pour la rédaction des nombreux arrêtés royaux relatifs à l’application de la Loi qualité, et, d’autre part, pour la concertation entre les différentes professions des soins de santé.
Par la Loi qualité, l’Ordre des médecins obtient de nouvelles compétences ainsi qu’un outil supplémentaire pour évaluer les actions des médecins.
Le Conseil national regrette que la Loi qualité soit considérée comme une lexspecialis. Compte tenu de la formulation générale des exigences de qualité, applicables à tous les professionnels des soins de santé, le Conseil national estime qu'il est plus approprié de considérer la loi comme une lex generalis, qui peut être détaillée dans une législation ultérieure et, pour les aspects spécifiques, dans des règlements spéciaux.
En prévision de l’entrée en vigueur et l’exécution de l’entièreté de la Loi qualité, le Conseil national souhaite vous informer de certaines préoccupations déontologiques importantes concernant les articles de la Loi qualité qui pourraient entrer en vigueur de manière anticipée le 1er janvier 2022.
Veuillez trouver ci-dessous les obstacles et explications concernant le chapitre 2 Définitions et champ d'application (artt. 2-3) et concernant le chapitre 3 Exigences relatives à la qualité de la pratique des soins de santé, section 1 - Liberté diagnostique et thérapeutique (artt. 4-7), section 2 - Compétence et visa (artt. 8-11), section 3 - Caractérisation (artt. 12-13), section 4 - Encadrement (art. 14), section 5 - Anxiolyse et anesthésie (artt. 15-16), section 6 - Continuité (artt. 17-20), section 8 - Prescription (artt. 27-30) et section 11 - Dossier du patient (artt. 33-35).
Le Conseil national est prêt à poursuivre la concertation en vue de l'entrée en vigueur et l’exécution de la Loi qualité et reste à votre disposition, dans l'intérêt de la qualité des soins pour le patient.
Considérations et préoccupations déontologiques de l’Ordre des médecins
Concerne : loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé (loi qualité), articles qui pourraient entrer en vigueur de manière anticipée le 1er janvier 2022.
Chapitre 2 – Définitions et champ d’application (artt. 2-3)
Le Conseil national est d'avis que, de manière générale, les descriptions des concepts et définitions de la loi qualité peuvent prêter à confusion au sein du corps médical.
La définition de la « prestation à risque » est insuffisamment développée et trop restrictive. Il existe de nombreuses autres prestations qui sont considérées comme « risquées » d'un point de vue médical, mais qui ne seront pas qualifiées de « prestations à risque » selon la définition de loi qualité.
Une définition claire des différentes formes d'anesthésie, en concertation avec les associations professionnelles compétentes, est recommandée.
Enfin, on peut noter que la loi qualité accorde une grande attention aux professionnels des soins de santé qui réalisent des prestations sous anesthésie. Toutefois, cette attention particulière ne doit pas conduire à la stigmatisation de ce groupe. Il est étrange qu'une loi qualité dont le champ d'application est très large et qui comporte de nombreuses exigences générales en matière de qualité consacre un chapitre entier aux professionnels des soins de santé qui réalisent des prestations sous anesthésie. Le Conseil national est donc d'avis que la Section - Anxiolyse et anesthésie devrait plutôt être publiée sous forme d'un arrêté royal, en concertation avec les associations professionnelles compétentes des médecins spécialistes en anesthésie et réanimation.
Chapitre 3 Exigences relatives à la qualité de la pratique des soins de santé, section 1 - Liberté diagnostique et thérapeutique (artt. 4-7)
Il est positif que certaines limites déontologiques à la liberté diagnostique et thérapeutique trouvent un ancrage légal via la loi qualité. Comme le montrent la législation existante et l'article 7 du Code de déontologie médicale, la liberté diagnostique et thérapeutique est une liberté réglementée et conditionnée.
Cependant, à l’estime du Conseil national, les critères mentionnés à l'article 4 de la loi qualité par lesquels le professionnel des soins de santé se laisse guider, principalement les données scientifiques pertinentes, son expertise et les préférences du patient, manquent de clarté.
Le commentaire de l'article 7 du Code de déontologie médicale dispose que ce ne sont pas les préférences du patient mais bien son intérêt qui prime. D'un point de vue déontologique, le médecin tient compte de l'autonomie du patient et ne considère pas seulement l'état de santé du patient, mais aussi sa situation personnelle, ses besoins et ses préférences. À cet égard, le Code de déontologie médicale est plus large que la loi qualité.
Chapitre 3, section 2 - Compétence et visa (artt. 8-11)
Le Conseil national note tout d'abord l'absence de définition claire du terme « compétence ». Cette lacune pourrait avoir une incidence considérable sur la pratique des professionnels des soins de santé et entraîner des conséquences graves, telles que le retrait ou la suspension de leur visa.
Le Conseil national craint que ce critère ne donne lieu à des évaluations arbitraires de la qualité des soins. Le Conseil national préconise l'examen par des « pairs ». L'article 41 de la loi qualité ne prévoit qu'une évaluation limitée des prestations à risque. En outre, la manière dont cette disposition sera concrétisée dans la pratique n'est toujours pas claire.
L'exposé des motifs de la loi qualité lie ce concept au critère de « bon père de famille », mais le Conseil national note que cette notion existait déjà et qu'il n'était pas nécessaire de la transposer dans la Loi qualité.
