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Déontologie

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Sida03/02/2007 Code de document: a116001
Secret professionnel et sida - Information du partenaire

Suite à une question d’un médecin concernant l’information du (des) partenaire(s) d’un patient séropositif pour le VIH, un conseil provincial a examiné les avis émis en la matière par le Conseil national.
Le 16 décembre 2000, le Conseil national a confirmé son point de vue du 16 octobre 1993 suivant lequel « sauf demande expresse du patient, le secret professionnel interdit au médecin d'informer de l'infection les partenaires d'une personne séropositive. ».
Le 25 mai 2002, le Conseil national a dit « que dans certaines circonstances d'autres valeurs peuvent prédominer (sur le caractère absolu du secret professionnel) », que l’état de nécessité est « plutôt exceptionnel » et que pour l’invoquer, il est essentiel que le médecin avance une cause de justification « qui puisse être admise avec une quasi-certitude par le juge disciplinaire, par le juge pénal et par la société ».
Le conseil provincial estime néanmoins que l’on fait peser une lourde responsabilité sur le médecin et demande au Conseil national de soumettre à une nouvelle analyse la problématique d’informer ou de ne pas informer des tiers dont la santé est exposée à un risque important.

Avis du Conseil national :

En sa séance du 3 février 2007, le Conseil national a examiné les questions suivantes : un médecin demande quelle attitude adopter vis-à-vis d’un patient séropositif pour le VIH qui déclare refuser de prendre les mesures nécessaires pour éviter de contaminer son partenaire (rapports sexuels protégés ou abstention de rapports sexuels) ? Ce médecin peut-il, en invoquant l’état de nécessité, informer le ou la partenaire de la séropositivité du patient ? Ces questions appellent différentes considérations :

1. En l’état actuel de la déontologie et de la loi (Code pénal), tout patient bénéficie du secret professionnel médical et la séropositivité pour le VIH ne constitue pas en soi un critère d’exception.

2. La stratégie actuelle de lutte contre le sida passe par le dépistage des patients séropositifs pour le VIH, leur traitement précoce et la mise en route des mesures de prévention. Le dépistage de la séropositivité est la pierre angulaire de cette stratégie. Le dépistage en Belgique se réalise sur une base volontaire. Iil est favorisé par la garantie du secret médical et sa réalisation serait probablement freinée par la perte de confiance qu’entraînerait la transgression systématique du secret médical.

3. Le secret professionnel du médecin concernant la séropositivité apparaît servir tant la santé du patient (le traitement du patient dépisté séropositif) que la santé publique (grâce aux mesures de prévention que permet le dépistage).

4. Le cas particulier de la protection du partenaire sexuel stable peut constituer pour le médecin un état de nécessité lui permettant de transgresser le secret médical. Cette démarche ne peut être réalisée qu’exceptionnellement et lorsque les différentes étapes suivantes ont été préalablement réalisées.

  1. Inviter de façon répétée le patient à communiquer lui-même le fait de sa séropositivité à son partenaire sexuel.
  2. Proposer toute l’aide nécessaire à la concrétisation de cette information, dont sa réalisation en présence du médecin.
  3. Informer le patient de sa responsabilité civile et pénale s’il agit de façon telle qu’il met gravement en danger la santé de son partenaire sexuel.
  4. Colliger au dossier médical du patient à la fois les démarches répétées et la persistance de son refus de prendre les précautions nécessaires à la protection du partenaire.
  5. Solliciter l’avis d’un collègue ayant une expérience particulière dans la prise en charge des patients séropositifs pour le HIV.
  6. Informer le patient de l’obligation morale du médecin d’informer le partenaire afin de le protéger du danger découlant du refus de prendre les mesures nécessaires à sa protection.
  7. Réaliser l’information tout en ayant averti le patient.

(…)

Sida14/01/2006 Code de document: a112002
Mère positive pour le VIH

Un conseil provincial transmet les questions suivantes, d'un médecin attaché au centre de référence Sida d'un hôpital, concernant le traitement d'une femme enceinte positive pour le VIH.

- A la naissance, l'enfant aura encore besoin d'un traitement médicamenteux pendant (au moins) six mois et il devra ensuite faire l'objet d'un suivi médical de longue durée. Si cette thérapie est refusée par la mère, le père de l'enfant doit-il en être averti?

- Le droit d'être informé de l'état de santé de l'enfant concerne-t-il les deux parents? Les médecins sont-ils tenus d'informer le père s'il est constaté que le bébé est séropositif?

- Que faut-il dire au père si le bébé présente de sérieux effets secondaires de la thérapie antirétrovirale?

- La responsabilité du médecin peut-elle être mise en cause si un bébé s'avère séropositif pour le VIH (probablement) parce que la mère aura refusé le traitement, et que le père n'aura pas été informé de la nécessité de la médication? Cette médication doit-elle être considérée comme la prophylaxie ou comme le traitement d'une maladie comportant un danger de mort?
Des parents peuvent-ils être contraints d'administrer des médicaments? L'hôpital doit-il garantir le traitement correct, éventuellement au moyen d'une hospitalisation?

- Peut-on, dans ce genre de situations, invoquer le "droit de parler dans un état de nécessité" et dans l'affirmative, quelle est la procédure à suivre?

Enfin, ce médecin soumet l'exemple d'une femme enceinte positive pour le VIH qui refuse le médicament et qui n'est pas disposée non plus à l'administrer au bébé après la naissance.

Avis du Conseil national:

En ses séances du 26 novembre 2005 et 14 janvier 2006, le Conseil national a examiné le problème soumis dans votre lettre du 12 avril 2005 concernant le traitement d'un nouveau-né dont le père ne sait pas que la mère est positive pour le VIH. La question posée part du principe que les parents vivent ensemble.

Il convient de noter au préalable qu'un problème aussi complexe ne peut être examiné et traité par un seul médecin, mais requiert une approche pluridisciplinaire. En effet, les aspects de ce problème ne sont pas uniquement médicaux, ils sont également psychologiques et sociaux. Mais la responsabilité finale du traitement repose sur le médecin traitant.

Il importe qu'à partir du moment où l'équipe qui traite la patiente, a connaissance de la grossesse, cette équipe doit immédiatement tout mettre en œuvre afin que le silence soit rompu au sujet de la séropositivité. Il est évident que si la mère s'y oppose, l'équipe ne peut informer le père de la séropositivité. Il faut du professionnalisme pour trouver les raisons profondes du rôle du secret dans la relation et de la persistance du secret en dépit des risques pour l'enfant, lequel n'a pas été procréé sans danger pour le partenaire. Il n'est pas exclu que des mécanismes psychopathologiques constituent un élément important dans l'installation de cette situation complexe. Il va de soi que dans ce cas, un traitement est indiqué. Il est également souhaitable de vérifier comment les partenaires envisagent leur rôle de parents et ce que cela représente pour la relation et pour l'avenir de l'enfant. La question soumise ne subsiste que dans la mesure où tous les efforts de l'équipe n'ont pas entraîné de changement dans la situation initiale.

Le traitement doit viser la prévention maximale de l'infection. Il est évident qu'il est extrêmement important que la mère soit traitée durant la grossesse. Il faut ensuite, si les médecins traitants l'estiment indiqué, procéder à une césarienne au moment le plus opportun et administrer à la mère les médicaments utiles par perfusion continue tant durant la césarienne éventuelle que durant l'accouchement par voie naturelle. Pour tous ces traitements, l'accord du partenaire n'est pas requis, et il n'a pas droit à une information sur la nécessité de la césarienne et des perfusions effectuées dans l'intérêt de l'enfant.
Lorsque l'enfant sera né, les parents exerceront ensemble l'autorité parentale et de ce fait, le père disposera d'un pouvoir de décision conjoint, du moins théoriquement.

Sur le plan scientifique, il est généralement admis que le traitement du nouveau-né est absolument nécessaire si la mère est séropositive. Même dans l'hypothèse où la mère est correctement traitée, le risque de séropositivité de l'enfant peut atteindre 5%. Il n'est légalement et déontologiquement pas justifiable de ne pas traiter un enfant courant ce risque, car cela comporte une menace réelle pour sa santé. Il s'ensuit que l'article 15, §2, de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient est d'application. Cet article prévoit que, dans l'intérêt du patient, et afin de prévenir toute menace pour sa vie ou toute atteinte grave à sa santé, le praticien professionnel dérogera, dans le cadre d'une concertation pluridisciplinaire, à la décision d'un parent agissant en qualité de représentant légal d'un enfant mineur. L'article 61, §1er, deuxième alinéa, du Code de déontologie médicale dispose qu'un médecin doit prendre sans délai les mesures nécessaires pour protéger un enfant gravement en danger. Si ce danger est imminent et s'il n'y a pas d'autres moyens pour protéger l'enfant, le médecin peut communiquer ses constatations au procureur du Roi. Cette règle déontologique se situe dans le prolongement de l'article 458bis du Code pénal. Il ressort de ce qui précède qu'il est tant déontologiquement que légalement justifié d'hospitaliser un bébé si tel est le seul moyen de dispenser un traitement nécessaire. Si les parents s'opposent à l'hospitalisation de l'enfant, il leur sera objecté que la situation sera soumise à l'appréciation de l'autorité judiciaire, ce qui la plupart du temps fera fléchir l'opposition.

Il peut dès lors être répondu comme suit aux questions posées :

- si la mère refuse la thérapie du bébé, elle doit savoir que l'intérêt de l'enfant prédomine et que cela découle tant de la déontologie que de la loi. Il n'y a pas de raison d'informer le père, car son consentement n'est pas nécessaire pour traiter l'enfant afin de prévenir une atteinte grave à sa santé;

le père a en principe le droit d'être informé de l'état de santé de son enfant. Si cela implique de l'informer aussi de l'état de santé de la mère qui s'oppose à ce que cette information soit donnée, il n'est pas indiqué de le faire. Il faut entre-temps vérifier auprès de la mère si elle reste sur ses positions;

en ce qui concerne les effets secondaires de la thérapie antirétrovirale, ces effets peuvent être attribués, à l'égard du père, par exemple à un traitement nécessaire;

- si un bébé s'avère par la suite être séropositif pour le VIH parce que la mère a refusé le traitement du bébé alors que le médecin l'avait estimée nécessaire. La responsabilité de ce médecin pourrait être engagée pour atteinte à la santé de l'enfant. S'il n'a pas été possible à la mère, en raison du contrôle social, d'administrer le médicament en secret, il sera vérifié notamment s'il était justifié de confier le bébé à la mère et s'il n'eût pas été plus indiqué de le faire hospitaliser. En l'occurrence, l'information du père n'est pas un élément essentiel sur le plan de la responsabilité professionnelle.

En conclusion, l'on répondra à la question de savoir si "le droit de parler dans un état de nécessité" ne pourrait être invoqué dans le cas soumis. Cette question ne se pose que si l'on part du point de vue que la communication au père de la probabilité de séropositivité pour l'enfant (violation du secret professionnel) est nécessaire à la sauvegarde d'un intérêt supérieur étant la santé de l'enfant. Il apparaît par conséquent qu'il existe suffisamment de dispositions légales et déontologiques contraignantes qui permettent de traiter l'enfant sans devoir informer le père de l'affection de la mère.

PS. En ce qui concerne la situation très exceptionnelle dans laquelle la mère refuse tout traitement durant la grossesse et l'accouchement, le Conseil national doit encore se prononcer.

Secret professionnel19/03/2005 Code de document: a108007
La présence de drogue et d'armes dans les hôpitaux psychiatriques

Avis du Conseil national aux Médecins-Chefs des hôpitaux psychiatriques, universitaires et généraux et aux Chefs de service des départements psychiatriques des hôpitaux universitaires et généraux :

Le Conseil national a discuté à plusieurs reprises du problème complexe de la présence de drogue et d'armes dans les hôpitaux psychiatriques et les départements psychiatriques d'hôpitaux universitaires et généraux.

Afin de mesurer l'ampleur du problème, une mini-enquête avait été effectuée dans les hôpitaux psychiatriques, il y a un certain temps. Sur les 52 hôpitaux psychiatriques sollicités, 48 avaient répondu. L'analyse des réponses avait fait apparaître que les problèmes se posaient surtout dans les hôpitaux psychiatriques où les admissions n’étaient pas sélectives et situés dans ou à la périphérie de grandes agglomérations.

Dans le but de parvenir à une solution adéquate, le Conseil national a eu de nombreux contacts par écrit et verbalement avec le Collège des procureurs généraux et le Conseil des procureurs du Roi. Il en est résulté qu'une solution pragmatique pour tous les problèmes pouvant se présenter, n'était pas possible. Les magistrats du parquet ne peuvent mettre par écrit un modus vivendi qui donnerait à certains patients un sauf-conduit pour échapper aux dispositions de la loi pénale tandis que le Conseil national estime que l'abandon du secret professionnel et le non-respect de la loi relative aux droits du patient auraient un effet négatif sur la dispensation de soins à un groupe-cible qui est impliqué dans bien de problèmes sociaux. Le Conseil national est arrivé à la conclusion que seule une initiative législative prévoyant de faire intervenir les pharmaciens hospitaliers et les commissions médicales provinciales, peut permettre de conduire à une solution adéquate du problème.

En attendant cette solution, le Conseil national pense que les instructions suivantes peuvent constituer un fil conducteur pour les hôpitaux.

Le Conseil national tient tout d'abord à souligner qu'il convient d'être très attentif à la présence de substances illicites dans l'hôpital. A cet égard, il ne suffit pas de reprendre un texte spécifique dans les brochures de l'hôpital, mais il est indiqué de le rappeler expressément lors de toute demande d'admission de patients dont l'usage de drogue fait partie de sa problématique. Sur ce point, la question se pose de savoir s'il ne conviendrait pas que les hôpitaux discutent avec la police fédérale ou locale de l'opportunité de contrôler lors du transport de certains patients généralement admis de force, s'ils sont en possession d'armes ou de drogue. L'on peut attendre de la police qu'elle ne transporte pas de patients en possession d'armes dangereuses ou de grandes quantités de drogue.

En outre, il est très clair que la police doit être appelée lors de menace par arme ou leur utilisation. Il n'est pas acceptable de limiter l'intervention à celle des travailleurs hospitaliers formés aux situations d'agression. En l'occurrence, il n'importe pas de savoir s'il s'agit d'armes que le patient a en sa possession légalement ou illégalement.
Il ne s'agit cependant que de situations très exceptionnelles. Dans la pratique, il s'agit généralement d'armes ou de drogue qui ont été cachées dans le département ou dans les jardins avoisinants, et trouvées par le personnel infirmier, ou d'armes ou de drogue remises à la demande du personnel infirmier ou découvertes lors de la fouille du patient ou de l'exploration de ses vêtements ou bagages.

A cet égard, il est important de souligner les obligations déontologiques et légales des praticiens professionnels. Sur le plan déontologique, un patient doit être informé au préalable des conséquences pour lui de la remise d'armes ou de drogue et des conséquences de leur découverte lors de la fouille ou de l'exploration de leurs vêtements ou bagages. Le consentement éclairé est un élément important dans l'élaboration et le maintien de la relation de confiance avec le patient.

Il convient aussi de tenir compte de l'application de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient. L'article 8, §1er, de cette loi dispose que le patient a le droit de consentir librement à toute intervention du praticien professionnel moyennant information préalable, d'où il suit que cette disposition s'applique aussi aux infirmiers. Demander à un patient de remettre la drogue ou l'arme en sa possession constitue une intervention tout comme la fouille ou l'exploration de bagages et des vêtements est un acte technique infirmier. Il en découle que ce n'est pas seulement pour des motifs d'ordre déontologique mais aussi en raison de la loi relative aux droits du patient qu’il doit être complètement informé des conséquences de la remise d'armes ou de drogue ou de leur découverte lors de la fouille ou de l'exploration des vêtements et bagages. Il est évident qu'il ne donnera son consentement que sous la garantie d'un strict anonymat et ne sera pas d'accord pour que son nom soit communiqué à la direction ou noté dans un registre. En plus de la loi relative aux droits du patient, le patient escompte que le praticien ne divulguera pas à des tiers les secrets qui lui ont été confiés et qu'il respecte l'article 458 du Code pénal concernant le secret professionnel.

