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Hôpitaux20/01/2024 Code de document: a171002
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Cet avis remplace les avis a167013 et a167039.

Collaboration entre la police, le ministère public et les hôpitaux, les postes de gardes de médecine générale et les cabinets médicaux – Principes généraux

En sa séance du 20 janvier 2024, le Conseil national de l’Ordre des médecins s’est penché sur l’avis relatif à la collaboration entre la police, le ministère public et les hôpitaux et l’a étendu aux postes de garde de médecine générale et aux cabinets médicaux.

Cet avis remplace les avis a167013 et a167039.

Contenu

1. Introduction

2. Situations particulières

2.1 Le patient commet un fait punissable dans l’hôpital, le poste de garde ou le cabinet médical

2.2 Le médecin a connaissance d’un fait punissable – patient en tant qu’auteur ou victime

2.3 Stupéfiants sur ou dans le corps du patient

2.4 Patient sous surveillance policière

2.5 Donner priorité à la police au service d’urgence, au poste de garde ou au cabinet médical

2.6 La police pénètre dans l’hôpital, le poste de garde ou le cabinet médical

2.7 La police demande des informations sur les interventions à l’hôpital

2.8 Interrogatoire à l’hôpital, au poste de garde ou au cabinet médical

2.9 Personnes disparues

2.9.1 Appréciation du caractère « inquiétant » de la disparition

2.9.2 Recherche du patient

2.9.3 Pour la rédaction d’un dossier ante mortem

2.10 Attestation médicale concernant une disposition à l’enfermement

2.11 Moyens légaux soutenant l’information ou l’instruction

2.11.1. Témoignage en justice

2.11.2. Concertation

2.11.3. Désignation d’un médecin expert judiciaire pendant l’enquête – Prise de sang ou salive dans le cadre de la détection d’une intoxication (alcool, drogues) ou pour déterminer le profil ADN

2.11.3.1. Généralités

2.11.3.2. Prélèvement sanguin dans le cadre judiciaire

2.11.3.3. Application spécifique : prélèvement sanguin dans le cadre judiciaire si la victime a potentiellement été contaminée par une maladie grave à la suite d’un fait punissable

2.11.3.4. Test ADN

2.12. Caméras de surveillance pour éviter ou constater les délits en milieu hospitalier, au poste de garde ou au cabinet médical

3. Conclusion

1. Introduction

Dans le cadre du fonctionnement de l’hôpital, du poste de garde et du cabinet médical, les médecins visent une autre finalité que les services de police et les parquets. La mission des premiers est de dispenser des soins de qualité à tout patient qui se présente, tandis que celle des seconds est de garantir la sécurité de la société et de faire des constatations objectives pour faciliter par la suite la découverte de la vérité judiciaire.

Cependant, ces deux groupes d’intervenants sont régulièrement en contact et la situation les oblige à collaborer, nonobstant leurs objectifs et normes souvent divergents. Ainsi, le médecin est tenu au secret professionnel, alors que la police, dans le cadre d’une enquête, tente de recueillir autant d’informations que possible sur un potentiel auteur ou sur une victime. D’autres droits fondamentaux, comme le droit aux soins et le droit de la défense, restent d’application.

Le cadre légal prévu n’est souvent pas suffisamment connu, tant par les médecins que par les services de police, ou n’indique pas assez clairement comment les deux acteurs doivent agir dans une situation spécifique. Dans certaines régions[1], les hôpitaux, les cercles de médecins généralistes, la police et le ministère public ont rédigé un protocole de collaboration, qui fixe plusieurs accords sur la façon dont les interactions entre eux doivent se dérouler en vue d’une efficacité maximale des deux services.

De tels protocoles favorisent une collaboration aisée entre les différents acteurs sur le terrain et offrent une réponse à plusieurs situations spécifiques. Cependant, le risque existe que chaque région rédige des accords différents ou contraires à la législation existante ou à la déontologie médicale.

Pour éviter ces cas de figure, le Conseil national donne, dans le présent avis, un aperçu des principes déontologiques que le médecin doit prendre en compte dans une situation spécifique, dans le respect du droit à la vie privée, du secret professionnel, de l’accès aux soins, de la qualité des soins, de la sécurité du patient, de la dignité humaine et de l’autonomie du patient.

2. Situations particulières

2.1. Le patient commet un fait punissable dans l’hôpital, le poste de garde ou le cabinet médical

Si un patient se rend coupable d’un fait punissable envers un autre patient, un médecin, le personnel ou l’hôpital, le poste de garde ou le cabinet médical peut porter plainte auprès de la police. Il peut par exemple s’agir de menaces à l’encontre du médecin, de violences physiques à l’égard de collaborateurs ou de patients, de destructions dans le local de consultation ou aux infrastructures de l’hôpital, de la possession d’armes dangereuses[2], etc.

Le médecin donne à la police le nom de l’auteur et le lieu où les faits se sont produits. Les données médicales de l’auteur ne sont pas divulguées.

La police qui se rend sur place a accès au local où le patient se trouve et où les faits se sont produits pour pouvoir faire les premières constatations.

2.2. Le médecin a connaissance d’un fait punissable– patient en tant qu’auteur ou victime

Lorsque le médecin apprend dans l’exercice de sa profession que le patient a commis un fait punissable, cela relève du secret professionnel.

De même, lorsque le médecin apprend dans l’exercice de sa profession que le patient a été victime d’un fait punissable, cela relève du secret professionnel et le médecin respecte le choix de la victime de ne pas porter plainte auprès de la police.

Pour certaines infractions commises sur un mineur ou une personne vulnérable, l’article 458bis du Code pénal dispose que le médecin peut briser son secret professionnel, moyennant le respect de certaines conditions.[3] C’est le cas en particulier d’infractions qui portent gravement atteinte à l’intégrité physique d’un mineur ou d’une personne vulnérable, comme la traite d’êtres humains, l’assassinat ou des violences conjugales, abus de nature sexuelle, comme un attentat à la pudeur ou le viol d’un enfant ou d’une personne handicapée.[4]

Si le médecin a connaissance d’un délit précité et s’il estime qu’il existe un danger grave et imminent que l’auteur récidive et s’il n’est pas en mesure de protéger, seul ou avec l’aide de tiers, l’intégrité physique ou psychique du mineur ou de la personne vulnérable, il peut en informer le procureur du Roi.[5]

Outre l’exception légale de l’article 458bis du Code pénal, le médecin est soumis à l’article 422bis du Code pénal qui comporte une obligation légale d’assistance envers une personne exposée à un péril grave. Dans certaines situations, il n’est pas évident de concilier ces deux normes, à savoir le secret professionnel et l’obligation légale d’assistance.[6] Dans le cas d’un tel conflit de devoirs, « l’état de nécessité » peut être d’application.

L’état de nécessité est une notion issue de la doctrine et de la jurisprudence, impliquant que, dans des circonstances exceptionnelles, la transgression d’une norme pénale (par exemple la violation du secret professionnel) ne sera pas punie lorsque cette infraction peut être justifiée pour protéger un autre intérêt ayant une même valeur ou une valeur considérée supérieure ou en prévention d’une autre infraction (par exemple un meurtre). Une violation du secret professionnel peut exceptionnellement être justifiée si un danger grave, actuel et certain ne peut être évité autrement.[7] Tout dépend des circonstances de fait pour qu’il soit question d’état de nécessité. Il incombe au médecin de confronter les deux normes ou intérêts.[8]

Enfin, conformément à l’article 30 du Code d’instruction criminelle, toute personne qui a été témoin d’une atteinte, soit à la sécurité publique, soit à la vie ou à la propriété d’une personne, est obligée de le signaler au procureur du Roi, soit du lieu du délit ou du crime, soit du lieu où peut se trouver le suspect.[9]

Dans le cadre de la relation de soins entre un médecin et un patient, cette obligation générale de déclaration de crime de violence et contre la propriété est contraire au secret professionnel. Par conséquent, la doctrine et la jurisprudence énoncent que la déclaration obligatoire contenue à l’article 30 du Code d’instruction criminelle ne s’applique pas à une infraction commise par un patient.[10]

Si un patient a été la victime d’une infraction, l’obligation générale de déclaration, lue en lien avec les exceptions de l’article 458bis du Code pénal, doit être nuancée. L’objectif ne peut jamais être de faire une déclaration d’un délit lorsque cela va à l’encontre des intérêts du patient. Dans le cadre de la relation de soins, une déclaration sera uniquement faite après une évaluation réfléchie des différentes normes. Par conséquent, il est question d’un droit de parole et non d’une obligation.

2.3. Stupéfiants sur ou dans le corps du patient

Le médecin qui découvre pendant l’examen ou le traitement des stupéfiants sur ou dans le corps d’un patient remet ces stupéfiants, dans les plus brefs délais, aux services de police sans mentionner de données à caractère personnel ou médical du patient, à moins qu’il ne soit question d’une exception au secret professionnel (cf. 2.2). Ceci est communiqué au patient et indiqué dans son dossier. Il est primordial que le patient continue à avoir confiance dans le médecin et les soins qu’il lui prodigue et qu’il lui soit clairement expliqué que le médecin n’a pas de compétence de recherche et que son identité ne sera pas divulguée aux services de police.

Dans ce contexte, le médecin peut prendre en compte le principe de proportionnalité.

2.4. Patient sous surveillance policière

Si la police estime qu’un patient accompagné d’agents constitue une menace pour l’intégrité (physique) du personnel, le médecin autorise la police à être présente dans la zone de traitement ou dans l’environnement immédiat.

Le médecin respecte la décision de la police de laisser le patient menotté et peut uniquement s’opposer à cette décision pour des raisons médicales, par exemple lorsque les menottes du patient empêchent fortement la dispense de soins. Dans ce cas, le médecin et les services de police se concertent sur la façon dont ils peuvent, chacun, remplir leurs tâches de façon sécurisée et qualitative. Les deux sont tenus au respect de l’obligation légale d’assistance telle que prévue à l’article 422bis du Code pénal.

2.5. Donner priorité à la police au service d’urgence, au poste de garde ou au cabinet médical

Pour autant que l’urgence des soins à prodiguer à d’autres patients le permette, le médecin donne priorité au patient sous surveillance policière ou à l’agent de police qui, dans l’exercice de ses fonctions, est lui-même blessé ou a besoin de soins.

2.6. La police pénètre dans l’hôpital, le poste de garde ou le cabinet médical

La police peut pénétrer librement dans les espaces publics, tels que le hall d’accueil, la salle d’attente et les couloirs.

Il est uniquement permis de pénétrer dans le local de consultation moyennant l’accord du patient et du médecin traitant. Ce dernier s’y opposera seulement si cette intrusion dans le local empêche gravement la dispense de soins.

Dans un contexte hospitalier, il est seulement autorisé de pénétrer dans la chambre du patient moyennant son autorisation, sauf en cas de flagrant délit ou sur ordre du juge d’instruction conformément à l’article 89bis du Code d’Instruction criminelle.

2.7. La police demande des informations sur les interventions à l’hôpital

Les services de police qui mènent l’enquête essayent de recueillir autant d’informations que possible, notamment des informations médicales sur un auteur potentiel ou une victime.

Le médecin traitant est tenu au respect du secret professionnel et ne peut en principe pas transmettre d’informations médicales aux services de police. Ceci complique l’enquête et n’est pas favorable, plus tard, à la découverte de la vérité par le juge, en particulier lorsque l’agent de police interprète la situation médicale d’une façon qui ne correspond pas complètement à la réalité médicale.[11]

La relation de confiance entre le médecin et le patient prime et le médecin doit être très prudent quant à la violation du secret professionnel. Une attitude trop laxiste par rapport au secret professionnel peut entraîner des risques plus grands que les dangers ou inconvénients qui peuvent éventuellement être prévenus.

Cependant, le patient peut être demandeur de communiquer des informations médicales aux services de police ou au parquet. Le patient a le droit de disposer lui-même des informations médicales le concernant et de collaborer avec les services de police. Dans ce cas, le médecin peut accepter de rédiger une attestation médicale spécifique, comprenant des données médicales limitées[12], qui est remise à la police par l’intermédiaire du patient. Le médecin a pour tâche de protéger le patient de la transmission de ses données médicales à des tiers et de l’informer des conséquences possibles du transfert de ses données médicales aux services de police.

Le médecin note dans le dossier patient s’il a rédigé une attestation, quel en était le contenu et s’il a délivré ce document au patient ou directement aux services de police à la demande du patient.

Enfin, le médecin informe le patient de la possibilité de rédiger un rapport médical circonstancié. Le patient peut opter pour ajouter ce rapport au dossier de police, éventuellement ultérieurement. Le cas échéant, le médecin adresse le rapport sous pli fermé à l’éventuel médecin expert judiciaire et le transmet aux services de police avec la mention « secret médical ».

Si le patient n’est pas capable d’exprimer sa volonté, il est d’usage que le médecin transmette un certificat médical, avec un nombre limité de données médicales, au représentant du patient ou à des membres de la famille[13] en cas d’absence du représentant.

En cas d’absence du représentant ou des membres de la famille, le médecin peut remettre, dans l’intérêt du patient, un certificat médical avec un nombre limité de données médicales aux services de police après avoir considéré le principe de proportionnalité et si nécessaire. Des exemples d’un tel certificat figurent dans l’annexe 1.

2.8. Interrogatoire à l’hôpital, au poste de garde ou au cabinet de médecine

Si la police estime qu’il est nécessaire d’auditionner l’auteur potentiel ou la victime à l’hôpital, au poste de garde ou au cabinet médical, le médecin autorise la police à accéder à la zone de traitement ou à la chambre du patient, si le patient y consent et si sa situation médicale le permet.

2.9. Personnes disparues

Lorsqu’une personne est signalée disparue, la police a de nombreuses raisons de prendre contact avec le médecin traitant de cette personne ou avec les hôpitaux environnants.

2.9.1. Appréciation du caractère « inquiétant » de la disparition

La police peut être obligée de demander les informations médicales de la personne disparue pour évaluer le « caractère inquiétant » de la disparition. Le médecin traitant de la personne disparue peut uniquement communiquer avec les services de police si la disparition, au vu de la situation médicale du patient, menace potentiellement le pronostic vital, par exemple parce que le patient est suicidaire, qu’il est dépendant d’une médication vitale ou qu’il y a un risque de désorientation.

2.9.2. Recherche du patient

Sur la base de la directive ministérielle du 26 avril 2014 relative à la « Recherche des personnes disparues », en cas de disparition, qu’elle soit ou non de nature inquiétante, les services de police ont la possibilité de prendre contact avec les hôpitaux environnants. La compétence de contrôle n’est pas formulée de manière exhaustive et peut être étendue aux postes de garde et aux cabinets médicaux.

Pour éviter de poursuivre inutilement les recherches, le médecin concerné peut informer les services de police de la présence ou non du patient dans l’hôpital, sans divulguer les données médicales du patient.

Des problèmes concrets se posent quand le patient souhaite garder secrète son admission à l’hôpital pour son entourage. D’une part, le droit à la vie privée du patient concerné doit être respecté ; d’autre part, il convient d’éviter de poursuivre les recherches. Dans ce cas, il est recommandé de faire appel à un intermédiaire, par exemple le président ou un membre délégué d’un Conseil provincial de l’Ordre des médecins, ou un membre du conseil délégué, qui communique au magistrat du parquet compétent qu’il n’y a pas de raisons de considérer la disparition comme « inquiétante »[14].

En ce qui concerne la recherche de délinquants, le médecin confronte le secret professionnel à l’intérêt général.

2.9.3. Pour la rédaction d’un dossier ante mortem

Le service Disaster Victim Identification (DVI) de la Police fédérale a, notamment, pour tâche d’identifier les victimes décédées sur la base d’une comparaison entre le dossier ante mortem et le dossier post mortem.[15]

En vue de la préparation d’une identification d’une victime potentielle, un médecin expert judiciaire peut être désigné, sur ordre du Procureur du Roi ou du juge d’instruction, pour la constitution d’un dossier ante mortem. Dans ce cas, le médecin traitant transmettra le dossier patient de la personne disparue aux services de police, sous pli fermé, adressé au médecin expert judiciaire, avec la mention « secret médical ». Le médecin expert judiciaire appréciera les données issues du dossier patient qui sont nécessaires à la rédaction du dossier ante mortem.