Le concept de « compétence » ne doit pas être confondu avec celui de « qualification ». La compétence est l'autorisation légalement définie d'effectuer certains actes. Un médecin peut être légalement compétent pour effectuer un acte médical sans être qualifié pour le faire. À l'inverse, un professionnel des soins de santé peut disposer de la qualification pour effectuer un acte sans être compétent pour le faire.
Il convient également d'accorder une attention particulière à la distinction entre « compétence » et « qualification » dans les textes en langue française, où « compétence » est utilisé pour désigner indistinctement les deux concepts.
En outre, le Conseil national considère que le concept de « qualification » est étroitement lié au développement professionnel continu et au recyclage permanent que le médecin est tenu de suivre (fitness to practise). Dans les articles 3 et 4 du Code de déontologie médicale et leurs commentaires, le Conseil national souligne cette obligation comme étant essentielle pour la qualité des soins et la sécurité des patients. Le Conseil national demande instamment que cette exigence de qualité soit explicitement incluse pour tous les professionnels des soins de santé lors de la mise en vigueur de la Loi qualité.
Enfin, il ressort de l'exposé des motifs que le portfolio constitue une obligation supplémentaire pour le professionnel des soins de santé, en plus du système d'accréditation déjà existant. Le Conseil national demande une clarification du contenu concret de cette obligation supplémentaire.
Dans un souci de sécurité juridique pour le professionnel des soins de santé, il est important d'éviter les concepts généraux et vagues. Il faut les expliquer plus clairement. L'Ordre des médecins est prêt à collaborer à l'élaboration de définitions claires.
Chapitre 3, section 3 - Caractérisation (artt. 12-13)
Le Conseil national souligne que l'anamnèse approfondie du patient est la pierre angulaire de la démarche déontologique du médecin afin d'assurer une médecine de qualité.
Il estime que la caractérisation en elle-même sera toujours pertinente, même si le médecin fournit des soins de santé à faible risque. Une prestation de soins de santé à faible risque peut, dans certains cas, devenir une prestation à haut risque, en raison de l'état de santé du patient. Le critère ne peut se baser sur « faible » ou « haut » risque. En outre, il n'est pas facile pour les médecins d'évaluer précisément les risques à l'avance.
Par conséquent, le Conseil national est d'avis que le concept de caractérisation « pertinente » devrait être mieux défini, également en vue d'une évaluation de cette obligation qui ne peut être effectuée de manière arbitraire.
Chapitre 3, section 4 - Encadrement (art. 14)
Le Conseil national se réjouit que ce principe déontologique, que l’on retrouve à l'article 8 du Code de déontologie médicale, soit désormais également inscrit dans la loi. Toutefois, des ambiguïtés et des incertitudes juridiques subsistent. Ainsi, l’encadrement auquel est soumis le professionnel des soins de santé, par exemple un médecin hospitalier, et dont il est responsable, interfère avec celui organisé par les institutions. Dans quelle mesure cette obligation très large s'applique-t-elle à un médecin hospitalier ? Le Conseil national préconise une interprétation conforme à la norme générale de prudence. Cela signifie que le médecin ne doit pas vérifier toutes les règles prévues par les normes d’agrément, mais qu'il doit seulement agir comme un médecin diligent qui vérifie si les soins peuvent être dispensés de manière sûre et qualitative. Le médecin exerçant en cabinet privé assume lui toutes les responsabilités d’encadrement, comme expliqué dans l'exposé des motifs.
En outre, le Conseil national note qu'un concept très large et très vague est utilisé à nouveau. On pourrait déduire de l'exposé des motifs que le personnel administratif n'entre pas dans le champ d'application de la notion d’« encadrement ». Toutefois, le commentaire de l'article 8 du Code de déontologie médicale dispose que « Le médecin s'entoure de collaborateurs qualifiés, attentifs à leur formation continue et informés de leurs obligations professionnelles, notamment sur le plan du respect du secret professionnel ». En ce sens, le Code de déontologie médicale est plus large, car il couvre à la fois le personnel administratif et le personnel médical.
Chapitre 3, section 5 - Anxiolyse et anesthésie (artt. 15-16)
Le Conseil national réfère à ses observations concernant les articles 2 et 3 de la Loi qualité. En plus de la stigmatisation qui peut résulter des exigences de qualité détaillées spécifiquement pour les professionnels des soins de santé qui réalisent des prestations sous anesthésie, ce chapitre est source de confusion au sein du corps médical.
La Commission Loi qualité du Conseil national a consulté des spécialistes du domaine et a constaté que même dans cette section de la Loi qualité, des termes manquent encore ou doivent être définis, comme la « sédation profonde ».
D'une manière générale, le Conseil national est d'avis que l'entrée en vigueur de ces dispositions relatives à l'anxiolyse et à l'anesthésie doit être précédée d'une concertation approfondie avec les organisations concernées, entre autres l’Association professionnelle belge des médecins spécialistes en anesthésie et réanimation, la Society for anesthesia and resuscitation of Belgium et la Belgian Society of Intensive Care Medicine. Ces associations ont déjà élaboré un nombre considérable de directives, notamment les Belgian standards for patient safety in anesthesia, afin d'optimiser et de garantir la sécurité et la qualité dans la pratique de l'anesthésie.
Chapitre 3, section 6 - Continuité (artt. 17-20)
Le Conseil national souligne que le concept vague de « compétence » joue également un rôle essentiel dans l'obligation de garantir la continuité des soins.