En ce qui concerne le patient admis de force, il est certain que la loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux contient bien une série de mesures de protection mais ne limite pas en principe les droits de la personne et par conséquent du patient. Théoriquement, l’article 8, § 1, de la loi relative aux droits du patient est également d’application en cas d’un patient admis de force. Toutefois, il ne serait pas logique d’admettre qu’un patient admis de force puisse s’opposer à la fouille et à l’exploration de ses vêtements et bagages si l’équipe de traitement est d’avis que ceci est indispensable en raison de la sécurité de l’intéressé ou de tiers. En effet, ceci aurait pour conséquence qu’une situation jugée dangereuse persiste. Si un patient admis de gré n’est pas d’accord avec une intervention jugée indispensable, il peut être mis fin à l’admission, contrairement à l’admission de force. Vu cette différence fondamentale de droits entre des patients admis de gré et des patients admis de force, il est recommandé de faire preuve de la circonspection nécessaire en cas d’ interventions avec lesquelles le patient admis de force n’est pas en accord.

Il est très clair que les directions des hôpitaux n'acceptent pas de garder dans les départements de l'hôpital la drogue ou les armes de patients. En conséquence, une personne désignée par le département sera chargée de la remise des armes ou de la drogue à une personne désignée à cet effet par la direction. Lors de la remise de ces objets, il ne sera en règle générale pas fait de distinction entre les substances dont le possesseur est inconnu de l'équipe (substances qui ont été dissimulées) et des substances dont l'ancien possesseur est en revanche connu. L'on peut attendre que les directions des hôpitaux n'exercent (eront) pas de pression sur leur personnel pour qu'ils fassent connaître les noms des possesseurs; ceci aurait pour seule conséquence d'augmenter la quantité des substances "trouvées". Il est également établi que les directions des hôpitaux ne gardent (eront) pas ces substances et s'en débarrassent (eront). La voie la plus indiquée pour eux est la police locale. Des accords existent déjà à ce sujet en bon nombre d'endroits.

Enfin, le Conseil national souligne que les responsables finaux de l'équipe soignante doivent être conscients que le secret professionnel n'a pas un caractère absolu. Dans des circonstances exceptionnelles, le responsable final du traitement peut juger en conscience que le respect du secret professionnel et de la loi relative aux droits du patient est subordonné au maintien de l'ordre et à la sécurité de la société. Sur ce plan, il doit savoir qu'il peut être appelé à justifier son recours à l'état de nécessité. C'est pourquoi, le Conseil national estime qu'avant d'avoir recours à l'état de nécessité, il est judicieux de se concerter avec des confrères expérimentés et certainement avec l'équipe soignante qui en cette matière craint parfois des représailles du groupe auquel appartient le patient concerné.

Le Conseil national estime que la solution pragmatique proposée n'entrave pas le traitement des groupes cibles en question d'une part et ne compromet pas la sécurité de la société d'autre part. Le Conseil national souhaite être tenu au courant des évolutions de ce dossier complexe.

Secret professionnel19/03/2005 Code de document: a108004
Questions posées par la police aux services hospitaliers - Secret professionnel

Questions posées par la police aux services hospitaliers – Secret professionnel

Un conseil provincial transmet la demande d’avis d’un médecin, membre d’un comité d’éthique médicale d’un hôpital, relative à des questions ouvertes posées par la police aux services hospitaliers concernant « la fréquentation de l’institution par de potentiels consultants » impliqués dans une affaire pénale.

Avis du Conseil national :

Le Conseil national a émis antérieurement plusieurs avis concernant cette problématique. Vu les nombreuses demandes, il pense nécessaire de rappeler sa position déontologique, acceptée et motivée par une abondante jurisprudence en la matière.

La Conseil national tient à souligner avec fermeté que le secret médical est non seulement une obligation déontologique définie par les articles 55 à 90 du Code de déontologie médicale, mais également une obligation légale définie par l’article 458 du Code pénal.

Il est généralement admis que le secret professionnel trouve sa justification dans la nécessité de la confidence et qu’en ce qui concerne la médecine il s’agit de confidence nécessaire.

Ce point de vue est également défendu dans les ouvrages récents concernant le droit médical. Ainsi Y.-H. Leleu et G. Genicot citent la Cour d’appel de Bruxelles qui décide dans un arrêt du 23 octobre 1990 que « le secret médical s’intègre dans la protection de la vie privée de la personne qui consulte le praticien de l’art de guérir. Il a pour but de protéger toutes les confidences faites en raison de la confiance nécessaire qui doit s’établir entre le patient qui recherche les soins et ce praticien. Le secret professionnel est une règle d’ordre public, intéressant non seulement le confident et son client, mais la société toute entière et touchant ainsi aux intérêts essentiels de l’État ».

Il s’agit là non d’un privilège mais d’une obligation faite aux médecins.

Dès lors, tenu par le secret professionnel, le médecin ne peut faire connaître à des tiers le nom des personnes qui font appel à eux ni à fortiori la nature des prestations médicales le concernant.

Cependant, lorsque l’hospitalisation succède à un incident survenu sur la voie publique ou en des lieux nécessitant l’intervention du service 100, le médecin peut en se référant aux avis du Conseil national à ce propos confirmer l’admission à la police.

Le secret professionnel peut présenter des inconvénients par exemple dans le cadre de l’exercice des poursuites judiciaires. C’est en pleine connaissance de cause que la société s’est prononcée en faveur du secret, tellement il lui est apparu important pour sa propre sauvegarde d’assurer la protection spéciale de la confidence faite à certains professionnels . Plusieurs décisions de justice ont eu le mérite de rappeler que même l’entrave sérieuse apportée aux nécessités de la répression par l’obligation de respecter les procédures légales ne constitue pas par elle-même la circonstance exceptionnelle dispensant l’agent du respect de la garantie légale .

Les exceptions prévues à l’article 458 du Code pénal méritent commentaires. Elles concernent en premier ordre la situation où le médecin est appelé à témoigner en justice. La jurisprudence et les avis antérieurs du Conseil national relèvent que seul un juge peut recevoir ce témoignage et non pas par exemple un policier. L’obligation au silence prime devant toute personne autre qu’un juge. Le juge : le juge civil, le juge pénal ou le juge d’instruction. Il convient de souligner que si ce qu’il lui est demandé relève du secret médical, le médecin peut refuser de témoigner en invoquant son obligation au silence. Il est alors possible que le juge estime que son refus détourne l’obligation de secret de son objet et dans ce cas le médecin sera contraint de faire des révélations sous peine de risquer d’être condamné à une amende .

Les autres exceptions légales prévues à l’article 458 sont essentiellement administratives et reprises à l’article 58 du Code de déontologie médicale et ne concernent pas la situation en rubrique.

Par contre, l’article 61 de ce Code, modifié le 16 novembre 2002, prévoit que si un médecin soupçonne qu’un enfant ou qu’un patient incapable de se défendre en raison d’une maladie, d’un handicap ou de son âge est maltraité, exploité ou subit des effets graves de négligence, et si le patient est en danger grave et s’il n’y a pas d’autre moyen de le protéger, le médecin peut avertir le procureur du Roi de ses constatations. Une disposition quasi identique existe également à l’article 458 bis du Code pénal. Le Conseil national considère qu’en règle telle initiative ne peut pas se faire à l’insu du patient et que, parfaitement informé de la situation familiale, le médecin doit juger de l’opportunité de cette initiative.
Enfin, si le silence est la règle, celle-ci peut être transgressée dans des situations exceptionnelles permettant d’invoquer l’état de nécessité. Il est utile de rappeler que l’état de nécessité vise essentiellement la situation critique, exceptionnelle, difficilement prévisible et caractérisée par un conflit de valeurs dont l’une ne peut être sauvegardée qu’au prix du sacrifice de l’autre. Le médecin doit être conscient qu’il devra, le cas échéant, justifier sa décision devant un juge.

La liste des personnes reprises à l’article 458 précité n’est pas limitative et peut comprendre les collaborateurs du médecin. Le personnel administratif des hôpitaux est par ailleurs tenu à un devoir strict de discrétion. Le Code de déontologie médicale prévoit en son article 70 qu’il appartient au médecin de veiller à faire respecter par ses auxiliaires les impératifs du secret médical. Dans un avis récent (avis du 26 juin 2004, Bulletin du Conseil national n° 105, p.4), le Conseil national a suggéré que l’obligation au secret devrait figurer dans le contrat de travail ou le règlement d’ordre intérieur de l’établissement.

Références
Avis du Conseil national 14.09.91, Bulletin 54, p. 44
Avis du Conseil national 07.09.96, Bulletin 75, p. 19
Avis du Conseil national 24.04.99, Bulletin 85, p. 10
Avis du Conseil national 25.04.98, Bulletin 81, p. 13
Avis du Conseil national 21.10.95, Bulletin 71, p. 21
Avis du Conseil national 24.08.91, Bulletin 54, p. 28
Article Prof. J. Farber, 1987, Bulletin 35, p. 29.

  1. Leleu, Y.-H., & Genicot, G., Le droit médical, De Boeck Université 2001, pp. 147-150.
  2. Avis du Conseil national du 13 juin 1981, Bulletin du Conseil national n° 29, p. 40 et du 21 octobre 1995, Bulletin du Conseil national n° 71, p. 21.
  3. Hannequart, Y., J.L.M.B. 1987, p. 1171.
  4. Hennau-Hublet, C., & Verhaegen, J., Recherche policière et secret médical, Journal des Tribunaux 1988, p.165.
  5. Nys, H., Le témoignage en justice et le secret médical, Bulletin du Conseil national 1987, n° 36, p. 53.
Secret professionnel24/08/2002 Code de document: a098002
Avis des services spécialisés dans la guidance ou le traitement de délinquants sexuels

L'Unité de psychopathologie légale (UPPL) est un Centre d'Appui, subsidié par le ministère de la Justice. Il a été créé dans le cadre de l'accord de coopération entre l'Etat fédéral et la Région wallonne concernant la guidance et le traitement d'auteurs d'infractions à caractère sexuel. Il existe des centres semblables en Région flamande et à Bruxelles. En conséquence d'une législation récente, il est à présent demandé à ces centres d'également remplir des "missions d'avis voire des fonctions de type expertal".
Le président de l'UPPL demande le point de vue du Conseil national sur le caractère déontologiquement admissible de ces avis demandés à des services spécialisés dans la guidance ou le traitement de délinquants sexuels.

Avis du Conseil national :

En sa séance du 24 août 2002, le Conseil national a examiné votre lettre du 28 janvier 2002 que vous avez commentée lors d'un entretien avec le Bureau du Conseil national le 20 juin 2002. Vous souhaitez connaître le point de vue du Conseil national sur l'attitude déontologique à adopter dans le cadre des avis donnés par les services spécialisés dans la guidance ou le traitement de délinquants sexuels, sur la base de :

  • la loi du 13 avril 1995 relative aux abus sexuels à l'égard des mineurs (Moniteur belge du 2 avril 1998): articles 6 et 8 (1),

  • la loi du 5 mars 1998 sur la libération conditionnelle et modifiant la loi du 9 avril 1930 de défense sociale à l'égard des anormaux et des délinquants d'habitude, remplacée par la loi du 1er juillet 1964 (Moniteur belge du 2 avril 1998): article 3, §3, 4 (2),

  • la loi du 28 novembre 2000 sur la protection pénale des mineurs (Moniteur belge du 17 mars 2001): article 42 (à propos des mesures probatoires) (3)

    et plus particulièrement

  • la loi du 8 août 1997 relative au casier judiciaire central (Moniteur belge du 24 août 2001), en ce qui concerne les demandes de réhabilitation: articles 21 et 22. (4)

Le Conseil national estime qu'il n’existe aucune objection sur le plan déontologique à ce qu'un avis, tel que prévu dans les lois précitées, soit donné aux autorités judiciaires par un service spécialisé dans la guidance ou le traitement de délinquants sexuels. Il est même positif qu'il soit fait appel à ces services avant de statuer sur une libération, des mesures probatoires ou une réhabilitation. Par la nature des fonctions qu'ils exercent, ces services ont en effet une connaissance et une expérience approfondie de la problématique des délinquants sexuels.

Il convient toutefois d'ajouter immédiatement que le service spécialisé appelé à donner un avis ne peut en aucun cas avoir ou avoir eu en traitement le délinquant concerné. Il remplit en effet dans ce cas une mission qui présente beaucoup de similitudes avec celle de l'expert. Le Conseil national a souligné à plusieurs reprises qu'il s'indique d'établir une séparation stricte entre les missions des experts désignés et celles des thérapeutes. (5)
L'article 121 du Code de déontologie médicale rappelle également les règles concernant l'interdiction d'exercer ces deux types de missions à l'égard d'une même personne. (6)

Par ailleurs, il est évident que les règles relatives au secret professionnel sont fondamentalement différentes selon que le service spécialisé intervient à l'égard du délinquant sexuel comme thérapeute ou comme dispensateur d’un avis assimilable à celui d’un expert.
Le Conseil national a précisé, dans le cadre de l'examen de la loi du 13 avril 1995 relative aux abus sexuels à l'égard des mineurs, que - mise à part l'information des autorités qui ont imposé le traitement à propos de l'"abandon de traitement" - le thérapeute ne peut aviser les autorités judiciaires de la récidive ou du danger de récidive, sauf état de nécessité. (7)

Enfin, le Conseil national attire l'attention sur le fait que lorsqu'il donne un avis, un service spécialisé dans la guidance ou le traitement de délinquants sexuels doit faire preuve de la prudence nécessaire et veiller à ne pas excéder sa compétence et ses connaissances scientifiques dans l'évaluation du degré de danger et du risque de récidive du délinquant. L'avis du service spécialisé n'est qu'un des éléments dont l'autorité judiciaire prend connaissance avant de décider.

NOTES

1. Art. 6 : A l'article 5 de la loi du 31 mai 1888 établissant la liberté conditionnelle dans le système pénal, l'alinéa suivant est inséré entre le premier et le deuxième alinéa : "Si le condamné a subi une peine pour des faits visés aux articles 372 à 386ter du Code pénal, accomplis sur des mineurs ou impliquant leur participation, est en outre requis l'avis d'un service spécialisé dans la guidance ou le traitement des délinquants sexuels ".
Art. 8. Un article 20bis, rédigé comme suit, est inséré dans la loi du 9 avril 1930, modifiée par la loi du 1er juillet 1964, de défense sociale à l'égard des anormaux et des délinquants d'habitude: "Art. 20bis. L'avis d'un service spécialisé dans la guidance ou le traitement des délinquants sexuels est requis avant la libération de tout interné pour des faits relatifs aux articles 372 à 386ter du Code pénal, accomplis sur un mineur ou impliquant sa participation. Dans ce cas, la commission peut prononcer en outre, pour la période d'épreuve qu'elle détermine au moment de la libération à l'essai, une condition d'interdiction de a) participer, à quelque titre que ce soit, à un enseignement donné dans un établissement public ou privé qui accueille des mineurs ; b) faire partie, comme membre bénévole, membre du personnel statutaire ou contractuel ou comme membre des organes d'administration et de gestion, de toute institution ou association dont l'activité concerne à titre principal les mineurs…"

2. Chapitre II (procédure liée à l’octroi de la libération conditionnelle), article 3, §1 : « Trois mois avant que la condition visée à l’article 2, alinéa 2, 1° ne soit remplie, la conférence du personnel, instituée par le Roi, doit vérifier après que le condamné a été entendu, si les conditions visées à l’article 2 sont remplies dans son chef. Elle rend un avis motivé à cet égard … » … article 3, §3 : « Si la conférence du personnel estime que les conditions pour pouvoir bénéficier de la libération conditionnelle sont remplies, le directeur de l’établissement pénitentiaire rédige une proposition relative à la libération conditionnelle. Cette proposition comprend … 4° si le condamné subit une peine pour des faits visés aux articles 372 à 378 du Code pénal ou pour des faits visés aux articles 379 à 386ter du même Code lorsque ceux-ci ont été commis sur des mineurs ou ont impliqué leur participation, l’avis motivé d’un service spécialisé dans la guidance ou le traitement de délinquants sexuels …

3. Chapitre VI : Disposition modifiant la loi du 29 juin 1964 concernant la suspension, le sursis et la probation : «art. 9 bis. Si les inculpés et les condamnés le sont pour un des faits visés aux articles 372 à 377 du Code pénal, ou pour des faits visés aux articles 379 à 387 du même Code lorsque ceux-ci ont été commis sur des mineurs ou avec leur participation, les juridictions compétentes prennent, avant d’ordonner une mesure probatoire, l’avis motivé d’un service spécialisé dans la guidance ou le traitement des délinquants sexuels … ».