L’accès au dossier patient par les services de police en vue de la rédaction d’un dossier ante mortem implique une violation du secret professionnel.

2.10. Attestation médicale concernant une disposition à l’enfermement

Il peut arriver qu’une personne soit blessée pendant qu’elle commet un fait de nature criminelle. Lorsque les services de police arrêtent une personne blessée, celle-ci doit être amenée en premier lieu à l’hôpital, au service de garde ou au cabinet médical pour des soins. Dans le cas où les services de police procèdent à une privation de liberté, il est demandé au médecin traitant, le cas échéant, si l’état de santé du patient permet son enfermement ou son audition.

Il n’incombe pas au médecin traitant de délivrer un certificat d’aptitude fixant que l’état de santé du patient lui permet d’être auditionné ou enfermé. En effet, le médecin traitant n’a pas pour tâche d’intervenir comme médecin expert judiciaire ; il a uniquement pour mission de dispenser des soins et peut délivrer, via le patient, une attestation aux services de police comportant un nombre limité de données médicales (cf. supra).[16]

2.11. Moyens légaux soutenant l’information ou l’instruction

Le secret professionnel n’est pas absolu. La loi prévoit plusieurs exceptions qui permettent au médecin de parler (cf. 2.2.).

En outre, le Procureur du Roi et le juge d’instruction ont des moyens légaux à disposition pour mener une enquête efficace et fiable.

2.11.1. Témoignage en justice

Le médecin peut être appelé à témoigner en justice devant le juge d’instruction ou devant une commission d’instruction parlementaire.[17]

Le médecin a un droit de parler, pas une obligation de parler.[18]

Cette exception légale ne permet toutefois pas de témoigner devant les services de police ou le parquet.

2.11.2. Concertation

L’article 458ter du Code pénal permet d’organiser une concertation entre divers acteurs soumis au secret professionnel et d’aboutir à une collaboration pluridisciplinaire, en vue de la protection de l’intégrité physique ou psychique d’une personne ou de tiers, ou pour éviter des actes terroristes ou des délits dans le cadre d’une organisation criminelle comme prévu à l’article 324bis du Code pénal.

La concertation est organisée par ou en vertu d’une loi, d’un décret ou d’une ordonnance, ou en cas d’autorisation motivée du procureur du Roi.[19]

Le médecin qui est prié de participer à une concertation a le droit de parler, pas une obligation de parler.

2.11.3. Désignation d’un médecin expert judiciaire pendant l’enquête – Prise de sang ou salive dans le cadre de la détection d’une intoxication (alcool, drogues) ou pour déterminer le profil ADN

2.11.3.1. Généralités

Pendant l’information ou l’instruction, le procureur du Roi ou le juge d’instruction peut désigner un médecin-expert judiciaire pour examiner l’état médical de l’auteur potentiel ou de la victime.[20]

Le médecin qui, dans les limites de sa mission en tant que médecin expert judiciaire, établit le rapport sur l’état de santé d’une personne, ne viole pas le secret professionnel.

Le médecin traitant doit mettre les informations nécessaires à la disposition du médecin expert judiciaire.

Les missions du médecin expert judiciaire sont incompatibles avec celles du médecin traitant.[21]

2.11.3.2. Prélèvement sanguin dans le cadre judiciaire

Le médecin qui exécute un prélèvement sanguin dans le cadre judiciaire, sur réquisition des autorités compétentes, et qui rédige le rapport y afférent ne se rend pas coupable d’une violation du secret professionnel. Si seul le médecin traitant peut être réquisitionné, il prélève un échantillon de sang sans fournir d’informations sur les éventuels signes d’intoxication ou d’autres données médicales.

Le médecin est contraint de poser les actes requis et peut seulement s’en abstenir si ses constatations montrent une contre-indication formelle à cette mesure ou lorsqu’il reconnaît comme fondées les raisons avancées par la personne concernée pour s’y soustraire.[22]

Les résultats du prélèvement sanguin et le rapport y afférent peuvent être communiqués, sous pli fermé, aux services de police, qui les transmettront au magistrat les réclamant.

Le médecin ne peut utiliser la contrainte physique contre la personne concernée qui refuse de se soumettre à un prélèvement sanguin dans le cadre judiciaire.

2.11.3.3. Application spécifique : prélèvement sanguin dans le cadre judiciaire si la victime a potentiellement été contaminée par une maladie grave à la suite d’un fait punissable

Lorsqu’il existe de sérieuses indications qu’une victime d’un délit puisse avoir été contaminée, à la suite de ce fait punissable, par une maladie grave reprise sur une liste fixée par arrêté royal[23], le procureur du Roi peut demander au suspect le prélèvement d’un échantillon sanguin pour vérifier s’il est porteur de cette maladie.

Le cas échéant, l’information médicale relève du secret professionnel et le laboratoire de référence requis transmettra les résultats uniquement au médecin traitant de la victime et à celui du suspect à sa demande. Les données médicales ne sont pas communiquées au procureur du Roi.

2.11.3.4. Test ADN

Le médecin peut aussi être requis pour des prélèvements capillaires (avec racines), de muqueuses buccales ou de sang pour réaliser un test ADN dans le cadre judiciaire.[24] Le médecin est obligé de poser ces actes et d’établir un rapport.

Pour le test ADN, le médecin ne peut utiliser la contrainte physique contre la personne concernée. Si la personne concernée refuse de se soumettre à cette expérience, ce refus est mentionné dans le procès-verbal.

2.12. Caméras de surveillance pour éviter ou constater les délits en milieu hospitalier, au poste de garde ou au cabinet médical

Le fait de prendre des images dans le local de consultation ou dans la chambre du patient est inacceptable.[25]

Selon les conditions prévues par la loi du 21 mars 2007 réglant l’installation et l’utilisation de caméras de surveillance, des caméras peuvent être placées dans des espaces accessibles au public (hall, couloirs de l’hôpital, etc.) afin de garantir la sécurité des médecins et des patients et de recueillir des preuves d’un délit. Le matériel visuel du délit peut être transmis aux services de police.

3. Conclusion

La collaboration entre le médecin, l’hôpital, le poste de garde ou le cabinet médical et les services de police ou le ministère public doit aller de pair avec le respect des principes déontologiques propres à chaque profession. Il incombe au médecin de s’informer des dispositions légales et des principes de la déontologie médicale avant de transmettre des informations médicales aux autorités judiciaires et à la police.

Le médecin a le devoir déontologique de remplir honnêtement et scrupuleusement sa mission de médecin expert judiciaire en cas de réquisition par un magistrat. Une bonne communication et des accords clairs entre les deux acteurs favorisent le fonctionnement correct du système judiciaire et du secteur des soins.

Les principes déontologiques repris dans cet avis s’appliquent à tous les médecins.

Les médecins peuvent toujours s’adresser à leur conseil provincial pour obtenir un avis déontologique sur des situations concrètes.

Sources

- Législation :

Artt. 422bis, 458, 458bis, 458ter, Code pénal

Artt. 30, 43, 44, 56, Code d’instruction criminelle

Arrêté royal du 10 juin 1959 relatif au prélèvement sanguin en vue du dosage de l’alcool et fixant la date de l’entrée en vigueur de la loi du 15 avril 1958 modifiant le Code d’instruction criminelle, la loi du 1er août 1899 portant révision de la législation et des règlements sur la police du roulage et l’arrêté-loi du 14 novembre 1939 relatif à la répression de l’ivresse

Loi du 21 mars 2007 réglant l’installation et l’utilisation de caméras de surveillance

Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données)

Arrêté royal du 16 mars 1968 portant coordination des lois relatives à la police de la circulation routière

- Documentation :

Code de déontologie médicale, version 2018

Handboek Gezondheidsrecht Volume II, T. Vansweevelt et F. Dewallens

Omgaan met beroepsgeheim, B. Hubeau, J. Mertens, J. Put, R. Roose, K. Stas, F. Vander Laenen

Beroepsgeheim en hulpverlening, I. Van der Straete, J. Put

Forensische geneeskunde, W. Van de Voorde

Beroepsgeheim en Politie/Justitie, KNMG

Samenwerkingsprotocol tussen de Limburgse algemene ziekenhuizen – Limburgse politiediensten – Parket Limburg

Samenwerkingsprotocol tussen de functies gespecialiseerde spoedgevallenzorg en de lokale politie Antwerpen

Samenwerkingsprotocol politiezones-huisartsen tussen de lokale huisartsenkring en artsenkring Zennevallei

Protocolakkoord-organisatie en afspraken wachtdienstregeling artsen gedwongen opnames voor meerderjarigen-Parket van de procureur des Konings Oost-Vlaanderen-afdeling Dendermonde

- Avis du Conseil national de l’Ordre des médecins :

Caméra de vidéo-surveillance dans un cabinet médical, avis CN du 21 septembre 2019, a166010

La présence de drogue et d'armes dans les hôpitaux psychiatriques, avis CN du 19 mars 2005, a108007

Admission dans un hôpital psychiatrique - Communication à la police ou au procureur du Roi, avis CN 24 avril 1999, a085004

Délivrance d’une attestation pour un placement en cellule par la police, avis CN du 20 avril 2013, a141014-R

Notion d’incapacité de travail personnel’ dans le chef de la victime de coups et blessures volontaires – article 399 du Code pénal, avis CN du 6 mai 2017, a157009

Le secret médical et la justice, avis CN du 30 septembre 2013, a144011



[1] Par exemple à Anvers et au Limbourg

[2] Voir aussi l’avis du Conseil national de l’Ordre des médecins, La présence de drogue et d'armes dans les hôpitaux psychiatriques, 19 mars 2005, a108007

[3] Ceci vaut tant pour les situations dans lesquelles le patient est l’auteur que pour les situations dans lesquelles le patient est victime.

[4] Art. 458bis, Code pénal

[5] Ibidem

[6] Par exemple : un patient veut mourir et confie au médecin qu’il va d’abord tuer son épouse quand il rentre. D’une part, le médecin est tenu au secret professionnel ; d’autre part, il est obligé d’aide une personne en grand péril (c’est-à-dire le patient et son épouse). Le médecin peut estimer que l’obligation légale d’assistance prime sur le secret professionnel et peut en informer des tiers (par exemple les services de police).

[7] C’est par exemple le cas lorsque le patient confie au médecin qui a l’intention de tuer quelqu’un.

[8] En cas de conflit, il revient finalement au juge d’apprécier s’il est question d’un état de nécessité.

[9] Art. 30, Code d’Instruction criminelle

[10] Cependant, il n’est pas exclu que la divulgation des faits soit justifiée en invoquant l’état de nécessité, p. ex. lorsque le patient menace sérieusement le médecin, d’autres collaborateurs de l’hôpital ou d’autres patients ou détruit l’hôpital (cf. 2.1.). Le médecin du patient-auteur qui sera parfois le seul témoin de l’infraction peut appeler les services de police pour garantir la sécurité des confrères et des autres patients. Cependant, dans une telle situation, le médecin ne peut pas transmettre à la police des informations médicales relatives au patient.

[11] Par exemple l’identification du type de lésions.

[12] Les informations suivantes figurent dans cette attestation : nom et prénom du patient, date de naissance, adresse, date de soins, nom de l’hôpital, description générale des lésions, estimation de la gravité, estimation de la durée prévue d’incapacité de travail.

[13] Le conjoint, le partenaire cohabitant légal, le partenaire cohabitant de fait, les enfants, les parents, les sœurs ou les frères.

[14] Avis du Conseil national de l’Ordre des médecins, Admission dans un hôpital psychiatrique - Communication à la police ou au procureur du Roi, 24 avril 1999, a085004

[15] Interpol standing committee on DVI – Resolution AGN/65/res/13 ; Arrêté royal du 10 juin 2014 déterminant les missions et les tâches de sécurité civile exécutées par les zones de secours et par les unités opérationnelles de la protection civile et modifiant l'arrêté royal du 16 février 2006 relatif aux plans d'urgence et d'intervention ; Arrêté royal du 14 novembre 2006 relatif à l'organisation et aux compétences de la police fédérale

[16] Voir aussi avis du Conseil national de l’Ordre des médecins, Délivrance d’une attestation pour un placement en cellule par la police, 20 avril 2013, a141014-R

[17] Art. 458, Code pénal

[18] Art. 28, Code de déontologie médicale

[19] Art. 458ter, Code pénal

[20] Art. 43, 44 et 56, Code d’Instruction criminelle

[21] Art. 43, Code de déontologie médicale

[22] Arrêté royal du 10 juin 1959 relatif au prélèvement sanguin en vue du dosage de l’alcool et fixant la date de l’entrée en vigueur de la loi du 15 avril 1958 modifiant le Code d’instruction criminelle, la loi du 1er août 1899 portant révision de la législation et des règlements sur la police du roulage et l’arrêté-loi du 14 novembre 1939 relatif à la répression de l’ivresse.

[23]Arrêté royal du 17 mai 2018 déterminant les maladies contagieuses pour lesquelles la procédure visée par le `Chapitre IX. De l'analyse de la possibilité de transmission d'une maladie contagieuse grave lors de la commission d'une infraction', du livre II, titre IV, du Code d'Instruction criminelle, peut être appliquée et déterminant les laboratoires auxquels ces examens peuvent être confiés

[24] Art. 44ter et suivants, Code d’Instruction criminelle

[25] Avis du Conseil national de l’Ordre des médecins, Caméra de vidéo-surveillance dans un cabinet médical, 21 septembre 2019, a166010

Secret professionnel20/11/2021 Code de document: a168022
Victime de violences policières illégitimes et rôle de l’attestation médicale en matière de preuve.

Problématique des violences policières illégitimes : l’attitude du médecin et
le rôle de l’attestation médicale en matière de preuve

1. Introduction

Un précédent avis du Conseil national de l’Ordre des médecins, Collaboration entre la police, le ministère public et les hôpitaux - Principes déontologiques[1] explique de quelle façon le corps médical et les services de police peuvent collaborer dans le respect des finalités et compétences de chacun. L’avis précité part du principe que les deux acteurs exercent leurs compétences en âme et conscience. De ce fait, il n’accorde pas d’attention aux éventuels abus tels que les violences policières illégitimes.

Suite à un rapport[2] de Police Watch, l’Observatoire des violences policières de la Ligue des droits humains, le Conseil national a examiné, en sa séance du 20 novembre 2021, la façon dont le médecin doit agir si le patient se déclare être victime de violences policières illégitimes et le rôle de l’attestation médicale en matière de preuve.

2. Déclaration par la victime

Le 8 novembre 2021, la Ligue des droits humains a lancé en Belgique néerlandophone une ligne d’assistance pour les victimes et les témoins de violences policières, appelée PoliceWatch[3]. En Belgique francophone, cette ligne d’assistance existait déjà. Son objectif est de recenser les violences policières excessives et de conseiller les victimes sur leurs droits et leurs possibilités de porter plainte.

Les victimes de violences policières illégitimes peuvent porter plainte auprès de différentes instances, notamment le Service de contrôle interne, le Comité permanent de contrôle des services de police (Comité P), l’Inspection générale, le service de médiation local, le Commissariat aux droits de l’enfant et Unia (anciennement le Centre pour l’égalité des chances).[4]

Enfin, la victime a la possibilité de déposer plainte auprès du parquet ou d’introduire une plainte en se constituant partie civile auprès du juge d’instruction.

Pour étayer la plainte, l’attestation rédigée par un médecin qui constate les lésions joue un rôle prépondérant. En effet, c’est au patient qu’il revient de participer à l’établissement de la preuve de ses allégations, motif pour lequel cette attestation médicale est indispensable. Dans ce contexte, le médecin doit remettre au patient une attestation médicale qui satisfait aux principes de la déontologie médicale tels que décrits au point 3 du présent avis.