La Loi qualité, contrairement à la loi coordonnée du 10 mai 2015, ne mentionne pas que la continuité des soins doit être assurée par « un médecin spécialiste porteur du titre professionnel », mais par « un professionnel des soins de santé appartenant à la même profession des soins de santé et disposant de la même compétence ». L'exposé des motifs confirme que « ce professionnel des soins de santé ne doit pas nécessairement disposer du même titre professionnel, mais de la même compétence ». D'une part, cet élargissement ou cet assouplissement permet au médecin d'assurer plus facilement la continuité des soins, notamment au sein des quelques spécialités avec un faible nombre des spécialités existantes. D'autre part, elle implique une plus grande responsabilité pour le médecin. Le médecin doit s'assurer que le médecin qu'il désigne pour assurer la continuité des soins est « compétent ».
Bien que l'article 20 de la Loi qualité ne fasse pas partie des articles susceptibles d'entrer en vigueur de manière anticipée le 1er janvier 2022, le Conseil national vous confirme qu'il prépare la nouvelle compétence qui lui est attribuée concernant la conservation des dossiers patients des médecins qui ne sont plus en mesure d’assurer la continuité des soins.
Le Conseil national envisage un système en cascade pour le transfert des dossiers patients, axé sur un dispositif permettant le transfert des dossiers d’un médecin vers un autre disposant du même titre professionnel. A défaut le Conseil national assurera la conservation.
Récemment, à la demande de nombreux médecins, l'Ordre des médecins a mis au point un coffre-fort des mots de passe sécurisé et conforme au RGPD, qui garantit l'accès aux dossiers patients même lorsqu'un médecin n'est plus en mesure d’y accéder.
Chapitre 3, section 8 - Prescription (artt. 27-30)
Le Conseil national soutient le nouveau concept de prescription collective, qui peut améliorer la qualité des soins.
Toutefois, l'application pratique de ce concept doit encore être concrétisée dans le contexte des accords de coopération. Les responsabilités des professionnels des soins de santé impliqués doivent également être clarifiées.
Enfin, les prescriptions collectives ne doivent pas restreindre la liberté de choix des patients.
Chapitre 3, section 11 - Dossier du patient (artt. 33-35)
Le Conseil national regrette que la Loi qualité n'ait pas saisi l’occasion d'unifier les réglementations fragmentées concernant le dossier du patient. Il convient également d'examiner si d'éventuelles lacunes, telles que, par exemple, le statut vaccinal du patient, dans l'énumération de l'article 33 peuvent encore être comblées.
En outre, le Conseil national est d'avis que l'article 33, alinéa 15, de la Loi qualité qui ne mentionne que les médicaments liés à la chirurgie, est incomplet. Qu'en est-il des autres médicaments, en particulier des médicaments susceptibles d'entraîner une dépendance ? Le Conseil national souligne l'importance et l'attention portées à la question de la toxicomanie.
En outre, le Conseil national estime qu'il est souhaitable d'inclure toutes les « complications » (article 33, alinéa 16, Loi qualité) dans le dossier du patient, même celles qui n'ont pas entraîné de traitement supplémentaire. Le Conseil national préconise une communication transparente concernant tous les incidents pertinents survenus au patient et se réfère à cet égard à son récent avis Soutien du Raamwerk Open Disclosure de la Vlaams Patiëntenplatform (a168023) du 20 novembre 2021.
Le Conseil national souligne l'importance de la conservation sécurisée des données traitées de manière électronique et couvertes par le secret professionnel. Le risque de fuites ou d'accès non autorisé aux données doit être évité. Lorsque le dossier est détruit, la confidentialité du contenu du dossier doit être garantie.
Enfin, le Conseil national encourage toutes les parties prenantes à envisager une vision idéale d'un dossier électronique unique dans le cloud, correctement sécurisé et établi dans un logiciel uniforme pour toutes les lignes.
[1] Le Conseil national approuve dans une large mesure l'étude publiée dans Vansweevelt, T., et al., De Kwaliteitswet, Reeks Gezondheidsrecht 23, Brussel, Intersentia, 2020.
Victime de violences policières illégitimes et rôle de l’attestation médicale en matière de preuve.
Problématique des violences policières illégitimes : l’attitude du médecin et
le rôle de l’attestation médicale en matière de preuve
1. Introduction
Un précédent avis du Conseil national de l’Ordre des médecins, Collaboration entre la police, le ministère public et les hôpitaux - Principes déontologiques[1] explique de quelle façon le corps médical et les services de police peuvent collaborer dans le respect des finalités et compétences de chacun. L’avis précité part du principe que les deux acteurs exercent leurs compétences en âme et conscience. De ce fait, il n’accorde pas d’attention aux éventuels abus tels que les violences policières illégitimes.
Suite à un rapport[2] de Police Watch, l’Observatoire des violences policières de la Ligue des droits humains, le Conseil national a examiné, en sa séance du 20 novembre 2021, la façon dont le médecin doit agir si le patient se déclare être victime de violences policières illégitimes et le rôle de l’attestation médicale en matière de preuve.
2. Déclaration par la victime
Le 8 novembre 2021, la Ligue des droits humains a lancé en Belgique néerlandophone une ligne d’assistance pour les victimes et les témoins de violences policières, appelée PoliceWatch[3]. En Belgique francophone, cette ligne d’assistance existait déjà. Son objectif est de recenser les violences policières excessives et de conseiller les victimes sur leurs droits et leurs possibilités de porter plainte.
