Mention "confidentiel" sur des rapports médicaux
Mention « confidentiel » sur des rapports médicaux
Un conseil provincial soumet une question d’un médecin concernant le droit de consultation par le patient des comptes rendus médicaux contenus dans son dossier, sur lesquels leur auteur a apposé la mention « strictement confidentiel » ou « confidentiel » ou « document à ne pas communiquer au patient ». Le médecin concerné demande si cette mention a une quelconque valeur juridique.
Avis du Conseil national :
Composition du dossier médical
La question soulevée fait apparaître à juste titre que cette éventualité n'est pas prévue par la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient.
Le Conseil national estime que tous les comptes rendus médicaux de tous les médecins consultés doivent se trouver dans le dossier médical et que, en tant que détenteur du dossier, le médecin traitant n'est pas autorisé à ne pas reprendre certains comptes rendus dans le dossier au motif qu'ils portent la mention "confidentiel".
L'arrêté royal du 3 mai 1999 déterminant les conditions générales minimales auxquelles le dossier médical, visé à l'article 15 de la loi sur les hôpitaux, coordonnée le 7 août 1987, doit répondre, désigne en son article 2, §1er, parmi les documents et renseignements que doit comporter le dossier médical, sous 3° "les résultats des examens cliniques, radiologiques, biologiques, fonctionnels et histopathologiques" et sous 4° "les avis de médecins consultés".
L'arrêté royal du 3 mai 1999 relatif au dossier médical général dispose que le "dossier médical général" (du médecin généraliste) comprend notamment "les rapports de médecins spécialistes et d'autres prestataires de soins".
Il ressort de ces textes que tous les rapports doivent figurer dans le dossier médical et que le détenteur du dossier ne peut pas n'en retenir qu'une sélection. Le Conseil national estime en outre déontologiquement indiqué, pour la garantie de la qualité et de la continuité des soins, de reprendre dans tous les dossiers médicaux tous les résultats d'examens et tous les rapports de tous les spécialistes consultés. L'article 9, §1er, premier alinéa, de la loi relative aux droits du patient dispose d'ailleurs que le patient a droit à un dossier soigneusement tenu à jour et "conservé en lieu sûr".
Droit de consultation du dossier médical
L'article 9, §2, premier alinéa, de la loi relative aux droits du patient dispose que le patient a droit à la consultation du dossier le concernant. Il est évident qu'il doit exercer ce droit à l'égard du médecin chargé de tenir à jour son dossier et de le conserver. La décision d'accorder la consultation du dossier, en tout ou partie, ou de ne pas l'accorder relève de ce médecin. Il prend cette décision de manière autonome, sans obligation aucune de s'informer de l'avis des auteurs des rapports médicaux qui se trouvent dans le dossier. Les mentions "strictement confidentiel", "confidentiel" ou "document à ne pas communiquer au patient" apposées sur certains documents par leurs auteurs ne lient pas le détenteur du dossier. Ces mentions ne constituent à son égard qu'un signal lui indiquant la prudence dans le maniement de ces documents lorsque le patient souhaite exercer son droit de consultation.
La loi relative aux droits du patient prévoit trois restrictions au droit de consultation du dossier par le patient. L'article 9, §2, troisième alinéa, dispose que les annotations personnelles d'un praticien professionnel et les données concernant des tiers n'entrent pas dans le cadre de ce droit de consultation tandis que l'article 7, §4, premier alinéa, dispose que le praticien professionnel peut, à titre exceptionnel, ne pas divulguer des informations au patient "si la communication de celles-ci risque de causer manifestement un préjudice grave à la santé du patient et à condition que le praticien professionnel ait consulté un autre praticien professionnel". Il s'agit de ladite « exception thérapeutique ».
Les rapports médicaux des médecins consultés ne peuvent être considérés comme des annotations personnelles, car ils perdent leur caractère personnel du fait de leur communication à un confrère (cf. Exposé des motifs de la loi relative aux droits du patient concernant l'article 9, §2, troisième alinéa, p.33).
Mais les rapports médicaux des médecins consultés peuvent contenir des données qui ont trait à des tiers. Il n'est par conséquent pas exclu que l'auteur d'un rapport médical y appose la mention "confidentiel" lorsqu'un passage de son rapport contient des données dont le patient n'a pas lui-même connaissance, par exemple des antécédents familiaux. Il est recommandé en ce cas que l'auteur du rapport scinde son rapport en deux parties dont une seule comporte les données relatives à des tiers. De cette manière, il signalera clairement au destinataire du rapport quelles sont les données dont le patient ne peut prendre connaissance. Cette éventualité ne sera que très exceptionnelle.
Si un rapport médical porte la mention "confidentiel", "strictement confidentiel" ou "document à ne pas communiquer au patient", il s'agit généralement d'une information qui ne peut être divulguée au patient en raison d'un diagnostic grave ou d'un pronostic fatal et de l'inaptitude du patient à recevoir cette information, suivant l'auteur du rapport. Cette opinion du médecin consulté constitue évidemment un élément important pour le médecin traitant, mais comme exposé ci-dessus, c'est à lui qu'il appartient de décider de communiquer ou de taire cette information.
Si cette information n'est pas divulguée au patient, les conditions définies à l'article 7, §4, de la loi doivent être respectées. Ainsi, le médecin traitant doit notamment consulter un confrère. Le Conseil national estime que la mention "confidentiel" sur le rapport médical ne suffit pas pour qu'il soit satisfait à cette obligation. Le médecin qui souhaite recourir à l'exception thérapeutique, doit consulter un « troisième médecin ».
Le Conseil national souligne que le législateur ne prévoit la possibilité de recourir à l'exception thérapeutique lors de l'information du patient qu'à titre exceptionnel seulement. Lors d'une demande de consultation du dossier, il est nécessaire de vérifier si les raisons invoquées pour ne pas divulguer certaines informations sont toujours d’actualité. Si tel est le cas, le patient exerce son droit de consultation par l'intermédiaire d'un médecin désigné par lui (article 9, §2, cinquième alinéa).
Quelques questions complémentaires
Quelques autres questions complémentaires sont posées dans la lettre adressée au Conseil national. Ainsi, l'on s'interroge à propos de la valeur juridique desdites mentions sur les rapports médicaux. Il ressort de ce qui précède que ces mentions n'ont pas un caractère contraignant à l'égard du détenteur du dossier médical, mais qu'elles doivent être considérées comme un signal de prudence dans la manipulation de ces données. Si le fait d'accorder ou de ne pas accorder la consultation de ces données au patient devait exceptionnellement conduire à une procédure en justice, seul le détenteur du dossier médical qui a décidé de manière autonome d'accorder ou non la consultation, en tout ou en partie, devra répondre de sa décision devant la Justice.
Le Conseil national estime en outre qu'il ne serait pas judicieux de conseiller au patient concerné de prendre contact avec le médecin ayant noté sur son rapport que le contenu de ce rapport ne doit pas lui être divulgué. Ce n'est pas ce médecin qui décide finalement de la consultation ou de la non-consultation du document.
Il est hautement recommandé de tenir compte, lors de la rédaction d'un rapport, du fait que la décision concernant la communication du contenu de ce rapport au patient sera prise non par l'auteur du rapport mais par son destinataire. Si l'auteur du rapport souhaite donner un signal au destinataire, il peut mentionner "confidentiel" sur le rapport, mais il est contre-indiqué d'y inscrire "pièce à ne pas communiquer au patient".