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Déontologie

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Continuité des soins23/04/2022 Code de document: a169009
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Voir aussi l’avis CN 17 septembre 2022, a169016.

Loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé – Difficultés et préoccupations déontologiques

Le Conseil national a effectué une étude de la Loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé (Loi qualité).

Le 11 décembre 2021, il a formulé certaines préoccupations déontologiques relatives aux articles de la Loi qualité prévus d’entrer en vigueur de manière anticipée le 1er janvier 2022 au ministre de la Santé publique.

L’analyse intégrale de la Loi qualité a été achevée. Le Conseil national met cette étude à disposition en tant que document de travail explicatif pour toutes les personnes impliquées dans les soins de santé (voir document en annexe).

Avis du Conseil national :

Le Conseil national de l'Ordre des médecins a été informé de l'approbation par le Conseil des ministres du projet d'arrêté royal fixant une date d'entrée en vigueur pour un certain nombre d'articles de la loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé.

Une Commission a été créée au sein du Conseil national pour effectuer une étude de la Loi qualité du point de vue déontologique, juridique[1] et médical. Cette analyse sera finalisée dans les prochaines semaines et communiquée à titre d'information aux médecins. En outre, le Conseil national est convaincu que cette étude peut également constituer un document de travail utile, d’une part, pour la rédaction des nombreux arrêtés royaux relatifs à l’application de la Loi qualité, et, d’autre part, pour la concertation entre les différentes professions des soins de santé.

Par la Loi qualité, l’Ordre des médecins obtient de nouvelles compétences ainsi qu’un outil supplémentaire pour évaluer les actions des médecins.

Le Conseil national regrette que la Loi qualité soit considérée comme une lexspecialis. Compte tenu de la formulation générale des exigences de qualité, applicables à tous les professionnels des soins de santé, le Conseil national estime qu'il est plus approprié de considérer la loi comme une lex generalis, qui peut être détaillée dans une législation ultérieure et, pour les aspects spécifiques, dans des règlements spéciaux.

En prévision de l’entrée en vigueur et l’exécution de l’entièreté de la Loi qualité, le Conseil national souhaite vous informer de certaines préoccupations déontologiques importantes concernant les articles de la Loi qualité qui pourraient entrer en vigueur de manière anticipée le 1er janvier 2022.

Veuillez trouver ci-dessous les obstacles et explications concernant le chapitre 2 Définitions et champ d'application (artt. 2-3) et concernant le chapitre 3 Exigences relatives à la qualité de la pratique des soins de santé, section 1 - Liberté diagnostique et thérapeutique (artt. 4-7), section 2 - Compétence et visa (artt. 8-11), section 3 - Caractérisation (artt. 12-13), section 4 - Encadrement (art. 14), section 5 - Anxiolyse et anesthésie (artt. 15-16), section 6 - Continuité (artt. 17-20), section 8 - Prescription (artt. 27-30) et section 11 - Dossier du patient (artt. 33-35).

Le Conseil national est prêt à poursuivre la concertation en vue de l'entrée en vigueur et l’exécution de la Loi qualité et reste à votre disposition, dans l'intérêt de la qualité des soins pour le patient.

Considérations et préoccupations déontologiques de l’Ordre des médecins

Concerne : loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé (loi qualité), articles qui pourraient entrer en vigueur de manière anticipée le 1er janvier 2022.

Chapitre 2 – Définitions et champ d’application (artt. 2-3)

Le Conseil national est d'avis que, de manière générale, les descriptions des concepts et définitions de la loi qualité peuvent prêter à confusion au sein du corps médical.

La définition de la « prestation à risque » est insuffisamment développée et trop restrictive. Il existe de nombreuses autres prestations qui sont considérées comme « risquées » d'un point de vue médical, mais qui ne seront pas qualifiées de « prestations à risque » selon la définition de loi qualité.

Une définition claire des différentes formes d'anesthésie, en concertation avec les associations professionnelles compétentes, est recommandée.

Enfin, on peut noter que la loi qualité accorde une grande attention aux professionnels des soins de santé qui réalisent des prestations sous anesthésie. Toutefois, cette attention particulière ne doit pas conduire à la stigmatisation de ce groupe. Il est étrange qu'une loi qualité dont le champ d'application est très large et qui comporte de nombreuses exigences générales en matière de qualité consacre un chapitre entier aux professionnels des soins de santé qui réalisent des prestations sous anesthésie. Le Conseil national est donc d'avis que la Section - Anxiolyse et anesthésie devrait plutôt être publiée sous forme d'un arrêté royal, en concertation avec les associations professionnelles compétentes des médecins spécialistes en anesthésie et réanimation.

Chapitre 3 Exigences relatives à la qualité de la pratique des soins de santé, section 1 - Liberté diagnostique et thérapeutique (artt. 4-7)

Il est positif que certaines limites déontologiques à la liberté diagnostique et thérapeutique trouvent un ancrage légal via la loi qualité. Comme le montrent la législation existante et l'article 7 du Code de déontologie médicale, la liberté diagnostique et thérapeutique est une liberté réglementée et conditionnée.

Cependant, à l’estime du Conseil national, les critères mentionnés à l'article 4 de la loi qualité par lesquels le professionnel des soins de santé se laisse guider, principalement les données scientifiques pertinentes, son expertise et les préférences du patient, manquent de clarté.

Le commentaire de l'article 7 du Code de déontologie médicale dispose que ce ne sont pas les préférences du patient mais bien son intérêt qui prime. D'un point de vue déontologique, le médecin tient compte de l'autonomie du patient et ne considère pas seulement l'état de santé du patient, mais aussi sa situation personnelle, ses besoins et ses préférences. À cet égard, le Code de déontologie médicale est plus large que la loi qualité.

Chapitre 3, section 2 - Compétence et visa (artt. 8-11)

Le Conseil national note tout d'abord l'absence de définition claire du terme « compétence ». Cette lacune pourrait avoir une incidence considérable sur la pratique des professionnels des soins de santé et entraîner des conséquences graves, telles que le retrait ou la suspension de leur visa.

Le Conseil national craint que ce critère ne donne lieu à des évaluations arbitraires de la qualité des soins. Le Conseil national préconise l'examen par des « pairs ». L'article 41 de la loi qualité ne prévoit qu'une évaluation limitée des prestations à risque. En outre, la manière dont cette disposition sera concrétisée dans la pratique n'est toujours pas claire.

L'exposé des motifs de la loi qualité lie ce concept au critère de « bon père de famille », mais le Conseil national note que cette notion existait déjà et qu'il n'était pas nécessaire de la transposer dans la Loi qualité.