3. Rôle de l’attestation médicale – Principes déontologiques

3.1. Principe : sur demande du patient

Le médecin remet au patient les documents médicaux dont il a besoin.[5]

Dans la plupart des cas, le patient signifiera lui-même au médecin avoir été victime de violences policières illégitimes et il lui demandera de décrire ses blessures.

Cette attestation médicale lui servira de moyen de preuve de ses allégations.

Le médecin est tenu de remettre au patient l’attestation médicale dont il a besoin. Chaque médecin devrait être capable de décrire des lésions externes que présente un patient. Néanmoins, s’il ne s’en estime pas capable, il est dans l’obligation d’informer le patient et de renvoyer le patient vers un autre médecin qualifié.[6]

Il peut également arriver que le patient soit, en raison de ses blessures, en état d’incapacité pour cause, par exemple, de coma et que ses proches réclament une attestation médicale afin de déposer une plainte. Dans ce cas, le médecin transmettra, dans l’intérêt du patient, l’attestation médicale à son représentant légal.[7]

Le médecin note dans le dossier patient s’il a rédigé une attestation, quel en est le contenu et à qui elle a été remise.

Enfin, une attestation médicale peut être remise sous pli fermé au procureur du Roi ou au juge d’instruction selon les procédures habituelles, telles que décrites dans l’avis du Conseil national de l’Ordre des médecins Collaboration entre la police, le ministère public et les hôpitaux - Principes déontologiques[8].

3.2. Contenu de l’attestation médicale – Attestation des lésions

Conscient de la confiance que la société place en sa fonction, le médecin rédige les [documents médicaux] de façon sincère, objective, prudente et discrète sans mentionner d’éléments relatifs à des tiers.[9]

L’attestation médicale qui atteste les lésions doit être claire, précise et complète.

Les blessures doivent être décrites en détail : le type de lésion (éraflure ou abrasion, contusion, hématome ou ecchymose, déchirure ou lacération, blessure occasionnée par un objet pointu, coupure, etc.), ses mensurations (sa longueur, sa largeur), la couleur, la forme, l’étendue, la localisation anatomique précise et la profondeur si c’est possible. Il est recommandé d’ajouter des photos (aperçu et détail avec dimensions) en annexe de l’attestation médicale ou de les conserver dans le dossier médical du patient.

L’attestation distingue les constatations objectives réalisées par le médecin et les plaintes subjectives rapportées par le patient. En aucun cas, le médecin ne détermine quel mécanisme a provoqué les blessures, ni qui les a infligées. Tout au plus peut-il préciser que la description relatée par le patient est compatible avec les lésions objectivement constatées si tel est le cas.

L’attestation médicale mentionne les jours d’incapacité de travail si tel est le cas.

Le médecin date l’attestation médicale du jour de sa rédaction et en ajoute une copie au dossier patient.

4. Rôle du médecin – Situations particulières

4.1. Attestation médicale concernant une disposition à l’audition ou à l’enfermement

Le médecin traitant n’a pas pour tâche de remettre une attestation d’aptitude pour audition ou enfermement. Il a le droit de refuser la demande des services de police d’établir ces attestations. Ces attestations ne peuvent être délivrées que par un médecin-expert, qui sera désigné par une autorité judiciaire.

4.2. Présence de la police lors des soins

Il est possible qu’une personne sous surveillance policière soit amenée à l’hôpital pour y recevoir des soins.

Un précédent avis du Conseil national[10] énonçait que le médecin doit permettre la présence de la police dans le local de consultation ou à proximité immédiate si l’agent de police estime que le patient constitue une menace pour l’intégrité physique du médecin ou du personnel hospitalier. Néanmoins, lorsque le patient est victime de violences policières illégitimes, il se retrouve dans une position très vulnérable. Le patient n’osera pas s’exprimer par crainte de représailles ultérieures.

Le Conseil national reconnaît la position vulnérable de la victime et attache de l’importance au droit à la vie privée et à l’intimité du patient, mais il maintient cependant son précédent point de vue, d’autant plus qu’il est très difficile pour le médecin d’estimer dans quelle mesure le patient représente un danger pour l’intégrité physique du médecin et du personnel hospitalier, dont le médecin est coresponsable.

En cas de fortes suspicions de violences policières illégitimes, le médecin peut demander à l’agent de police de s’éloigner de la salle de consultation, bien que le policier reste habilité à apprécier la situation et à ne pas tenir compte de cette demande. Le médecin renseigne sa demande et la présence de la police dans le dossier patient.

Dans ce contexte, il est aussi primordial que le médecin note les lésions dans le dossier patient, conformément aux directives du point 3.2 du présent avis.

4.3. Menottes lors des soins

Les services de police ont la compétence de menotter le patient, conformément aux principes de légalité, de nécessité et de proportionnalité.

Le médecin respecte la décision de la police de laisser le patient menotté et peut uniquement s’opposer à cette décision pour des raisons médicales, par exemple lorsque les menottes du patient empêchent la dispense de soins. Dans ce cas, le médecin et les services de police se concertent sur la façon dont chacune des parties peut remplir ses tâches de façon sécurisée et qualitative. Les médecins comme les policiers sont tenus au respect de l’obligation légale d’assistance telle que prévue à l’article 422bis du Code pénal.

4.4. Conscience juridique et médicale – modèle III C

Si le médecin qui constate le décès a un doute sur sa cause (naturelle ou violente), il complète par « oui » la rubrique « obstacle médico-légal » du volet A du formulaire III C. En outre, il indique sous le point 1 (type de décès) du volet C du même formulaire « n’a pu être déterminé ».

Le médecin en charge de la rédaction du certificat de décès doit faire son devoir de façon indépendante et objective et ne doit subir aucune pression de la part des services de police[11].


[1] Avis du Conseil national de l’Ordre des médecins du 12 décembre 2020, a167039

[2] Police Watch, « Violences policières et la charge de la preuve : le rôle du certificat médical », Analyse_LDH_Le-rôle-du-certificat-médical_version-longue_decembre-2020.pdf (liguedh.be)

[3] [3] Police Watch - Accueil; Police Watch

[4]Liga voor Mensenrechten | Dossier politiegeweld in België

[5] Art. 26, alinéa 1, Code de déontologie médicale

[6] Art. 6, Code de déontologie médicale

[7] Conformément à la cascade telle que prévue par l’art. 14, Loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient

[8] Avis du Conseil national de l’Ordre des médecins du 12 décembre 2020, a167039

[9] Art. 26, Code de déontologie médicale

[10] Avis du Conseil national de l’Ordre des médecins du 12 décembre 2020, a167039

[11] Voir aussi l’avis du Conseil national de l’Ordre des médecins du 15 février 2020 Pressions que peut subir le médecin appelé à rédiger un certificat de décès – modèle III C/D, a167003

Secret professionnel12/12/2020 Code de document: a167039
Collaboration entre la police, le ministère public et les hôpitaux - Principes déontologiques

Collaboration entre la police, le ministère public et les hôpitaux - Principes généraux

Contenu

1. Introduction

2.Situations particulières

2.1. Le patient commet un fait punissable dans l'hôpital

2.2. Le médecin a connaissance d'un fait punissable en dehors de l'hôpital - patient en tant qu'auteur ou victime

2.3. Stupéfiants sur ou dans le corps du patient

2.4. Patient sous surveillance policière

2.5. Donner priorité à la police au service des urgences

2.6. La police pénètre dans l'hôpital

2.7. La police demande des informations sur les interventions à l'hôpital

2.8. Interrogatoire à l'hôpital

2.9. Personnes disparues

2.9.1. Appréciation du caractère « inquiétant » de la disparition

2.9.2. Recherche du patient

2.9.3. Pour la rédaction d'un dossier ante mortem

2.10. Attestation médicale concernant une disposition à l'enfermement

2.11. Moyens légaux soutenant l'information ou l'instruction

2.11.1.Témoignage en justice

2.11.2.Concertation

2.11.3.Désignation d'un médecin expert judiciaire pendant l'enquête - Prise de sang ou salive dans le cadre de la détection d'une intoxication (alcool, drogues) ou pour déterminer le profil ADN

2.11.3.1. Généralités

2.11.3.2. Prélèvement sanguin dans le cadre judiciaire

2.11.3.3. Application spécifique : prélèvement sanguin dans le cadre judiciaire si la victime a peut-être été contaminée par une maladie grave à la suite d'un fait punissable

2.11.3.4. Test ADN

2.12. Installation de caméras de surveillance pour éviter ou constater les délits en milieu hospitalier

3. Conclusion

1. Introduction

Dans le cadre du fonctionnement de l'hôpital, les médecins et les institutions hospitalières visent une autre finalité que les services de police et les parquets : alors que les premiers ont pour but de dispenser des soins de qualité à tout patient qui se présente à l'hôpital, les seconds ont pour tâche de garantir la sécurité de la société et de faire des constatations objectives pour faciliter par la suite la découverte de la vérité judiciaire.

Cependant, ces deux groupes d'intervenants sont régulièrement en contact et la situation les oblige à collaborer, nonobstant leurs objectifs et normes souvent divergents. Ainsi, le médecin est tenu au secret professionnel, alors que la police, dans le cadre d'une enquête, tente de recueillir autant d'informations que possible sur un potentiel auteur ou sur une victime. D'autres droits fondamentaux, comme le droit aux soins et le droit de la défense, restent d'application.

Le cadre légal prévu n'est souvent pas suffisamment connu, tant par les médecins que par les services de police, ou n'indique pas assez clairement comment les deux acteurs doivent agir dans une situation spécifique. Dans certaines régions(1), les hôpitaux, la police et le ministère public ont rédigé un protocole de collaboration, qui fixe plusieurs accords sur la façon dont les interactions entre eux doivent se dérouler en vue d'une efficacité maximale des deux services.

De tels protocoles favorisent une collaboration aisée entre les différents acteurs sur le terrain et offrent une réponse à plusieurs situations spécifiques. Cependant, le risque existe que chaque région rédige des accords différents ou contraires à la législation existante ou à la déontologie médicale.

Pour éviter ces cas de figure, le Conseil national donne, dans le présent avis, un aperçu des principes déontologiques que le médecin doit prendre en compte dans une situation spécifique, dans le respect du droit à la vie privée, du secret professionnel, de l'accès aux soins, de la qualité des soins, de la sécurité du patient, de la dignité humaine et de l'autonomie du patient.

2. Situations particulières

2.1. Le patient commet un fait punissable dans l'hôpital

Si un patient se rend coupable d'un fait punissable envers un autre patient, un médecin, le personnel hospitalier ou l'hôpital, le médecin peut porter plainte auprès de la police. Il peut par exemple s'agir de menaces à l'encontre du médecin, de violences physiques à l'égard de collaborateurs de l'hôpital ou d'autres patients, de destructions dans le local de consultation, de la possession d'armes dangereuses(2), etc.

Le médecin donne à la police le nom de l'auteur et le lieu où les faits se sont produits. Les données médicales de l'auteur ne sont pas divulguées.

La police qui se rend sur place a accès au local où le patient se trouve et où les faits se sont produits pour pouvoir faire les premières constatations.

2.2. Le médecin a connaissance d'un fait punissable en dehors de l'hôpital - patient en tant qu'auteur ou victime

Lorsque le médecin apprend dans l'exercice de sa profession que le patient a commis un fait punissable, cela relève du secret professionnel.

De même, lorsque le médecin apprend dans l'exercice de sa profession que le patient a été victime d'un fait punissable, cela relève du secret professionnel et le médecin respecte le choix de la victime de ne pas porter plainte auprès de la police.

Pour certaines infractions commises sur un mineur ou une personne vulnérable, l'article 458bis du Code pénal dispose que le médecin peut briser son secret professionnel, moyennant le respect de certaines conditions.(3) C'est le cas en particulier d'infractions qui portent gravement atteinte à l'intégrité physique d'un mineur ou d'une personne vulnérable, comme la traite d'êtres humains, l'assassinat ou des violences conjugales, abus de nature sexuelle, comme un attentat à la pudeur ou le viol d'un enfant ou d'une personne handicapée.(4)

Si le médecin a connaissance d'un délit précité et s'il estime qu'il existe un danger grave et imminent que l'auteur récidive et s'il n'est pas en mesure de protéger, seul ou avec l'aide de tiers, l'intégrité physique ou psychique du mineur ou de la personne vulnérable, il peut en informer le procureur du Roi.(5)

Outre l'exception légale de l'article 458bis du Code pénal, le médecin est soumis à l'article 422bis du Code pénal qui comporte une obligation légale d'assistance envers une personne exposée à un péril grave. Dans certaines situations, il n'est pas évident de concilier ces deux normes, à savoir le secret professionnel et l'obligation légale d'assistance.(6) Dans le cas d'un tel conflit de devoirs, « l'état de nécessité » peut être d'application.

L'état de nécessité est une notion issue de la doctrine et de la jurisprudence, impliquant que, dans des circonstances exceptionnelles, la transgression d'une norme pénale (par exemple la violation du secret professionnel) ne sera pas punie lorsque cette infraction peut être justifiée pour protéger un autre intérêt ayant une même valeur ou une valeur considérée supérieure ou en prévention d'une autre infraction (par exemple un meurtre). Une violation du secret professionnel peut exceptionnellement être justifiée si un danger grave, actuel et certain ne peut être évité autrement.(7) Tout dépend des circonstances de fait pour qu'il soit question d'état de nécessité. Il incombe au médecin de confronter les deux normes ou intérêts.(8)

Enfin, conformément à l'article 30 du Code d'instruction criminelle, toute personne qui a été témoin d'une atteinte, soit à la sécurité publique, soit à la vie ou à la propriété d'une personne, est obligée de le signaler au procureur du Roi, soit du lieu du délit ou du crime, soit du lieu où peut se trouver le suspect.(9)

Dans le cadre de la relation de soins entre un médecin et un patient, cette obligation générale de déclaration de crime de violence et contre la propriété est contraire au secret professionnel. Par conséquent, la doctrine et la jurisprudence énoncent que la déclaration obligatoire contenue à l’article 30 du Code d’instruction criminelle ne s’applique pas à une infraction commise par un patient. (10)

Si un patient a été la victime d'une infraction, l'obligation générale de déclaration, lue en lien avec les exceptions de l'article 458bis du Code pénal, doit être nuancée. L'objectif ne peut jamais être de faire une déclaration d'un délit lorsque cela va à l'encontre des intérêts du patient. Dans le cadre de la relation de soins, une déclaration sera uniquement faite après une évaluation réfléchie des différentes normes. Par conséquent, il est question d'un droit de parole et non d'une obligation.

2.3. Stupéfiants sur ou dans le corps du patient

Le médecin qui découvre pendant l'examen ou le traitement des stupéfiants sur ou dans le corps d'un patient remet ces stupéfiants, dans les plus brefs délais, aux services de police sans mentionner de données à caractère personnel ou médical du patient, à moins qu'il ne soit question d'une exception au secret professionnel (cf. 2.2). Ceci est communiqué au patient et indiqué dans son dossier. Il est primordial que le patient continue à avoir confiance dans le médecin et les soins qu'il lui prodigue et qu'il lui soit clairement expliqué que le médecin n'a pas de compétence de recherche et que son identité ne sera pas divulguée aux services de police.

Dans ce contexte, le médecin peut prendre en compte le principe de proportionnalité.

2.4. Patient sous surveillance policière

Si la police estime qu'un patient accompagné d'agents constitue une menace pour l'intégrité (physique) du personnel hospitalier, le médecin autorise la police à être présente dans la zone de traitement ou dans l'environnement immédiat.

Le médecin respecte la décision de la police de laisser le patient menotté et peut uniquement s'opposer à cette décision pour des raisons médicales, par exemple lorsque les menottes du patient empêchent fortement la dispense de soins. Dans ce cas, le médecin et les services de police se concertent sur la façon dont ils peuvent, chacun, remplir leurs tâches de façon sécurisée et qualitative. Les deux sont tenus au respect de l'obligation légale d'assistance telle que prévue à l'article 422bis du Code pénal.