4. Art. 21 : « L’article 628, alinéa 1er du même code (code d’instruction criminelle), modifié par les lois des 7 avril 1964 et 9 janvier 1991, est remplacé par ce qui suit : « Le requérant adresse sa demande en réhabilitation au procureur du Roi de l’arrondissement dans lequel il réside, en lui faisant connaître les condamnations que vise la demande, les lieux où il a résidé pendant le délai d’épreuve et, le cas échéant, les condamnations visées à l’article 627 ».
Art. 22: l’article 629 alinéa 3 du même code modifié par la loi du 7 avril 1964 est remplacé par ce qui suit : « Le procureur du Roi prend d’office ou à la demande du procureur général toutes informations jugées nécessaires. Il transmet le dossier de la procédure avec son avis au procureur général. Si le condamné a subi une peine pour des faits visés aux articles 372 à 378 du Code pénal, ou pour des faits visés aux articles 379 à 386ter du même Code lorsque ceux-ci ont été accomplis sur des mineurs ou ont impliqué leur participation, le dossier doit contenir l’avis d’un service spécialisé dans la guidance ou le traitement des délinquants sexuels… ».

5. « …Enfin, le Conseil national tient à souligner qu'il s'indique d'établir une séparation stricte entre les missions des experts désignés et celles des thérapeutes. Aussi le Conseil national s'interroge-t-il sur l'affirmation du rapport suivant laquelle la relation qui s'établit nécessairement entre l'expert et le délinquant examiné peut, par exemple, aider ce dernier à surmonter "l'état de crise dans lequel il se trouve", le rendre plus réceptif à l'action judiciaire dont il fait l'objet et le convaincre de la nécessité de s'engager dans un traitement s'il veut éviter une rechute. Le Conseil national peut admettre qu'un expert puisse, dans des circonstances exceptionnelles, endosser le rôle de "dispensateur de soins", mais il est d'avis qu'une séparation nette de ces missions doit être la règle …», voir BCN n° 87, mars 2000, p. 17, remarques adressées au Ministre de la Justice concernant le rapport final que la Commission pluridisciplinaire Internement a présenté à ce dernier.

6. Art. 121 § 1, du Code de déontologie médicale : Le médecin chargé d'une mission qualifiée à l'article 119 doit refuser l'examen de toute personne avec laquelle il aurait ou aurait eu des relations susceptibles d'influencer sa liberté de jugement. §2. Les missions ou fonctions définies à l'article 119 à l'égard d'une ou plusieurs personnes sont incompatibles avec celle de médecin traitant de ces personnes. Le médecin visé à l'article 119 ne peut devenir médecin traitant qu'après un délai de 3 ans, à dater de la fin de la mission ou fonction, sauf force majeure ou réquisition. § 3. Le médecin qui a été conseiller d'une partie ne peut accepter la mission d'expert à son égard. § 4. En cas de réquisition, le médecin traitant doit limiter son intervention aux seuls prélèvements matériels s'il estime être lié par le secret médical à l'égard de la personne à examiner et si aucun autre médecin ne peut le remplacer. § 5. Un médecin ne peut accepter une mission d’expert judiciaire concernant une personne qu’il aurait déjà examinée en une autre qualité.

7. BCN n° 79, mars 1998, p. 11.

Sida25/05/2002 Code de document: a097004
report_problem Voir avis BCN 116 p. 3 (a116001).
Secret professionnel et sida - Information du partenaire

Sur la base d'une note qu'il a établie, intitulée "Sida et secret professionnel", un conseil provincial soulève la question de savoir si l'avis du Conseil national du 16 décembre 2000 ne devrait pas laisser la latitude d'invoquer l'état de nécessité. Dans cet avis, le Conseil national dit que le secret professionnel ne permet pas d'informer au sujet de cette infection transmissible le partenaire d'un patient séropositif pour le VIH si le patient n'en est pas d'accord.

Avis du Conseil national :

Il ressort de la note bien documentée du groupe de travail "Sida et secret professionnel" de votre Conseil que tous les experts consultés par le groupe de travail s'accordent sur le fait que, dans des circonstances exceptionnelles, le médecin devrait pouvoir invoquer l'état de nécessité.

Comme le démontrent des avis antérieurs, le Conseil national estime aussi que le secret professionnel n'a pas un caractère absolu et que dans certaines circonstances d'autres valeurs peuvent prédominer. Il est toutefois essentiel qu'une cause de justification invoquée par un médecin puisse être admise avec une quasi certitude par le juge disciplinaire, par le juge pénal et par la société.

Ainsi la probabilité qu'une cause de justification soit acceptée sera grande lorsqu'il résultera de manière irréfutable du diagnostic que des tiers courent un danger grave et réel compte tenu de la nature de la maladie et du comportement du patient. Il est tout aussi essentiel que des confrères du médecin traitant estiment également, sur la base de leur expérience et de leur connaissance spécifique du problème en question, que l'état de nécessité invoqué justifie de s'écarter des règles du secret professionnel. Il n'est pas besoin de souligner qu’un avis donné par ces confrères après examen du patient aura plus de poids qu’un avis donné sur la base des pièces du dossier médical. Il est de même important de s’interroger si le fait de rompre le secret professionnel ne sera pas préjudiciable au traitement ultérieur du patient ni aux possibilités de traitement de patients atteints de la même affection ou d'une affection similaire, car la communication à des tiers est susceptible d'ébranler la confiance dans la médecine.

Ces principes généraux concernant l'état de nécessité s’appliqueront sans doute dans certains cas de la problématique que vous évoquez. L'état de nécessité étant plutôt exceptionnel, le Conseil national estime qu'il ne convient pas d'y faire référence explicitement dans des avis à caractère général.

Le Conseil national tient à remercier le Conseil provincial du Brabant d'expression néerlandaise et son groupe de travail "Sida et secret professionnel" pour l'étude approfondie consacrée au problème soulevé.

Vie privée16/02/2002 Code de document: a095001
report_problem Cet avis a été remplacé par l'avis BCN 105 p. 2, a105001, en ce qui concerne le secret professionnel après le décès du patient.
Avis du Conseil national sur l'avant-projet de loi relatif aux droits du patient

En sa séance du 16 février 2002, le Conseil national a examiné l'avant-projet de loi relative aux droits du patient tenant déjà compte de l'avis émis en la matière par la section de législation du Conseil d'Etat et de l'avis de la Commission de la protection de la vie privée. Le point de départ de l'avant-projet est la Note conceptuelle Droits du patient établie antérieurement par le cabinet du ministre de la Protection de la consommation, de la Santé publique et de l'Environnement. Le Conseil national avait émis un avis sur cette Note le 17 février 2001. Le Conseil national maintient les grandes lignes de cet avis qui est l'émanation de la déontologie médicale en vigueur et forme un tout avec le présent texte. L'avis du 17 février 2001 est qualifié de critique positive dans l'exposé des motifs de l'avant-projet examiné. Dans ce même état d'esprit, le Conseil national tient à attirer l'attention du ministre compétent et des Chambres législatives sur les considérations et observations suivantes.

CHAMP D'APPLICATION (articles 2-4)

Dans son avis du 17 février 2001, le Conseil national demandait déjà d'accorder l'attention nécessaire aux définitions larges et inhabituelles, dans le texte, des notions de "patient" et de "soins de santé" et aux conséquences qui en découlent. Ainsi, il semble que des personnes examinées pour le compte de tiers par des médecins qu'elles n'ont pas librement choisis, ont les mêmes droits que ceux dont disposent les patients à l'égard des médecins qu'ils ont librement choisis. Il importe que le législateur se prononce sans ambiguïté notamment sur le droit de consultation de dossiers médicaux constitués par des médecins inspecteurs, par des médecins-conseils de mutualités et de sociétés d'assurances.

Il est curieux que la loi sur les droits du patient ne soit pas d'application au don d'organe par un donneur vivant comme si la loi du 13 juin 1986 sur le prélèvement et la transplantation d'organes et ses nombreux arrêtés d'exécution offraient déjà toutes les garanties prévues dans le présent avant-projet. On lit dans l'exposé des motifs qu'il n'est en l'occurrence pas question de soins relatifs à la santé du donneur (exposé des motifs p.13/13).

Il est frappant que, suite à l'objection soulevée par le Conseil d'Etat en matière de compétence de l'autorité fédérale et des communautés, le texte examiné se borne à traiter des droits du patient à l'égard des praticiens professionnels des soins de santé (arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967). Il n'y est plus question des droits du patient à l'égard des établissements de soins. Ceci fait aussi disparaître l'idée initiale d'une présomption de responsabilité centrale des établissements de soins, susceptible de beaucoup contribuer à la sécurité juridique du patient. Ce qui est regrettable dans ce dédoublement, c'est qu'il contrarie la mission commune des dispensateurs de soins, ainsi que l'objectif poursuivi par la loi coordonnée sur les hôpitaux de 1987 d'intégration des médecins hospitaliers.

En outre, il n'est pas exact de dire que les droits du patient seront toujours d'application à l'égard des praticiens professionnels dont question dans l'arrêté royal n° 78. Il est en effet peu vraisemblable que le texte examiné, lorsqu'il sera devenu loi, donne le droit au patient d'interpeller le médecin-chef d'un hôpital. Or ceci peut être très important pour lui puisque ce praticien est responsable notamment de l'organisation et de la coordination de l'activité médicale, des services de garde et de la conservation des dossiers. Dans certaines situations, il sera même le seul à y avoir accès. En tant qu'organe de l'hôpital, le médecin-chef n'entre pas dans le champ d'application de la loi en projet. Ce qui vaut pour lui, vaut tout autant pour les médecins-chefs de service dans les hôpitaux, les directeurs médicaux des centres de santé mentale, les médecins coordinateurs dans les MRS, et pour tous les médecins assumant une fonction de direction au nom de l'établissement de soins. Le patient devra à chaque fois vérifier dans quelle fonction le médecin intervient, pour savoir s'il pourra invoquer ou non les droits du patient. On peut se demander aussi dans quelle mesure des médecins en formation seront compris dans le champ d'application de la future loi puisqu'ils doivent travailler sous la responsabilité de leur maître de stage.

Le Conseil national peut dès lors souscrire à la suggestion formulée par le Conseil d'Etat, d'un accord de coopération entre l'autorité fédérale et les communautés, apportant une solution aux difficultés qui découlent de l'exercice par les autorités de compétences complémentaires (avis 32 299/3, point 5., p.25-26).

DROIT A LA PRESTATION DE SERVICES DE QUALITE (article 5)

Le Conseil national confirme sur ce point son avis du 17 février 2001 et les dispositions de la déontologie médicale visant à une dispensation de soins de qualité.
Bien que l'avant-projet de loi se borne aux droits individuels du patient et fasse référence à la Constitution pour le droit social fondamental aux soins de santé, il n'en reste pas moins qu'une dispensation de soins de qualité n'est pas uniquement fonction des compétences et du dévouement du médecin et des autres praticiens des soins de santé. Il est important que chaque discipline dispose d'effectifs et de moyens suffisants pour la réalisation de ses objectifs nobles.

DROIT AU LIBRE CHOIX DU PRATICIEN PROFESSIONNEL (article 6)

Etant donné le champ d'application restreint de l'avant-projet, le droit de librement choisir un dispensateur de soins n'est plus garanti au patient et est limité à un droit de librement choisir le praticien professionnel. Il est frappant de constater combien l'exposé des motifs s'étend sur les limitations imposées par la loi à cette liberté. Le Conseil national aurait trouvé plus indiqué d'accentuer les possibilités de limitation en cas de libre choix. Ce n'est pas parce qu'un patient effectue un séjour involontaire dans un contexte déterminé qu'un choix limité ne peut être offert, même si cela excède effectivement en grande partie les compétences des praticiens professionnels qui sur ce plan, sont dépendants du pouvoir organisateur. En outre, il est certain que la déontologie a toujours prôné que le libre choix des patients ne soit pas limité aux praticiens professionnels de la structure dans laquelle il est admis ou à laquelle il fait appel. Il n'est dès lors pas exact de dire qu'un patient n'a pas de choix lorsque n'exerce au sein de la structure qu'un seul praticien professionnel de la discipline dont le patient a besoin.

DROIT A L'INFORMATION (article 7)

Etonnamment, l'exposé des motifs fait référence, sur le plan de la communication entre le patient et son médecin librement choisi, à la législation sur l'emploi des langues.

En outre, se pose la question s’il ne serait pas souhaitable d'imposer au patient des limites quant à son droit à l'information et à la confirmation écrite de celle-ci. Il est évident que ceci peut conduire à d'énormes abus et à la décision par le médecin de cesser la prise en charge du traitement.

Le Conseil national ne peut non plus omettre de souligner que l'avant-projet ne prévoit en fait aucune qualification de la personne de confiance désignée par le patient. A ce sujet il faut souligner que la relation de confiance ne doit pas seulement exister entre le patient et la personne désignée mais doit pouvoir se nouer aussi entre cette personne et le praticien professionnel. Ainsi, on peut difficilement s’imaginer qu'un médecin ayant de bonnes raisons de douter d'une personne de confiance, puisse lui confier une information confidentielle à propos du patient.

DROIT AU CONSENTEMENT (article 8)

En ce qui concerne le droit au consentement, le Conseil national ne peut pas admettre qu'un médecin soit obligé de respecter le refus écrit du consentement à une intervention déterminée, rédigé lorsque le patient était encore à même d'exercer ses droits (art.8, §4, quatrième alinéa). Le Conseil national maintient le point de vue exposé dans son avis du 17 février 2001 formulé comme suit:

"En revanche, le Conseil national estime que le dispensateur de soins doit sérieusement tenir compte à la fois de l'avis de la personne de confiance et d'une déclaration de volonté du patient par écrit. Ces éléments peuvent même être décisifs en cas d'hésitation entre l'abstention ou l'intervention, mais il serait inadmissible de laisser mourir des personnes lorsqu'il y a de fortes chances qu'un traitement déterminé donne un bon résultat. Il est cependant indiqué, avant de prendre une décision dans de telles circonstances, que le médecin responsable demande l'avis d'un confrère et/ou de l'équipe multidisciplinaire traitante, et qu'il se concerte aussi avec la famille le cas échéant."

Ce point de vue est repris intégralement dans l'exposé des motifs. Le Conseil national note avec satisfaction que le texte actuel ne retient plus le respect obligatoire de la position d'une personne de confiance désignée par le patient. Toutefois, il maintient son affirmation qu'une déclaration anticipée rejetant une intervention pourrait s'avérer extrêmement nuisible pour le patient et difficile pour le médecin. En effet, la valeur de la déclaration anticipée peut a posteriori conduire à de sérieuses discussions avec les proches parents, à l'exemple de ce qui se produit dans les querelles testamentaires.