Le concept de « compétence » ne doit pas être confondu avec celui de « qualification ». La compétence est l'autorisation légalement définie d'effectuer certains actes. Un médecin peut être légalement compétent pour effectuer un acte médical sans être qualifié pour le faire. À l'inverse, un professionnel des soins de santé peut disposer de la qualification pour effectuer un acte sans être compétent pour le faire.

Il convient également d'accorder une attention particulière à la distinction entre « compétence » et « qualification » dans les textes en langue française, où « compétence » est utilisé pour désigner indistinctement les deux concepts.

En outre, le Conseil national considère que le concept de « qualification » est étroitement lié au développement professionnel continu et au recyclage permanent que le médecin est tenu de suivre (fitness to practise). Dans les articles 3 et 4 du Code de déontologie médicale et leurs commentaires, le Conseil national souligne cette obligation comme étant essentielle pour la qualité des soins et la sécurité des patients. Le Conseil national demande instamment que cette exigence de qualité soit explicitement incluse pour tous les professionnels des soins de santé lors de la mise en vigueur de la Loi qualité.

Enfin, il ressort de l'exposé des motifs que le portfolio constitue une obligation supplémentaire pour le professionnel des soins de santé, en plus du système d'accréditation déjà existant. Le Conseil national demande une clarification du contenu concret de cette obligation supplémentaire.

Dans un souci de sécurité juridique pour le professionnel des soins de santé, il est important d'éviter les concepts généraux et vagues. Il faut les expliquer plus clairement. L'Ordre des médecins est prêt à collaborer à l'élaboration de définitions claires.

Chapitre 3, section 3 - Caractérisation (artt. 12-13)

Le Conseil national souligne que l'anamnèse approfondie du patient est la pierre angulaire de la démarche déontologique du médecin afin d'assurer une médecine de qualité.

Il estime que la caractérisation en elle-même sera toujours pertinente, même si le médecin fournit des soins de santé à faible risque. Une prestation de soins de santé à faible risque peut, dans certains cas, devenir une prestation à haut risque, en raison de l'état de santé du patient. Le critère ne peut se baser sur « faible » ou « haut » risque. En outre, il n'est pas facile pour les médecins d'évaluer précisément les risques à l'avance.

Par conséquent, le Conseil national est d'avis que le concept de caractérisation « pertinente » devrait être mieux défini, également en vue d'une évaluation de cette obligation qui ne peut être effectuée de manière arbitraire.

Chapitre 3, section 4 - Encadrement (art. 14)

Le Conseil national se réjouit que ce principe déontologique, que l’on retrouve à l'article 8 du Code de déontologie médicale, soit désormais également inscrit dans la loi. Toutefois, des ambiguïtés et des incertitudes juridiques subsistent. Ainsi, l’encadrement auquel est soumis le professionnel des soins de santé, par exemple un médecin hospitalier, et dont il est responsable, interfère avec celui organisé par les institutions. Dans quelle mesure cette obligation très large s'applique-t-elle à un médecin hospitalier ? Le Conseil national préconise une interprétation conforme à la norme générale de prudence. Cela signifie que le médecin ne doit pas vérifier toutes les règles prévues par les normes d’agrément, mais qu'il doit seulement agir comme un médecin diligent qui vérifie si les soins peuvent être dispensés de manière sûre et qualitative. Le médecin exerçant en cabinet privé assume lui toutes les responsabilités d’encadrement, comme expliqué dans l'exposé des motifs.

En outre, le Conseil national note qu'un concept très large et très vague est utilisé à nouveau. On pourrait déduire de l'exposé des motifs que le personnel administratif n'entre pas dans le champ d'application de la notion d’« encadrement ». Toutefois, le commentaire de l'article 8 du Code de déontologie médicale dispose que « Le médecin s'entoure de collaborateurs qualifiés, attentifs à leur formation continue et informés de leurs obligations professionnelles, notamment sur le plan du respect du secret professionnel ». En ce sens, le Code de déontologie médicale est plus large, car il couvre à la fois le personnel administratif et le personnel médical.

Chapitre 3, section 5 - Anxiolyse et anesthésie (artt. 15-16)

Le Conseil national réfère à ses observations concernant les articles 2 et 3 de la Loi qualité. En plus de la stigmatisation qui peut résulter des exigences de qualité détaillées spécifiquement pour les professionnels des soins de santé qui réalisent des prestations sous anesthésie, ce chapitre est source de confusion au sein du corps médical.

La Commission Loi qualité du Conseil national a consulté des spécialistes du domaine et a constaté que même dans cette section de la Loi qualité, des termes manquent encore ou doivent être définis, comme la « sédation profonde ».

D'une manière générale, le Conseil national est d'avis que l'entrée en vigueur de ces dispositions relatives à l'anxiolyse et à l'anesthésie doit être précédée d'une concertation approfondie avec les organisations concernées, entre autres l’Association professionnelle belge des médecins spécialistes en anesthésie et réanimation, la Society for anesthesia and resuscitation of Belgium et la Belgian Society of Intensive Care Medicine. Ces associations ont déjà élaboré un nombre considérable de directives, notamment les Belgian standards for patient safety in anesthesia, afin d'optimiser et de garantir la sécurité et la qualité dans la pratique de l'anesthésie.

Chapitre 3, section 6 - Continuité (artt. 17-20)

Le Conseil national souligne que le concept vague de « compétence » joue également un rôle essentiel dans l'obligation de garantir la continuité des soins.

La Loi qualité, contrairement à la loi coordonnée du 10 mai 2015, ne mentionne pas que la continuité des soins doit être assurée par « un médecin spécialiste porteur du titre professionnel », mais par « un professionnel des soins de santé appartenant à la même profession des soins de santé et disposant de la même compétence ». L'exposé des motifs confirme que « ce professionnel des soins de santé ne doit pas nécessairement disposer du même titre professionnel, mais de la même compétence ». D'une part, cet élargissement ou cet assouplissement permet au médecin d'assurer plus facilement la continuité des soins, notamment au sein des quelques spécialités avec un faible nombre des spécialités existantes. D'autre part, elle implique une plus grande responsabilité pour le médecin. Le médecin doit s'assurer que le médecin qu'il désigne pour assurer la continuité des soins est « compétent ».

Bien que l'article 20 de la Loi qualité ne fasse pas partie des articles susceptibles d'entrer en vigueur de manière anticipée le 1er janvier 2022, le Conseil national vous confirme qu'il prépare la nouvelle compétence qui lui est attribuée concernant la conservation des dossiers patients des médecins qui ne sont plus en mesure d’assurer la continuité des soins.