Les victimes de violences policières illégitimes peuvent porter plainte auprès de différentes instances, notamment le Service de contrôle interne, le Comité permanent de contrôle des services de police (Comité P), l’Inspection générale, le service de médiation local, le Commissariat aux droits de l’enfant et Unia (anciennement le Centre pour l’égalité des chances).[4]
Enfin, la victime a la possibilité de déposer plainte auprès du parquet ou d’introduire une plainte en se constituant partie civile auprès du juge d’instruction.
Pour étayer la plainte, l’attestation rédigée par un médecin qui constate les lésions joue un rôle prépondérant. En effet, c’est au patient qu’il revient de participer à l’établissement de la preuve de ses allégations, motif pour lequel cette attestation médicale est indispensable. Dans ce contexte, le médecin doit remettre au patient une attestation médicale qui satisfait aux principes de la déontologie médicale tels que décrits au point 3 du présent avis.
3. Rôle de l’attestation médicale – Principes déontologiques
3.1. Principe : sur demande du patient
Le médecin remet au patient les documents médicaux dont il a besoin.[5]
Dans la plupart des cas, le patient signifiera lui-même au médecin avoir été victime de violences policières illégitimes et il lui demandera de décrire ses blessures.
Cette attestation médicale lui servira de moyen de preuve de ses allégations.
Le médecin est tenu de remettre au patient l’attestation médicale dont il a besoin. Chaque médecin devrait être capable de décrire des lésions externes que présente un patient. Néanmoins, s’il ne s’en estime pas capable, il est dans l’obligation d’informer le patient et de renvoyer le patient vers un autre médecin qualifié.[6]
Il peut également arriver que le patient soit, en raison de ses blessures, en état d’incapacité pour cause, par exemple, de coma et que ses proches réclament une attestation médicale afin de déposer une plainte. Dans ce cas, le médecin transmettra, dans l’intérêt du patient, l’attestation médicale à son représentant légal.[7]
Le médecin note dans le dossier patient s’il a rédigé une attestation, quel en est le contenu et à qui elle a été remise.
Enfin, une attestation médicale peut être remise sous pli fermé au procureur du Roi ou au juge d’instruction selon les procédures habituelles, telles que décrites dans l’avis du Conseil national de l’Ordre des médecins Collaboration entre la police, le ministère public et les hôpitaux - Principes déontologiques[8].
3.2. Contenu de l’attestation médicale – Attestation des lésions
Conscient de la confiance que la société place en sa fonction, le médecin rédige les [documents médicaux] de façon sincère, objective, prudente et discrète sans mentionner d’éléments relatifs à des tiers.[9]
L’attestation médicale qui atteste les lésions doit être claire, précise et complète.
Les blessures doivent être décrites en détail : le type de lésion (éraflure ou abrasion, contusion, hématome ou ecchymose, déchirure ou lacération, blessure occasionnée par un objet pointu, coupure, etc.), ses mensurations (sa longueur, sa largeur), la couleur, la forme, l’étendue, la localisation anatomique précise et la profondeur si c’est possible. Il est recommandé d’ajouter des photos (aperçu et détail avec dimensions) en annexe de l’attestation médicale ou de les conserver dans le dossier médical du patient.
L’attestation distingue les constatations objectives réalisées par le médecin et les plaintes subjectives rapportées par le patient. En aucun cas, le médecin ne détermine quel mécanisme a provoqué les blessures, ni qui les a infligées. Tout au plus peut-il préciser que la description relatée par le patient est compatible avec les lésions objectivement constatées si tel est le cas.
L’attestation médicale mentionne les jours d’incapacité de travail si tel est le cas.
Le médecin date l’attestation médicale du jour de sa rédaction et en ajoute une copie au dossier patient.
4. Rôle du médecin – Situations particulières
4.1. Attestation médicale concernant une disposition à l’audition ou à l’enfermement
Le médecin traitant n’a pas pour tâche de remettre une attestation d’aptitude pour audition ou enfermement. Il a le droit de refuser la demande des services de police d’établir ces attestations. Ces attestations ne peuvent être délivrées que par un médecin-expert, qui sera désigné par une autorité judiciaire.
4.2. Présence de la police lors des soins
Il est possible qu’une personne sous surveillance policière soit amenée à l’hôpital pour y recevoir des soins.
Un précédent avis du Conseil national[10] énonçait que le médecin doit permettre la présence de la police dans le local de consultation ou à proximité immédiate si l’agent de police estime que le patient constitue une menace pour l’intégrité physique du médecin ou du personnel hospitalier. Néanmoins, lorsque le patient est victime de violences policières illégitimes, il se retrouve dans une position très vulnérable. Le patient n’osera pas s’exprimer par crainte de représailles ultérieures.
Le Conseil national reconnaît la position vulnérable de la victime et attache de l’importance au droit à la vie privée et à l’intimité du patient, mais il maintient cependant son précédent point de vue, d’autant plus qu’il est très difficile pour le médecin d’estimer dans quelle mesure le patient représente un danger pour l’intégrité physique du médecin et du personnel hospitalier, dont le médecin est coresponsable.
En cas de fortes suspicions de violences policières illégitimes, le médecin peut demander à l’agent de police de s’éloigner de la salle de consultation, bien que le policier reste habilité à apprécier la situation et à ne pas tenir compte de cette demande. Le médecin renseigne sa demande et la présence de la police dans le dossier patient.
Dans ce contexte, il est aussi primordial que le médecin note les lésions dans le dossier patient, conformément aux directives du point 3.2 du présent avis.
4.3. Menottes lors des soins
Les services de police ont la compétence de menotter le patient, conformément aux principes de légalité, de nécessité et de proportionnalité.