Un exemple illustrant la position du Conseil national.
Un patient pourrait inscrire sur papier qu'il refuse à quatre-vingts ans d'être placé sous perfusion et alimenté par sonde s'il est atteint de confusion, s'il a perdu le sens du temps et de l'espace et ne reconnaît plus ses proches parents. Un tel tableau clinique peut être causé par une affection somatique pouvant être bien soignée et peut même être la manifestation d'une dépression grave mais néanmoins parfaitement curable. On ne peut demander à un médecin placé devant ce tableau clinique, de se croiser les bras et de laisser mourir un patient susceptible de trouver encore bien des satisfactions dans l'existence. Lorsqu'en revanche, une affection incurable sera à la base du tableau décrit, le médecin respectera la déclaration anticipée écrite, conformément à l'avis du Conseil national du 17 février 2001.

Dans son avis, le Conseil d'Etat souligne que l'article 9 de la Convention sur la biomédecine dispose que les "souhaits" du patient doivent être pris en compte tout en précisant que cette convention n'a pas été ratifiée par la Belgique et qu'elle n'y est donc pas obligatoire. Cette disposition conventionnelle semble n'imposer que la prise en compte de ces souhaits et non l'obligation de les respecter de manière effective (Avis 32.299/3 point 14., p. 29). Ces conceptions rejoignent complètement le point de vue du Conseil national.

Lorsque comme prévu à l'article 8, §4, un patient refuse ou retire son consentement, le médecin a la possibilité de se dégager de sa mission ainsi qu'exposé aux articles 28 et 29 du Code de déontologie médicale. Le médecin doit évidemment en aviser le patient, assurer la continuité des soins et fournir toutes les informations utiles au médecin qui lui succède. Il est indiqué de faire figurer dans le texte qu’à défaut de consensus avec le médecin consulté, le patient doit désigner un médecin disposé à prendre le relais.

A cet égard, il convient de souligner qu'il sera loisible au médecin de se dégager de sa mission dans le respect des conditions précitées, s'il estime ne pas pouvoir établir de relation constructive avec la personne de confiance désignée par le patient ou s'il estime impossible de mener avec le représentant du patient un dialogue pouvant conduire à un consensus.

Le Conseil national ne peut être d'accord avec l'article 8, §1er, 3ème alinéa et le commentaire dans l'exposé des motifs qui portent atteinte à la relation de confiance puisque le patient peut s'opposer à ce qu’un consentement verbal par lui exprimé soit noté au dossier.

DROITS RELATIFS AU DOSSIER DU PATIENT (article 9)

DROIT DE CONSULTATION (article 9,§2)

En ce qui concerne le dossier médical, le Conseil national maintient son point de vue tel que formulé dans ses avis des 23 janvier 1999 et 17 février 2001 concernant les droits du patient.

Si pour le Conseil national, le droit de consultation du dossier médical par le patient découle logiquement de l'obligation pour le médecin d'informer ce patient, il ne peut être d'accord avec la finalité de la consultation du dossier médical par le patient telle que décrite dans l'exposé des motifs. En effet, même lorsqu'il y a suspicion d'une faute médicale, la communication et le dialogue qui en découle, doivent être la finalité de la relation praticien-patient. C'est essentiel pour par exemple commenter des pièces pertinentes d'un dossier médical. Il existe là un processus continu d'information et de consultation qui ne saurait s’aliéner par l’observation d'un délai d’attente qu’il soit de quinze ou de quarante-cinq jours.

C'est seulement lorsqu'une information maximale n'a pas donné de résultat satisfaisant et qu'une éventuelle intervention de la fonction de médiation ne conduit pas à une solution, que la consultation du dossier médical devient un droit contraignant du patient.

DROIT DE PHOTOCOPIE (article 9, §3)

Le droit d'obtenir copie en tout ou partie du dossier le concernant, ainsi que prévu à l'article 9, §3, du texte examiné est un des points ardus dans l'exercice des droits du patient.

Dans son avis du 17 février 2001, le Conseil national estimait:

"Il n'est pas impensable que des tiers viennent demander, voire exiger du patient une copie de son dossier, par exemple lors d'un examen d'embauche, de la souscription d'un emprunt, de la conclusion d'un contrat d'assurance ou du règlement d'un sinistre. Il s'impose par conséquent de prévoir que des tiers ne seront pas autorisés à demander une copie du dossier aux patients."

Le Conseil national apprécie l'attention particulière que le texte examiné consacre aux risques que court le patient lui-même en usant de la possibilité qui lui est offerte d'obtenir une copie.

La solution préconisée sera difficilement réalisable dans la pratique. Il ne sera pas toujours aisé pour le praticien professionnel de déceler si une pression est exercée sur son patient pour qu'il demande une copie de son dossier afin de la communiquer à des tiers. En cas de refus d'une copie, des situations conflictuelles apparaîtront si le patient fait valoir ses droits. C'est pourquoi le Conseil national propose un droit indirect du patient à obtenir des photocopies. Ce droit peut être exercé par le médecin généraliste, par le médecin traitant ou par le médecin choisi par le patient. Aucune photocopie ne peut non plus être exigée de ce médecin, tout en lui étant évidemment loisible, qu'il soit médecin traitant ou intermédiaire, de remettre au patient les photocopies demandées lorsqu'il estime justifié de le faire. Lorsqu'il l'estime indiqué, le médecin a la possibilité, pour responsabiliser le patient, d'inscrire sur la copie qu'il s'agit de données médicales à caractère personnel n'étant pas destinées à des tiers. Ceci permet d'empêcher que des tiers n'obtiennent l'accès au dossier en faisant pression sur le patient dans la mesure où ce dernier ne peut lui-même exiger de photocopie. Par son droit de consultation directe et un droit indirect de photocopie, le patient aura ainsi toutes les informations à sa disposition en cas de (menace de) conflit.

COMPOSITION

Comme le Conseil national se le proposait dans son avis du 17 février 2001, il a approfondi la question de la composition du dossier médical. Il est indiqué d'établir une distinction entre les divers types de dossiers qui en raison de leur composition auront des implications différentes dans leur consultation. Ainsi, il y a par exemple des dossiers médicaux constitués en un bref laps de temps dans une situation de danger de mort et comportant des résultats d'examens faisant appel à la technologie de pointe et des rapports d'interventions invasives de plusieurs médecins, dont la consultation n'a de sens qu'accompagnée des commentaires nécessaires. Il n'y a pas de comparaison entre ces dossiers et les dossiers de longue durée des médecins généralistes, comportant des données arrivées au compte-gouttes, de sorte que tenir le patient au courant de la portée de toutes les constatations, ne posera guère de problèmes. D'ailleurs, bon nombre de médecins généralistes remettent à leurs patients, lorsqu'il n'y a pas de contre-indication thérapeutique à cela, des photocopies des résultats les plus importants d'examens techniques et de rapports de spécialité. Ceci augmente l'implication du patient dans l'évolution de son état, le rendant davantage responsable de sa santé qu'il surveillera plus scrupuleusement en concertation avec son médecin généraliste.

Pour le dossier hospitalier, le point de départ demeure l'arrêté royal du 3 mai 1999. Celui-ci décrit les renseignements médicaux minimaux que doit comporter le dossier hospitalier. Ce ne sont du reste pas seulement les résultats d'une série d'examens tels que précisés à l'article 2, §1er, 3°, qui font partie du dossier médical mais aussi les documents sur lesquels les protocoles sont fondés, et ce, quel que soit le lieu où ces documents sont conservés au sein de l'établissement de soins. Font également partie du dossier médical, la lettre d’envoi ainsi que toutes les données pertinentes communiquées au médecin traitant dans le cadre de la continuité des soins. Enfin, le dossier médical comprend tous les documents prévus par le texte examiné. Hormis le cas de l'exception thérapeutique, toutes ces données peuvent être soumises au patient. Il est indiqué que le patient reçoive à cet égard les explications nécessaires.

Le Conseil national estime inacceptable que le texte examiné préconise la consultation indirecte des "annotations personnelles". Les annotations personnelles, telles que définies dans l'exposé des motifs, ne font pas partie du dossier du patient parce qu'elles ne sont pas nécessaires à la continuité des soins. Elles ne sont pas transmises au médecin qui succède, lequel doit faire lui-même l'effort intellectuel nécessaire sur la base des données transmises du dossier et s'en remettre à sa propre expérience qu'il garde vive le cas échéant au moyen de notes personnelles. Un médecin a droit à sa propre idée et à ses impressions personnelles à propos de certains problèmes, mais tout aide-mémoire ou note concernant une piste de réflexion ne peut en l'occurrence faire partie du dossier. Si le présent avant-projet devient une loi, les médecins continueront de réfléchir aux problèmes des patients qui leur sont confiés et à apprendre par expérience certaines choses qu'ils continueront de noter comme aide-mémoire. Mais ils devront le faire suivant un mode non identifiable afin qu'il ne puisse être porté atteinte à l'intérêt de leurs patients à travers leurs notes.

En ce qui concerne les données hétéro-anamnestiques, il y a lieu de faire une distinction selon qu'il s'agit de données fournies avec le concours du patient ou de données confidentielles communiquées à son insu. Si ces dernières sont importantes pour la continuité des soins, elles seront reprises dans le dossier médical sans aucune mention à propos de leur source. Si elles ne sont pas importantes pour la continuité des soins, le médecin peut les détruire ou les conserver à titre d'annotations personnelles moyennant respect de la modalité précitée.

ATTITUDE

L'important est que le médecin traitant et le patient soient conscients, lors de la constitution du dossier médical, que le dossier est en premier lieu un outil essentiel au diagnostic, à la continuité et à la qualité des soins. Le médecin devra d'autre part être conscient que le regard du patient restera attaché à la composition du dossier et aux constatations qu'y notera le praticien.

LE DOSSIER APRES LE DECES (article 9, §4)

L'article 9, §4, de l'avant-projet prévoit la consultation du dossier médical d'une personne décédée, par le praticien professionnel désigné par le demandeur, pour autant que la demande soit suffisamment motivée et spécifiée et que le patient ne s'y soit pas opposé expressément. Le praticien professionnel désigné aurait également accès aux annotations personnelles. En ce qui concerne ce dernier point, le Conseil national renvoie à ce qui a déjà été dit à ce sujet.

Une commission a été chargée par le Conseil national d'étudier le secret professionnel après le décès du patient et le problème connexe, de la consultation de son dossier médical. La commission est arrivée aux conclusions suivantes.

Le principe contenu à l'article 65 du Code de déontologie médicale est maintenu dans les grandes lignes: la mort du malade ne relève pas le médecin de son secret professionnel et les héritiers ne peuvent l'en délier ni disposer du dossier de la personne décédée.
Mais le médecin traitant peut, comme il est déjà d'usage à l'heure actuelle, fournir à l'époux, à l'épouse, au partenaire ainsi qu'aux proches parents toutes informations concernant la cause de la mort et les circonstances du décès. A leur demande, le médecin traitant peut communiquer à leur médecin généraliste et/ou à leur médecin traitant toutes les données pouvant être importantes pour leur état de santé.

Des informations sur la cause de la mort ne peuvent être fournies que si la personne décédée ne s'y est pas opposée, que si elles ne portent pas atteinte à sa mémoire et ne concernent pas un tiers qui doit être protégé.

En ce qui concerne la consultation du dossier médical après le décès, par un médecin désigné, les intérêts matériels des proches parents ou de tiers comme des contestations à propos de contrats souscrits par le défunt ou à propos de ses dispositions testamentaires, sont des motivations inadmissibles.

Le Conseil national estime que cela doit figurer dans le texte afin que la volonté implicite des personnes défuntes soit respectée. Qui de son vivant pourrait admettre l'idée que le secret médical soit levé après son décès pour contester des contrats d'assurance auxquels il ou elle a souscrit? De plus, le fait pour des personnes âgées d'apprendre que leur dossier médical sera utilisé après leur mort pour juger de leurs dernières dispositions de volonté, portera sérieusement atteinte à leur confiance dans la médecine. Ces problèmes doivent être tranchés sans briser la confidentialité des données médicales.

Le Conseil national estime en revanche qu'un médecin ne peut invoquer le secret professionnel pour étouffer une éventuelle faute médicale. Si le médecin constate que la méfiance persiste à l'égard de sa personne en dépit d'une information détaillée des proches précités, il a la possibilité de faire usage des documents essentiels concernant le décès dans le dossier médical pour éclairer l'information. Si cela non plus ne conduit pas à une solution, il a la possibilité de demander la désignation d'un médecin qui parcourra avec lui toutes les pièces du dossier médical de la personne décédée pertinentes en la matière. A sa demande, des photocopies de ces pièces seront remises à ce médecin désigné. Si un consensus fait défaut à ce sujet, ledit médecin désigné s'adressera à la juridiction compétente pour que soit désigné un médecin qui tranchera le différend.

DROIT A LA PROTECTION DE LA VIE PRIVEE (article 10)

Le texte examiné affirme que le patient a droit à la protection de sa vie privée, notamment en ce qui concerne les informations liées à sa santé (article 10, §1er). Cette information est principalement conservée au dossier médical. Il est étonnant que le texte examiné ne parle pas de la saisie de dossiers médicaux. Dans son avis du 17 février 2001, le Conseil national écrivait:

"A cet égard, le Conseil national attire spécialement l'attention du législateur sur la saisie de dossiers de patients par les juges d'instruction. Il est évident que rien ne s'oppose à la saisie lorsque le suspect est le médecin, mais elle est selon le Conseil national, inconcevable lorsque le suspect du délit est un patient. Les données confiées par un patient dans le cadre de son traitement ne peuvent être utilisées contre lui. Ceci réduirait à néant des relations de confiance péniblement construites avec des patients demandant et nécessitant de l'aide, souvent en raison de troubles graves du comportement. Une initiative législative devrait combler cette lacune dans la protection des droits du patient. Pour être complet, il faut ajouter que le Conseil national estime que, devant un comportement inquiétant de son patient, le médecin a la possibilité d'invoquer l'état de nécessité."

Le Conseil national a été confronté à plusieurs reprises au problème de la saisie de dossiers médicaux d'auteurs de délits par des juges d'instruction, et ce, parfois uniquement pour une enquête de moralité. Au regard des attributions des juges d'instruction, seules les Chambres législatives peuvent résoudre ce problème. La loi relative aux droits du patient en est l'occasion choisie. Sans affirmer que la médecine soit à l'heure actuelle en mesure de remédier à tous les troubles graves du comportement, le Conseil national estime que les auteurs de délits chez qui une aide professionnelle peut apporter une amélioration du comportement, doivent pouvoir bénéficier de cette opportunité. Celle-ci ne peut être hypothéquée par la saisie des confidences notées par les prestataires de soins, ce qui est susceptible d’annihiler toute relation de confiance essentielle au traitement.

DROIT A LA MEDIATION EN MATIERE DE PLAINTES (article 11)

Dans son avis du 17 février 2001, le Conseil national déclarait que l'ouverture dans la communication avec le médiateur est un principe auquel il peut être souscrit intégralement, mais que le législateur devrait veiller, dans l'élaboration d'une fonction de médiation, à ce que ni le médecin ni le patient ne deviennent les dupes de cette ouverture. Il est évident que l'exécution par le médecin de son devoir légal d'information ne peut avoir de répercussions négatives sur ses obligations à l’égard de son assureur. Dans le texte examiné, le problème est reporté à un arrêté délibéré en conseil des ministres par lequel le Roi fixera les conditions auxquelles la fonction de médiation doit répondre, notamment sur le plan du secret professionnel. Ceci exclut une législation spécifique nuancée.