Le Conseil national envisage un système en cascade pour le transfert des dossiers patients, axé sur un dispositif permettant le transfert des dossiers d’un médecin vers un autre disposant du même titre professionnel. A défaut le Conseil national assurera la conservation.

Récemment, à la demande de nombreux médecins, l'Ordre des médecins a mis au point un coffre-fort des mots de passe sécurisé et conforme au RGPD, qui garantit l'accès aux dossiers patients même lorsqu'un médecin n'est plus en mesure d’y accéder.

Chapitre 3, section 8 - Prescription (artt. 27-30)

Le Conseil national soutient le nouveau concept de prescription collective, qui peut améliorer la qualité des soins.

Toutefois, l'application pratique de ce concept doit encore être concrétisée dans le contexte des accords de coopération. Les responsabilités des professionnels des soins de santé impliqués doivent également être clarifiées.

Enfin, les prescriptions collectives ne doivent pas restreindre la liberté de choix des patients.

Chapitre 3, section 11 - Dossier du patient (artt. 33-35)

Le Conseil national regrette que la Loi qualité n'ait pas saisi l’occasion d'unifier les réglementations fragmentées concernant le dossier du patient. Il convient également d'examiner si d'éventuelles lacunes, telles que, par exemple, le statut vaccinal du patient, dans l'énumération de l'article 33 peuvent encore être comblées.

En outre, le Conseil national est d'avis que l'article 33, alinéa 15, de la Loi qualité qui ne mentionne que les médicaments liés à la chirurgie, est incomplet. Qu'en est-il des autres médicaments, en particulier des médicaments susceptibles d'entraîner une dépendance ? Le Conseil national souligne l'importance et l'attention portées à la question de la toxicomanie.

En outre, le Conseil national estime qu'il est souhaitable d'inclure toutes les « complications » (article 33, alinéa 16, Loi qualité) dans le dossier du patient, même celles qui n'ont pas entraîné de traitement supplémentaire. Le Conseil national préconise une communication transparente concernant tous les incidents pertinents survenus au patient et se réfère à cet égard à son récent avis Soutien du Raamwerk Open Disclosure de la Vlaams Patiëntenplatform (a168023) du 20 novembre 2021.

Le Conseil national souligne l'importance de la conservation sécurisée des données traitées de manière électronique et couvertes par le secret professionnel. Le risque de fuites ou d'accès non autorisé aux données doit être évité. Lorsque le dossier est détruit, la confidentialité du contenu du dossier doit être garantie.

Enfin, le Conseil national encourage toutes les parties prenantes à envisager une vision idéale d'un dossier électronique unique dans le cloud, correctement sécurisé et établi dans un logiciel uniforme pour toutes les lignes.


[1] Le Conseil national approuve dans une large mesure l'étude publiée dans Vansweevelt, T., et al., De Kwaliteitswet, Reeks Gezondheidsrecht 23, Brussel, Intersentia, 2020.

Liberté diagnostique et thérapeutique25/05/2013 Code de document: a141020
Régime de collaboration avec un large réseau de dispensateurs de soins agréés externes
Le Conseil national est interrogé concernant le fait de savoir si un régime de collaboration avec un large réseau de dispensateurs de soins agréés externes, pour les soins courants de première ligne, ne compromet pas le libre choix du médecin, d'une part, et ne laisse pas craindre des conflits d'intérêts et une éventuelle pression sur les médecins agréés, susceptibles de menacer la liberté thérapeutique, d'autre part.

Avis du Conseil national :

En sa séance du 25 mai 2013, le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné votre lettre du 29 novembre 2012 demandant si un régime de collaboration avec un large réseau de dispensateurs de soins agréés externes, pour les soins courants de première ligne, ne compromet pas le libre choix du médecin, d'une part, et ne laisse pas craindre des conflits d'intérêts et une éventuelle pression sur les médecins agréés, susceptibles de menacer la liberté thérapeutique, d'autre part.

Concernant le régime de collaboration auquel vous faites référence, il vous informe, qu'en 2011, le Conseil national de l'Ordre des médecins et Christian PECHEUX, médecin-colonel OF 5, chef du bureau d'appui médical territorial (COSMOPSMED) ont consacré une concertation approfondie aux contrats entre des médecins agréés externes et la Défense (copie de ces contrats en annexe).

Après un entretien avec le général-major LAIRE, le colonel PECHEUX et le major VAN CASTEL, le Conseil national a pu conclure que ces contrats ne soulèvent pas d'objections déontologiques.

Néanmoins, le Conseil national demeure sensible au respect du libre choix des médecins et à la protection de la liberté thérapeutique, comme exprimé dans son avis du 17 novembre 2001 « Police intégrée et soins médicaux » (Bulletin du Conseil national n° 94, p. 6).

Liberté diagnostique et thérapeutique14/07/2012 Code de document: a138021
Obligation faite au pharmacien lors de la délivrance d’une prescription en dénomination commune internationale et lors de la délivrance d’une prescription d’antibiotiques et d’antimycosiques
Dans le cadre du contrôle budgétaire, deux mesures gouvernementales ont été prises au début de cette année 2012 :
1- L'obligation faite au pharmacien de délivrer un des médicaments les moins chers lors de l'exécution d'une prescription en DCI (dénomination commune internationale).
2- La délivrance du médicament le moins cher pour les prescriptions d'antibiotiques et d'antimycosiques, mesure assortie d'une possibilité d'objection thérapeutique de la part du médecin prescripteur.

Avis du Conseil national :

En sa séance du 14 juillet 2012, le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné votre courrier du 30 avril 2012 concernant la substitution d'un médicament prescrit par son médecin traitant par un médicament « moins cher ».

Dans le cadre du contrôle budgétaire, deux mesures gouvernementales ont été prises au début de cette année 2012 :

(1) L'obligation faite au pharmacien de délivrer un des médicaments les moins chers lors de l'exécution d'une prescription en DCI (dénomination commune internationale).
(2) La délivrance du médicament le moins cher pour les prescriptions d'antibiotiques et d'antimycosiques, mesure assortie d'une possibilité d'objection thérapeutique de la part du médecin prescripteur.

1. En ce qui concerne la première mesure :

Depuis le 1er avril 2012, le pharmacien est obligé de choisir, en présence d'une prescription en DCI, un médicament se trouvant dans le groupe des « médicaments les moins chers ».