Le médecin respecte la décision de la police de laisser le patient menotté et peut uniquement s’opposer à cette décision pour des raisons médicales, par exemple lorsque les menottes du patient empêchent la dispense de soins. Dans ce cas, le médecin et les services de police se concertent sur la façon dont chacune des parties peut remplir ses tâches de façon sécurisée et qualitative. Les médecins comme les policiers sont tenus au respect de l’obligation légale d’assistance telle que prévue à l’article 422bis du Code pénal.
4.4. Conscience juridique et médicale – modèle III C
Si le médecin qui constate le décès a un doute sur sa cause (naturelle ou violente), il complète par « oui » la rubrique « obstacle médico-légal » du volet A du formulaire III C. En outre, il indique sous le point 1 (type de décès) du volet C du même formulaire « n’a pu être déterminé ».
Le médecin en charge de la rédaction du certificat de décès doit faire son devoir de façon indépendante et objective et ne doit subir aucune pression de la part des services de police[11].
[1] Avis du Conseil national de l’Ordre des médecins du 12 décembre 2020, a167039
[2] Police Watch, « Violences policières et la charge de la preuve : le rôle du certificat médical », Analyse_LDH_Le-rôle-du-certificat-médical_version-longue_decembre-2020.pdf (liguedh.be)
[3] [3] Police Watch - Accueil; Police Watch
[4]Liga voor Mensenrechten | Dossier politiegeweld in België
[5] Art. 26, alinéa 1, Code de déontologie médicale
[6] Art. 6, Code de déontologie médicale
[7] Conformément à la cascade telle que prévue par l’art. 14, Loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient
[8] Avis du Conseil national de l’Ordre des médecins du 12 décembre 2020, a167039
[9] Art. 26, Code de déontologie médicale
[10] Avis du Conseil national de l’Ordre des médecins du 12 décembre 2020, a167039
[11] Voir aussi l’avis du Conseil national de l’Ordre des médecins du 15 février 2020 Pressions que peut subir le médecin appelé à rédiger un certificat de décès – modèle III C/D, a167003
voir AR du 23 décembre 2021 : les données nécessaires dans le DMG restent inchangées.
Dossier médical global (DMG) – Réglementation et gestion
En sa séance du 24 avril 2021, le Conseil national de l’Ordre des médecins a discuté de la législation et de la gestion du Dossier médical global (DMG).Le présent avis remplace l’avis La gestion du Dossier médical global (DMG) du 16 juillet 2011 (a134010).
Depuis sa création, le DMG a été soumis à de nombreuses évolutions, avec interactions entre le cadre légal, les accords nationaux médico-mutualistes successifs et les modifications et/ou adaptations complémentaires apportées aux dispositions INAMI.
Le contenu du DMG est fixé par l’arrêté royal du 26 janvier 2017 modifiant l’article 2, B, de l’annexe à l’arrêté royal du 14 septembre 1984 établissant la nomenclature des prestations de santé en matière d’assurance obligatoire soins de santé et indemnités.[1]
L’article 33 de la loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé (Loi qualité)[2] détermine les données que le professionnel des soins de santé doit au minimum reprendre dans le dossier patient.
La relation médecin-patient naît d’un engagement volontaire entre le patient et le médecin dans le respect de l’autonomie tant du médecin que du patient. Tous deux peuvent s’engager dans cette relation, la refuser ou y mettre fin. Le patient dispose toujours du droit de choisir librement son médecin et de modifier ce choix. Le médecin peut estimer qu’il est impossible de poursuivre une relation thérapeutique ou de réaliser une intervention ou un traitement. Il en informe à temps le patient et éventuellement ses proches et se concerte avec eux. Il organise la continuité des soins et fournit toutes les informations utiles au médecin qui reprend sa tâche (art. 32, Code de déontologie médicale).
Il découle de la définition d’une relation thérapeutique[3] l’obligation du médecin et le droit du patient à un dossier patient correctement tenu à jour[4]. L’article 22 du Code de déontologie médicale prévoit : « Le médecin tient à jour pour chaque patient un dossier dont la composition et la conservation répondent aux exigences légales et déontologiques. Dans le respect du secret professionnel, le médecin gère le dossier des patients qui est un outil de travail, un moyen de communication, un point de référence qualitatif et un élément de preuve. »
Lors d’une première consultation d’un nouveau patient, le médecin généraliste peut l’interroger sur l’existence d’un DMG chez un autre médecin généraliste. Il peut contrôler via MyCareNet[5] si les informations que le nouveau patient lui communique sont correctes. La possibilité de demander des listes est prévue tant pour le médecin généraliste (liste des patients pour lesquels il est le médecin généraliste détenteur du DMG) que pour les autres médecins généralistes et médecins-spécialistes (consultation du droit au DMG du patient).
Toutefois, si ce premier contact a lieu dans une circonstance occasionnelle (le médecin généraliste fixe est absent, injoignable ou en congé) ou si le patient sollicite simplement une « deuxième opinion » ou s’il ne veut pas encore arrêter un choix définitif désignant un (nouveau) médecin généraliste détenteur du DMG, cela doit être respecté. Dans ce cas, imposer un DMG ou en ouvrir un constitue une faute déontologique.