Il convient surtout de noter que la restriction du champ d'application, telle qu'exposée dans ce texte, restreint aussi la compétence de la fonction nécessairement indépendante de médiation. Celle-ci est en effet limitée au traitement de plaintes en rapport avec la violation des droits du patient par les praticiens professionnels, et ce, uniquement lorsque leur contact avec le patient n'a pas eu lieu dans le cadre d'une fonction de direction dans l'établissement de soins. Une base légale d'intervention de la fonction de médiation fait défaut pour le cas de plaintes de patients à l'égard de l'établissement de soins. Il faut ajouter que souvent il n’apparaît pas clairement si la plainte est dirigée contre un praticien professionnel, contre un établissement de soins ou contre les deux. Cette constatation démontre que la restriction du champ d'application aura d'importantes conséquences par rapport à la fonction de médiation et aux attentes du patient qui ne pourront dès lors être rencontrées que partiellement.
Le Conseil national constate qu'aucune médiation des plaintes n'est prévue pour la relation patient-médecin généraliste.

REPRESENTATION DU PATIENT (articles 12-15)

Dans son avis du 17 février 2001, le Conseil national se déclarait frappé par l'absence de critères pour être désigné comme personne de confiance - s'agissant à présent "du mandataire désigné par le patient". Le texte actuel aussi prévoit trop peu de garanties du libre choix dans la désignation du mandataire, et la durée du mandat semble demeurer illimitée. Dans notre société existent des groupements qui n'accordent guère de liberté de décision à leurs membres; le soi-disant libre choix d'un patient peut avoir été dicté par d'autres impératifs que sa santé. De plus, les mises en situation virtuelles de maladie ne sont pas comparables, ne serait-ce qu'émotionnellement, avec une situation réelle: raison de plus pour ne pas délibérément s'en tenir à ce qui a été pensé et décidé avant de vivre une situation déterminée même crainte ou mal appréhendée par l'intéressé.

En revanche, le Conseil national estime positif que le mandataire désigné par le patient ne puisse plus empêcher qu'une intervention vitale ait lieu lorsque l'intéressé n'est plus capable de donner lui-même son consentement ou de faire connaître son opposition. Il ne peut être admis que cette intervention ne puisse avoir lieu parce que le mandataire désigné viendrait démontrer par des témoins, un enregistrement sur bande ou une cassette vidéo que ceci va à l'encontre de la volonté expresse du patient qui à ce moment précis, n'est pas capable de faire connaître lui-même sa volonté (article 15, §2 et exposé des motifs s'y rapportant).
Le Conseil national a déjà souligné plus haut le caractère inacceptable dans ces cas du refus écrit d'une intervention déterminée, et ce d'autant plus lorsqu'il n'existe même pas d'écrit du patient.

Tant le texte de l'avant-projet que l'exposé des motifs donnent l'impression saisissante qu'il existerait une situation de conflit latent et un climat de méfiance entre le patient et le médecin qui ne serait capable de défendre les intérêts du patient que si les représentants font défaut ou se querellent.

MODIFICATION DE L'ARTICLE 95 DE LA LOI DU 25 JUIN 1992 RELATIVE AU CONTRAT D'ASSURANCE TERRESTRE (article 19)

L'exposé des motifs du texte examiné souligne le caractère défavorable pour le patient de l'article 95 de la loi sur le contrat d'assurance terrestre. Les assureurs refusent parfois le paiement aussi longtemps que l'information la plus approfondie sur l'assuré n'a pas été fournie par le médecin.
Le Conseil d'Etat se demande si l'omission proposée de la première phrase de l'article 95 ne serait pas susceptible dans certains cas d'être préjudiciable au patient.

Sur la base d'une longue expérience du problème, le Conseil national estime qu'une distinction doit être faite entre la conclusion et l'exécution du contrat. Ainsi, il est indiqué que le candidat-assuré soit examiné par un médecin désigné par l'assureur afin que le risque à assurer puisse être évalué. Il n'est que trop souvent constaté que cet examen n'a pas lieu et que l'assureur attire le candidat en se limitant à exiger une déclaration sur l'honneur de celui-ci.

Lorsqu'il y a lieu à exécution du contrat d'assurance, des questions surgissent à l'infini sur l'histoire médicale du patient. C'est pourquoi le Conseil national pense pouvoir affirmer ce qui suit : un examen médical par un médecin désigné par l'assureur est indiqué pour la conclusion d'un contrat. Pour ce faire, le médecin pourra se fonder uniquement sur l'anamnèse de l'état de santé actuel du candidat-assuré et non sur des techniques d'analyse génétique propres à déterminer son état de santé futur.
Pour autant que l'assureur justifie de l'accord préalable de l'assuré, le médecin de celui-ci transmet au médecin-conseil de l'assureur un certificat établissant la cause du décès sans indication du début de la maladie.

Tous les certificats médicaux délivrés en exécution d'un contrat se limitent à une description de l'état de santé actuel, sans aucune information sur les antécédents.

Ceci permettra de mettre un terme à la transmission obligatoire sans restriction de données aux assureurs qui ne font pas examiner les candidats-assurés lors de la conclusion d'un contrat.

CONCLUSION

Dans le cadre d'une évaluation globale du texte analysé, le Conseil national estime que le concept initial des droits du patient a perdu en valeur et en force par la restriction de son champ d'application et la réduction de la fonction de médiation. Le texte gagnerait en clarté si le contenu des termes utilisés était plus précis (ex.: "risque" (art.8, §2), "des prestations de qualité répondant à ses besoins" (art. 5), "en temps opportun" (art.8, §3), …).

Ceci n'enlève rien au renforcement par le projet de l'égalité entre patients et praticiens professionnels. Le droit à une prestation de service de qualité, au libre choix du médecin traitant, à l'information, à la consultation du dossier du patient et le droit au consentement y contribueront, encore qu'une déclaration écrite anticipée contraignante ne soit pas un avantage.

Il s'impose de souligner aussi que le texte examiné ne renforce pas suffisamment les droits du patient à l'égard des tiers. La garantie que ce qu'il confie à ses médecins traitants ne sera jamais utilisé contre lui, fait défaut. Une modification adéquate de l'article 95 de la loi sur le contrat d'assurance terrestre, une interdiction de saisie des dossiers d'auteurs de délits et un droit seulement indirect de photocopie évitant une consultation par des tiers, constitueraient sur ce plan des progrès importants.

Avis du Conseil national concernant la Note conceptuelle droits du patient (17 février 2001), BCN n° 91, mars 2001, p. 3.

Le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné la Note conceptuelle Droits du patient émanant du cabinet de la ministre de la Protection de la consommation, de la Santé publique et de l'Environnement et transmise par la présidente de la commission de la Santé publique, de l'Environnement et du Renouveau de la société de la Chambre des représentants, à l'occasion des auditions organisées par cette commission. Le point de vue du Conseil national y a été exposé le 9 janvier 2001 par son président et ses vice-présidents.

Le Conseil national maintient son point de vue tel que formulé dans son avis du 23 janvier 1999 (Bulletin du Conseil national n° 83, mars 1999, p.19) émis à propos de l'avant-projet de loi relatif aux droits du patient du précédent gouvernement. Cet avis dit notamment qu'une consécration par le législateur sera utile au respect de la déontologie médicale, laquelle doit réagir rapidement aux évolutions sociales, techniques et médicales dans la société.

Les droits du patient présentés dans la Note conceptuelle de manière claire et ordonnée correspondent à bon nombre de règles déontologiques prônées depuis des années par le Conseil national de l'Ordre. Mais il s'impose d'ajouter immédiatement qu'une législation ne peut étouffer la relation de confiance médecin-patient, laquelle doit continuer d'évoluer vers un dialogue ouvert à l'intérieur d'un modèle de concertation, ce qui constitue une garantie du respect de la personne humaine et de son autonomie. Le souci à juste titre toujours plus grand d'une traduction des intérêts du patient en termes de droits ne peut conduire à une "préoccupation artificielle" avec des automatismes linéaires. Il faut surtout tenir compte de l'aspect concret et du caractère très divergent des missions des différentes disciplines des dispensateurs de soins, ainsi que des schémas d'attentes qui s'y rapportent.

En dépit des avantages qu’une loi peut apporter, demeurent indispensables éducation et évaluation qui seules permettront d'induire le changement de mentalité qui est espéré. A titre d'exemple, l'enseignement et l'entraînement dispensés au long du cursus universitaire de pré- et post- graduat y contribuent certes autant que les initiatives prises par les organisations de médecins et les conseils provinciaux soucieux de remplir leur mission préventive, sans oublier les "moments de parole" organisés dans les unités de soins et qui rassemblent les intervenants.

Champ d'application

Il semble ressortir de la Note conceptuelle que la notion de patients est utilisée dans son sens le plus large. On pourra en déduire que seront mêmement concernés ceux qui sont examinés par un médecin contrôleur, un médecin du travail ou d'assurances ou dans le cadre de l'inspection scolaire, voire des consultations prénatales.
Il importera d'examiner si les dispositions relatives aux droits énoncés sont applicables à ces diverses situations.

Droit à la prestation de services de qualité

L'article 34 du Code de déontologie médicale dispose que tant pour poser un diagnostic que pour instaurer et poursuivre un traitement, le médecin s'engage à donner au patient des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données actuelles et acquises de la science. Dans sa lettre du 24 septembre 1997 à l'ancien ministre de la Santé publique et des Pensions, au sujet des médecines non conventionnelles, le Conseil national non seulement attirait l'attention sur la nécessité, avant d'initier un acte à visée thérapeutique, de poser un diagnostic chez tout patient qui consulte et ceci quelle que soit la pathologie présentée, mais ajoutait que seul le médecin est qualifié à cette fin en raison de sa formation scientifique longue et contrôlée et de sa formation clinique sans cesse réévaluée. Dans l'annexe à la Note conceptuelle, il est fait référence aux "normes en vigueur" pour des prestations de qualité. Le Conseil national estime que ceci n'est pas possible sans l'apport diagnostique du médecin.

Droit au libre choix du prestataire de soins

Le Conseil national constate avec satisfaction la place centrale accordée dans la Note conceptuelle au droit du libre choix du dispensateur de soins, et ce par contraste avec l'avant-projet du gouvernement précédent dans lequel ne figurait pas ce principe déontologique de base tel que formulé à l'article 27 du Code. Toutefois, le Conseil national se demande s'il est opportun de donner dès le départ aux patients des informations à propos des relations juridiques existant dans une structure de soins. Le fait d'apporter systématiquement cette information, qui peut évidemment être fournie à la demande, pourrait susciter l'impression chez le patient que les modalités relatives à la responsabilité sont plus importantes que la dispensation des soins.

Sur ce point, il y a lieu de remarquer en outre que les « ultra-spécialisations » sont nécessaires à la qualité des soins d'une part mais qu'elles limitent les possibilités de choix du patient, même dans un grand hôpital. Il est par conséquent extrêmement important que le médecin référant tente d'évaluer exactement qui sera supposé être le principal soignant afin de pouvoir en discuter avec le patient avant de le référer.

Droit à l'information sur l'état de santé

Le droit à l'information est aussi une transposition des articles 29 et 33 du Code de déontologie médicale. Le principe proposé est celui de la communication à temps par le médecin du diagnostic et du pronostic, en tenant compte lors de l'information de l'aptitude du patient à la recevoir et de l'étendue de l'information que celui-ci souhaite.

Le Conseil national estime que l'obligation d'informer et le droit du patient à l'information doivent conduire à un dialogue ouvert dans lequel médecin et patient recherchent ensemble la meilleure solution au problème posé. Dans ce dialogue, le patient a la possibilité de poser des questions, d'exprimer ses craintes et ses attentes. Le médecin de son côté, propose des solutions possibles en s'appuyant sur sa connaissance de l'être humain et de la médecine. Mais le médecin aussi attend de son patient toutes les informations susceptibles d'avoir de l'importance dans les choix à faire.

A chaque fois qu'a été soulignée l'importance du dialogue, l'on ne s'est peut-être pas encore suffisamment arrêté à la nécessité d'effectifs suffisants à tous les échelons et adéquatement rémunérés. Un manque de personnel et de temps n'est pas une excuse valable dans un Etat-providence.

Droit au consentement

La Note met à juste titre l'accent sur le consentement implicite qui est certainement la règle générale dans la pratique quotidienne du médecin généraliste mais aussi du spécialiste, quoique ceci puisse poser des problèmes si la relation médecin-patient se "juridicise". Il est évidemment important qu'une autorisation soit explicitement demandée par le médecin lorsque les examens et traitements proposés comportent un risque réel. Le médecin fera bien à cet égard de souligner qu'il peut garantir des soins optimaux mais pas toujours le résultat escompté.

Droits relatifs au dossier du patient

Le droit de consultation directe du dossier médical par le patient se situe dans le prolongement de l'obligation d'information et de la communication ouverte préconisée. La déontologie médicale prévoit à l'article 42 du Code de déontologie médicale que le médecin peut remettre au patient, lorsque celui-ci en fait la demande, les éléments objectifs du dossier médical. La Note conceptuelle précise par ailleurs que "les annotations personnelles du praticien professionnel et les données concernant des tiers n'entrent pas dans le cadre de ce droit de consultation." Le dossier médical comporte en outre d'autres données encore qui ne sont considérées ni comme "données objectives" ni comme entrant dans la catégorie des données qui suivant la Note conceptuelle sont exclues du droit de consultation. Des exercices de réflexion et une concertation seront à chaque fois nécessaires pour déterminer dans quelle catégorie se range une donnée du dossier médical. L'article 2 de l'arrêté royal du 3 mai 1999 qui détermine les documents et renseignements minimaux que doit comporter le dossier médical dans un hôpital, constituera une référence en la matière et la question peut déjà être soulevée de savoir si les données hétéro-anamnestiques sont des données ayant trait à des tiers.

Jusqu'à présent, le dossier médical était un outil de travail du médecin établi en fonction de la continuité et de la qualité des soins. Il doit par conséquent être évité que la qualité du dossier ne souffre du droit de consultation du patient. La transmission de données entre médecins sera probablement plus rationnelle et il faudra quelque temps aux médecins pour développer un style de communication n'ayant pas de répercussions sur le courant de l'information à présent que le patient consulte le dossier.

La Note conceptuelle prévoit que le patient a le droit de recevoir une copie partielle ou totale du dossier qui le concerne. Si l'on admet le droit de consultation directe, aucun argument ne pourra être avancé du point de vue déontologique pour refuser une photocopie de son dossier au patient.

Le Conseil national attire tout particulièrement l'attention du législateur sur le risque que la possibilité d'obtenir une copie du dossier fait courir au patient lui-même. Il n'est pas impensable que des tiers viennent demander, voire exiger du patient une copie de son dossier, par exemple lors d'un examen d'embauche, de la souscription d'un emprunt, de la conclusion d'un contrat d'assurance ou du règlement d'un sinistre. Il s'impose par conséquent de prévoir que des tiers ne seront pas autorisés à demander une copie du dossier aux patients.

Droit à la protection de la vie privée

La Note conceptuelle souligne très justement la nécessité de revoir l'article 95 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre. Les médecins sont régulièrement mis sous pression par des patients qui ne recevront pas de paiement tant qu'ils ne présenteront pas certains documents comme des rapports d'observation dans le cadre d'assurances hospitalisation ou des déclarations médicales concernant de proches parents dans le cadre d'assurances en annulation de voyage.

De plus, les patients doivent aussi être protégés, dans le cadre de la recherche scientifique, contre l'utilisation de leurs données par leur propre médecin sans qu'ils y aient consenti d'une quelconque façon. Il conviendrait d'imposer le consentement explicite du patient à l'utilisation de ses données codées. Telle est d'ailleurs également la position adoptée dans la version la plus récente de la Déclaration d'Helsinki.