C'est l'INAMI qui détermine les spécialités « les moins chères » pour chaque groupe de spécialités pharmaceutiques. Pour cela, on utilise un index calculé sur la base du coût par unité ou la base de remboursement divisée par le nombre d'unités du conditionnement. Au sein de chaque groupe, les produits dont l'index ne dépasse pas de 5 % l'index le plus bas sont considérés comme les « médicaments les moins chers ».

Si aucun médicament du groupe des moins chers ne correspond à la prescription, le pharmacien doit suivre un arbre décisionnel défini.

Il s'agit donc de critères purement économiques et logistiques que le pharmacien doit appliquer dans un but d'économie.

Cette procédure met-elle en question la liberté thérapeutique ?

Le Conseil national a émis un avis, le 11 décembre 1993, au moment où le législateur introduisait pour la première fois le concept de substitution médicamenteuse (article 34 de la loi du 6 août 1993 portant des dispositions sociales et diverses). La présente mesure élargit dans une certaine mesure ce concept aux prescriptions en DCI.

Le Conseil national avait alors estimé que, pour pratiquer une substitution dans le respect du code de déontologie, le pharmacien devrait contacter le médecin prescripteur et lui faire part de sa proposition de substitution.

A partir du moment où une médication déterminée prescrite est remplacée ou modifiée - même s'il s'agit d'un produit analogue et/ou similaire - par l'intervention d'un tiers, pour des raisons strictement budgétaires, cela constitue une interférence dans la relation thérapeutique entre le médecin et le patient, et un obstacle au libre choix du médecin et du patient d'une médication déterminée.

Pour maintenir l'équilibre entre la liberté thérapeutique du médecin et son devoir de respecter et de préserver les ressources publiques, une information adéquate des médecins est nécessaire.

Les mesures mises en place sont complexes. Elles sont précisées dans le document « Délivrer le médicament le moins cher », établi par l'Inami et envoyé à tous les médecins le 12 juillet 2012

2. En ce qui concerne la seconde mesure :

L'article 11 de l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice des professions des soins de santé, tel que modifié par l'article 10 de la loi du 17 février 2012 portant des dispositions diverses urgentes en matière de santé, introduit, dans des conditions particulières, une possibilité pour le pharmacien de substituer une spécialité.

Le Conseil national constate que la disposition précitée ne s'applique qu'à une situation particulière puisqu'elle ne concerne que les antibiotiques et les antimycotiques prescrits pour une affection aiguë. Elle n'introduit donc pas la possibilité de substitution d'un traitement déjà en cours.

Selon cet article, « le pharmacien peut substituer à la spécialité pharmaceutique prescrite un autre médicament avec une même substance active ou combinaison de substances actives, un même dosage, une même voie d'administration et une même fréquence d'administration, à condition que le prix soit plus avantageux et que le prescripteur n'ait consigné aucune objection thérapeutique ».

Le fait que ces objections thérapeutiques ne doivent être consignées que dans le dossier médical du patient, préserve le secret professionnel.

Le législateur a également prévu que la substitution ne se fera pas si le prescripteur mentionne une allergie à un excipient ou à tout autre composant du médicament.

Dans ces conditions particulières, la substitution, commandée par des impératifs d'économie nationale, ne se heurte pas à des obstacles d'ordre déontologique.

Dans sa version modifiée par l'article 10 de la loi du 17 février 2012, l'article 11 de l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 permet au Roi, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, sur avis de la Commission des médicaments à usage humain et de la Commission nationale médico-mutualiste, de déclarer la substitution applicable entièrement ou partiellement à d'autres classes thérapeutiques de médicaments et éventuellement d'y assortir des modalités.

Le Conseil national sera vigilant et examinera les extensions éventuelles de ce droit de substitution avec attention, en particulier en ce qui concerne les aspects en rapport avec la continuité des soins et le respect des objectifs du prescripteur, donc de la liberté thérapeutique.

Liberté diagnostique et thérapeutique21/05/2005 Code de document: a109010
Loi santé - 27 avril 2005

Loi santé – 27 avril 2005

A plusieurs reprises, ces dernières années, le Conseil national a été interpellé par la croissance du coût des soins de santé et les mesures prises par les autorités pour y porter remède.

La loi du 27 avril 2005 (Moniteur belge du 20/5/2005) relative à la maîtrise du budget des soins de santé et portant diverses dispositions en matière de santé fixe momentanément ces mesures.

Sans sortir des attributions que lui confère la loi, le Conseil national tient à rappeler combien il est attaché à la liberté diagnostique et thérapeutique des médecins, et au libre accès des patients aux soins de santé. Il tient également à souligner qu’un droit comporte des devoirs. Il attend dès lors des médecins, mais aussi des patients et des structures organisant les soins, qu’ils fassent un usage rationnel des moyens mis à leur disposition et qui ont permis à la Belgique des soins de qualité que beaucoup de pays nous envient.

Il comprend la nécessité pour les autorités de prendre des mesures de rationalisation des dépenses de santé. Il insiste pour que ces mesures soient prises en concertation avec les différents acteurs des soins de santé, de manière à évaluer l’impact des mesures proposées sur la qualité des soins, et éviter de sanctionner les patients fragiles ou atteints d’affections chroniques.

Il réaffirme que le médecin doit garder l’intérêt légitime de son patient comme guide principal.

Liberté diagnostique et thérapeutique21/02/2004 Code de document: a104004
Accord national médico-mutualiste 2004-2005 - Déontologie du point 4.3

Accord national médico-mutualiste 2004-2005 - Déontologie du point 4.3.

Un conseil provincial et plusieurs médecins individuellement se posent des questions d'ordre déontologique en rapport avec le point 4.3. de la convention médico-mutualiste 2004-2005 du 15 décembre 2003. La majoration des honoraires tant des médecins généralistes que des médecins spécialistes est subordonnée à "une rupture significative de la tendance en matière de comportement du prescripteur" en ce qui concerne certaines classes de médicaments, et pour les spécialistes, à d'autres économies encore, notamment dans le domaine des examens pré- et post-opératoires, de la biologie clinique, … Une évaluation est prévue sur la base des données disponibles au 1er octobre 2004.
Bien que le médecin doive s'interdire de prescrire inutilement des examens et des traitements onéreux, des voix s'élèvent quant à la préservation de la liberté diagnostique et thérapeutique du médecin (article 36 du Code de déontologie médicale).

Avis du Conseil national:

Dans ce point dudit accord, on constate qu'en liaison avec la majoration des honoraires sont prévues, notamment, une utilisation de certaines classes de médicaments et la documentation d'une modification significative de la tendance en matière de comportement du prescripteur.

