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Déontologie

Dossier médical global (DMG) – Réglementation et gestion

En sa séance du 24 avril 2021, le Conseil national de l’Ordre des médecins a discuté de la législation et de la gestion du Dossier médical global (DMG).Le présent avis remplace l’avis La gestion du Dossier médical global (DMG) du 16 juillet 2011 (a134010).

Depuis sa création, le DMG a été soumis à de nombreuses évolutions, avec interactions entre le cadre légal, les accords nationaux médico-mutualistes successifs et les modifications et/ou adaptations complémentaires apportées aux dispositions INAMI.

Le contenu du DMG est fixé par l’arrêté royal du 26 janvier 2017 modifiant l’article 2, B, de l’annexe à l’arrêté royal du 14 septembre 1984 établissant la nomenclature des prestations de santé en matière d’assurance obligatoire soins de santé et indemnités.[1]

L’article 33 de la loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé (Loi qualité)[2] détermine les données que le professionnel des soins de santé doit au minimum reprendre dans le dossier patient.

La relation médecin-patient naît d’un engagement volontaire entre le patient et le médecin dans le respect de l’autonomie tant du médecin que du patient. Tous deux peuvent s’engager dans cette relation, la refuser ou y mettre fin. Le patient dispose toujours du droit de choisir librement son médecin et de modifier ce choix. Le médecin peut estimer qu’il est impossible de poursuivre une relation thérapeutique ou de réaliser une intervention ou un traitement. Il en informe à temps le patient et éventuellement ses proches et se concerte avec eux. Il organise la continuité des soins et fournit toutes les informations utiles au médecin qui reprend sa tâche (art. 32, Code de déontologie médicale).

Il découle de la définition d’une relation thérapeutique[3] l’obligation du médecin et le droit du patient à un dossier patient correctement tenu à jour[4]. L’article 22 du Code de déontologie médicale prévoit : « Le médecin tient à jour pour chaque patient un dossier dont la composition et la conservation répondent aux exigences légales et déontologiques. Dans le respect du secret professionnel, le médecin gère le dossier des patients qui est un outil de travail, un moyen de communication, un point de référence qualitatif et un élément de preuve. »

Lors d’une première consultation d’un nouveau patient, le médecin généraliste peut l’interroger sur l’existence d’un DMG chez un autre médecin généraliste. Il peut contrôler via MyCareNet[5] si les informations que le nouveau patient lui communique sont correctes. La possibilité de demander des listes est prévue tant pour le médecin généraliste (liste des patients pour lesquels il est le médecin généraliste détenteur du DMG) que pour les autres médecins généralistes et médecins-spécialistes (consultation du droit au DMG du patient).

Toutefois, si ce premier contact a lieu dans une circonstance occasionnelle (le médecin généraliste fixe est absent, injoignable ou en congé) ou si le patient sollicite simplement une « deuxième opinion » ou s’il ne veut pas encore arrêter un choix définitif désignant un (nouveau) médecin généraliste détenteur du DMG, cela doit être respecté. Dans ce cas, imposer un DMG ou en ouvrir un constitue une faute déontologique.

Le droit à des soins de qualité est un droit important du patient. Le médecin généraliste informe correctement le patient du bénéfice du DMG en tant qu’instrument de travail pour l’optimalisation et la qualité des soins et de ses conséquences sur le plan financier. Le médecin généraliste ouvre le DMG sur demande volontaire et expresse du patient[6] et avec son consentement informé. Il identifie le patient au moyen de sa carte d’identité électronique (eID). Créer électroniquement un DMG est simple ( seule possibilité depuis le 1er janvier 2021 pour avoir droit à ses avantages[7]). Le patient marque son accord en donnant son eID. Le médecin coche la case pour confirmation du consentement informé.

La relation médecin-patient repose sur la confiance et le respect mutuels, la communication et la participation. Le DMG accroît la qualité des soins, car toutes les informations concernant le patient sont recueillies et intégrées dans un dossier médical par le médecin généraliste. Ainsi, le médecin généraliste détenteur du DMG dispose d’une image complète de l’état de santé du patient.

Si un médecin généraliste intervient comme médecin remplaçant consulté pour assurer la continuité des soins, il ne peut ouvrir un DMG. Cette interdiction est absolue durant la garde de population tant les week-ends que les jours fériés. Cela s’applique également à une garde en semaine organisée par les médecins généralistes. Lorsque le médecin généraliste intervient comme remplaçant d’un confrère (absence, congé, maladie), cela ne peut entraîner aucun changement dans le statut du DMG.

Le médecin de garde a accès au Sumehr[8]. Il s’agit d’un extrait du dossier patient. Le Summarized Electronic Health Record est un document électronique reprenant les données minimales dont le médecin a besoin pour évaluer rapidement l’état de santé d’un patient et pour lui assurer ainsi les meilleurs soins possibles.

À l’instar du Sumehr, le DMG n’est pas un dossier distinct. Il comporte des éléments déterminés du dossier patient (bref contenu d’informations médicales d’urgence, antécédents importants du patient, etc.)[9].