En ce qui concerne le droit du patient à la protection de sa vie privée, la Note conceptuelle souligne que les informations relatives à l'état de santé du patient, parmi lesquelles son dossier, doivent demeurer confidentielles. A cet égard, le Conseil national attire spécialement l'attention du législateur sur la saisie de dossiers de patients par les juges d'instruction. Il est évident que rien ne s'oppose à la saisie lorsque le suspect est le médecin, mais elle est selon le Conseil national, inconcevable lorsque le suspect du délit est un patient. Les données confiées par un patient dans le cadre de son traitement ne peuvent être utilisées contre lui. Ceci réduirait à néant des relations de confiance péniblement construites avec des patients demandant et nécessitant de l'aide, souvent en raison de troubles graves du comportement. Une initiative législative devrait combler cette lacune dans la protection des droits du patient. Pour être complet, il faut ajouter que le Conseil national estime que, devant un comportement inquiétant de son patient, le médecin a la possibilité d'invoquer l'état de nécessité.

Droit à la médiation en matière de plaintes

Par rapport au droit à la médiation en matière de plaintes, il est exact que beaucoup de mécontentement, d'insatisfaction et même de procès pourraient être évités par la médiation d'une instance facilement accessible. Il va sans dire qu'une médiation n'a de sens que si tous les intéressés peuvent parler ouvertement et peuvent aborder non seulement les faits mais aussi les fautes. La grande majorité des contrats responsabilité civile des médecins ne le permettent toutefois pas. On peut donc s'interroger sur ce qui attendra les médecins lorsqu'un règlement amiable ne sera pas atteint et qu'ils auront avoué une faute. L'ouverture dans la communication avec le médiateur est un principe auquel il peut être souscrit intégralement, mais ni le médecin ni le patient ne peuvent en devenir les dupes. Le législateur devrait tenir compte de cet aspect dans l'élaboration d'une fonction de médiation.

Lors de l'audition devant la commission de la Santé publique, de l'Environnement et du Renouveau de la société à la Chambre des représentants, le président du Conseil national a souligné qu'au niveau des conséquences de l'acte médical, les droits du patient auront inévitablement des répercussions sur le plan matériel, s'agissant de l'indemnisation des conséquences dommageables de l'acte médical fautif ou non fautif. Ce problème dont l'expérience montre à quel point il est complexe et se heurte à d'importantes préoccupations et difficultés d'ordre budgétaire, devra être résolu d'urgence si l'on veut préserver les droits des patients. Dans ce domaine, la question budgétaire vient se greffer au problème essentiel de la définition de l'instance vers laquelle se tourner pour obtenir une indemnisation. Cette problématique, dont l'aspect budgétaire n'a pas un caractère strictement déontologique, et celle des droits du patient sont à ce point intimement liées qu'il s'indique d'observer une certaine simultanéité dans leur réglementation. Le Conseil national ne peut que se rallier à ce point de vue.

Représentation du patient

En ce qui concerne la représentation du patient, la Note conceptuelle propose des solutions qui ne s'inscrivent qu'en partie dans la ligne de la déontologie médicale actuelle. La déontologie connaît aussi, à côté du représentant légal, le représentant de fait et attribue un rôle important à l'entourage sans définir plus précisément les personnes dont il s'agit. Le Conseil national a toujours attaché beaucoup d'importance aux liens du patient avec des personnes et des figures de soutien de son entourage. Le Conseil national estime qu'une approche intersubjective correspond à la réalité, que l'interaction entre le patient et son entourage se noue dès le début de la maladie. L'entourage est en général immédiatement associé à l'information sur la maladie et joue un rôle important dans les choix à faire et le consentement. La cascade de représentants proposée sera certainement cohérente sur le plan juridique, mais elle perd de vue la réalité du système dont le patient fait partie et continue de faire partie, même lorsqu'il n'est plus en état de comprendre l'information nécessaire et de donner son consentement.

Il est prévu tant dans le droit à l'information que dans le droit au consentement, qu'une personne de confiance désignée par le patient majeur lorsqu'il était encore apte à apprécier raisonnablement ses intérêts, pourra se substituer à lui lorsqu'il ne sera plus en état de juger lui-même de ses intérêts. L'on est frappé par l'absence de toute précision à propos du profil de la personne de confiance et du fait par exemple, que l'on n'ait pas estimé utile de prévoir qu'elle ne pouvait avoir un intérêt personnel direct ou indirect dans les décisions concernant le sort du patient. Il est tout aussi essentiel de fixer toutes les garanties nécessaires de libre choix du patient lors de la désignation de la personne de confiance et notamment de limiter la durée du mandat.

Même si les garanties nécessaires sont prévues, il demeurera inacceptable que le médecin ne puisse déroger à la décision prise par la personne de confiance. L'article 14 de la Note conceptuelle prévoit que le médecin peut déroger à la décision prise par les parents ou par le tuteur, afin de prévenir toute menace pour la vie du patient ou toute atteinte grave à sa santé. Le Conseil national estime qu'il doit en aller de même pour la décision prise par la personne de confiance.

Le Conseil national ne peut non plus accepter qu'un médecin soit obligé de respecter le refus écrit du consentement à une intervention déterminée, rédigé par le patient lorsqu'il était encore apte à apprécier raisonnablement ses intérêts. De tels refus ne sont qu'indicatifs et ne peuvent être contraignants.

En revanche, le Conseil national estime que le dispensateur de soins doit sérieusement tenir compte à la fois de l'avis de la personne de confiance et d'une déclaration de volonté du patient par écrit. Ces éléments peuvent même être décisifs en cas d'hésitation entre l'abstention ou l'intervention, mais il serait inadmissible de laisser mourir des personnes lorsqu'il y a de fortes chances qu'un traitement déterminé donne un bon résultat. Il est cependant indiqué, avant de prendre une décision dans de telles circonstances, que le médecin responsable demande l'avis d'un confrère et/ou de l'équipe multidisciplinaire traitante, et qu'il se concerte aussi avec la famille le cas échéant.

Commission consultative fédérale "Droits du patient"

En ce qui concerne la commission consultative fédérale, il tombe sous le sens qu'une évaluation et un ajustement continus des droits du patient sont nécessaires en conséquence de l'évolution rapide des vues de la société en cette matière.

Au regard des missions attribuées à la commission consultative fédérale, décrites en annexe à la Note conceptuelle, l'Ordre des médecins pense avoir sa place dans une composition équilibrée de cette commission et pouvoir revendiquer la participation aux travaux.

Conclusion

En conclusion, on peut dire que le Conseil national apprécie dans ses grandes lignes le contenu de la Note conceptuelle où il retrouve beaucoup des principes déontologiques prônés par l'Ordre des médecins.

Le Conseil national estime toutefois nécessaire de faire figurer dans le texte des garanties supplémentaires de protection complète des données du patient et du dossier du patient dans son ensemble afin que des tiers ne puissent jamais en faire un quelconque usage, sauf exception légale.

Enfin, le Conseil national estime que les décisions de la personne de confiance et la déclaration de volonté du patient par écrit ne peuvent détruire les chances d'une vie digne et humaine, car ce serait contraire à l'intérêt du patient et au respect de sa personne.

Secret professionnel18/08/2001 Code de document: a094002
Rapport médical circonstancié en vue de la protection de la personne des malades mentaux

> Un psychiatre soumet au Conseil national les problèmes rencontrés dans sa région dans le cadre de l'admission forcée d'un patient dans un établissement psychiatrique. Le juge de paix concerné rejette le certificat médical du médecin traitant, qu'il soit médecin généraliste, psychiatre, et même celui d'un confrère psychiatre du service dans lequel le médecin traitant exerce, parce qu'il pourrait avoir entendu parler du patient à l'occasion de réunions de staff ou de remplacements. Suivant le juge de paix, ces médecins - qu'il compare à des "parents" du patient - délivrent une attestation de convenance dans la mesure où ils ne peuvent se prononcer en toute indépendance professionnelle et intellectuelle.
Ceci signifie que pour toute admission forcée, il y a lieu de trouver un autre médecin disposé à examiner le patient et à établir le rapport médical circonstancié le cas échéant. Le psychiatre demande si le médecin traitant peut ainsi tout simplement manquer au devoir d'assistance à personne en danger.

Avis du Conseil national :

En ses séances des 16 juin 2001 et 18 août 2001, le Conseil national a examiné la question de savoir si un médecin traitant, médecin généraliste ou psychiatre, peut délivrer des rapports médicaux à propos de ses patients en exécution de la loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux.

L'article 58 du Code de déontologie médicale précise sous g) que ces rapports et certificats sont des "exceptions légales" au secret professionnel dans les limites expressément prévues par la loi. Il en découle que les médecins traitants sont autorisés à les délivrer puisqu'il s'agit d'une exception. Parmi tous les médecins, ils sont d'ailleurs les mieux placés pour établir le rapport médical circonstancié requis sous peine d'irrecevabilité de la demande (article 5, §2, 2ème alinéa, de la loi).

Pour "éviter qu'une quelconque pression soit exercée en vue de l'hospitalisation d'une personne" (Rapport commission de la Justice, p. 36), le législateur a prévu que ce rapport ne sera pas établi "par un médecin parent ou allié du malade ou du requérant, ou attaché à un titre quelconque au service psychiatrique où le malade se trouve" (article 5, §2, 2ème alinéa de la loi). Le législateur n'a pas exclu les médecins traitants.

En outre, une règle déontologique générale dispose que le médecin doit toujours rester objectif dans la rédaction d'un certificat, c'est-à-dire professionnellement et intellectuellement indépendant, sans implication émotionnelle, a priori ou partialité. D'aucuns estiment qu'une telle disposition d'esprit n'est pas possible dans une relation liant patient psychiatrique et médecins traitants et qu'en principe aucun d'entre ceux-ci ne pourrait délivrer de certificat médical dans le cadre de la procédure de mise en observation forcée.

D'un point de vue éthique, il est permis d'affirmer que l'intérêt du patient doit être le souci primordial de tout médecin. Cette obligation vaut d'autant plus lorsque le patient est censé ne plus être à même d'évaluer raisonnablement ses intérêts sur le plan de sa santé.

Sur la base de critères objectifs, un médecin traitant devra prendre ses responsabilités s'il arrive à la conclusion que son patient souffre de maladie mentale, mettant gravement en péril sa santé et sa sécurité et (ou) constituant une menace pour la vie ou l'intégrité d'autrui. En concertation éventuelle avec un confrère qualifié et expérimenté en la matière, il examinera si des mesures de protection peuvent conduire à une solution au problème et dans l'affirmative, recherchera la procédure à mettre en œuvre pour obtenir le résultat escompté.

En l'occurrence, il sera particulièrement important de déterminer si le rapport médical circonstancié sera établi par le médecin traitant. Bien que celui-ci soit le mieux placé pour le rédiger, il peut avoir de bonnes raisons d'y renoncer. Ceci ne le dispense toutefois pas du devoir de veiller à ce que le rapport médical requis soit délivré lorsqu'il juge que des mesures de protection sont nécessaires afin d'éviter un plus grand désastre. En effet, pour des raisons personnelles, il ne peut négliger ni 'intérêt de son patient, ni les intérêts éventuels de la collectivité. Il pourra dès lors faire appel à des tiers afin de juger de la situation et le cas échéant, de rédiger le rapport médical circonstancié. En pratique ambulatoire, il n'est cependant pas toujours facile d'en trouver un susceptible de créer la possibilité matérielle d'examiner la personne à protéger parce que de tels patients ont facilement tendance à se soustraire à tout examen effectué par des tiers. Dans ces conditions, les médecins traitants sont parfois obligés de tout de même rédiger le rapport circonstancié même si en première instance, ils avaient de bonnes raisons de ne pas le faire.

Pour autant que cela soit possible et se justifie, il est important dans cette relation spécifique médecin-patient, que le médecin traitant discute de l'éventualité d'une admission forcée. Ainsi, peut-il faire part au patient de ce qu'il se sent moralement obligé de rédiger un rapport médical circonstancié qui sera annexé à la requête et transmis au juge de paix lequel, après avoir entendu le patient, prendra une décision à propos de la mise en observation forcée proposée. S'il estime réalisable, le médecin traitant peut proposer au patient de solliciter une deuxième opinion afin de laisser juger de l'extérieur par un autre médecin s'il y a lieu d'établir un rapport médical circonstancié.

Le rejet d'une requête introduite avec le concours du médecin traitant n'est pas favorable à la relation de confiance ultérieure entre le médecin et le patient. Dans la procédure d'urgence, la demande écrite de mise en observation d'une personne intéressée et devant être accompagnée d'un rapport médical circonstancié, est soumise à l'appréciation du procureur du Roi qui prête attention notamment à la motivation donnée de l'urgence. A cet égard, le procureur du Roi a aussi la faculté d'agir d'office sur avis écrit d'un médecin désigné par lui. Ceci se produit fréquemment en cas d'extrême urgence. Il arrive aussi que le médecin invoque un état de nécessité pour informer le procureur du Roi par téléphone, sans rédiger de rapport médical circonstancié. Dans la procédure ordinaire, la requête accompagnée du rapport médical circonstancié est soumise à l'appréciation du juge de paix, qui fait connaître sa décision par jugement motivé. Lorsque la requête est rejetée, le juge de paix fait parfois référence au contenu imprécis du rapport médical circonstancié et/ou aux qualifications de l'auteur du rapport.

La rédaction du rapport médical circonstancié requiert par conséquent des médecins traitants qu'ils soient circonspects, attentifs et prévoyants. Avant toute chose, l'indication d'une mise en observation forcée doit être établie de manière incontestable sur le plan médical et reposer sur des constatations irréfutables. Les exigences légales d'un rapport médical circonstancié doivent être strictement respectées. A cet égard, il convient de noter que l'auteur du rapport doit notamment démontrer qu'il s'agit de maladie mentale, et que dans ce domaine, un diagnostic de toxicomanie par exemple n'est pas suffisant. Enfin l'auteur du rapport doit tenir compte de la jurisprudence. Ainsi, existe-t-il des dispositions légales qui ne sont pas interprétées de la même manière par tous les juges de paix, comme la portée de "attaché à un titre quelconque au service psychiatrique où le malade se trouve" et certaines justices estiment inapproprié que les médecins traitants rédigent le rapport médical circonstancié. Ces interprétations divergentes d'un texte de loi peuvent être déplorées, mais cette matière n'en est pas l'unique exemple.

Pour éviter le rejet de requêtes, il est recommandé que les médecins traitants, avant de procéder à la rédaction d'un rapport médical circonstancié, s'informent des interprétations de la loi par une juridiction particulière. Il peut être attendu des psychiatres qu'ils acquièrent cette connaissance par leurs contacts réciproques et leurs réunions de GLEM. Il est conseillé aux médecins ne devant remplir cette mission qu'occasionnellement, de se concerter avec un confrère expérimenté dans ce domaine, à propos de cet aspect aussi du rapport médical circonstancié. S'il n'y a pas extrême urgence, le médecin dispose généralement du temps nécessaire à cette concertation.

De la part des médecins traitants, c'est faire preuve de peu de prévoyance et ne certainement pas servir l'intérêt du patient que de rédiger un rapport médical circonstancié s'il est établi à l'avance que la requête de mise en observation forcée sera rejetée sur la base des qualifications de l'auteur du rapport. En ce cas, le médecin traitant doit rechercher une solution pragmatique qui serve au maximum les intérêts du patient et de son entourage. Par exemple, il ne serait pas raisonnable d'attendre sciemment une escalade de la situation jusqu'à ce que les conditions d'une procédure d'urgence soient réunies, dans laquelle l'instance compétente n'est plus le juge de paix, mais le procureur du Roi. Tant qu'il n'y a pas extrême urgence, le médecin traitant dispose de quelque temps devant lui permettre de parvenir à une admission de plein gré ou de demander une deuxième opinion à un médecin avec lequel il n'a pas de liens, encore que le patient doive se déclarer d'accord avec ces propositions.