En ce qui concerne l'accès aux soins, la déontologie préconise:

  • que tout médecin prodigue à son patient les meilleurs soins et qu’il se tienne au courant des progrès de la science médicale (articles 4 et 32 du Code de déontologie médicale);
  • que tout médecin contribue à un usage judicieux des moyens mis à la disposition des soins de santé.

Pour ce faire, il jouit d’une liberté diagnostique et thérapeutique étant entendu qu’il lui incombe néanmoins d’éviter de prescrire inutilement des examens ou des traitements onéreux ou d’exécuter des prestations superflues.

Le Conseil national estime que la teneur du point 4.3. de l’accord n'est pas contraire aux règles déontologiques applicables en la matière.

Les pouvoirs publics sont tenus de mettre à disposition les moyens nécessaires afin que les médecins puissent offrir à leurs patients une bonne qualité de soins. Dans le cadre des moyens disponibles, le médecin exercera de manière autonome une médecine de qualité en tenant compte des dispositions déontologiques précitées.

Le corps médical est tenu de rédiger les directives qui lui serviront de fil conducteur pour un comportement prescripteur de qualité optimale.

Médecine du travail16/11/2002 Code de document: a099005
Médecins militaires et médecins agréés de l'armée - Frais de soins médicaux en tant qu'avantage extra-légal pour le travailleur

Suite à l'avis du Conseil national du 17 novembre 2001 "Police intégrée et soins médicaux" (Bulletin du Conseil national n° 94, décembre 2001, p. 6), un médecin souhaite savoir

  1. si cet avis s'applique mutatis mutandis au service médical de l'armée belge. La gratuité des soins dispensés à des ayants droit par des médecins de l'armée entrave une bonne médecine parce que ces médecins militaires reprennent dans de nombreux cas la fonction de médecin généraliste et parce qu'il n'est pas aisé pour le médecin généraliste d'obtenir des données médicales concernant des patients militaires;
  2. si l'avis en question s'applique mutatis mutandis à d'autres circuits de médecine (préventive) gratuite telle que souvent organisée par l'intermédiaire de l'employeur;
  3. où se situe la limite entre médecine du travail, médecine préventive et médecine curative, donc ce qui peut être organisé par l'employeur et ce qui ne peut l'être.

Avis du Conseil national :

Le Conseil national a examiné, en sa séance du 16 novembre 2002, votre lettre du 14 janvier 2002 et vos réponses aux questions complémentaires du 3 novembre 2002.
Vous demandez en premier lieu si l'avis du Conseil national du 17 novembre 2001 (Bulletin du Conseil national numéro 94) concernant le médecin agréé de la police intégrée vaut mutatis mutandis pour le service médical de l'armée belge qui impliquerait un sérieux obstacle pour l'accès des ayants droit à une médecine générale de qualité. En effet, une médecine générale de qualité serait entravée par le fait que dans de nombreux cas, ces médecins militaires reprendraient la fonction de médecin généraliste et par le fait aussi qu'il est difficile pour un médecin généraliste d'obtenir par l'intermédiaire de ce service des données médicales concernant les patients militaires.

Vous vous interrogez aussi à propos de la frontière entre médecine du travail, médecine préventive et médecine curative dans le cadre d'autres circuits existants de médecine gratuite organisés par l'employeur.

Il convient de noter avant toute chose que le médecin militaire n'est tenu de s'inscrire à l'Ordre des médecins que s'il pratique l'art médical en dehors de l'exercice de son emploi militaire (arrêté royal n° 79 du 10 novembre 1967 relatif à l'Ordre des médecins, art. 2, 3ème alinéa). Ceci implique qu'un avis du Conseil national de l'Ordre des médecins ne peut s'appliquer à ces médecins. En revanche, les médecins civils attachés à l'armée, médecins agréés du service médical des forces armées, sont eux tenus de s'inscrire et doivent donc toujours soumettre leur contrat avec les forces armées à l'approbation du conseil provincial de l'Ordre compétent.
Ces médecins agréés ont contractuellement une mission tant préventive que curative, limitée aux militaires (cf. contrat article 4.1.). Le libre choix des patients doit évidemment toujours être garanti. Si le patient fait appel à un médecin militaire ou agréé qui n'est pas son médecin traitant, le médecin militaire ou agréé est tenu de fournir à la demande du patient toutes les informations médicales nécessaires au médecin traitant que celui-ci soit ou non gestionnaire du Dossier Médical Global.

Quant à votre question concernant la possibilité de dispensation par tous les médecins de soins médicaux gratuits aux militaires, il doit y être répondu par la négative. Pour l'instant, il est contractuellement du seul ressort des médecins agréés de dispenser des soins à ces conditions. Nous pouvons donc dire que l'application mutatis mutandis aux médecins agréés des forces armées de l'avis relatif aux médecins agréés de la police fédérale, n'est pas possible.

En ce qui concerne l'offre de soins médicaux gratuits, qu'ils soient préventifs ou curatifs, chaque employeur a la possibilité d'accorder à ses travailleurs des avantages extralégaux, bien entendu dans le respect du libre choix du patient et des règles déontologiques en matière de détournement de patients d'un confrère (art.19, §2 du Code de déontologie médicale) et de rabattage de patients (art.19, §1er du Code de déontologie médicale). Le médecin qui dispense des soins dans une entreprise doit également pouvoir exercer en toute indépendance. Il ne peut en aucun cas être à la fois médecin traitant et médecin du travail.

Au sujet de certains soins médicaux dispensés gratuitement à du personnel infirmier par un médecin dans un hôpital, le Conseil national renvoie à l'article 79 du Code de déontologie médicale qui dispose: "Il est d'usage pour les médecins de ne pas se faire honorer pour des soins donnés à leurs parents proches et leurs collaborateurs".

Enfin, sur le plan de la frontière entre médecine préventive, médecine curative et médecine du travail, nous soulignons que par définition le médecin du travail ne prodigue pas de soins curatifs (art.110 du Code de déontologie médicale). Sa fonction est essentiellement d'ordre préventif, administratif et consultatif, et est régie par les articles 104 à 112 inclus du Code de déontologie médicale relatifs à la médecine préventive.