2.5. Donner priorité à la police au service des urgences

Pour autant que l'urgence des soins à prodiguer à d'autres patients le permette, le médecin donne priorité au patient sous surveillance policière ou à l'agent de police qui, dans l'exercice de ses fonctions, est lui-même blessé ou a besoin de soins.

2.6. La police pénètre dans l'hôpital

La police peut pénétrer librement dans les espaces publics, tels que le hall d'accueil, la salle d'attente et les couloirs de l'hôpital.

Il est uniquement permis de pénétrer dans le local de consultation moyennant l'accord du patient et du médecin traitant. Ce dernier s'y opposera seulement si cette intrusion dans le local empêche gravement la dispense de soins.

Il est seulement autorisé de pénétrer dans la chambre du patient moyennant son autorisation, sauf en cas de flagrant délit ou sur ordre du juge d'instruction conformément à l'article 89bis du Code d'Instruction criminelle.

2.7. La police demande des informations sur les interventions à l'hôpital

Les services de police qui mènent l'enquête essayent de recueillir autant d'informations que possible, notamment des informations médicales sur un auteur potentiel ou une victime.

Le médecin traitant est tenu au respect du secret professionnel et ne peut en principe pas transmettre d'informations médicales aux services de police. Ceci complique l'enquête et n'est pas favorable, plus tard, à la découverte de la vérité par le juge, en particulier lorsque l'agent de police interprète la situation médicale d'une façon qui ne correspond pas complètement à la réalité médicale.(11)

La relation de confiance entre le médecin et le patient prime et le médecin doit être très prudent quant à la violation du secret professionnel. Une attitude trop laxiste par rapport au secret professionnel peut entraîner des risques plus grands que les dangers ou inconvénients qui peuvent éventuellement être prévenus.

Cependant, le patient peut être demandeur de communiquer des informations médicales aux services de police ou au parquet. Le patient a le droit de disposer lui-même des informations médicales le concernant et de collaborer avec les services de police. Dans ce cas, le médecin peut accepter de rédiger une attestation médicale spécifique, comprenant des données médicales limitées(12), qui est remise à la police par l'intermédiaire du patient. Le médecin a pour tâche de protéger le patient de la transmission de ses données médicales à des tiers et de l'informer des conséquences possibles du transfert de ses données médicales aux services de police.

Le médecin note dans le dossier patient s'il a rédigé une attestation, quel en était le contenu et s'il a délivré ce document au patient ou directement aux services de police à la demande du patient.

Enfin, le médecin informe le patient de la possibilité de rédiger un rapport médical circonstancié. Le patient peut opter pour ajouter ce rapport au dossier de police, éventuellement ultérieurement. Le cas échéant, le médecin adresse le rapport sous pli fermé à l'éventuel médecin expert judiciaire et le transmet aux services de police avec la mention « secret médical ».

Si le patient n'est pas capable d'exprimer sa volonté, il est d'usage que le médecin transmette un certificat médical, avec un nombre limité de données médicales, au représentant du patient ou à des membres de la famille(13) en cas d'absence du représentant.

En cas d'absence du représentant ou des membres de la famille, le médecin peut remettre, dans l'intérêt du patient, un certificat médical avec un nombre limité de données médicales aux services de police après avoir considéré le principe de proportionnalité et si nécessaire. Des exemples d'un tel certificat figurent dans l'annexe 1.

2.8. Interrogatoire à l'hôpital

Si la police estime qu'il est nécessaire d'auditionner l'auteur potentiel ou la victime à l'hôpital, le médecin autorise la police à accéder à la zone de traitement ou à la chambre du patient, si le patient y consent et si sa situation médicale le permet.

2.9. Personnes disparues

Lorsqu'une personne est signalée disparue, la police a de nombreuses raisons de prendre contact avec le médecin traitant de cette personne ou avec les hôpitaux environnants.

2.9.1. Appréciation du caractère « inquiétant » de la disparition

La police peut être obligée de demander les informations médicales de la personne disparue pour évaluer le « caractère inquiétant » de la disparition. Le médecin traitant de la personne disparue peut uniquement communiquer avec les services de police si la disparition, au vu de la situation médicale du patient, menace potentiellement le pronostic vital, par exemple parce que le patient est suicidaire, qu'il est dépendant d'une médication vitale ou qu'il y a un risque de désorientation.

2.9.2. Recherche du patient

Sur la base de la directive ministérielle du 26 avril 2014 relative à la « Recherche des personnes disparues », les services de police prendront contact avec les hôpitaux environnants en cas de « disparition inquiétante ».

Pour éviter de poursuivre inutilement les recherches, le médecin concerné peut informer les services de police de la présence ou non du patient dans l'hôpital, sans divulguer les données médicales du patient.

Des problèmes concrets se posent quand le patient souhaite garder secrète son admission à l'hôpital pour son entourage. D'une part, le droit à la vie privée du patient concerné doit être respecté ; d'autre part, il convient d'éviter de poursuivre les recherches. Dans ce cas, il est recommandé de faire appel à un intermédiaire, par exemple le président d'un Conseil provincial de l'Ordre des médecins, ou un membre du conseil délégué, qui communique au magistrat du parquet compétent qu'il n'y a pas de raisons de considérer la disparition comme « inquiétante »(14).

En ce qui concerne la recherche de délinquants, le médecin confronte le secret professionnel à l'intérêt général.

2.9.3. Pour la rédaction d'un dossier ante mortem

Le service Disaster Victim Identification (DVI) de la Police fédérale a, notamment, pour tâche d'identifier les victimes décédées sur la base d'une comparaison entre le dossier ante mortem et le dossier post mortem.(15)

En vue de la préparation d'une identification d'une victime potentielle, un médecin expert judiciaire peut être désigné, sur ordre du Procureur du Roi ou du juge d'instruction, pour la constitution d'un dossier ante mortem. Dans ce cas, le médecin traitant transmettra le dossier patient de la personne disparue aux services de police, sous pli fermé, adressé au médecin expert judiciaire, avec la mention « secret médical ». Le médecin expert judiciaire appréciera les données issues du dossier patient qui sont nécessaires à la rédaction du dossier ante mortem.

L'accès au dossier patient par les services de police en vue de la rédaction d'un dossier ante mortem implique une violation du secret professionnel.

2.10. Attestation médicale concernant une disposition à l'enfermement

Il peut arriver qu'une personne soit blessée pendant qu'elle commet un fait de nature criminelle. Lorsque les services de police arrêtent une personne blessée, celle-ci doit être amenée en premier lieu à l'hôpital pour des soins. Dans le cas où les services de police procèdent à une privation de liberté, il est demandé au médecin traitant, à cette occasion, si l'état de santé du patient permet son enfermement ou son audition.

Il n'incombe pas au médecin traitant de délivrer un certificat d'aptitude fixant que l'état de santé du patient lui permet d'être auditionné ou enfermé. En effet, le médecin traitant n'a pas pour tâche d'intervenir comme médecin expert judiciaire ; il a uniquement pour mission de dispenser des soins et peut délivrer, via le patient, une attestation aux services de police comportant un nombre limité de données médicales (cf. supra).(16)

2.11. Moyens légaux soutenant l'information ou l'instruction

Le secret professionnel n'est pas absolu. La loi prévoit plusieurs exceptions qui permettent au médecin de parler (cf. 2.2.).

En outre, le Procureur du Roi et le juge d'instruction ont des moyens légaux à disposition pour mener une enquête efficace et fiable.

2.11.1.Témoignage en justice

Le médecin peut être appelé à témoigner en justice devant le juge d'instruction ou devant une commission d'instruction parlementaire.(17)

Le médecin a un droit de parler, pas une obligation de parler.(18)

Cette exception légale ne permet toutefois pas de témoigner devant les services de police ou le parquet.

2.11.2. Concertation

L'article 458ter du Code pénal permet d'organiser une concertation entre divers acteurs soumis au secret professionnel et d'aboutir à une collaboration pluridisciplinaire, en vue de la protection de l'intégrité physique ou psychique d'une personne ou de tiers, ou pour éviter des actes terroristes ou des délits dans le cadre d'une organisation criminelle comme prévu à l'article 324bis du Code pénal.

La concertation est organisée par ou en vertu d'une loi, d'un décret ou d'une ordonnance, ou en cas d'autorisation motivée du procureur du Roi.(19)

Le médecin qui est prié de participer à une concertation a le droit de parler, pas une obligation de parler.

2.11.3.Désignation d'un médecin expert judiciaire pendant l'enquête - Prise de sang ou salive dans le cadre de la détection d'une intoxication (alcool, drogues) ou pour déterminer le profil ADN

2.11.3.1. Généralités

Pendant l'information ou l'instruction, le procureur du Roi ou le juge d'instruction peut désigner un médecin-expert judiciaire pour examiner l'état médical de l'auteur potentiel ou de la victime.(20)

Le médecin qui, en tant que médecin expert judiciaire, établit le rapport sur l'état de santé d'une personne, dans les limites de sa mission, ne viole pas le secret professionnel.

Le médecin traitant doit mettre les informations nécessaires à la disposition du médecin expert judiciaire.

Les missions du médecin expert judiciaire sont incompatibles avec celles du médecin traitant.(21)

2.11.3.2. Prélèvement sanguin dans le cadre judiciaire

Le médecin qui exécute un prélèvement sanguin dans le cadre judiciaire, sur réquisition des autorités compétentes, et qui rédige le rapport y afférent ne se rend pas coupable d'une violation du secret professionnel. Si seul le médecin traitant peut être réquisitionné, il prélève un échantillon de sang sans fournir d'informations sur les éventuels signes d'intoxication ou d'autres données médicales.

Le médecin est contraint de poser les actes requis et peut seulement s'en abstenir si ses constatations montrent une contre-indication formelle à cette mesure ou lorsqu'il reconnaît comme fondées les raisons avancées par la personne concernée pour s'y soustraire.(22)

Les résultats du prélèvement sanguin et le rapport y afférent peuvent être communiqués, sous pli fermé, aux services de police, qui les transmettront au magistrat les réclamant.

Le médecin ne peut utiliser la contrainte physique contre la personne concernée qui refuse de se soumettre à un prélèvement sanguin dans le cadre judiciaire.

2.11.3.3. Application spécifique : prélèvement sanguin dans le cadre judiciaire si la victime a peut-être été contaminée par une maladie grave à la suite d'un fait punissable

Lorsqu'il existe de sérieuses indications qu'une victime d'un délit puisse avoir été contaminée, à la suite de ce fait punissable, par une maladie grave reprise sur une liste fixée par arrêté royal, le procureur du Roi peut demander au suspect le prélèvement d'un échantillon sanguin pour vérifier s'il est porteur de cette maladie.

Le cas échéant, l'information médicale relève du secret professionnel et le laboratoire de référence requis transmettra les résultats uniquement au médecin traitant de la victime et à celui du suspect à sa demande. Les données médicales ne sont pas communiquées au procureur du Roi.

2.11.3.4. Test ADN

Le médecin peut aussi être requis pour des prélèvements capillaires (avec racines), de muqueuses buccales ou de sang pour réaliser un test ADN dans le cadre judiciaire.(24) Le médecin est obligé de poser ces actes et d'établir un rapport.

Pour le test ADN, le médecin ne peut utiliser la contrainte physique contre la personne concernée. Si la personne concernée refuse de se soumettre à cette expérience, ce refus est mentionné dans le procès-verbal.

2.12.Installation de caméras de surveillance pour éviter ou constater les délits en milieu hospitalier

Le fait de prendre des images dans le local de consultation ou dans la chambre du patient est inacceptable.(25)

Selon les conditions prévues par la loi du 21 mars 2007 réglant l'installation et l'utilisation de caméras de surveillances, des caméras peuvent être placées dans des espaces accessibles au public (hall, couloirs de l'hôpital, etc.) afin de garantir la sécurité des médecins et des patients et de recueillir des preuves d'un délit. Le matériel visuel du délit peut être transmis aux services de police.

3. Conclusion

La collaboration entre le médecin, l'hôpital, les services de police et le ministère public doit aller de pair avec le respect des principes déontologiques propres à chaque profession. Il incombe au médecin de s'informer des dispositions légales et des principes de la déontologie médicale avant de transmettre des informations médicales aux autorités judiciaires et à la police.

Le médecin a le devoir déontologique de remplir honnêtement et scrupuleusement sa mission de médecin expert judiciaire en cas de réquisition par un magistrat. Une bonne communication et des accords clairs entre les deux acteurs favorisent le fonctionnement correct du système judiciaire et du secteur des soins.

Les principes déontologiques repris dans cet avis s'appliquent à tous les médecins. En outre, le Conseil national travaille sur un avis concernant la collaboration entre la police, le ministère public et les médecins généralistes.

Les médecins peuvent toujours s'adresser à leur conseil provincial pour obtenir un avis déontologique sur des situations concrètes.


Annexe 1

Je, soussigné, docteur .............................., déclare avoir examiné .............................., le XX/XX/XX/ à XX.XX heures à .............................. .

Il/elle a été hospitalisé(e) moins / plus de 24 heures.

La personne concernée :

- a été blessée légèrement / modérément / gravement / mortellement

- est dans un état critique.


Annexe 2

Attestation médicale à l'attention de la police

Par la présente, le médecin soussigné confirme que la personne suivante a été soignée par le service des soins d'urgence/par le SMUR.

Nom et prénom

Date de naissance

Rue et numéro

Commune

Date de la prise en charge

Hôpital (1)

(1) À remplir si différent du logo

L'état actuel du patient menace immédiatement le pronostic vital

OUI

NON

Le patient est hospitalisé

OUI

NON

Estimation de la période minimale de repos nécessaire pour la récupération de l'état de santé, y compris le jour de la présentation (définition : voir note 1)

jours

Le patient est décédé

OUI

NON

Indiquez à qui l'attestation a été donnée (ou envoyée)

Si c'est directement à la police, le médecin soussigné déclare que le patient ou son représentant a donné son accord.

Patient ou son représentant

Police

Date Signature et cachet


Législation

- Artt. 422bis, 458, 458bis, 458ter, Code pénal

- Artt. 30, 43, 44, 56, Code d'instruction criminelle

- Arrêté royal du 10 juin 1959 relatif au prélèvement sanguin en vue du dosage de l'alcool et fixant la date de l'entrée en vigueur de la loi du 15 avril 1958 modifiant le Code d'instruction criminelle, la loi du 1er août 1899 portant révision de la législation et des règlements sur la police du roulage et l'arrêté-loi du 14 novembre 1939 relatif à la répression de l'ivresse

- Loi du 21 mars 2007 réglant l'installation et l'utilisation de caméras de surveillance

- Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données)

- Arrêté royal du 16 mars 1968 portant coordination des lois relatives à la police de la circulation routière

Documentation

- Code de déontologie médicale, version 2018

- Handboek Gezondheidsrecht Volume II, T. Vansweevelt et F. Dewallens

- Omgaan met beroepsgeheim, B. Hubeau, J. Mertens, J. Put, R. Roose, K. Stas, F. Vander Laenen

- Beroepsgeheim en hulpverlening, I. Van der Straete, J. Put

- Forensische geneeskunde, W. Van de Voorde

- Beroepsgeheim en Politie/Justitie, KNMG

- Samenwerkingsprotocol tussen de Limburgse algemene ziekenhuizen - Limburgse politiediensten - Parket Limburg

- Samenwerkingsprotocol tussen de functies gespecialiseerde spoedgevallenzorg en de lokale politie Antwerpen

- Samenwerkingsprotocol politiezones-huisartsen tussen de lokale huisartsenkring en artsenkring Zennevallei

- Protocolakkoord-organisatie en afspraken wachtdienstregeling artsen gedwongen opnames voor meerderjarigen-Parket van de procureur des Konings Oost-Vlaanderen-afdeling Dendermonde

Avis du Conseil national de l'Ordre des médecins

- Caméra de vidéo-surveillance dans un cabinet médical, avis CN du 21 septembre 2019, a166010

- La présence de drogue et d'armes dans les hôpitaux psychiatriques, avis CN du 19 mars 2005, a108007

- Admission dans un hôpital psychiatrique - Communication à la police ou au procureur du Roi, avis CN 24 avril 1999, a085004

- Délivrance d'une attestation pour un placement en cellule par la police, avis CN du 20 avril 2013, a141014-R

- Notion d'incapacité de travail personnel' dans le chef de la victime de coups et blessures volontaires - article 399 du Code pénal, avis CN du 6 mai 2017, a157009

- Le secret médical et la justice, avis CN du 30 septembre 2013, a144011



(1) Par exemple à Anvers et au Limbourg

(2) Voir aussi l'avis du Conseil national de l'Ordre des médecins, La présence de drogue et d'armes dans les hôpitaux psychiatriques, 19 mars 2005, a108007

(3) Ceci vaut tant pour les situations dans lesquelles le patient est l’auteur que pour les situations dans lesquelles le patient est victime.