On peut se demander si un juge de paix rejettera comme inapproprié le rapport médical circonstancié du médecin traitant lorsque ce rapport répond à toutes les exigences précitées et qu'est démontrée l'impossibilité de prendre l'opinion d'un praticien extérieur en raison d'un manque de collaboration de la personne à protéger.

Sur la base de l'article 30 de la loi, le requérant a la possibilité en tant que partie à la cause d'interjeter appel du jugement du juge de paix. La loi fixe toutefois un délai allant jusqu'à trois mois pour que le tribunal statue par un jugement définitif.

Secret professionnel17/02/2001 Code de document: a091016
Avis du Conseil national concernant la Note conceptuelle Droits du patient

Avis du Conseil national concernant la note conceptuelle droits du patient
(17 février 2001)

Le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné la Note conceptuelle Droits du patient émanant du cabinet de la ministre de la Protection de la consommation, de la Santé publique et de l'Environnement et transmise par la présidente de la commission de la Santé publique, de l'Environnement et du Renouveau de la société de la Chambre des représentants, à l'occasion des auditions organisées par cette commission. Le point de vue du Conseil national y a été exposé le 9 janvier 2001 par son président et ses vice-présidents.

Le Conseil national maintient son point de vue tel que formulé dans son avis du 23 janvier 1999 (Bulletin du Conseil national n° 83, mars 1999, p.19) émis à propos de l'avant-projet de loi relatif aux droits du patient du précédent gouvernement. Cet avis dit notamment qu'une consécration par le législateur sera utile au respect de la déontologie médicale, laquelle doit réagir rapidement aux évolutions sociales, techniques et médicales dans la société.

Les droits du patient présentés dans la Note conceptuelle de manière claire et ordonnée correspondent à bon nombre de règles déontologiques prônées depuis des années par le Conseil national de l'Ordre. Mais il s'impose d'ajouter immédiatement qu'une législation ne peut étouffer la relation de confiance médecin-patient, laquelle doit continuer d'évoluer vers un dialogue ouvert à l'intérieur d'un modèle de concertation, ce qui constitue une garantie du respect de la personne humaine et de son autonomie. Le souci à juste titre toujours plus grand d'une traduction des intérêts du patient en termes de droits ne peut conduire à une "préoccupation artificielle" avec des automatismes linéaires. Il faut surtout tenir compte de l'aspect concret et du caractère très divergent des missions des différentes disciplines des dispensateurs de soins, ainsi que des schémas d'attentes qui s'y rapportent.

En dépit des avantages qu’une loi peut apporter, demeurent indispensables éducation et évaluation qui seules permettront d'induire le changement de mentalité qui est espéré. A titre d'exemple, l'enseignement et l'entraînement dispensés au long du cursus universitaire de pré- et post- graduat y contribuent certes autant que les initiatives prises par les organisations de médecins et les conseils provinciaux soucieux de remplir leur mission préventive, sans oublier les "moments de parole" organisés dans les unités de soins et qui rassemblent les intervenants.

Champ d'application

Il semble ressortir de la Note conceptuelle que la notion de patients est utilisée dans son sens le plus large. On pourra en déduire que seront mêmement concernés ceux qui sont examinés par un médecin contrôleur, un médecin du travail ou d'assurances ou dans le cadre de l'inspection scolaire, voire des consultations prénatales.
Il importera d'examiner si les dispositions relatives aux droits énoncés sont applicables à ces diverses situations.

Droit à la prestation de services de qualité

L'article 34 du Code de déontologie médicale dispose que tant pour poser un diagnostic que pour instaurer et poursuivre un traitement, le médecin s'engage à donner au patient des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données actuelles et acquises de la science. Dans sa lettre du 24 septembre 1997 à l'ancien ministre de la Santé publique et des Pensions, au sujet des médecines non conventionnelles, le Conseil national non seulement attirait l'attention sur la nécessité, avant d'initier un acte à visée thérapeutique, de poser un diagnostic chez tout patient qui consulte et ceci quelle que soit la pathologie présentée, mais ajoutait que seul le médecin est qualifié à cette fin en raison de sa formation scientifique longue et contrôlée et de sa formation clinique sans cesse réévaluée. Dans l'annexe à la Note conceptuelle, il est fait référence aux "normes en vigueur" pour des prestations de qualité. Le Conseil national estime que ceci n'est pas possible sans l'apport diagnostique du médecin.

Droit au libre choix du prestataire de soins

Le Conseil national constate avec satisfaction la place centrale accordée dans la Note conceptuelle au droit du libre choix du dispensateur de soins, et ce par contraste avec l'avant-projet du gouvernement précédent dans lequel ne figurait pas ce principe déontologique de base tel que formulé à l'article 27 du Code. Toutefois, le Conseil national se demande s'il est opportun de donner dès le départ aux patients des informations à propos des relations juridiques existant dans une structure de soins. Le fait d'apporter systématiquement cette information, qui peut évidemment être fournie à la demande, pourrait susciter l'impression chez le patient que les modalités relatives à la responsabilité sont plus importantes que la dispensation des soins.

Sur ce point, il y a lieu de remarquer en outre que les « ultra-spécialisations » sont nécessaires à la qualité des soins d'une part mais qu'elles limitent les possibilités de choix du patient, même dans un grand hôpital. Il est par conséquent extrêmement important que le médecin référant tente d'évaluer exactement qui sera supposé être le principal soignant afin de pouvoir en discuter avec le patient avant de le référer.

Droit à l'information sur l'état de santé

Le droit à l'information est aussi une transposition des articles 29 et 33 du Code de déontologie médicale. Le principe proposé est celui de la communication à temps par le médecin du diagnostic et du pronostic, en tenant compte lors de l'information de l'aptitude du patient à la recevoir et de l'étendue de l'information que celui-ci souhaite.

Le Conseil national estime que l'obligation d'informer et le droit du patient à l'information doivent conduire à un dialogue ouvert dans lequel médecin et patient recherchent ensemble la meilleure solution au problème posé. Dans ce dialogue, le patient a la possibilité de poser des questions, d'exprimer ses craintes et ses attentes. Le médecin de son côté, propose des solutions possibles en s'appuyant sur sa connaissance de l'être humain et de la médecine. Mais le médecin aussi attend de son patient toutes les informations susceptibles d'avoir de l'importance dans les choix à faire.

A chaque fois qu'a été soulignée l'importance du dialogue, l'on ne s'est peut-être pas encore suffisamment arrêté à la nécessité d'effectifs suffisants à tous les échelons et adéquatement rémunérés. Un manque de personnel et de temps n'est pas une excuse valable dans un Etat-providence.

Droit au consentement

La Note met à juste titre l'accent sur le consentement implicite qui est certainement la règle générale dans la pratique quotidienne du médecin généraliste mais aussi du spécialiste, quoique ceci puisse poser des problèmes si la relation médecin-patient se "juridicise". Il est évidemment important qu'une autorisation soit explicitement demandée par le médecin lorsque les examens et traitements proposés comportent un risque réel. Le médecin fera bien à cet égard de souligner qu'il peut garantir des soins optimaux mais pas toujours le résultat escompté.

Droits relatifs au dossier du patient

Le droit de consultation directe du dossier médical par le patient se situe dans le prolongement de l'obligation d'information et de la communication ouverte préconisée. La déontologie médicale prévoit à l'article 42 du Code de déontologie médicale que le médecin peut remettre au patient, lorsque celui-ci en fait la demande, les éléments objectifs du dossier médical. La Note conceptuelle précise par ailleurs que "les annotations personnelles du praticien professionnel et les données concernant des tiers n'entrent pas dans le cadre de ce droit de consultation." Le dossier médical comporte en outre d'autres données encore qui ne sont considérées ni comme "données objectives" ni comme entrant dans la catégorie des données qui suivant la Note conceptuelle sont exclues du droit de consultation. Des exercices de réflexion et une concertation seront à chaque fois nécessaires pour déterminer dans quelle catégorie se range une donnée du dossier médical. L'article 2 de l'arrêté royal du 3 mai 1999 qui détermine les documents et renseignements minimaux que doit comporter le dossier médical dans un hôpital, constituera une référence en la matière et la question peut déjà être soulevée de savoir si les données hétéro-anamnestiques sont des données ayant trait à des tiers.

Jusqu'à présent, le dossier médical était un outil de travail du médecin établi en fonction de la continuité et de la qualité des soins. Il doit par conséquent être évité que la qualité du dossier ne souffre du droit de consultation du patient. La transmission de données entre médecins sera probablement plus rationnelle et il faudra quelque temps aux médecins pour développer un style de communication n'ayant pas de répercussions sur le courant de l'information à présent que le patient consulte le dossier.

La Note conceptuelle prévoit que le patient a le droit de recevoir une copie partielle ou totale du dossier qui le concerne. Si l'on admet le droit de consultation directe, aucun argument ne pourra être avancé du point de vue déontologique pour refuser une photocopie de son dossier au patient.
Le Conseil national attire tout particulièrement l'attention du législateur sur le risque que la possibilité d'obtenir une copie du dossier fait courir au patient lui-même. Il n'est pas impensable que des tiers viennent demander, voire exiger du patient une copie de son dossier, par exemple lors d'un examen d'embauche, de la souscription d'un emprunt, de la conclusion d'un contrat d'assurance ou du règlement d'un sinistre. Il s'impose par conséquent de prévoir que des tiers ne seront pas autorisés à demander une copie du dossier aux patients.

Droit à la protection de la vie privée

La Note conceptuelle souligne très justement la nécessité de revoir l'article 95 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre. Les médecins sont régulièrement mis sous pression par des patients qui ne recevront pas de paiement tant qu'ils ne présenteront pas certains documents comme des rapports d'observation dans le cadre d'assurances hospitalisation ou des déclarations médicales concernant de proches parents dans le cadre d'assurances en annulation de voyage.

De plus, les patients doivent aussi être protégés, dans le cadre de la recherche scientifique, contre l'utilisation de leurs données par leur propre médecin sans qu'ils y aient consenti d'une quelconque façon. Il conviendrait d'imposer le consentement explicite du patient à l'utilisation de ses données codées. Telle est d'ailleurs également la position adoptée dans la version la plus récente de la Déclaration d'Helsinki.

En ce qui concerne le droit du patient à la protection de sa vie privée, la Note conceptuelle souligne que les informations relatives à l'état de santé du patient, parmi lesquelles son dossier, doivent demeurer confidentielles. A cet égard, le Conseil national attire spécialement l'attention du législateur sur la saisie de dossiers de patients par les juges d'instruction. Il est évident que rien ne s'oppose à la saisie lorsque le suspect est le médecin, mais elle est selon le Conseil national, inconcevable lorsque le suspect du délit est un patient. Les données confiées par un patient dans le cadre de son traitement ne peuvent être utilisées contre lui. Ceci réduirait à néant des relations de confiance péniblement construites avec des patients demandant et nécessitant de l'aide, souvent en raison de troubles graves du comportement. Une initiative législative devrait combler cette lacune dans la protection des droits du patient. Pour être complet, il faut ajouter que le Conseil national estime que, devant un comportement inquiétant de son patient, le médecin a la possibilité d'invoquer l'état de nécessité.

Droit à la médiation en matière de plaintes

Par rapport au droit à la médiation en matière de plaintes, il est exact que beaucoup de mécontentement, d'insatisfaction et même de procès pourraient être évités par la médiation d'une instance facilement accessible. Il va sans dire qu'une médiation n'a de sens que si tous les intéressés peuvent parler ouvertement et peuvent aborder non seulement les faits mais aussi les fautes. La grande majorité des contrats responsabilité civile des médecins ne le permettent toutefois pas. On peut donc s'interroger sur ce qui attendra les médecins lorsqu'un règlement amiable ne sera pas atteint et qu'ils auront avoué une faute. L'ouverture dans la communication avec le médiateur est un principe auquel il peut être souscrit intégralement, mais ni le médecin ni le patient ne peuvent en devenir les dupes. Le législateur devrait tenir compte de cet aspect dans l'élaboration d'une fonction de médiation.

Lors de l'audition devant la commission de la Santé publique, de l'Environnement et du Renouveau de la société à la Chambre des représentants, le président du Conseil national a souligné qu'au niveau des conséquences de l'acte médical, les droits du patient auront inévitablement des répercussions sur le plan matériel, s'agissant de l'indemnisation des conséquences dommageables de l'acte médical fautif ou non fautif. Ce problème dont l'expérience montre à quel point il est complexe et se heurte à d'importantes préoccupations et difficultés d'ordre budgétaire, devra être résolu d'urgence si l'on veut préserver les droits des patients. Dans ce domaine, la question budgétaire vient se greffer au problème essentiel de la définition de l'instance vers laquelle se tourner pour obtenir une indemnisation. Cette problématique, dont l'aspect budgétaire n'a pas un caractère strictement déontologique, et celle des droits du patient sont à ce point intimement liées qu'il s'indique d'observer une certaine simultanéité dans leur réglementation. Le Conseil national ne peut que se rallier à ce point de vue.

Représentation du patient

En ce qui concerne la représentation du patient, la Note conceptuelle propose des solutions qui ne s'inscrivent qu'en partie dans la ligne de la déontologie médicale actuelle. La déontologie connaît aussi, à côté du représentant légal, le représentant de fait et attribue un rôle important à l'entourage sans définir plus précisément les personnes dont il s'agit. Le Conseil national a toujours attaché beaucoup d'importance aux liens du patient avec des personnes et des figures de soutien de son entourage. Le Conseil national estime qu'une approche intersubjective correspond à la réalité, que l'interaction entre le patient et son entourage se noue dès le début de la maladie. L'entourage est en général immédiatement associé à l'information sur la maladie et joue un rôle important dans les choix à faire et le consentement. La cascade de représentants proposée sera certainement cohérente sur le plan juridique, mais elle perd de vue la réalité du système dont le patient fait partie et continue de faire partie, même lorsqu'il n'est plus en état de comprendre l'information nécessaire et de donner son consentement.

Il est prévu tant dans le droit à l'information que dans le droit au consentement, qu'une personne de confiance désignée par le patient majeur lorsqu'il était encore apte à apprécier raisonnablement ses intérêts, pourra se substituer à lui lorsqu'il ne sera plus en état de juger lui-même de ses intérêts. L'on est frappé par l'absence de toute précision à propos du profil de la personne de confiance et du fait par exemple, que l'on n'ait pas estimé utile de prévoir qu'elle ne pouvait avoir un intérêt personnel direct ou indirect dans les décisions concernant le sort du patient. Il est tout aussi essentiel de fixer toutes les garanties nécessaires de libre choix du patient lors de la désignation de la personne de confiance et notamment de limiter la durée du mandat.

Même si les garanties nécessaires sont prévues, il demeurera inacceptable que le médecin ne puisse déroger à la décision prise par la personne de confiance. L'article 14 de la Note conceptuelle prévoit que le médecin peut déroger à la décision prise par les parents ou par le tuteur, afin de prévenir toute menace pour la vie du patient ou toute atteinte grave à sa santé. Le Conseil national estime qu'il doit en aller de même pour la décision prise par la personne de confiance.

Le Conseil national ne peut non plus accepter qu'un médecin soit obligé de respecter le refus écrit du consentement à une intervention déterminée, rédigé par le patient lorsqu'il était encore apte à apprécier raisonnablement ses intérêts. De tels refus ne sont qu'indicatifs et ne peuvent être contraignants.

En revanche, le Conseil national estime que le dispensateur de soins doit sérieusement tenir compte à la fois de l'avis de la personne de confiance et d'une déclaration de volonté du patient par écrit. Ces éléments peuvent même être décisifs en cas d'hésitation entre l'abstention ou l'intervention, mais il serait inadmissible de laisser mourir des personnes lorsqu'il y a de fortes chances qu'un traitement déterminé donne un bon résultat. Il est cependant indiqué, avant de prendre une décision dans de telles circonstances, que le médecin responsable demande l'avis d'un confrère et/ou de l'équipe multidisciplinaire traitante, et qu'il se concerte aussi avec la famille le cas échéant.