Avis du Conseil national du 17 novembre 2001 concernant la police intégrée et soins médicaux, BO n° 94, decembre 2001, p. 7

Le nouveau statut des membres du personnel de la police intégrée est d'application depuis le 1er avril 2001. A quelques exceptions près, les membres du cadre opérationnel de la police intégrée bénéficient à présent de la gratuité des soins médicaux à condition de consulter un médecin du service médical ou un médecin agréé par le ministre ou par l’autorité qu’il désigne.
Ces derniers mois, des réactions sont parvenues au Conseil national à propos de cette nouvelle réglementation légale, demandant à chaque fois si ce système de dispensation des soins ne compromettait pas sérieusement le libre choix du médecin par le patient ainsi que la liberté thérapeutique.

Lettre du Conseil national à monsieur Antoine DUQUESNE, ministre de l’Intérieur:

En sa séance du 17 novembre 2001, le Conseil national a examiné les implications déontologiques dans la problématique du médecin agréé de la police intégrée.

Le bénéfice de la protection médicale gratuite a été étendu à tous les membres des services de la police intégrée (arrêté royal n°C-2001/0037 du 30 mars 2001, partie X, titre I, article X.1.1. à 1.8. traitant de la position juridique du personnel des services de police).

Le Conseil national a été interrogé à diverses reprises, tant par des médecins inscrits au Tableau de l’Ordre des médecins que par des non-médecins, quant à l’impact sur le respect de certaines règles de la déontologie médicale, du recours, notamment par des anciens membres de la police communale, aux services de soins gratuits par les médecins agréés (anciennement appelés médecins agréés de la gendarmerie.)

Le Conseil national est sensible au respect du libre choix du médecin par le patient et ne peut admettre qu'un employeur accorde des avantages sociaux à des travailleurs à condition qu'ils s'adressent à des médecins par lui agréés. Ceci fait craindre des conflits d’intérêts, notamment que l'employeur fasse pression sur ses médecins agréés afin par exemple qu'ils soient sévères dans l'octroi d'absences pour cause de maladie à des moments où il est préférable que tous les travailleurs soient à leur poste.
L’arrêt de travail et le repos peuvent faire partie du traitement, de sorte que la liberté thérapeutique peut aussi être influencée par l'intervention de l'employeur.

La plupart des membres du personnel des services de police et leurs familles ont choisi leur médecin généraliste avec lequel ils entretiennent une relation de confiance. La mesure précitée vient compromettre cette relation très importante, car d'aucuns se sentiront obligés d'aller consulter un médecin agréé et de quitter leur médecin généraliste habituel.
Le Conseil national est préoccupé par cette situation qui ne peut être bénéfique ni à la relation médecin-patient, ni aux relations de bonne confraternité entre médecins.

Le Conseil national estime que la mise en place de la police intégrée doit être l'occasion d'abroger le statut de médecin agréé afin que tous les membres de la police puissent choisir librement leur médecin généraliste avec les mêmes avantages sociaux.

Indépendance professionnelle16/11/2002 Code de document: a099007
Relation entre les médecins et les entreprises pharmaceutiques - Avis conjoint des Académies royales de Médecine de Belgique

Un conseil provincial soumet la lettre d'un pharmacien faisant part de sa réticence à participer à une initiative d'une firme pharmaceutique s'insérant dans une campagne publicitaire pour l'un de ses produits. Ce produit étant délivré uniquement sur ordonnance, le conseil provincial estime qu'il se pose dans ce cadre des problèmes déontologiques pour les médecins également.

Avis du Conseil national :

Le Conseil national s’associe aux inquiétudes et recommandations formulées par les Académies de Médecine concernant les relations entre le corps médical et l’industrie pharmaceutique.

Il rappelle que l’indépendance du médecin en tant que scientifique ou en tant que prescripteur est une donnée fondamentale de la qualité des soins. L’intérêt du patient doit être le souci primordial. En aucune manière des impératifs financiers ou personnels ne peuvent interférer avec une décision diagnostique ou thérapeutique.

Avis conjoint des Académies royales de médecine de Belgique sur la relation entre les médecins et les entreprises pharmaceutiques *:

Les membres des Académies belges de Médecine (la "Koninklijke Academie voor Geneeskunde van België" et l'Académie Royale de Médecine de Belgique) estiment nécessaire d'attirer l'attention sur le problème des relations entre médecins et entreprises pharmaceutiques. Les relations entre l'industrie pharmaceutique, le monde des médecins (chercheurs, leaders d'opinion et prescripteurs), le public qui inclut les patients, les autorités ( en tant qu'organisateurs/régulateurs et financiers des soins de santé et en tant que soutien de la recherche scientifique) sont complexes et multidirectionnelles. La communication entre ces différents groupes prend de nombreuses formes, allant de la communication scientifique à la vulgarisation, en passant par les communications promotionnelles et professionnelles. Bien que l'objectif final de toutes les parties concernées soit la préservation ou le rétablissement de la santé de la population, les intérêts des différents groupes sont souvent divergents. Récemment, l'attention s'est portée à nouveau sur les modalités de communication et les relations entre les différents intéressés, et plus particulièrement de l'industrie pharmaceutique et les médecins, qui devraient se faire par le biais de publications qui méritent d'être qualifiées de scientifiques. De nombreuses analyses réalisées à l'étranger ont récemment souligné les problèmes liés à ces relations. Les membres des Académies de Médecine, estiment que ces problèmes existent aussi en Belgique tant en ce qui concerne le médecin - chercheur clinique, que le médecin - prescripteur de médicaments.

L'importance critique du rôle joué par les médecins engagés dans la recherche clinique, a fait l'objet en septembre 2001, d'un éditorial publié simultanément dans plusieurs revues médicales éminentes (Lancet, British Medical Journal, New England Journal of Medicine,...). Cet éditorial souligne d'abord que la recherche clinique sur les médicaments est trop souvent orientée, pour des raisons économiques (le terme " sponsoring " revêt différentes significations et pourrait susciter des confusions) vers des problèmes ayant surtout un impact commercial (même si les résultats ne sont pas dénués d'intérêt) alors que des questions plus pertinentes restent sans réponse. C'est ainsi que des médicaments moins récents doivent être réévalués, et doivent être inclus dans des études de nouvelles molécules. Cet éditorial rappelle ensuite que l'élaboration du protocole, l'analyse des résultats et la publication de la recherche sont généralement aux mains de l'entreprise sponsorisante et que le chercheur a trop peu d'impact ou cherche trop peu à en avoir. Lors de la publication il y a lieu de mettre l'accent sur certains points, par exemple l'apport réel de l'intervention, et comment cet apport se compare avec celui d'autres interventions. Le chercheur ne s'impose pas assez comme le vrai responsable de la recherche vis-à-vis de tous les autres intéressés (collègues médecins, patients, autorités). Le manque de clarté initial aidant, certaines entreprises sponsorisantes ont été jusqu'à interdire à des chercheurs de publier leurs résultats. Enfin, cet éditorial constate que des contrats de quasi exclusivité menacent l'indépendance de certains centres de recherches universitaires, au profit de l'industrie. Sans affirmer qu'une telle attitude laxiste soit généralisée, il paraît souhaitable aux membres des Académies d'entreprendre une analyse approfondie de ces phénomènes en Belgique pour déterminer les mesures préventives nécessaires.