Le droit à des soins de qualité est un droit important du patient. Le médecin généraliste informe correctement le patient du bénéfice du DMG en tant qu’instrument de travail pour l’optimalisation et la qualité des soins et de ses conséquences sur le plan financier. Le médecin généraliste ouvre le DMG sur demande volontaire et expresse du patient[6] et avec son consentement informé. Il identifie le patient au moyen de sa carte d’identité électronique (eID). Créer électroniquement un DMG est simple ( seule possibilité depuis le 1er janvier 2021 pour avoir droit à ses avantages[7]). Le patient marque son accord en donnant son eID. Le médecin coche la case pour confirmation du consentement informé.
La relation médecin-patient repose sur la confiance et le respect mutuels, la communication et la participation. Le DMG accroît la qualité des soins, car toutes les informations concernant le patient sont recueillies et intégrées dans un dossier médical par le médecin généraliste. Ainsi, le médecin généraliste détenteur du DMG dispose d’une image complète de l’état de santé du patient.
Si un médecin généraliste intervient comme médecin remplaçant consulté pour assurer la continuité des soins, il ne peut ouvrir un DMG. Cette interdiction est absolue durant la garde de population tant les week-ends que les jours fériés. Cela s’applique également à une garde en semaine organisée par les médecins généralistes. Lorsque le médecin généraliste intervient comme remplaçant d’un confrère (absence, congé, maladie), cela ne peut entraîner aucun changement dans le statut du DMG.
Le médecin de garde a accès au Sumehr[8]. Il s’agit d’un extrait du dossier patient. Le Summarized Electronic Health Record est un document électronique reprenant les données minimales dont le médecin a besoin pour évaluer rapidement l’état de santé d’un patient et pour lui assurer ainsi les meilleurs soins possibles.
À l’instar du Sumehr, le DMG n’est pas un dossier distinct. Il comporte des éléments déterminés du dossier patient (bref contenu d’informations médicales d’urgence, antécédents importants du patient, etc.)[9].
Un autre droit essentiel du patient est l’autonomie et le libre choix : le droit à l’autodétermination du patient est indispensable à la construction d’une relation de confiance avec le médecin. Le patient a le droit, à tout moment, de choisir le professionnel avec lequel il souhaite s’engager dans une relation thérapeutique et il est toujours libre de modifier ce choix.
L’article 27, al. 2, du Code de déontologie médicale prévoit : « À la demande du patient ou avec son accord, le médecin transmet les informations et éléments pertinents à un autre professionnel de santé. »
Conformément à l’article 34 de la Loi qualité, le professionnel des soins de santé tient à jour le dossier du patient et le conserve sous une forme électronique, à partir d’une date encore à déterminer par arrêté royal.
Les articles 36 à 40 de la Loi qualité prévoient les conditions auxquelles le professionnel des soins de santé doit satisfaire pour obtenir accès aux données de santé du patient qui sont tenues à jour et conservées par un autre professionnel des soins de santé.
En cas de changement de médecin généraliste traitant, le médecin partage, dans le cadre de la continuité des soins, dans un délai raisonnable, toutes les données utiles et nécessaires ou informations pharmaceutiques concernant le patient au médecin désigné par le patient pour que le diagnostic ou le traitement soit continué ou complété[10]. Il est aujourd’hui d’usage que le médecin transfère une copie du dossier patient complet[11] au nouveau médecin généraliste via eHealth.
Le patient peut demander d’ajouter des informations médicales à son dossier patient ou de corriger des informations, dans certains cas.
Le médecin doit corriger gratuitement les erreurs qui peuvent être constatées objectivement (p. ex. diagnostic manifestement erroné, mauvais groupe sanguin du patient ou erreur d’orthographe dans son nom). En règle, le patient n’a pas le droit de faire supprimer des données médicales ou à caractère personnel pertinentes de son dossier médical. Par ailleurs, le médecin ne peut pas intégrer n’importe quelles données dans le dossier du patient ; il doit tenir compte des principes de minimisation des données, de proportionnalité et de nécessité. Pour davantage de précisions concernant ce qui précède, le Conseil national renvoie à son avis du 20 mars 2021 (a168007).
Dans le cadre de la qualité des soins, d’autres médecins généralistes de la même pratique de groupe ont automatiquement accès aux données du DMG des patients des uns et des autres lorsqu’ils y sont autorisés[12]. Le patient ne doit pas entreprendre de démarches administratives supplémentaires à cette fin et il peut refuser une relation thérapeutique avec un certain médecin de la pratique de groupe. Le médecin traitant en informe le patient au moment de la création du DMG.
Dans la pratique, la répartition et l’attribution des DMG en cas de dissolution des groupes de médecins posent parfois problèmes. Les médecins concernés doivent fixer des accords clairs dans leur contrat de collaboration. Quand un médecin généraliste quitte la pratique de groupe, le patient confirme qui est son médecin détenteur du DMG. Le Conseil national plaide pour que soit menée une réflexion afin d’accorder encore mieux le concept de pratique solo du médecin généraliste détenteur du DMG à l’évolution de la collaboration des médecins généralistes au sein de la pratique de groupe.
Les honoraires par DMG pour le médecin généraliste sont perçus une fois par année civile par patient. Depuis le 1er janvier 2021[13], la prolongation est automatique. Une consultation du patient doit avoir lieu un an sur deux[14].
La gestion d’un DMG est réservée aux médecins généralistes agréés. Tout médecin généraliste qui souhaite gérer des DMG doit satisfaire aux conditions d’obtention ou de maintien de cet agrément. Les médecins généralistes en formation ne peuvent pas ouvrir ni gérer de DMG[15].