Commission consultative fédérale "Droits du patient"

En ce qui concerne la commission consultative fédérale, il tombe sous le sens qu'une évaluation et un ajustement continus des droits du patient sont nécessaires en conséquence de l'évolution rapide des vues de la société en cette matière.

Au regard des missions attribuées à la commission consultative fédérale, décrites en annexe à la Note conceptuelle, l'Ordre des médecins pense avoir sa place dans une composition équilibrée de cette commission et pouvoir revendiquer la participation aux travaux.

Conclusion

En conclusion, on peut dire que le Conseil national apprécie dans ses grandes lignes le contenu de la Note conceptuelle où il retrouve beaucoup des principes déontologiques prônés par l'Ordre des médecins.

Le Conseil national estime toutefois nécessaire de faire figurer dans le texte des garanties supplémentaires de protection complète des données du patient et du dossier du patient dans son ensemble afin que des tiers ne puissent jamais en faire un quelconque usage, sauf exception légale.

Enfin, le Conseil national estime que les décisions de la personne de confiance et la déclaration de volonté du patient par écrit ne peuvent détruire les chances d'une vie digne et humaine, car ce serait contraire à l'intérêt du patient et au respect de sa personne.

Consentement éclairé17/06/2000 Code de document: a090014
Livre blanc sur la protection des droits de l'homme et de la dignité des personnes atteintes de troubles mentaux

Au nom des trois cabinets qui représentent le gouvernement belge dans le Comité directeur pour la bioéthique (CDBI) du Conseil de l'Europe, à savoir Justice, Politique scientifique et Santé publique, madame M. AELVOET, ministre de la Protection de la consommation, de la Santé publique et de l'Environnement, demande l'avis du Conseil national à propos du Livre blanc (établi en français) "sur la protection des droits de l'homme et de la dignité des personnes atteintes de troubles mentaux, en particulier de celles placées comme patients involontaires dans un établissement psychiatrique".

Observations du Conseil national concernant ce Livre blanc :

Les propositions émises dans le projet de Livre blanc présentent des similitudes frappantes avec la loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux et avec les arrêtés du 18 juillet 1991 exécutant cette loi. Cela ne doit pas étonner puisqu'il ressort du rapport présenté au nom de la commission de la Justice par Madame Herman-Michielsens (733-2 (1988-1989)) qu'il a été amplement tenu compte des recommandations du Conseil de l'Europe lors de la préparation de la nouvelle loi. Le projet de Livre blanc comporte toutefois quelques dispositions neuves qui pourraient avoir pour conséquence une modification tant de la législation belge que de la déontologie médicale.

La modification la plus importante du projet de Livre blanc a trait au champ d'application des propositions (point 1). Contrairement à une recommandation antérieure du Conseil de l'Europe, qui insistait sur une séparation nette du placement involontaire de malades mentaux et du placement passant par une procédure pénale, il est à présent postulé que "sauf disposition contraire, le nouvel instrument juridique s'applique au placement et au traitement involontaires décidés tant en matière civile que pénale". Ceci a une incidence sur la loi du 1er juillet 1964 de défense sociale à l'égard des anormaux et des délinquants d'habitude. A cet égard, le Conseil national se réfère au rapport final des travaux de la Commission Internement en vue de la révision de la loi précitée (Rapport Commission Internement - Ministère de la Justice - Avril 1999). Vous trouvez ci-jointes les remarques du Conseil national concernant ce rapport.

Un deuxième élément important en rapport avec le champ d'application des propositions se situe au niveau de la distinction qui est faite entre le placement involontaire et le traitement involontaire. La législation belge actuelle ne fait pas cette distinction : la plupart des médecins pensent qu'une admission forcée sans traitement n'est pas logique, mais d'aucuns estiment qu'hormis les situations d'urgence, une admission forcée ne permet pas de traiter un patient sans son consentement. Le Conseil national est d'avis que la clarté sur ce plan ne peut qu'être positive pour le patient, pour ses proches et pour les thérapeutes.

En revanche, le Conseil national est d'avis que toute procédure préalable à un traitement involontaire, doit être simple et de courte durée (point 6). Il faut éviter les admissions de longue durée sans traitement, car même des traitements simples peuvent réduire considérablement la durée d'un séjour involontaire. Les propositions actuelles ne répondent pas à ce critère. Ainsi, il est proposé en cas de refus du malade, de consulter son représentant. Il n'est nulle part indiqué comment ce représentant sera désigné, ce qui laisse supposer qu'il le sera par le malade lui-même tout comme pour l'instant en vertu de la loi précitée du 26 juin 1990, il désigne lui-même sa personne de confiance. On peut s'attendre à ce que le malade désigne un représentant qui partage son point de vue, avec pour seul résultat de perdre du temps.

En outre, le Conseil national trouve que c'est aller chercher loin que d'imposer aux thérapeutes de soumettre leur programme de traitement involontaire pour décision à une instance indépendante. Par contre, il est logique que le programme de traitement doive être établi par écrit et que toutes les modifications doivent être notées et pouvoir être retrouvées dans le dossier. La déontologie du médecin, ses connaissances scientifiques, le contrôle de l'équipe de traitement, le contrôle indirect de la direction et l'inspection sont une série de garanties pour le patient qui, le cas échéant, peut intervenir auprès du thérapeute par l'entremise de son conseil et porter l'affaire en référé.

Il n'est pas dénué d'importance de mettre en relief la proposition (point 11. 7) de subordonner à la décision d'une instance judiciaire ou d'un organe similaire "une atteinte irréversible aux capacités de procréation d'une personne". Ceci va plus loin que la déontologie médicale actuelle, mais le Conseil national est d'avis que l'on ne peut que souscrire à toute garantie supplémentaire pouvant être donnée notamment aux personnes mentalement handicapées.

Le Conseil national tient à souligner que le contact entre les personnes placées comme patients involontaires et leur famille peut être très important (point 11. 11) et qu'il y a lieu par exemple de recommander aussi de courtes visites de la famille durant le séjour du patient, même en chambre d'isolement. En outre, le Conseil national est d'avis que les contacts de l'instance judiciaire de décision avec la famille peuvent contribuer à une meilleure information du juge et à des décisions adéquates (point 14. 4).

Enfin, le Conseil national estime le moment venu, au terme de dix années d'application, de soumettre à une évaluation la loi actuelle du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux. Les milieux psychiatriques insistent en vue d'une révision en raison des imperfections mises au jour par la pratique.

cc. : Monsieur M. VERWILGHEN, ministre de la Justice;
Monsieur Ch. PICQUE, ministre de l'Economie et de la Recherche scientifique.

Annexe : Ministère de la Justice - Rapport final des travaux de la Commission Internement, Bulletin du Conseil national n° 87, mars 2000, p. 17 et 18 :

Le Conseil national a été invité à faire connaître ses remarques concernant le rapport final que la Commission pluridisciplinaire Internement a présenté au ministre de la Justice.

Lettre du Conseil national à Monsieur M. VERWILGHEN, ministre de la Justice :

Monsieur le ministre,

Le Conseil national a procédé, en sa séance du 30 octobre 1999, à une deuxième lecture du rapport final de la Commission Internement. Comme nous vous l'avons fait savoir par la lettre du 29 septembre 1999, ce sont surtout l'expertise psychiatrique et le traitement du délinquant malade mental qui ont retenu l'attention du Conseil national. Ces deux subdivisions du rapport final sont en effet très importantes du point de vue déontologique.

Il est essentiel pour un inculpé que le juge dispose d'un avis qualifié concernant la nature et la gravité d'un éventuel trouble mental et son incidence sur les comportements de l'intéressé.

Comme la Commission, le Conseil national est d'avis qu'une expertise psychiatrique doit toujours précéder la décision d'un juge au sujet de l'existence ou non d'un trouble mental(1). Cette remarque ne devrait pas s'appliquer uniquement à la mise en oeuvre de la loi de défense sociale, mais à tous les cas dans lesquels une décision judiciaire est prise à partir de l'existence ou non d'un trouble mental. Le juge décide en effet toujours souverainement après avoir été informé des conclusions de l'expertise.
En ce qui concerne l'expertise psychiatrique, le Conseil national est d'avis qu'elle doit en règle générale être multidisciplinaire, et ce, tant dans le cadre de la mise en observation qu'en dehors de celle-ci(2). Le modèle bio-psycho-social étant généralement admis en psychiatrie, il est préférable que toute expertise englobe ces trois angles d'approche, le psychiatre devant toutefois être le responsable final, libre de choisir ses collaborateurs. La personne examinée ne peut être privée de cette garantie supplémentaire d'un rapport complet et justifié.
En outre, le Conseil national est d'avis que la désignation d'un collège d'experts(3) doit rester possible parce qu'elle peut contribuer, dans les cas difficiles, à une plus grande objectivité du rapport d'expertise. Il peut être utile à l'information du juge de prévoir la possibilité d'un avis dissident.
Il est très important pour la personne examinée que des formules claires soient définies pour l'introduction dans le débat de l'avis d'un médecin de son choix. Le Conseil national est d'avis que leur déontologie commande aux médecins d'apporter l'"assistance psychiatrique" nécessaire telle que visée dans le rapport final(4). On ne peut imaginer que des personnes qui sollicitent une aide doivent renoncer à une défense légitime de leurs intérêts par manque de moyens financiers. Le Conseil national souscrit par conséquent à la proposition de la Commission suivant laquelle le Roi détermine, après avis du Conseil national de l'Ordre des médecins, les conditions d'octroi de cette forme d'"assistance psychiatrique".

Le Conseil national partage tout à fait le point de vue de la Commission concernant le statut et la formation des experts judiciaires(5). Dans une lettre du 29 avril 1998, le Conseil national insistait déjà auprès du ministre de la Justice en vue de l'exécution de l'article 991 du Code judiciaire. Le Conseil national préconisait de confier l'établissement de listes d'experts à des commissions constituées auprès des Cours d'appel, auxquelles participeraient des délégués des Conseils provinciaux de l'Ordre des médecins.

Enfin, le Conseil national tient à souligner qu'il s'indique d'établir une séparation stricte entre les missions des experts désignés et celles des thérapeutes. Aussi le Conseil national s'interroge-t-il sur l'affirmation du rapport suivant laquelle la relation qui s'établit nécessairement entre l'expert et le délinquant examiné peut, par exemple, aider ce dernier à surmonter "l'état de crise dans lequel il se trouve", le rendre plus réceptif à l'action judiciaire dont il fait l'objet et le convaincre de la nécessité de s'engager dans un traitement s'il veut éviter une rechute(6). Le Conseil national peut admettre qu'un expert puisse, dans des circonstances exceptionnelles, endosser le rôle de "dispensateur de soins", mais il est d'avis qu'une séparation nette de ces missions doit être la règle.
Le Conseil national souscrit aux principes éthiques postulés par la Commission dans le cadre du traitement(7), lesquels visent la qualité des soins à apporter au délinquant malade mental, d'une part, et la sécurité de l'interné et de la société, d'autre part.
Le Conseil national peut aussi partager la préférence de la Commission pour un accord de partenariat entre les ministres de la Justice et de la Santé publique, dans le cadre duquel la Santé publique serait compétente en matière de "traitement", tandis que la Justice conserverait la responsabilité du volet "contrôle" de l'interné et des décisions judiciaires prises à son égard(7). La distinction entre "traitement" et "contrôle" paraît simple en théorie, mais elle est sillonnée de notions telles que "guidance", "guidance obligatoire" et "tutelle médico-sociale".

La Commission a opté pour une solution pragmatique et a envisagé six situations afin de délimiter les frontières du secret professionnel(9). Dans cinq des six réponses proposées par la Commission, le Conseil national retrouve son avis concernant la guidance et le traitement d'auteurs d'infractions à caractère sexuel, et se déclare entièrement d'accord avec l'application de cet avis, par analogie, au délinquant malade mental . En ce qui concerne la troisième situation, dans laquelle le délinquant malade mental ne s'investit pas dans le traitement qui lui est proposé, le Conseil national est d'avis que ce non-investissement doit au moins être démontré de manière irréfutable avant d'être assimilé à une présence irrégulière au rendez-vous.
Le Conseil national se rend compte que le fait d'invoquer l'"état de nécessité" peut engager la responsabilité civile et pénale du déclarant et qu'une intervention législative sur ce plan serait rassurante pour ce dernier. Toutefois, le Conseil national est d'avis qu'un texte tel que celui de l'article 7 de la loi du 5 mars 1998 ("...difficultés survenues dans son exécution.") est beaucoup trop vague et n'indique pas à suffisance la condition d'une menace grave pour la vie et l'intégrité d'autrui pour pouvoir s'appuyer sur l'autorisation légale de violer le secret professionnel(10).
En ce qui concerne la proposition de la Commission d'une divulgation autorisée par l'intéressé(11), le Conseil national estime que la création de cette possibilité peut confronter le thérapeute à une situation très embarrassante et qu'elle n'est même pas favorable aux internés en tant que groupe. Si un interné sait qu'un thérapeute peut établir un rapport avec son autorisation, il exercera une pression sur le thérapeute afin d'obtenir un rapport favorable tandis que pour ne pas hypothéquer la relation péniblement instaurée, le thérapeute pourrait délivrer un rapport "complaisant". D'autre part, les internés ne bénéficiant pas de rapports favorables, feront l'objet, à juste titre, d'une appréciation négative. Le Conseil national est d'avis que, dans une matière aussi délicate, il est préférable que les thérapeutes s'abstiennent d'un témoignage en justice, car celui-ci est de nature à plus compromettre que promouvoir la confiance du groupe 'malades mentaux délinquants' vis-à-vis du groupe 'thérapeutes'.

Par ailleurs, le Conseil national se pose beaucoup de questions concernant la convention triangulaire proposée entre l'interné, la CDS et le thérapeute ou service en charge du traitement(12).
Le Conseil national pense que l'on peut difficilement dire d'une telle convention dans le cadre d'un traitement forcé, qu'elle a été passée librement, c'est-à-dire "avec l'accord exprès de l'interné". Que l'intéressé soit exactement informé de ce qui l'attend si les rendez-vous fixés ne sont pas respectés, est toutefois un point positif.
D'autre part, la question se pose si une absence de motivation ou d'engagement dans le traitement peut être démontrée d'une manière qui soit irréfutable pour l'interné tandis que les accords au sujet de l'arrêt du traitement et du fait d'informer la CDS lorsque l'interné en vient à représenter un péril grave pour lui-même ou pour des tiers, ne sont guère compatibles avec la nécessaire relation de confiance et la franchise du dialogue entre le médecin et le patient, qui sont à la base de toute thérapie. Vu l'absence de dispositions légales relatives à l'"état de nécessité", le thérapeute devra décider en honneur et conscience s'il informe ou non la CDS. Il est peu probable que l'existence d'une convention triangulaire écrite, dont l'engagement volontaire peut être facilement contesté, puisse préserver le déclarant de procédures civiles et/ou pénales. Le Conseil national ne peut se défaire de l'impression que les réponses aux six situations décrites, destinées à délimiter les frontières du secret professionnel, ne soient fortement affaiblies par la convention proposée.

1 Rapport final des travaux de la Commission Internement, ministère de la Justice, pour la révision de la loi de défense sociale du 1er juillet 1964, p. 45.
2 Rapport final, pp. 49, 50.
3 Rapport final, pp. 49.
4 Rapport final, p. 48, 49.
5 Rapport final, pp. 46, 47.
6 Rapport final, p. 45, 46.
7 Rapport final, p. 71.
8 Rapport final, p. 71.
9 Rapport final, pp. 88, 89, 90.
10 Rapport final, pp. 90, 91.
11 Rapport final, p. 92.
12 Rapport final, p. 92, 93, 94.