La relation du médecin en tant que prescripteur avec l'industrie pharmaceutique mérite également réflexion. Comment le médecin est-il informé de la valeur d'un médicament ? Les éditeurs de revues médicales sont les garants de l'objectivité des études sur les médicaments, ainsi que des commentaires et éditoriaux y afférents. Le fait que, pour survivre, la plupart des revues aient, dans une large mesure, besoin de la publicité sur les médicaments, est à l'origine d'une situation ambiguë. Les meilleures revues exigent des auteurs qu'ils s'expriment clairement sur d'éventuels conflits d'intérêts. Et pourtant certains universitaires n'hésitent pas à prêter leur nom à des articles qui, en réalité, ont été écrits par d'autres personnes. Depuis longtemps, le médecin est submergé de périodiques gratuits entièrement financés par la publicité, mais les articles publiés ne sont pas soumis à l'avis d'experts (peer review); en outre, la distinction entre contribution scientifique et publicité est très souvent vague. Enfin, il existe des publicités directes, envoyées par la poste ou par le biais d'abonnements à Internet mis gratuitement à disposition ainsi que les délégués médicaux, très nombreux en Belgique. La formation de niveau graduat et post-graduat doit apporter au médecin compétence et attitude critique. La formation complémentaire permanente, dans le cadre de l'accréditation par exemple, doit renforcer cette attitude. On attend des professeurs et des conférenciers qu'ils s'appuient sur des études contrôlées (médecine factuelle) Malheureusement il faut constater que régulièrement certains programmes, par exemple en formation continue, sont élaborés et organisés par une entreprise pharmaceutique, qui peut ainsi influencer le choix des sujets et des orateurs. Il est souvent question d'avantages directs non justifiés octroyés aux prescripteurs, sous la forme d'indemnités, de voyages, de participation à des congrès, mais leur influence éventuelle sur le comportement du prescripteur est difficile à évaluer : il va de soi que le remboursement des frais engagés est acceptable et que les avantages directs ne sont pas nécessairement abusifs, mais la transparence doit être présente.

Les entreprises pharmaceutiques sont, à l' évidence, essentielles dans la conception des médicaments. Elles jouent un rôle irremplaçable dans le renouvellement de l' arsenal diagnostique et thérapeutique en convertissant, de manière efficace, les connaissances fondées sur la recherche biomédicale récente en de nouvelles technologies médicales ou de nouvelles médications. Ce processus requiert l'utilisation de méthodes toujours plus complexes impliquant des risques financiers extrêmement élevés à long terme qui peuvent mettre en péril la survie des entreprises pharmaceutiques concernées. Les entreprises pharmaceutiques sont partenaires dans la recherche clinique et représentent une source d'informations pour le prescripteur. Toutefois, les entreprises pharmaceutiques et les médecins doivent prendre conscience de leur rôle spécifique respectif. En recherche clinique, ce sont les chercheurs qui doivent fournir la garantie médicale et éthique ultime aux sujets impliqués dans l'étude et à la communauté; ils doivent veiller à ce que seules les demandes pertinentes aboutissent à une recherche clinique, et ils sont responsables du traitement objectif et de la publication objective des résultats. Aussi la transparence s'impose-t-elle dans les accords conclus entre entreprises et chercheurs, y compris dans les aspects financiers. Quant au médecin prescripteur de médicaments enregistrés, il ne doit se laisser guider que par l'intérêt du patient.

L'indépendance du médecin en tant que chercheur ou en tant que prescripteur vis-à-vis de l'industrie est essentielle. Si les conflits d'intérêts sont inévitables, ils ne peuvent aboutir à une confusion d'intérêts : la transparence sur les conflits d'intérêts éventuels peut être une garantie. Les Académies de Médecine lancent un appel à tous les médecins, chercheurs cliniques et prescripteurs, pour que chacun joue correctement le rôle qui lui est dévolu et apporte, à cette fin, toute la clarté nécessaire vis-à-vis du monde extérieur. Notre appel s'adresse en particulier aux universitaires et autres personnes qui, en tant que " leaders d'opinion ", ont un rôle d'exemple dans la recherche et la prescription. Etre " leader d'opinion " est une lourde responsabilité et il convient d'éviter que le terme ne reçoive une connotation péjorative, comme' s'il s'agissait de personnes qui se laissent volontairement ou involontairement influencer afin de transmettre des messages non fondés sur des preuves scientifiques. La Belgique compte une série de revues médicales de valeur qui jouent un rôle important dans l'information des médecins belges; elles aussi doivent prendre leurs responsabilités. Le médecin doit savoir qu'une série de brochures et de périodiques mis gratuitement à sa disposition n'établissent parfois aucune distinction entre les données scientifiques et la publicité, en dépit des discours et des photographies d'éminents universitaires qui les appuient.
On peut attendre des autorités qu' elles garantissent la qualité des notices des médicaments, qu'elles soutiennent suffisamment les initiatives visant une information objective, qu'elles assurent l'objectivité de la publicité sur les médicaments et, en ce qui concerne la recherche clinique, qu'elles garantissent la reconnaissance de comités d'éthique dont le rôle est capital à cet égard.
Enfin, on peut et on doit également attendre des autorités qu' elles soutiennent les activités des chercheurs cliniques et des centres universitaires, de telle manière que ceux-ci puissent remplir parfaitement leur rôle en toute indépendance dans la production et la diffusion des informations.


* L'avis conjoint a été préparé par une commission mixte composée de MM. Ch. van Ypersele de Strihou, A. Dresse, T. Godfraind, G. Rorive, J.C. Demanet et R. Bernard pour l'Académie Royale de Médecine de Belgique, et de MM. J. Lauweryns, M. Bogaert, R. Bouillon, A. Herman, G. Mannaerts, S. Scharpé, I. Vergote et H. Goossens pour la " Koninklijke Academie voor Geneeskunde van België ".
L'avis a été approuvé par les Académies lors de leurs séances plénières respectives du 28 septembre 2002.