(4) Art. 458bis, Code pénal

(5) Ibidem

(6) Par exemple : un patient veut mourir et confie au médecin qu'il va d'abord tuer son épouse quand il rentre. D'une part, le médecin est tenu au secret professionnel ; d'autre part, il est obligé d'aide une personne en grand péril (c'est-à-dire le patient et son épouse). Le médecin peut estimer que l'obligation légale d'assistance prime sur le secret professionnel et peut en informer des tiers (par exemple les services de police).

(7) C'est par exemple le cas lorsque le patient confie au médecin qui a l'intention de tuer quelqu'un.

(8) En cas de conflit, il revient finalement au juge d'apprécier s'il est question d'un état de nécessité.

(9) Art. 30, Code d'Instruction criminelle

(10) Cependant, il n'est pas exclu que la divulgation des faits soit justifiée en invoquant l'état de nécessité, p. ex. lorsque le patient menace sérieusement le médecin, d'autres collaborateurs de l'hôpital ou d'autres patients ou détruit l'hôpital (cf. 2.1.). Le médecin du patient-auteur qui sera parfois le seul témoin de l'infraction peut appeler les services de police pour garantir la sécurité des confrères et des autres patients. Cependant, dans une telle situation, le médecin ne peut pas transmettre à la police des informations médicales relatives au patient.

(11) Par exemple l'identification du type de lésions.

(12) Les informations suivantes figurent dans cette attestation : nom et prénom du patient, date de naissance, adresse, date de soins, nom de l'hôpital, description générale des lésions, estimation de la gravité, estimation de la durée prévue d'incapacité de travail.

(13) Le conjoint, le partenaire cohabitant légal, le partenaire cohabitant de fait, les enfants, les parents, les sœurs ou les frères.

(14) Avis du Conseil national de l'Ordre des médecins, Admission dans un hôpital psychiatrique - Communication à la police ou au procureur du Roi, 24 avril 1999, a085004

(15) Interpol standing committee on DVI - Resolution AGN/65/res/13 ; Arrêté royal du 10 juin 2014 déterminant les missions et les tâches de sécurité civile exécutées par les zones de secours et par les unités opérationnelles de la protection civile et modifiant l'arrêté royal du 16 février 2006 relatif aux plans d'urgence et d'intervention ; Arrêté royal du 14 novembre 2006 relatif à l'organisation et aux compétences de la police fédérale

(16) Voir aussi avis du Conseil national de l'Ordre des médecins, Délivrance d'une attestation pour un placement en cellule par la police, 20 avril 2013, a141014-R

(17) Art. 458, Code pénal

(18) Art. 28, Code de déontologie médicale

(19) Art. 458ter, Code pénal

(20) Art. 43, 44 et 56, Code d'Instruction criminelle

(21) Art. 43, Code de déontologie médicale

(22) Arrêté royal du 10 juin 1959 relatif au prélèvement sanguin en vue du dosage de l’alcool et fixant la date de l’entrée en vigueur de la loi du 15 avril 1958 modifiant le Code d’instruction criminelle, la loi du 1er août 1899 portant révision de la législation et des règlements sur la police du roulage et l’arrêté-loi du 14 novembre 1939 relatif à la répression de l’ivresse.

(23)Arrêté royal du 17 mai 2018 déterminant les maladies contagieuses pour lesquelles la procédure visée par le `Chapitre IX. De l'analyse de la possibilité de transmission d'une maladie contagieuse grave lors de la commission d'une infraction', du livre II, titre IV, du Code d'Instruction criminelle, peut être appliquée et déterminant les laboratoires auxquels ces examens peuvent être confiés

(24) Art. 44ter et suivants, Code d'Instruction criminelle

(25) Avis du Conseil national de l’Ordre des médecins, , 21 septembre 2019, a166010

COVID-1917/10/2020 Code de document: a167035
Départ prématuré de l’hôpital par les patients atteints du COVID-19 – Responsabilité du médecin

Le Conseil national a examiné la question de savoir ce que le médecin peut faire si le patient quitte le centre de soins/l'hôpital, transgresse de ce fait les mesures et met en danger d'autres personnes (voir Questions et réponses (mars, avril, mai 2020) publiées dans la rubrique COVID-19 sur www.ordomedic.be).

Un centre de soins/hôpital chargé de dispenser des soins aux patients atteints du COVID-19 n'a pas la compétence légale d'empêcher les patients de quitter l'institution.

Les prestataires de soins de l'institution sont tenus au secret professionnel. Néanmoins, après avoir apprécié l'importance du secret professionnel, le risque de contamination et le danger pour la santé publique, ils peuvent invoquer l'état de nécessité et informer les instances compétentes ou les personnes de la problématique, par exemple les services de soins de nuit, les proches du patient. ou le service de «surveillance des maladies infectieuses».

Il est primordial, en premier lieu, de bien communiquer avec le patient, de lui expliquer clairement les mesures ainsi que les conséquences liées à un départ anticipé de l'institution.

Le Conseil national renvoie aussi à son avis Attitude du médecin confronté au refus du patient de se soumettre à un test COVID-19 ou de respecter la mesure obligatoire de quarantaine du19 septembre 2020 (a167027).

COVID-1919/09/2020 Code de document: a167027
report_problem Avis du 19 septembre 2020 modifié le 17 octobre 2020
Attitude du médecin confronté au refus du patient de se soumettre à un test COVID-19 ou de respecter la mesure obligatoire de quarantaine

Le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné la marche à suivre par le médecin si un patient, qui répond à la définition d'un cas possible de COVID-19 ou qui est classé comme contact à haut risque, refuse de se faire tester ou de respecter la mesure obligatoire de quarantaine.

  1. Introduction

Conformément aux directives de Sciensano destinées aux professionnels de la santé, certaines catégories de personnes doivent obligatoirement se soumettre à un test COVID-19.

(https://covid-19.sciensano.be/sites/default/files/Covid19/COVID-19_Case%20definition_Testing_FR.pdf;

https://covid-19.sciensano.be/sites/default/files/Covid19/COVID-19_FAQ_travel_FR.pdf).

En outre, le médecin est tenu d'informer le patient des mesures à respecter obligatoirement, notamment la quarantaine.

(https://covid-19.sciensano.be/sites/default/files/Covid19/COVID-19_procedure_contact_FR.pdf).

Le Conseil national a reçu à maintes reprises des questions sur la marche à suivre par le médecin si un patient refuse de se faire tester ou de respecter la mesure obligatoire de quarantaine.

  1. Le patient refuse de se faire tester

Conformément à l'article 8, § 1er, de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient (ci-après loi droits du patient), le patient a le droit de consentir librement à toute intervention du praticien professionnel moyennant information préalable.

L'article 8, § 4, de la loi droits du patient prévoit que le patient a le droit de refuser ou de retirer son consentement, tel que visé au § 1er, pour une intervention. Le fondement de ce droit de refus est lié à l'intégrité physique du patient, d'une part, et à la convention de prise en charge médicale, d'autre part.(1) Par conséquent, le patient ne peut jamais être contraint de passer un test.

Cependant, le droit de refus du patient ne porte pas atteinte à l'obligation du médecin de signaler une possible contamination auprès de la banque de données de Sciensano.

La mention obligatoire se fait sur la base de l'article 6, § 1er, de l'arrêté royal n° 44 du 26 juin 2020 (2).. Même si le patient refuse de se faire tester, le médecin doit mentionner une maladie soumise à déclaration dans les 24 heures suivant la première suspicion d'une infection grave figurant sur la liste des « maladies infectieuses soumises à déclaration », en vue du lancement du suivi des contacts.

Le médecin peut la mentionner via le « eFormulaire 3 », COVID-19 : Demande directe de suivi de contacts pour une suspicion très forte de COVID-19

(https://covid-19.sciensano.be/sites/default/files/Covid19/COVID-19_procedure_GP_FR.pdf)

  1. Le patient refuse de rester en quarantaine

Bien que le refus d'un test soit un droit fondamental et qu'il n'entraîne pas de conséquences directes, le non-respect de la mesure obligatoire de la quarantaine peut constituer un danger pour la santé publique.

Le médecin doit informer le patient de ces dangers, souligner la responsabilité individuelle du patient vis-à-vis de la société et communiquer que, si le patient ne respecte pas ces mesures, il est possible que le médecin puisse porter cette infraction à la connaissance des autorités compétentes, en l'occurrence le service de « surveillance des maladies infectieuses ».

Si le médecin apprend que le patient représente un danger grave et imminent pour la santé d'autrui en raison du non-respect de la mesure de quarantaine, et si la divulgation de l'information est la seule façon de protéger l'intérêt supérieur, à savoir la santé publique, le médecin peut briser le secret professionnel en vertu de l'état de nécessité.

Dans ce cas, il peut prévenir le service de "surveillance des maladies infectieuses" de sa région de la situation et transmettre les données nécessaires du patient (https://covid-19.sciensano.be/sites/default/files/Covid19/COVID-19_procedure_GP_FR.pdf).

  1. Conclusion

Le patient a le droit de refuser de se faire tester au COVID-19. Le droit fondamental de refus ne porte pas préjudice à l'obligation du médecin de communiquer les données de santé du patient potentiellement contaminé à la banque de données créées par Sciensano.

En soit, le refus de test n'autorise pas de passer outre le secret professionnel. Néanmoins, le non-respect de la mesure obligatoire de quarantaine peut, si ceci constitue un danger grave et imminent pour la santé publique, conduire à passer outre le secret professionnel. Dans ce cas, le médecin peut informer le service de « surveillance des maladies infectieuses » de sa région.


[1] T. Vansweevelt et F. Dewallens, « Handboek gezondheidsrecht Volume II, Rechten van patiënten: van embryo tot lijk », p. 345

[2] Arrêté royal n° 44 du 26 juin 2020 concernant le traitement conjoint de données par Sciensano et les centres de contact désignés par les autorités régionales compétentes ou par les agences compétentes, par les inspections sanitaires et par les équipes mobiles dans le cadre d'un suivi des contacts auprès des personnes (présumées) infectées par le coronavirus COVID-19 sur la base d'une base de données auprès de Sciensano

Déclaration à la police, aux autorités judiciaires30/04/2020 Code de document: a167013
Collaboration entre la police, le ministère public et les hôpitaux - Principes généraux

Collaboration entre la police, le ministère public et les hôpitaux - Principes généraux

Contenu

1. Introduction

2.Situations particulières

2.1. Le patient commet un fait punissable dans l'hôpital

2.2. Le médecin a connaissance d'un fait punissable en dehors de l'hôpital - patient en tant qu'auteur ou victime

2.3. Stupéfiants sur ou dans le corps du patient

2.4. Patient sous surveillance policière

2.5. Donner priorité à la police au service des urgences

2.6. La police pénètre dans l'hôpital

2.7. La police demande des informations sur les interventions à l'hôpital

2.8. Interrogatoire à l'hôpital

2.9. Personnes disparues

2.9.1. Appréciation du caractère « inquiétant » de la disparition

2.9.2. Recherche du patient

2.9.3. Pour la rédaction d'un dossier ante mortem

2.10. Attestation médicale concernant une disposition à l'enfermement

2.11. Moyens légaux soutenant l'information ou l'instruction

2.11.1.Témoignage en justice

2.11.2.Concertation

2.11.3.Désignation d'un médecin expert judiciaire pendant l'enquête - Prise de sang ou salive dans le cadre de la détection d'une intoxication (alcool, drogues) ou pour déterminer le profil ADN

2.11.3.1. Généralités

2.11.3.2. Prélèvement sanguin dans le cadre judiciaire

2.11.3.3. Application spécifique : prélèvement sanguin dans le cadre judiciaire si la victime a peut-être été contaminée par une maladie grave à la suite d'un fait punissable

2.11.3.4. Test ADN

2.12. Installation de caméras de surveillance pour éviter ou constater les délits en milieu hospitalier

3. Conclusion

1. Introduction

Dans le cadre du fonctionnement de l'hôpital, les médecins et les institutions hospitalières visent une autre finalité que les services de police et les parquets : alors que les premiers ont pour but de dispenser des soins de qualité à tout patient qui se présente à l'hôpital, les seconds ont pour tâche de garantir la sécurité de la société et de faire des constatations objectives pour faciliter par la suite la découverte de la vérité judiciaire.

Cependant, ces deux groupes d'intervenants sont régulièrement en contact et la situation les oblige à collaborer, nonobstant leurs objectifs et normes souvent divergents. Ainsi, le médecin est tenu au secret professionnel, alors que la police, dans le cadre d'une enquête, tente de recueillir autant d'informations que possible sur un potentiel auteur ou sur une victime. D'autres droits fondamentaux, comme le droit aux soins et le droit de la défense, restent d'application.

Le cadre légal prévu n'est souvent pas suffisamment connu, tant par les médecins que par les services de police, ou n'indique pas assez clairement comment les deux acteurs doivent agir dans une situation spécifique. Dans certaines régions(1), les hôpitaux, la police et le ministère public ont rédigé un protocole de collaboration, qui fixe plusieurs accords sur la façon dont les interactions entre eux doivent se dérouler en vue d'une efficacité maximale des deux services.

De tels protocoles favorisent une collaboration aisée entre les différents acteurs sur le terrain et offrent une réponse à plusieurs situations spécifiques. Cependant, le risque existe que chaque région rédige des accords différents ou contraires à la législation existante ou à la déontologie médicale.

Pour éviter ces cas de figure, le Conseil national donne, dans le présent avis, un aperçu des principes déontologiques que le médecin doit prendre en compte dans une situation spécifique, dans le respect du droit à la vie privée, du secret professionnel, de l'accès aux soins, de la qualité des soins, de la sécurité du patient, de la dignité humaine et de l'autonomie du patient.

2. Situations particulières

2.1. Le patient commet un fait punissable dans l'hôpital

Si un patient se rend coupable d'un fait punissable envers un autre patient, un médecin, le personnel hospitalier ou l'hôpital, le médecin peut porter plainte auprès de la police. Il peut par exemple s'agir de menaces à l'encontre du médecin, de violences physiques à l'égard de collaborateurs de l'hôpital ou d'autres patients, de destructions dans le local de consultation, de la possession d'armes dangereuses(2), etc.

Le médecin donne à la police le nom de l'auteur et le lieu où les faits se sont produits. Les données médicales de l'auteur ne sont pas divulguées.

La police qui se rend sur place a accès au local où le patient se trouve et où les faits se sont produits pour pouvoir faire les premières constatations.

2.2. Le médecin a connaissance d'un fait punissable en dehors de l'hôpital - patient en tant qu'auteur ou victime

Lorsque le médecin apprend dans l'exercice de sa profession que le patient a commis un fait punissable, cela relève du secret professionnel.

De même, lorsque le médecin apprend dans l'exercice de sa profession que le patient a été victime d'un fait punissable, cela relève du secret professionnel et le médecin respecte le choix de la victime de ne pas porter plainte auprès de la police.