Auparavant[16], l’un des critères du maintien de l’agrément était que le médecin généraliste dispense des soins tant en visite à domicile que dans un local de consultation. Maintenant, l’article 10 de l’arrêté ministériel du 1er mars 2010 fixant les critères d’agrément des médecins généralistes prévoit comme seul critère pour le maintien de la reconnaissance du médecin généraliste : « Le médecin généraliste agréé est tenu de maintenir et de développer ses compétences pendant toute sa carrière par une formation pratique et scientifique. »
Cependant, le Conseil national estime qu’un médecin généraliste détenteur du DMG doit pouvoir assurer des soins complets à ces patients.
Par cette analyse, le Conseil national souhaite assister les médecins généralistes dans la gestion du DMG de chaque patient avec le soin nécessaire et dans le respect des prescriptions déontologiques.
Modalités pratiques et documentation
https://www.ehealth.fgov.be/fr...
https://www.riziv.fgov.be/fr/t...(dernière mise à jour 13 juillet 2018)
https://www.inami.fgov.be/fr/p...(dernière mise à jour 2 mars 2021)
http://fra.mycarenet.be/sector...
[1]Article 1er. A l’article 2, B, de l’annexe à l’arrêté royal du 14 septembre 1984 établissant la nomenclature des prestations de santé en matière d’assurance obligatoire soins de santé et indemnités, remplacé par l’arrêté royal du 19 février 2013 et modifié en dernier lieu par l’arrêté royal du 30 novembre 2015, sont apportées les modifications suivantes :
1° le libellé et les règles d’application de la prestation 102771 sont remplacés par ce qui suit :
« Gestion du dossier médical global (DMG)
[…]
Le DMG contient les données suivantes mises à jour régulièrement :
a) les données socio-administratives;
b) les antécédents;
c) les problèmes;
d) les rapports des autres dispensateurs de soins;
e) les traitements chroniques;
f) les mesures préventives adoptées en fonction de l’âge et du sexe du patient et portant au minimum sur :
1. le mode de vie (alimentation, activité physique, consommation de tabac et d’alcool);
2. les maladies cardiovasculaires (anamnèse, examen clinique, acide acétylsalicylique pour les groupes à risque);
3. le dépistage du cancer colorectal, du cancer du sein et du col utérin;
4. la vaccination (diphtérie, tétanos, grippe et pneumocoque);
5. les dosages biologiques : lipides (> 50 ans), glycémie (> 65 ans), créatinine et protéinurie (pour les groupes à risque);
6. le dépistage de la dépression;
7. les soins bucco-dentaires;
g) pour un patient de 45 à 74 ans qui bénéficie du statut affection chronique, diverses données cliniques et biologiques utiles à l’évaluation de l’état de santé du patient et à l’amélioration de la qualité des soins. » […]
[2] La Loi qualité entre en vigueur le 1er juillet 2021.
[3]Pour l’application de l’alinéa 1er, on entend par relation thérapeutique toute relation entre un patient et un professionnel des soins de santé dans le cadre de laquelle des soins de santé sont dispensés. (Loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé, art. 37, al. 2)
[4] Loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient, art. 9, § 1
[5] MyCareNet est une initiative commune du Collège intermutualiste national (CIN), de eHealth (le portail santé des autorités belges) et de l’INAMI (http://fra.mycarenet.be/sector...)
[6] L’art. 1, 1°, al. 2, de l’arrêté royal du 26 janvier 2017 modifiant l’article 2, B, de l’annexe à l’arrêté royal du 14 septembre 1984 établissant la nomenclature des prestations de santé en matière d’assurance obligatoire soins de santé et indemnités prévoit : « La gestion du DMG est réalisée à la demande du patient ou de son mandataire dûment identifié; cette demande figure dans le dossier du patient ».
[7] L’INAMI a mis à jour sa page internet concernant le DMG
(https://www.riziv.fgov.be/fr/professionnels/sante/medecins/qualite/Pages/dossier-medical-global.aspx).
Depuis le 1er janvier 2021, le médecin généraliste reçoit uniquement des honoraires pour la gestion du DMG s’il utilise un dossier médical électronique (DME). Le DME doit être géré au moyen d’un logiciel enregistré par la plate-forme eHealth.
[8] Cf. https://www.vitalink.be/beknopte-medische-dossiers-delen-sumehr
La création d’un Sumehr se fait par un clic du médecin dans le logiciel. Il comporte des informations issues du dossier patient. En outre, il est possible de retrouver via COZO des lettres de spécialistes de tous les hôpitaux belges, de spécialistes collaborant en dehors de l’hôpital, de laboratoires, entre autres.
[9] Art 1, arrêté royal du 26 janvier 2017 modifiant l’article 2, B, de l’annexe à l’arrêté royal du 14 septembre 1984 établissant la nomenclature des prestations de santé en matière d’assurance obligatoire soins de santé et indemnités
[10] Code de déontologie médicale, art. 26
[11] La loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient, art. 9, § 2, prévoit que le patient a droit à la consultation du dossier le concernant.
[12]https://www.inami.fgov.be/fr/professionnels/sante/medecins/qualite/Pages/dossier-medical-global.aspx#Continuit%C3%A9_des_soins_:_Vos_DMG_accessibles_pour_les_autres_m%C3%A9decins_g%C3%A9n%C3%A9ralistes_autoris%C3%A9s_dans_une_seule_et_m%C3%AAme_pratique_de_groupe
[13] À partir de 2021, les honoraires DMG seront versés chaque année proactivement en février. Le calcul repose sur le nombre de DMG enregistrés au 31 décembre de l’année précédente sur MyCareNet pour tous les patients inscrits auprès de la même mutualité. Pour les nouveaux patients qui souhaitent ouvrir un DMG après février, le médecin reçoit un honoraire pour cette année, après notification sur MyCareNet. Pour les patients ayant un DMG qui changent de médecin, le nouveau médecin reçoit les honoraires l’année suivante.