Secret professionnel16/11/2002 Code de document: a099008
Relation médecins / industrie pharmaceutique et expérimentation

Un conseil provincial transmet une demande d'avis concernant un dépistage d'ostéoporose effectué par une firme pharmaceutique. Cette firme ne respecte pas les accords pris au sujet de la communication des résultats de ce dépistage aux médecins traitants directement et se livre à une démarche promotionnelle pour un médicament contre l'ostéoporose produit par elle.

Avis du Conseil national :

En sa séance du 16 novembre 2002, le Conseil national a pris connaissance de la manière dont une firme pharmaceutique sous la responsabilité d’un service universitaire a organisé un dépistage de l’ostéoporose en transmettant les résultats par le délégué médical de la firme. Le Conseil national considère cette procédure comme inacceptable.
Il a également examiné le nouveau protocole prévu pour ce dépistage en collaboration avec les organisations locales de médecins généralistes.

Il insiste pour que de telles initiatives soient organisées essentiellement dans l’intérêt des patients et en dehors de toute démarche publicitaire ou commerciale. Le libre choix du patient et la liberté thérapeutique du médecin doivent être garantis. Toutes mesures doivent être prises pour que les examens soient réalisés par des praticiens de l’art de guérir ou sous leur responsabilité directe.

Le secret des données doit en outre être garanti de la manière la plus formelle. Le nom du patient, pas plus que celui de son médecin traitant ne peuvent être communiqués à la firme organisatrice.

Un tel protocole doit être soumis à l’avis d’un comité d’éthique.

Associations et contrats avec des non-médecins, des établissements de soins, ...15/12/2001 Code de document: a095011
Police intégrée : contrat de médecin agrée externe

Police intégrée: contrat de médecin agréé externe

Dans le cadre de la gratuité des soins médicaux à certains membres du personnel de la police fédérale et locale, un contrat de médecin agréé externe est proposé. Plusieurs médecins généralistes demandent l'avis du Conseil national à propos de ce contrat dont certaines stipulations posent problème sur le plan déontologique.

Le Conseil national décide d’écrire à ce sujet au ministre concerné.

Lettre du Conseil national à monsieur A. DUQUESNE, ministre de l'Intérieur:

Le Conseil national vous adressait en date du 22 novembre 2001, une lettre vous décrivant la préoccupation du Conseil national vis-à-vis des conséquences déontologiques qu’introduit l'extension de la protection médicale gratuite à tous les membres des services de la police intégrée. Il estimait que devait être abrogé le statut de médecin agréé en vue de la préservation de la liberté thérapeutique et du libre choix des membres de la police.

En sa séance du 15 décembre 2001, le Conseil national s'est penché sur le contrat de médecin agréé externe. Son attention fut tout particulièrement attirée par l'article 1.3. qui requiert un engagement pour le praticien agréé, "de recevoir en priorité les fonctionnaires de police, les autres ayant droits de cette zone de police ainsi que ceux qui résident dans le ressort de celle-ci". Le Conseil national estime que hors les cas d'urgence cette clause est inacceptable au cabinet d'un médecin agréé qui offre en même temps ses services à l'ensemble de la population.

En outre, l'article 2.3. qui impose une disponibilité permanente semble au Conseil national en contradiction avec le légitime souhait de chacun de disposer d'une vie privée et de bénéficier des indispensables moments de détente au maintien de son équilibre.

De telles dispositions sont l’expression de points de vues ignorant l’égalité humaine et l’évolution de l’exercice de la profession de médecin. Cette même mentalité se retrouve aussi à la base du statut de médecin externe agréé dont l’abrogation semble la seule solution au Conseil national.

Liberté diagnostique et thérapeutique15/12/2001 Code de document: a095008
Service de "second opinion" proposé par une société d'assurances

Un conseil provincial soumet une demande d'avis d’une société d'assurances qui propose à ses membres un service de "second opinion".
Le but est de fournir à l'assuré qui en fait la demande, un avis spécialisé sur une affection dont il souffre et/ou sur les traitements à suivre, et ce uniquement pour des cas complexes ou des affections rares.
La société d’assurances souligne que ce service n'est pas destiné à dépister des erreurs médicales ou à aider les assurés à entamer des actions judiciaires.

Avis du Conseil national:

Cette compagnie d’assurances invite à collaborer pour obtenir l’adhésion des médecins praticiens à ce projet ainsi que pour contribuer à l’amélioration de la relation médecin-malade qui est un de ses objectifs.

La quête d’une seconde opinion fait, de longue date, partie des possibilités dont dispose un médecin traitant pour confirmer un diagnostic et rechercher une thérapeutique adaptée autant qu’efficace. Elle est le plus souvent directe par contacts pris entre médecins ; elle peut également se rechercher de manière indirecte par l’adresse du patient à la consultation d’un confrère, soit d’initiative de la part du médecin, soit sur proposition du patient.

Le projet est basé sur la consultation d’un service localisé aux U.S.A. et dont les experts émettent leur avis sur étude de dossiers. Le Conseil national a toujours insisté sur l’importance de la rencontre entre le médecin et le patient; elle seule permet les indispensables anamnèse et examen clinique pour élaborer un diagnostic et le dialogue qui scellera le contrat de confiance. Dès lors, le Conseil national exprime ses plus extrêmes réserves en l’absence de ce contact et considère que l’avis émis dans ce type d’expertise aura valeur très relative.

Par ailleurs, le Conseil national s’interroge à propos d’une discrimination qui pourrait s’opérer à l’intervention de l’assureur et de son médecin-conseil suivant des critères connus d’eux seuls, et qui réservera l’accès de ce service à certaines catégories d’affections, compromettant ainsi l’égalité des chances face à la maladie.

Il semble aussi au Conseil national qu’une menace non négligeable pèse sur la confidentialité du contenu du dossier médical du patient dont l’entièreté doit en principe lui être transmise pour communication au médecin-conseil de l’assurance. Les garanties à ce sujet, lui semblent trop aléatoires.

L’éventuel refus du médecin traitant de communiquer certaines données pour des motifs de confidentialité pourrait empêcher l’expert de rendre un avis objectif.

Enfin, la liberté thérapeutique du médecin traitant pourra se voir confrontée à l’opinion de l’expert dont l’avis ne saurait tenir compte de facteurs importants que sont les sens de la qualité de vie propre au patient et les objectifs qu’il poursuit dans ses choix thérapeutiques.

Pour ces diverses raisons, le Conseil national estime irréalisable une collaboration avec la société d’assurances pour atteindre les deux objectifs qu’elle a proposés.

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