Pour certaines infractions commises sur un mineur ou une personne vulnérable, l'article 458bis du Code pénal dispose que le médecin peut briser son secret professionnel, moyennant le respect de certaines conditions.(3) C'est le cas en particulier d'infractions qui portent gravement atteinte à l'intégrité physique d'un mineur ou d'une personne vulnérable, comme la traite d'êtres humains, l'assassinat ou des violences conjugales, abus de nature sexuelle, comme un attentat à la pudeur ou le viol d'un enfant ou d'une personne handicapée.(4)

Si le médecin a connaissance d'un délit précité et s'il estime qu'il existe un danger grave et imminent que l'auteur récidive et s'il n'est pas en mesure de protéger, seul ou avec l'aide de tiers, l'intégrité physique ou psychique du mineur ou de la personne vulnérable, il peut en informer le procureur du Roi.(5)

Outre l'exception légale de l'article 458bis du Code pénal, le médecin est soumis à l'article 422bis du Code pénal qui comporte une obligation légale d'assistance envers une personne exposée à un péril grave. Dans certaines situations, il n'est pas évident de concilier ces deux normes, à savoir le secret professionnel et l'obligation légale d'assistance.(6) Dans le cas d'un tel conflit de devoirs, « l'état de nécessité » peut être d'application.

L'état de nécessité est une notion issue de la doctrine et de la jurisprudence, impliquant que, dans des circonstances exceptionnelles, la transgression d'une norme pénale (par exemple la violation du secret professionnel) ne sera pas punie lorsque cette infraction peut être justifiée pour protéger un autre intérêt ayant une même valeur ou une valeur considérée supérieure ou en prévention d'une autre infraction (par exemple un meurtre). Une violation du secret professionnel peut exceptionnellement être justifiée si un danger grave, actuel et certain ne peut être évité autrement.(7) Tout dépend des circonstances de fait pour qu'il soit question d'état de nécessité. Il incombe au médecin de confronter les deux normes ou intérêts.(8)

Enfin, toute personne qui a été témoin d'une atteinte, soit à la sécurité publique, soit à la vie ou à la propriété d'une personne, est obligée de le signaler au procureur du Roi, soit du lieu du délit ou du crime, soit du lieu où peut se trouver le suspect.(9) Dans le cadre de la relation médecin-patient, l'obligation déclarative du médecin, contenue à l'article 30 du Code d'Instruction criminelle, est uniquement valable pour un délit dont un patient a été victime. Si le patient en est l'auteur, le secret professionnel reste d'application. Cependant, il n'est pas exclu que la divulgation des faits soit justifiée en recourant à l'état de nécessité.(10) Dans une telle situation, le médecin ne transmettra cependant pas d'informations de nature médicale concernant le patient aux services de police.

2.3. Stupéfiants sur ou dans le corps du patient

Le médecin qui découvre pendant l'examen ou le traitement des stupéfiants sur ou dans le corps d'un patient remet ces stupéfiants, dans les plus brefs délais, aux services de police sans mentionner de données à caractère personnel ou médical du patient, à moins qu'il ne soit question d'une exception au secret professionnel (cf. 2.2). Ceci est communiqué au patient et indiqué dans son dossier. Il est primordial que le patient continue à avoir confiance dans le médecin et les soins qu'il lui prodigue et qu'il lui soit clairement expliqué que le médecin n'a pas de compétence de recherche et que son identité ne sera pas divulguée aux services de police.

Dans ce contexte, le médecin peut prendre en compte le principe de proportionnalité.

2.4. Patient sous surveillance policière

Si la police estime qu'un patient accompagné d'agents constitue une menace pour l'intégrité (physique) du personnel hospitalier, le médecin autorise la police à être présente dans la zone de traitement ou dans l'environnement immédiat.

Le médecin respecte la décision de la police de laisser le patient menotté et peut uniquement s'opposer à cette décision pour des raisons médicales, par exemple lorsque les menottes du patient empêchent fortement la dispense de soins. Dans ce cas, le médecin et les services de police se concertent sur la façon dont ils peuvent, chacun, remplir leurs tâches de façon sécurisée et qualitative. Les deux sont tenus au respect de l'obligation légale d'assistance telle que prévue à l'article 422bis du Code pénal.

2.5. Donner priorité à la police au service des urgences

Pour autant que l'urgence des soins à prodiguer à d'autres patients le permette, le médecin donne priorité au patient sous surveillance policière ou à l'agent de police qui, dans l'exercice de ses fonctions, est lui-même blessé ou a besoin de soins.

2.6. La police pénètre dans l'hôpital

La police peut pénétrer librement dans les espaces publics, tels que le hall d'accueil, la salle d'attente et les couloirs de l'hôpital.

Il est uniquement permis de pénétrer dans le local de consultation moyennant l'accord du patient et du médecin traitant. Ce dernier s'y opposera seulement si cette intrusion dans le local empêche gravement la dispense de soins.

Il est seulement autorisé de pénétrer dans la chambre du patient moyennant son autorisation, sauf en cas de flagrant délit ou sur ordre du juge d'instruction conformément à l'article 89bis du Code d'Instruction criminelle.

2.7. La police demande des informations sur les interventions à l'hôpital

Les services de police qui mènent l'enquête essayent de recueillir autant d'informations que possible, notamment des informations médicales sur un auteur potentiel ou une victime.

Le médecin traitant est tenu au respect du secret professionnel et ne peut en principe pas transmettre d'informations médicales aux services de police. Ceci complique l'enquête et n'est pas favorable, plus tard, à la découverte de la vérité par le juge, en particulier lorsque l'agent de police interprète la situation médicale d'une façon qui ne correspond pas complètement à la réalité médicale.(11)

La relation de confiance entre le médecin et le patient prime et le médecin doit être très prudent quant à la violation du secret professionnel. Une attitude trop laxiste par rapport au secret professionnel peut entraîner des risques plus grands que les dangers ou inconvénients qui peuvent éventuellement être prévenus.

Cependant, le patient peut être demandeur de communiquer des informations médicales aux services de police ou au parquet. Le patient a le droit de disposer lui-même des informations médicales le concernant et de collaborer avec les services de police. Dans ce cas, le médecin peut accepter de rédiger une attestation médicale spécifique, comprenant des données médicales limitées(12), qui est remise à la police par l'intermédiaire du patient. Le médecin a pour tâche de protéger le patient de la transmission de ses données médicales à des tiers et de l'informer des conséquences possibles du transfert de ses données médicales aux services de police.

Le médecin note dans le dossier patient s'il a rédigé une attestation, quel en était le contenu et s'il a délivré ce document au patient ou directement aux services de police à la demande du patient.

Enfin, le médecin informe le patient de la possibilité de rédiger un rapport médical circonstancié. Le patient peut opter pour ajouter ce rapport au dossier de police, éventuellement ultérieurement. Le cas échéant, le médecin adresse le rapport sous pli fermé à l'éventuel médecin expert judiciaire et le transmet aux services de police avec la mention « secret médical ».

Si le patient n'est pas capable d'exprimer sa volonté, il est d'usage que le médecin transmette un certificat médical, avec un nombre limité de données médicales, au représentant du patient ou à des membres de la famille(13) en cas d'absence du représentant.

En cas d'absence du représentant ou des membres de la famille, le médecin peut remettre, dans l'intérêt du patient, un certificat médical avec un nombre limité de données médicales aux services de police après avoir considéré le principe de proportionnalité et si nécessaire. Des exemples d'un tel certificat figurent dans l'annexe 1.

2.8. Interrogatoire à l'hôpital

Si la police estime qu'il est nécessaire d'auditionner l'auteur potentiel ou la victime à l'hôpital, le médecin autorise la police à accéder à la zone de traitement ou à la chambre du patient, si le patient y consent et si sa situation médicale le permet.

2.9. Personnes disparues

Lorsqu'une personne est signalée disparue, la police a de nombreuses raisons de prendre contact avec le médecin traitant de cette personne ou avec les hôpitaux environnants.

2.9.1. Appréciation du caractère « inquiétant » de la disparition

La police peut être obligée de demander les informations médicales de la personne disparue pour évaluer le « caractère inquiétant » de la disparition. Le médecin traitant de la personne disparue peut uniquement communiquer avec les services de police si la disparition, au vu de la situation médicale du patient, menace potentiellement le pronostic vital, par exemple parce que le patient est suicidaire, qu'il est dépendant d'une médication vitale ou qu'il y a un risque de désorientation.

2.9.2. Recherche du patient

Sur la base de la directive ministérielle du 26 avril 2014 relative à la « Recherche des personnes disparues », les services de police prendront contact avec les hôpitaux environnants en cas de « disparition inquiétante ».

Pour éviter de poursuivre inutilement les recherches, le médecin concerné peut informer les services de police de la présence ou non du patient dans l'hôpital, sans divulguer les données médicales du patient.

Des problèmes concrets se posent quand le patient souhaite garder secrète son admission à l'hôpital pour son entourage. D'une part, le droit à la vie privée du patient concerné doit être respecté ; d'autre part, il convient d'éviter de poursuivre les recherches. Dans ce cas, il est recommandé de faire appel à un intermédiaire, par exemple le président d'un Conseil provincial de l'Ordre des médecins, ou un membre du conseil délégué, qui communique au magistrat du parquet compétent qu'il n'y a pas de raisons de considérer la disparition comme « inquiétante »(14).

En ce qui concerne la recherche de délinquants, le médecin confronte le secret professionnel à l'intérêt général.

2.9.3. Pour la rédaction d'un dossier ante mortem

Le service Disaster Victim Identification (DVI) de la Police fédérale a, notamment, pour tâche d'identifier les victimes décédées sur la base d'une comparaison entre le dossier ante mortem et le dossier post mortem.(15)

En vue de la préparation d'une identification d'une victime potentielle, un médecin expert judiciaire peut être désigné, sur ordre du Procureur du Roi ou du juge d'instruction, pour la constitution d'un dossier ante mortem. Dans ce cas, le médecin traitant transmettra le dossier patient de la personne disparue aux services de police, sous pli fermé, adressé au médecin expert judiciaire, avec la mention « secret médical ». Le médecin expert judiciaire appréciera les données issues du dossier patient qui sont nécessaires à la rédaction du dossier ante mortem.

L'accès au dossier patient par les services de police en vue de la rédaction d'un dossier ante mortem implique une violation du secret professionnel.

2.10. Attestation médicale concernant une disposition à l'enfermement

Il peut arriver qu'une personne soit blessée pendant qu'elle commet un fait de nature criminelle. Lorsque les services de police arrêtent une personne blessée, celle-ci doit être amenée en premier lieu à l'hôpital pour des soins. Dans le cas où les services de police procèdent à une privation de liberté, il est demandé au médecin traitant, à cette occasion, si l'état de santé du patient permet son enfermement ou son audition.

Il n'incombe pas au médecin traitant de délivrer un certificat d'aptitude fixant que l'état de santé du patient lui permet d'être auditionné ou enfermé. En effet, le médecin traitant n'a pas pour tâche d'intervenir comme médecin expert judiciaire ; il a uniquement pour mission de dispenser des soins et peut délivrer, via le patient, une attestation aux services de police comportant un nombre limité de données médicales (cf. supra).(16)

2.11. Moyens légaux soutenant l'information ou l'instruction

Le secret professionnel n'est pas absolu. La loi prévoit plusieurs exceptions qui permettent au médecin de parler (cf. 2.2.).

En outre, le Procureur du Roi et le juge d'instruction ont des moyens légaux à disposition pour mener une enquête efficace et fiable.

2.11.1.Témoignage en justice

Le médecin peut être appelé à témoigner en justice devant le juge d'instruction ou devant une commission d'instruction parlementaire.(17)

Le médecin a un droit de parler, pas une obligation de parler.(18)

Cette exception légale ne permet toutefois pas de témoigner devant les services de police ou le parquet.

2.11.2.Concertation

L'article 458ter du Code pénal permet d'organiser une concertation entre divers acteurs soumis au secret professionnel et d'aboutir à une collaboration pluridisciplinaire, en vue de la protection de l'intégrité physique ou psychique d'une personne ou de tiers, ou pour éviter des actes terroristes ou des délits dans le cadre d'une organisation criminelle comme prévu à l'article 324bis du Code pénal.

La concertation est organisée par ou en vertu d'une loi, d'un décret ou d'une ordonnance, ou en cas d'autorisation motivée du procureur du Roi.(19)

Le médecin qui est prié de participer à une concertation a le droit de parler, pas une obligation de parler.

2.11.3. Désignation d'un médecin expert judiciaire pendant l'enquête - Prise de sang ou salive dans le cadre de la détection d'une intoxication (alcool, drogues) ou pour déterminer le profil ADN

2.11.3.1. Généralités

Pendant l'information ou l'instruction, le procureur du Roi ou le juge d'instruction peut désigner un médecin-expert judiciaire pour examiner l'état médical de l'auteur potentiel ou de la victime.(20)

Le médecin qui, en tant que médecin expert judiciaire, établit le rapport sur l'état de santé d'une personne, dans les limites de sa mission, ne viole pas le secret professionnel.

Le médecin traitant doit mettre les informations nécessaires à la disposition du médecin expert judiciaire.

Les missions du médecin expert judiciaire sont incompatibles avec celles du médecin traitant.(21)

2.11.3.2. Prélèvement sanguin dans le cadre judiciaire

Le médecin qui exécute un prélèvement sanguin dans le cadre judiciaire, sur réquisition des autorités compétentes, et qui rédige le rapport y afférent ne se rend pas coupable d'une violation du secret professionnel. Si seul le médecin traitant peut être réquisitionné, il prélève un échantillon de sang sans fournir d'informations sur les éventuels signes d'intoxication ou d'autres données médicales.

Le médecin est contraint de poser les actes requis et peut seulement s'en abstenir si ses constatations montrent une contre-indication formelle à cette mesure ou lorsqu'il reconnaît comme fondées les raisons avancées par la personne concernée pour s'y soustraire.(22)

Les résultats du prélèvement sanguin et le rapport y afférent peuvent être communiqués, sous pli fermé, aux services de police, qui les transmettront au magistrat les réclamant.

Le médecin ne peut utiliser la contrainte physique contre la personne concernée qui refuse de se soumettre à un prélèvement sanguin dans le cadre judiciaire.

2.11.3.3. Application spécifique : prélèvement sanguin dans le cadre judiciaire si la victime a peut-être été contaminée par une maladie grave à la suite d'un fait punissable

Lorsqu'il existe de sérieuses indications qu'une victime d'un délit puisse avoir été contaminée, à la suite de ce fait punissable, par une maladie grave reprise sur une liste fixée par arrêté royal, le procureur du Roi peut demander au suspect le prélèvement d'un échantillon sanguin pour vérifier s'il est porteur de cette maladie.

Le cas échéant, l'information médicale relève du secret professionnel et le laboratoire de référence requis transmettra les résultats uniquement au médecin traitant de la victime et à celui du suspect à sa demande. Les données médicales ne sont pas communiquées au procureur du Roi.

2.11.3.4. Test ADN

Le médecin peut aussi être requis pour des prélèvements capillaires (avec racines), de muqueuses buccales ou de sang pour réaliser un test ADN dans le cadre judiciaire.(24) Le médecin est obligé de poser ces actes et d'établir un rapport.

Pour le test ADN, le médecin ne peut utiliser la contrainte physique contre la personne concernée. Si la personne concernée refuse de se soumettre à cette expérience, ce refus est mentionné dans le procès-verbal.

2.12.Installation de caméras de surveillance pour éviter ou constater les délits en milieu hospitalier

Le fait de prendre des images dans le local de consultation ou dans la chambre du patient est inacceptable.(25)

Selon les conditions prévues par la loi du 21 mars 2007 réglant l'installation et l'utilisation de caméras de surveillance, des caméras peuvent être placées dans des espaces accessibles au public (hall, couloirs de l'hôpital, etc.) afin de garantir la sécurité des médecins et des patients et de recueillir des preuves d'un délit. Le matériel visuel du délit peut être transmis aux services de police.