[14] Les honoraires pour le DMG ne sont donc plus liés à un contact patient annuel obligatoire.
[15] Art. 1, arrêté royal du 26 janvier 2017 modifiant l’article 2, B, de l’annexe à l’arrêté royal du 14 septembre 1984 établissant la nomenclature des prestations de santé en matière d’assurance obligatoire soins de santé et indemnités
[16] L’arrêté ministériel du 21 février 2006 fixant les critères d’agrément des médecins généralistes cité dans l’avis du Conseil national du 16 juillet 2011 a été abrogé par le Conseil d’État. Actuellement, il existe l’arrêté ministériel du 1er mars 2010 fixant les critères d’agrément des médecins généralistes.
Droit du médecin hospitalier à accéder aux données à caractère personnel contenues dans le dossier hospitalier afin de se défendre en justice
Le présent avis concerne le droit du médecin hospitalier à accéder aux données à caractère personnel contenues dans le dossier hospitalier de l’institution dans laquelle il exerce, concernant un patient avec lequel le médecin hospitalier a eu une relation thérapeutique, afin de se défendre en justice ; il ne s’étend pas à d’autres traitements de ces données par l’hôpital ou le médecin hospitalier.
1. Le RGPD[1] s’applique au traitement des données contenues dans le dossier hospitalier.
Le responsable du traitement du dossier hospitalier veille à ce que le traitement des données à caractère personnel relatives à la santé qu’il contient soit conforme à toutes les exigences imposées par le RGPD[2].
L’hôpital établit un règlement relatif à la protection de la vie privée qui est porté à la connaissance des patients de cet hôpital[3], tient une liste des catégories de personnes qui ont accès aux données à caractère personnel concernant la santé avec une description précise de leur fonction par rapport au traitement des données de santé[4] et tient un registre des activités de traitement[5].
Avant de traiter les données contenues dans le dossier hospitalier pour se défendre en justice, le médecin hospitalier vérifie si, ce faisant, il agit sans contrevenir à ses engagements et à ceux de l’hôpital envers les patients en ce qui concerne le traitement de leurs données, tels que ceux-ci en ont été informés[6].
Si les documents précités ne prévoient pas que le médecin hospitalier peut traiter les données de santé contenues dans le dossier hospitalier aux fins de se défendre en justice, celui-ci consulte le délégué à la protection des données[7] de l’hôpital qui l’aidera à appréhender ses obligations en matière de respect des règles relatives à la protection des données.
Le traitement des données à caractère personnel en vue de se défendre en justice est une exception à l’interdiction de traiter des données à caractère personnel relatives à la santé[8]. Un tel traitement devra satisfaire à toutes les conditions imposées par le RGPD, ce qui implique notamment l’information de la personne concernée quant au traitement de ses données pour l’exercice du droit à la défense en justice[9], que les données à caractère personnel relatives à la santé utilisées issues du dossier hospitalier seront adéquates et pertinentes dans ce contexte et qu’il ne sera pas traité plus de données qu'il n'est nécessaire[10].
2. Les règles en matière de protection des données et de secret médical[11] sont complémentaires, les unes ne dérogeant pas aux autres.
La jurisprudence a admis que l’article 458 du Code pénal n’entraîne pas une obligation absolue au silence lorsque celui qui est lié au secret doit se défendre en justice.
De l’avis du Conseil national, il ne peut s’en déduire que l’obligation au secret disparaît mais que le médecin peut être justifié à lever le secret dans les limites nécessaires aux besoins de sa défense, soit de manière proportionnée et pertinente.
3. La confiance du patient est essentielle au développement des outils technologiques qui, par l’échange et l’accès aux données qu’ils permettent, offrent des bénéfices en termes de qualité des soins, de continuité des soins mais aussi de support pour l’exercice de la profession.
Il incombe aux médecins de ne pas saper cette confiance ni celle des confrères qui partagent les données qu’ils ont collectées en négligeant les principes relatifs au secret médical et au traitement des données à caractère personnel.
Enfin, le Conseil national attire l’attention des médecins sur les règles auxquelles la loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé, qui entre en vigueur le 1er juillet 2021, subordonne l’accès aux données de santé[12].
[1] Règlement (UE) 2016/679 du parlement européen et du conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données)
[2] Art. 4, 7), art. 5.2. et art. 24, RGPD
[3] Annexe N1, Annexe A, III. Normes d’organisation, 9°quater, de l’arrêté royal du 23 octobre 1964 portant fixation des normes auxquelles les hôpitaux et leurs services doivent répondre
[4] Art. 9, 1° de la loi du 30 juillet 2018 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et art. 32.4 RGPD
[5] Art. 30, RGPD
[6] Art. 13, RGPD
[7] Art. 39, RGPD
[8] Art. 9.2, f), RGPD
[9] Art. 13, RGPD
[10] Art. 5.1, a), b) et c), RGPD
[11] Art. 458, Code pénal
[12] Art. 36 à 40 de la loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé
Cet avis remplace les avis du Conseil national du 9 février 2013 (a140021-R) et du 19 septembre 2020 (a167022-R)