Un autre droit essentiel du patient est l’autonomie et le libre choix : le droit à l’autodétermination du patient est indispensable à la construction d’une relation de confiance avec le médecin. Le patient a le droit, à tout moment, de choisir le professionnel avec lequel il souhaite s’engager dans une relation thérapeutique et il est toujours libre de modifier ce choix.

L’article 27, al. 2, du Code de déontologie médicale prévoit : « À la demande du patient ou avec son accord, le médecin transmet les informations et éléments pertinents à un autre professionnel de santé. »

Conformément à l’article 34 de la Loi qualité, le professionnel des soins de santé tient à jour le dossier du patient et le conserve sous une forme électronique, à partir d’une date encore à déterminer par arrêté royal.

Les articles 36 à 40 de la Loi qualité prévoient les conditions auxquelles le professionnel des soins de santé doit satisfaire pour obtenir accès aux données de santé du patient qui sont tenues à jour et conservées par un autre professionnel des soins de santé.

En cas de changement de médecin généraliste traitant, le médecin partage, dans le cadre de la continuité des soins, dans un délai raisonnable, toutes les données utiles et nécessaires ou informations pharmaceutiques concernant le patient au médecin désigné par le patient pour que le diagnostic ou le traitement soit continué ou complété[10]. Il est aujourd’hui d’usage que le médecin transfère une copie du dossier patient complet[11] au nouveau médecin généraliste via eHealth.

Le patient peut demander d’ajouter des informations médicales à son dossier patient ou de corriger des informations, dans certains cas.

Le médecin doit corriger gratuitement les erreurs qui peuvent être constatées objectivement (p. ex. diagnostic manifestement erroné, mauvais groupe sanguin du patient ou erreur d’orthographe dans son nom). En règle, le patient n’a pas le droit de faire supprimer des données médicales ou à caractère personnel pertinentes de son dossier médical. Par ailleurs, le médecin ne peut pas intégrer n’importe quelles données dans le dossier du patient ; il doit tenir compte des principes de minimisation des données, de proportionnalité et de nécessité. Pour davantage de précisions concernant ce qui précède, le Conseil national renvoie à son avis du 20 mars 2021 (a168007).

Dans le cadre de la qualité des soins, d’autres médecins généralistes de la même pratique de groupe ont automatiquement accès aux données du DMG des patients des uns et des autres lorsqu’ils y sont autorisés[12]. Le patient ne doit pas entreprendre de démarches administratives supplémentaires à cette fin et il peut refuser une relation thérapeutique avec un certain médecin de la pratique de groupe. Le médecin traitant en informe le patient au moment de la création du DMG.

Dans la pratique, la répartition et l’attribution des DMG en cas de dissolution des groupes de médecins posent parfois problèmes. Les médecins concernés doivent fixer des accords clairs dans leur contrat de collaboration. Quand un médecin généraliste quitte la pratique de groupe, le patient confirme qui est son médecin détenteur du DMG. Le Conseil national plaide pour que soit menée une réflexion afin d’accorder encore mieux le concept de pratique solo du médecin généraliste détenteur du DMG à l’évolution de la collaboration des médecins généralistes au sein de la pratique de groupe.

Les honoraires par DMG pour le médecin généraliste sont perçus une fois par année civile par patient. Depuis le 1er janvier 2021[13], la prolongation est automatique. Une consultation du patient doit avoir lieu un an sur deux[14].

La gestion d’un DMG est réservée aux médecins généralistes agréés. Tout médecin généraliste qui souhaite gérer des DMG doit satisfaire aux conditions d’obtention ou de maintien de cet agrément. Les médecins généralistes en formation ne peuvent pas ouvrir ni gérer de DMG[15].

Auparavant[16], l’un des critères du maintien de l’agrément était que le médecin généraliste dispense des soins tant en visite à domicile que dans un local de consultation. Maintenant, l’article 10 de l’arrêté ministériel du 1er mars 2010 fixant les critères d’agrément des médecins généralistes prévoit comme seul critère pour le maintien de la reconnaissance du médecin généraliste : « Le médecin généraliste agréé est tenu de maintenir et de développer ses compétences pendant toute sa carrière par une formation pratique et scientifique. »

Cependant, le Conseil national estime qu’un médecin généraliste détenteur du DMG doit pouvoir assurer des soins complets à ces patients.

Par cette analyse, le Conseil national souhaite assister les médecins généralistes dans la gestion du DMG de chaque patient avec le soin nécessaire et dans le respect des prescriptions déontologiques.

Modalités pratiques et documentation

https://www.ehealth.fgov.be/fr...

https://www.riziv.fgov.be/fr/t...(dernière mise à jour 13 juillet 2018)

https://www.inami.fgov.be/fr/p...(dernière mise à jour 2 mars 2021)

http://fra.mycarenet.be/sector...