3. Conclusion

La collaboration entre le médecin, l'hôpital, les services de police et le ministère public doit aller de pair avec le respect des principes déontologiques propres à chaque profession. Il incombe au médecin de s'informer des dispositions légales et des principes de la déontologie médicale avant de transmettre des informations médicales aux autorités judiciaires et à la police.

Le médecin a le devoir déontologique de remplir honnêtement et scrupuleusement sa mission de médecin expert judiciaire en cas de réquisition par un magistrat. Une bonne communication et des accords clairs entre les deux acteurs favorisent le fonctionnement correct du système judiciaire et du secteur des soins.

Les principes déontologiques repris dans cet avis s'appliquent à tous les médecins. En outre, le Conseil national travaille sur un avis concernant la collaboration entre la police, le ministère public et les médecins généralistes.

Les médecins peuvent toujours s'adresser à leur conseil provincial pour obtenir un avis déontologique sur des situations concrètes.

Sources

Législation

- Artt. 422bis, 458, 458bis, 458ter, Code pénal

- Artt. 30, 43, 44, 56, Code d'instruction criminelle

- Arrêté royal du 10 juin 1959 relatif au prélèvement sanguin en vue du dosage de l'alcool et fixant la date de l'entrée en vigueur de la loi du 15 avril 1958 modifiant le Code d'instruction criminelle, la loi du 1er août 1899 portant révision de la législation et des règlements sur la police du roulage et l'arrêté-loi du 14 novembre 1939 relatif à la répression de l'ivresse

- Loi du 21 mars 2007 réglant l'installation et l'utilisation de caméras de surveillance

- Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données)

- Arrêté royal du 16 mars 1968 portant coordination des lois relatives à la police de la circulation routière

Documentation

- Code de déontologie médicale, version 2018

- Handboek Gezondheidsrecht Volume II, T. Vansweevelt et F. Dewallens

- Omgaan met beroepsgeheim, B. Hubeau, J. Mertens, J. Put, R. Roose, K. Stas, F. Vander Laenen

- Beroepsgeheim en hulpverlening, I. Van der Straete, J. Put

- Forensische geneeskunde, W. Van de Voorde

- Beroepsgeheim en Politie/Justitie, KNMG

- Samenwerkingsprotocol tussen de Limburgse algemene ziekenhuizen - Limburgse politiediensten - Parket Limburg

- Samenwerkingsprotocol tussen de functies gespecialiseerde spoedgevallenzorg en de lokale politie Antwerpen

- Samenwerkingsprotocol politiezones-huisartsen tussen de lokale huisartsenkring en artsenkring Zennevallei

- Protocolakkoord-organisatie en afspraken wachtdienstregeling artsen gedwongen opnames voor meerderjarigen-Parket van de procureur des Konings Oost-Vlaanderen-afdeling Dendermonde

Avis du Conseil national de l'Ordre des médecins

- Caméra de vidéo-surveillance dans un cabinet médical, avis CN du 21 septembre 2019, a166010

- La présence de drogue et d'armes dans les hôpitaux psychiatriques, avis CN du 19 mars 2005, a108007

- Admission dans un hôpital psychiatrique - Communication à la police ou au procureur du Roi, avis CN 24 avril 1999, a085004

- Délivrance d'une attestation pour un placement en cellule par la police, avis CN du 20 avril 2013, a141014-R

- Notion d'incapacité de travail personnel' dans le chef de la victime de coups et blessures volontaires - article 399 du Code pénal, avis CN du 6 mai 2017, a157009

- Le secret médical et la justice, avis CN du 30 septembre 2013, a144011



(1) Par exemple à Anvers et au Limbourg

(2) Voir aussi l'avis du Conseil national de l'Ordre des médecins, La présence de drogue et d'armes dans les hôpitaux psychiatriques, 19 mars 2005, a108007

(3) Ceci vaut tant pour les situations dans lesquelles le patient est l'auteur que pour les situations dans lesquelles le patient est victime.

(4) Art. 458bis, Code pénal

(5) Ibidem

(6) Par exemple : un patient veut mourir et confie au médecin qu'il va d'abord tuer son épouse quand il rentre. D'une part, le médecin est tenu au secret professionnel ; d'autre part, il est obligé d'aide une personne en grand péril (c'est-à-dire le patient et son épouse). Le médecin peut estimer que l'obligation légale d'assistance prime sur le secret professionnel et peut en informer des tiers (par exemple les services de police).

(7) C'est par exemple le cas lorsque le patient confie au médecin qui a l'intention de tuer quelqu'un.

(8) En cas de conflit, il revient finalement au juge d'apprécier s'il est question d'un état de nécessité.

(9) Art. 30, Code d'Instruction criminelle

(10) Par exemple, lorsque le patient menace sérieusement le médecin, d'autres collaborateurs de l'hôpital ou d'autres patients ou détruit l'hôpital (cf. 2.1.). Le médecin du patient-auteur qui sera parfois le seul témoin de l'infraction peut appeler les services de police pour garantir la sécurité des confrères et des autres patients.

(11) Par exemple l'identification du type de lésions.

(12) Les informations suivantes figurent dans cette attestation : nom et prénom du patient, date de naissance, adresse, date de soins, nom de l'hôpital, description générale des lésions, estimation de la gravité, estimation de la durée prévue d'incapacité de travail.

(13) Le conjoint, le partenaire cohabitant légal, le partenaire cohabitant de fait, les enfants, les parents, les sœurs ou les frères.

(14) Avis du Conseil national de l'Ordre des médecins, Admission dans un hôpital psychiatrique - Communication à la police ou au procureur du Roi, 24 avril 1999, a085004

(15) Interpol standing committee on DVI - Resolution AGN/65/res/13 ; Arrêté royal du 10 juin 2014 déterminant les missions et les tâches de sécurité civile exécutées par les zones de secours et par les unités opérationnelles de la protection civile et modifiant l'arrêté royal du 16 février 2006 relatif aux plans d'urgence et d'intervention ; Arrêté royal du 14 novembre 2006 relatif à l'organisation et aux compétences de la police fédérale

(16) Voir aussi avis du Conseil national de l'Ordre des médecins, Délivrance d'une attestation pour un placement en cellule par la police, 20 avril 2013, a141014-R

(17) Art. 458, Code pénal

(18) Art. 28, Code de déontologie médicale

(19) Art. 458ter, Code pénal

(20) Art. 43, 44 et 56, Code d'Instruction criminelle

(21) Art. 43, Code de déontologie médicale

(22) Arrêté royal du 10 juin 1959 relatif au prélèvement sanguin en vue du dosage de l'acool et fixant la date de l'entrée en vigueur de la loi du 15 avril 1958 modifiant le Code d'Instruction criminelle, la loi du 1er août 1899 portant révision de la législation et des règlements sur la police du roulage et l'arrêté-loi du 14 novembre 1939 relatif à la répression de l'ivresse.

(23) Arrêté royal du 17 mai 2018 déterminant les maladies contagieuses pour lesquelles la procédure visée par le `Chapitre IX. De l'analyse de la possibilité de transmission d'une maladie contagieuse grave lors de la commission d'une infraction', du livre II, titre IV, du Code d'Instruction criminelle, peut être appliquée et déterminant les laboratoires auxquels ces examens peuvent être confiés

(24) Art. 44ter et suivants, Code d'Instruction criminelle

(25) Avis du Conseil national de l'Ordre des médecins, , 21 septembre 2019, a166010

Secret professionnel04/07/2015 Code de document: a150004
Respect du secret médical lorsque le médecin apprend que son patient a été victime d’une infraction

Le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné la question de savoir si le médecin doit informer le procureur du Roi des faits dont son patient est victime dès lors que selon la jurisprudence, le secret médical ne s'étend pas aux faits dont le patient aurait été la victime.

Avis du Conseil national :

En sa séance du 4 juillet 2015, le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné la question de savoir si le médecin doit informer le procureur du Roi des faits dont son patient est victime dès lors que selon la jurisprudence, le secret médical ne s'étend pas aux faits dont le patient aurait été victime(1) .

1° Le secret médical a pour finalité de protéger la relation de confiance entre le patient et le médecin.

Il s'impose aux praticiens consultés par un patient ou amenés à lui donner des soins ou des avis, dans quelque circonstance que ce soit. Le secret professionnel du médecin s'étend à tout ce que le médecin a vu, connu, appris, constaté, découvert ou surpris dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de sa profession(2). Les éléments du dossier médical, quelle que soit la situation, sont toujours couverts par le secret médical.

Le secret professionnel auquel le médecin est tenu est d'ordre public, car il vise à préserver la confiance du citoyen dans le système de santé, favorisant, de ce fait, l'accès de tous aux soins. Il poursuit également un but d'intérêt privé, à savoir l'intérêt du patient qu'il s'agit de protéger contre les atteintes à sa vie privée.

Le secret médical n'est pas absolu(3) . Outre les exceptions légales et le témoignage en justice ou devant une commission d'enquête parlementaire, d'autres valeurs peuvent entrer en concurrence avec lui(4) .

Enfin, le secret médical n'est opposable qu'aux tiers ; il ne peut être question de l'opposer au patient, ce qui serait d'ailleurs contraire au droit d'information du patient (article 7 de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient).

2° Le patient victime d'une infraction a, comme tout patient, droit à une relation de confiance avec son médecin. Le secret professionnel s'étend à toutes les confidences faites par la victime en ce compris celles relatives à des faits pénaux dont elle a été victime.

Si la situation de victime abolissait en soi toute obligation secret, cela risquerait d'entraîner que certains patients (victimes) renoncent aux soins de peur que les faits soient dénoncés(5) .

3° Il y a lieu de distinguer la question du champ d'application du secret médical, rappelé au point 2°, de celle des conditions dans lesquelles le secret qui protège les confidences d'une victime peut être levé en justice.

3.1. Dans l'hypothèse où le patient est mineur ou se trouve dans une situation de vulnérabilité en raison de son âge, d'un état de grossesse, de la violence entre partenaires, d'une maladie, d'une infirmité ou d'une déficience physique ou mentale, le Conseil national renvoie à l'article 61 du Code de déontologie médicale et à son avis du 14 septembre 2013(6) , dans lequel figure le commentaire explicatif de la modification de l'article 61 précité suite à la modification de l'article 458bis du Code pénal.

3.2. Dans l'hypothèse où le patient (victime) est capable de discernement et de défendre ses intérêts, le médecin examine avec lui les possibilités d'action de telle sorte que le patient soit à même d'entreprendre les démarches nécessaires s'il le souhaite.

L'autonomie de sa volonté, que la loi relative aux droits du patient met en valeur, doit être respectée. Le médecin apporte à son patient son soutien sur le plan médical, tant physique que psychique ; le cas échéant il l'oriente vers une structure pluridisciplinaire spécifiquement établie pour gérer sa problématique.

Ce n'est que si le médecin s'estime face à la nécessité de porter secours à une personne exposée à un péril grave (article 422bis du Code pénal), que cette personne en danger soit le patient ou un tiers, qu'il peut estimer devoir informer lui-même le procureur du Roi des faits constitutifs d'une infraction pénale dont son patient a été victime, sur la base de la notion d'état de nécessité(7) . Il revient au médecin lui-même de faire la balance entre le secret professionnel et l'obligation légale d'assistance.

Le Code pénal ne contient pas d'obligation de dénonciation au procureur du Roi. La dénonciation intervient à défaut pour le médecin d'être en mesure, seul ou avec l'aide de tiers, de protéger l'intégrité du patient (principe de subsidiarité).

+++

En conclusion, le Conseil national rappelle que le secret médical s'applique à l'égard de tous les patients, sans distinction.

En ce qui concerne les circonstances dans lesquelles il peut être fait exception à ce secret, le Conseil national estime qu'il n'existe pas d'obligation ou même de droit à informer systématiquement le procureur du Roi lorsque le dépositaire du secret apprend que la personne qui s'est confiée à lui a été victime d'une infraction pénale.

Chaque situation doit être appréciée par le dépositaire du secret au vu des exceptions légales, en particulier l'article 458bis du Code pénal et de l'état de nécessité.

Les nécessités de la répression n'ont pas prééminence absolue sur le secret médical. Face à une situation difficile à apprécier, le médecin peut toujours solliciter l'avis du conseil provincial de l'Ordre des médecins dont il relève.

1.Cour de cassation, 18 juin 2010, 22 mai 2012 et 31 octobre 2012
2.Articles 55, 56 et 57 du Code de déontologie médicale
3.Article 458 du Code pénal : « Les médecins, chirurgiens, officiers de santé, pharmaciens, sages-femmes et toutes autres personnes dépositaires, par état ou par profession, des secrets qu'on leur confie, qui, hors le cas où ils sont appelés à rendre témoignage en justice ou devant une commission d'enquête parlementaire et celui où la loi les oblige à faire connaître ces secrets, les auront révélés, seront punis (...) »
4.L'état de nécessité est défini comme étant une situation exceptionnelle dans laquelle la violation de dispositions pénales (en l'espèce l'article 458 du Code pénal), de valeurs et d'intérêts juridiques pénalement protégés, constitue le seul moyen de préserver d'autres valeurs et intérêts juridiques supérieurs.
5.Benoît Dejemeppe, « Paroles de médecins - Paroles de juristes, le secret médical et la justice », Bulletin du Conseil national n° 144
6.Bulletin du Conseil national n° 143
7.Benoît Dejemeppe, « Paroles de médecins - Paroles de juristes, le secret médical et la justice », Bulletin du Conseil national n° 144

Etat de nécessité26/10/2013 Code de document: a143014
Administration de calmants par un médecin appelé par la police

Le Conseil national de l'Ordre des médecins est interrogé concernant l'intervention d'un médecin appelé par la police afin qu'il administre des calmants à un individu non collaborant pour aider à le maîtriser.

Avis du Conseil national :

En sa séance du 26 octobre 2013, le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné la problématique que vous avez soumise au sujet de l'intervention d'un médecin appelé par la police afin qu'il administre des calmants à un individu non collaborant pour aider à le maîtriser.

Dans le présent avis, le Conseil national rappelle les différents aspects de la question.

1/ La réquisition d'un médecin invité à se rendre sur place

Lorsque le parquet ou le juge d'instruction requiert l'intervention d'un médecin, celui-ci est tenu de donner suite. Il résulte de l'article 3 de la loi-programme (II) du 27 décembre 2006, que le médecin est alors considéré comme un expert en matière pénale tenu, sous peine de sanctions, d'obtempérer à toute réquisition du parquet ou du juge d'instruction s'il est en mesure de répondre à la demande. Le prestataire de service qui refuse d'exécuter la mission pour laquelle il a été requis, est puni d'une amende de cinquante euros à cinq cents euros.

Sur la base de l'article 2bis, § 4, deuxième alinéa, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, la police est compétente pour réquisitionner un médecin, d'office ou à la demande de la personne privée de liberté.

En outre, le médecin est tenu, en raison de l'obligation légale d'assistance, de venir en aide à une personne exposée un péril grave.

2/ La réquisition d'un médecin pour accomplir un acte médical

Le médecin réquisitionné par une autorité compétente afin de pratiquer un prélèvement sanguin est légalement tenu de l'effectuer sous peine de sanction, sauf cas particulier (cf. l'article 131 du Code de déontologie médicale et l'avis du Conseil national du 19 février 1994 « Prélèvement sanguin - Intoxication alcoolique », BCN n° 64, p. 29).

Bien qu'un médecin soit tenu d'intervenir suite à toute réquisition du parquet ou du juge d'instruction, cette réquisition implique sur le plan légal l'obligation d'accomplir un acte médical uniquement dans la situation précitée du prélèvement sanguin.

Dans toutes les autres situations, le médecin conserve son autonomie professionnelle telle que garantie par la loi et la déontologie. Elle lui permet de procéder à une évaluation professionnelle de la situation et de décider en toute indépendance de poser ou non l'acte médical.

3/ L'administration de calmants par un médecin

A cet égard, le Conseil national souhaite attirer l'attention sur la différence entre une mesure de contrainte et un traitement forcé. La mesure d'administrer des calmants dans le seul but de maîtriser une personne est une mesure de contrainte et non un traitement forcé. Dès lors, elle ne fait pas partie de la thérapie. C'est pourquoi les avis antérieurs du Conseil national concernant le traitement forcé ne sont pas d'application.

Aucune disposition légale n'a trait à la réalisation d'une mesure de contrainte par un médecin. Celle-ci est généralement fondée sur la théorie de l' « état de nécessité » qui vise la protection de la personne contre elle-même et la protection d'autrui contre cette personne. L'administration de calmants ne sera cependant autorisée que si d'autres mesures, tel le transfert immédiat dans une unité de soins spécialisés, ne sont pas possibles ou ne constituent pas la solution adéquate.

L'administration de calmants doit toujours être faite dans des circonstances médicalement justifiées, sous la responsabilité d'un médecin ou par un médecin. Ceci implique au moins la possibilité pour le médecin de refuser d'administrer des calmants quand il ne sait pas ou ne peut pas savoir quels sont les médicaments ou autres substances que la personne aurait consommés auparavant et quand il ignore les antécédents médicaux de l'intéressé.

Consentement éclairé14/09/2013 Code de document: a143004
Traitement forcé d’un malade mental

A la différence de l'hospitalisation sous la contrainte et de l'internement, le traitement sous la contrainte n'est pas réglé par la loi en Belgique. Le Conseil national rappelle les différents points de vue à ce sujet et souligne le défaut de législation en la matière.

Avis du Conseil national :

Au cours des derniers mois, le Conseil national de l'Ordre des médecins a été contacté à plusieurs reprises à propos du traitement forcé d'un patient.

Le Conseil national rappelle dans le présent avis les différents points de vue à ce sujet.

En premier lieu, le Conseil national attire l'attention sur la distinction entre une hospitalisation sous la contrainte/un internement et un traitement forcé. La loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux et la loi du 21 avril 2007 relative à l'internement des personnes atteintes d'un trouble mental (entrée en vigueur prévue le 1er janvier 2015 (Actuellement, c'est toujours la loi de défense sociale du 9 avril 1930 qui est d'application pour l'internement.)) ne règlent respectivement que l'hospitalisation sous la contrainte et l'internement. Une hospitalisation sous la contrainte ou un internement n'induit pas automatiquement un traitement sous la contrainte. La personne malade mentale ne perd pas tout droit de prendre une décision. En principe, elle conserve son droit au libre consentement tel que garanti par l'article 8 de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient, dans la mesure de sa capacité de discernement. (articles 12-15 de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient).

1/ Comité consultatif de bioéthique

Dans son avis du 10 mars 2003, le Comité consultatif de bioéthique émet des recommandations concernant le traitement forcé lors d'une hospitalisation sous la contrainte. Le Comité précise entre autres :
« Comme tous traitements, les traitements forcés administrés aux patients qui le refusent de façon persistante doivent répondre aux « good medical practices ». Lorsque l'on décide d'adopter des mesures de traitement forcé, le Comité estime qu'il convient de satisfaire aux critères suivants :
- Le traitement doit avoir pour but de traiter le trouble mental qui a justifié la mesure.
- Le traitement ne peut servir exclusivement les intérêts de tiers ou ne représenter qu'une solution à la situation administrative, pénale, familiale ou autre du patient.
- Le traitement doit toujours avoir aussi un intérêt thérapeutique direct pour le patient concerné.
- Le traitement doit être adapté à la gravité des symptômes physiques et psychopathologiques.
- Le psychiatre n'administrera sous contrainte, prudemment et scrupuleusement, que des soins psychiatriques correspondant aux connaissances scientifiques généralement acceptées à ce moment par la communauté de ses pairs. »


2/ Comité des ministres du Conseil de l'Europe

La recommandation Rec(2004)10 du Comité des ministres du Conseil de l'Europe « concerning the protection of the human rights and dignity of persons with mental disorder » prévoit un certain nombre de critères auxquels doit répondre le traitement forcé :
« Article 18 - Critères pour le traitement involontaire
Sous réserve que les conditions suivantes sont réunies, une personne peut faire l'objet d'un traitement involontaire :
i. la personne est atteinte d'un trouble mental ;
ii. l'état de la personne présente un risque réel de dommage grave pour sa santé ou pour autrui ;
iii. aucun autre moyen impliquant une intrusion moindre pour apporter les soins appropriés n'est disponible ;
iv. l'avis de la personne concernée a été pris en considération. ».

Dans ce cadre, il est recommandé aux gouvernements des Etats membres d'adapter leur législation et leur pratique aux lignes directrices contenues dans la Recommandation de 2004. Il leur est également recommandé de réexaminer l'allocation des ressources destinées aux services de santé mentale de façon à pouvoir répondre aux dispositions des présentes lignes directrices.

Dans la Recommandation de 2009, le Comité des ministres recommande aux gouvernements des Etats membres de se servir de la liste de contrôle figurant à l'annexe de cette recommandation pour élaborer des outils de suivi qui leur permettent de savoir dans quelle mesure ils se conforment à la Recommandation Rec(2004)10 du Comité des Ministres aux Etats membres afin de protéger les droits de l'homme et la dignité des personnes atteintes de troubles mentaux, et de leur garantir des soins adaptés.


3/ Commission fédérale « Droits du patient »

La Commission fédérale « Droits du patient » a formulé la conclusion suivante dans son avis du 18 mars 2011 relatif à l'application de l'article 8 de la loi relative aux droits du patient dans le secteur des soins de santé mentale ou au droit du patient au consentement préalable, libre et éclairé, à toute intervention du praticien professionnel :
« Il arrive, dans le secteur des soins de santé mentale, que les patients psychiatriques en crise soient isolés, séparés, immobilisés ou qu'on leur administre des médicaments sous la contrainte. De telles mesures sont régulièrement mises en œuvre. Ces pratiques sont parfois appliquées au simple motif d'un ‘comportement inadmissible' ou d'une perturbation de l'ordre. Tant les patients que les prestataires de soins peuvent ainsi se trouver pris dans une spirale négative. Un traitement sous contrainte affecte toujours profondément les patients.
Se référant notamment aux Recommandations précitées du Comité des Ministres aux Etats membres du Conseil de l'Europe, à l'art. 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'art. 22 de la Constitution, la Commission fédérale Droits du patient suggère au Ministre :
1. au moyen d'une circulaire, d'attirer l'attention du secteur des soins sur la nécessité de respecter l'article 8 de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient ;
2. d'examiner l'intérêt d'établir des lignes directrices, dans la mesure de ses compétences, afin d'éviter, le cas échéant, l'usage de la contrainte dans le cadre de la dispensation des soins ;
3. d'examiner le suivi qui pourrait être donné aux Recommandations précitées du Comité des Ministres aux Etats membres du Conseil de l'Europe. »


4/ Conseil national de l'Ordre des médecins

Dans son avis du 12 mai 2007 « Traitement forcé de patients psychotiques en prison », le Conseil national a estimé que « la justification éthique du recours à une contrainte externe afin de soigner un patient psychotique sans son consentement, est triple:
1. le traitement à l'aide d'antipsychotiques rétablit la capacité décisionnelle du patient, qui a fait défaut temporairement. Le traitement instauré et l'amélioration des symptômes psychopathologiques font retrouver au patient un état mental le plaçant dans une situation plus favorable à une prise de décision autonome et à la discussion du traitement ultérieur avec le médecin traitant, ainsi que prévu par la loi relative aux droits du patient;
2. le traitement réduit le risque de violence et d'atteinte à l'intégrité physique d'autrui;
3. le traitement améliore la santé du patient. La recherche scientifique a démontré à suffisance que plus longtemps un patient activement psychotique reste sans traitement, plus le pronostic est péjoratif à long terme. ».
[Voir aussi : « Traitement antipsychotique à long terme chez les patients atteints de schizophrénie », Folia Pharmacotherapeutica, n°40, Mars 2013, 19-22]

Le Conseil national réitère que le traitement sous contrainte d'un patient psychotique interné emprisonné doit répondre aux conditions suivantes :
• un traitement sous contrainte n'est légitime que dans un cadre médical et infirmier garantissant une surveillance professionnelle suffisante du patient. Si l'établissement pénitentiaire où l'interné séjourne ne dispose pas d'un personnel suffisamment qualifié sur le plan médical et infirmier, ce patient doit être transféré dans un service psychiatrique adéquat de ou hors de la structure pénitentiaire. L'envoi en cellule d'isolement, pour des motifs d'ordre disciplinaire, des détenus psychotiques qui représentent un danger pour eux-mêmes ou pour autrui, est médicalement inacceptable ;
• le traitement sous contrainte doit bénéficier à la santé de l'interné, être adapté à la gravité de son état psychiatrique, avoir comme objectif le rétablissement de sa capacité à prendre des décisions, l'amélioration des symptômes psychopathologiques, notamment le contrôle du comportement agressif ou dangereux. Dès l'amélioration de l'état psychiatrique du patient, celui-ci est informé du traitement mis en œuvre, et la procédure normale de planification du traitement est suivie;
• les seuls soins psychiatriques prodigués sous la contrainte par le psychiatre sont des soins attentifs et consciencieux, conformes aux connaissances scientifiques généralement admises par les confrères de sa spécialité;
• pour autant que possible, le psychiatre traitant informe le(s) représentant(s) du patient du traitement forcé envisagé ou entrepris;
• toutes les données concernant le traitement forcé doivent être soigneusement tenues à jour dans le dossier du patient. La mesure de traitement forcé doit être évaluée à intervalles réguliers;
• idéalement, le patient concerné devrait avoir la possibilité de consulter un praticien professionnel de son choix, pour une deuxième opinion. Cette possibilité existe en principe mais elle s'avère difficilement réalisable dans la pratique.

Le Conseil national renvoie, en ce qui concerne les personnes détenues en prison, à son avis du 19 juillet 2008 « Traitement forcé préventif de patients psychotiques en prison », qui précise : « Les données scientifiques montrent clairement que la population pénitentiaire présentant une poussée psychotique constitue un risque plus grand et entre plus souvent en considération pour un traitement d'entretien à durée indéterminée que la même population en psychiatrie régulière. Il appartient aux équipes soignantes pénitentiaires d'incorporer dans le plan de traitement des modules de stimulation de la motivation afin d'obtenir la compliance du patient. Que ce soit au sein d'un établissement pénitentiaire ou à l'extérieur, un traitement de force n'est pas permis lorsque le patient dispose de suffisamment de facultés psychiques pour recevoir l'information et consentir au traitement proposé. ».

Se référant à l'avis précité du 12 mai 2007, le Conseil national déplore que le cadre du personnel dans certains établissements pénitentiaires du pays soit à ce point réduit qu'il est impossible de répondre de manière adéquate aux besoins médicaux de base tant des détenus. Il incombe aux pouvoirs publics de remédier à cette situation et de veiller à ce que tous les établissements pénitentiaires où des détenus sont soignés, disposent d'au moins une unité spécialisée pour une prise en charge thérapeutique adéquate de ces cas.

Tant la déontologie médicale que la loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l'administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus confirment que les médecins travaillant dans les établissements pénitentiaires conservent leur indépendance professionnelle et que leurs évaluations et décisions concernant la santé des détenus sont fondées uniquement sur des critères médicaux (art. 96, § 1er, de la loi). La même loi formule, en son article 88, le principe fondamental d'égalité d'accès aux soins dans et en dehors de l'institution pénitentiaire et ajoute qu'il doit être tenu compte des besoins spécifiques des détenus.

Le Conseil national maintient ce point de vue, mais souligne également la nécessité d'une initiative législative visant à désamorcer ces conflits d'intérêts. La législation belge crée certes un cadre pour l'internement ou l'hospitalisation de personnes sous la contrainte, dans l'intérêt du patient et celui de la société, mais ne permet pas leur traitement forcé tant qu'elles sont suffisamment capables de manifester leur volonté. Excepté l'état de nécessité justifiant un traitement forcé, et contrairement aux Pays-Bas ou à la France, un dispositif légal à cette fin n'existe pas en Belgique.

Code de déontologie médicale (Interprétation du-)14/09/2013 Code de document: a143002
Code de déontologie médicale – Modification de l’article 61
La modification de l'article 61 du Code de déontologie médicale a pour but d'actualiser l'article à la lumière des modifications apportées à l'article 458bis du Code pénal, et d'attirer l'attention sur la responsabilité du médecin dans ces situations.

Version actualisée de cet article et commentaire explicatif :

CODE DE DEONTOLOGIE MEDICALE
Article 61

Si un médecin soupçonne qu'une personne vulnérable est maltraitée, abusée, exploitée, harcelée ou subit des effets d'une négligence, il doit immédiatement faire le nécessaire pour protéger cette personne.

Dans la mesure où les capacités de discernement de la personne vulnérable le permettent, le médecin s'entretient de ses constatations d'abord avec elle et l'incite à prendre elle-même les initiatives nécessaires. Si cela ne nuit pas aux intérêts de la personne vulnérable et qu'elle y consent, il peut se concerter avec les proches.

Si la situation le justifie, et pour autant que la personne vulnérable capable de discernement y consente, le médecin s'adressera à un confrère compétent en la matière ou fera appel à une structure pluridisciplinaire spécifiquement établie pour gérer cette problématique.

Si la personne vulnérable est menacée par un danger grave et imminent ou s'il y a des indices graves d'un danger sérieux et réel que d'autres personnes vulnérables soient victimes de maltraitance ou négligence et que le médecin n'a pas d'autre moyen d'offrir une protection, il peut avertir le procureur du Roi de ses constatations.


Commentaire explicatif de la modification de l'article 61 du Code de déontologie médicale du 14 septembre 2013

La modification de l'article 61 du Code de déontologie médicale a pour but d'actualiser l'article à la lumière des modifications apportées à l'article 458bis du Code pénal, et d'attirer l'attention sur la responsabilité du médecin dans ces situations.

Par analogie avec l'article 458bis, le texte de l'article 61 a été remanié de façon à ne former qu'un seul tenant visant en termes généraux les « personnes vulnérables ».
Puisque les personnes mineures sont aussi considérées comme étant des personnes vulnérables, elles bénéficient automatiquement de la protection de cet article.

Le nouvel article 61 ne fait plus référence au patient, mais à toute personne vulnérable, qu'elle soit ou non patient.

De ce fait, le médecin dispose de la possibilité d'agir également lorsque le patient est l'auteur du délit (cf. avis du Conseil national de l'Ordre des médecins « Secret professionnel - Projet de modification de l'article 458bis du Code pénal » », 17 septembre 2011, BCN 135).

Dans la nouvelle version de l'article 61, le champ d'application est étendu au harcèlement et à l'exploitation en tant que motif de signalement. Le harcèlement consiste à importuner de manière à produire un effet nocif. En d'autres termes, la personne vulnérable est poussée au désespoir du fait d'être poursuivie et importunée de manière continue et intentionnelle. Cette interprétation correspond à l'interprétation de la notion de harcèlement telle que visée à l'article 442bis du Code pénal.

Par cet ajout et les termes généraux faisant référence aux notions d' « abus, maltraitance et négligence », l'article 61 du Code de déontologie médicale va plus loin que l'énumération limitative dans l'article 458bis du Code pénal des délits qu'un médecin peut décider de signaler.

La base sur laquelle le médecin peut décider d'abandonner son secret professionnel demeure toutefois l' « état de nécessité ». Devant cet état de nécessité, le médecin doit, au cas par cas, mettre en balance le respect du secret professionnel et son obligation de protéger une personne en grand danger. De la sorte, le médecin manifeste sa responsabilité dans la protection de personnes vulnérables au sein de la société .

Enfin les différentes parties de l'article 61 de la version de 2002 sont conservées, mais s'emboîtent de manière à obtenir une structure logique.

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