[1]Article 1er. A l’article 2, B, de l’annexe à l’arrêté royal du 14 septembre 1984 établissant la nomenclature des prestations de santé en matière d’assurance obligatoire soins de santé et indemnités, remplacé par l’arrêté royal du 19 février 2013 et modifié en dernier lieu par l’arrêté royal du 30 novembre 2015, sont apportées les modifications suivantes :

1° le libellé et les règles d’application de la prestation 102771 sont remplacés par ce qui suit :

« Gestion du dossier médical global (DMG)

[…]

Le DMG contient les données suivantes mises à jour régulièrement :

a) les données socio-administratives;
b) les antécédents;
c) les problèmes;
d) les rapports des autres dispensateurs de soins;
e) les traitements chroniques;
f) les mesures préventives adoptées en fonction de l’âge et du sexe du patient et portant au minimum sur :
1. le mode de vie (alimentation, activité physique, consommation de tabac et d’alcool);
2. les maladies cardiovasculaires (anamnèse, examen clinique, acide acétylsalicylique pour les groupes à risque);
3. le dépistage du cancer colorectal, du cancer du sein et du col utérin;
4. la vaccination (diphtérie, tétanos, grippe et pneumocoque);
5. les dosages biologiques : lipides (> 50 ans), glycémie (> 65 ans), créatinine et protéinurie (pour les groupes à risque);
6. le dépistage de la dépression;
7. les soins bucco-dentaires;
g) pour un patient de 45 à 74 ans qui bénéficie du statut affection chronique, diverses données cliniques et biologiques utiles à l’évaluation de l’état de santé du patient et à l’amélioration de la qualité des soins. » […]

[2] La Loi qualité entre en vigueur le 1er juillet 2021.

[3]Pour l’application de l’alinéa 1er, on entend par relation thérapeutique toute relation entre un patient et un professionnel des soins de santé dans le cadre de laquelle des soins de santé sont dispensés. (Loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé, art. 37, al. 2)

[4] Loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient, art. 9, § 1

[5] MyCareNet est une initiative commune du Collège intermutualiste national (CIN), de eHealth (le portail santé des autorités belges) et de l’INAMI (http://fra.mycarenet.be/sector...)

[6] L’art. 1, 1°, al. 2, de l’arrêté royal du 26 janvier 2017 modifiant l’article 2, B, de l’annexe à l’arrêté royal du 14 septembre 1984 établissant la nomenclature des prestations de santé en matière d’assurance obligatoire soins de santé et indemnités prévoit : « La gestion du DMG est réalisée à la demande du patient ou de son mandataire dûment identifié; cette demande figure dans le dossier du patient ».

[7] L’INAMI a mis à jour sa page internet concernant le DMG

(https://www.riziv.fgov.be/fr/professionnels/sante/medecins/qualite/Pages/dossier-medical-global.aspx).

Depuis le 1er janvier 2021, le médecin généraliste reçoit uniquement des honoraires pour la gestion du DMG s’il utilise un dossier médical électronique (DME). Le DME doit être géré au moyen d’un logiciel enregistré par la plate-forme eHealth.

[8] Cf. https://www.vitalink.be/beknopte-medische-dossiers-delen-sumehr

https://www.ehealth.fgov.be/standards/kmehr/en/transactions/summarised-electronic-healthcare-record-v20

https://www.ehealth.fgov.be/ehealthplatform/file/view/AWl8XKSwgwvToiwBkf81?filename=GP%20documentation%20-8th%20July%20%2020191.pdf

La création d’un Sumehr se fait par un clic du médecin dans le logiciel. Il comporte des informations issues du dossier patient. En outre, il est possible de retrouver via COZO des lettres de spécialistes de tous les hôpitaux belges, de spécialistes collaborant en dehors de l’hôpital, de laboratoires, entre autres.

[9] Art 1, arrêté royal du 26 janvier 2017 modifiant l’article 2, B, de l’annexe à l’arrêté royal du 14 septembre 1984 établissant la nomenclature des prestations de santé en matière d’assurance obligatoire soins de santé et indemnités

[10] Code de déontologie médicale, art. 26

[11] La loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient, art. 9, § 2, prévoit que le patient a droit à la consultation du dossier le concernant.

[12]https://www.inami.fgov.be/fr/professionnels/sante/medecins/qualite/Pages/dossier-medical-global.aspx#Continuit%C3%A9_des_soins_:_Vos_DMG_accessibles_pour_les_autres_m%C3%A9decins_g%C3%A9n%C3%A9ralistes_autoris%C3%A9s_dans_une_seule_et_m%C3%AAme_pratique_de_groupe

[13] À partir de 2021, les honoraires DMG seront versés chaque année proactivement en février. Le calcul repose sur le nombre de DMG enregistrés au 31 décembre de l’année précédente sur MyCareNet pour tous les patients inscrits auprès de la même mutualité. Pour les nouveaux patients qui souhaitent ouvrir un DMG après février, le médecin reçoit un honoraire pour cette année, après notification sur MyCareNet. Pour les patients ayant un DMG qui changent de médecin, le nouveau médecin reçoit les honoraires l’année suivante.

[14] Les honoraires pour le DMG ne sont donc plus liés à un contact patient annuel obligatoire.

[15] Art. 1, arrêté royal du 26 janvier 2017 modifiant l’article 2, B, de l’annexe à l’arrêté royal du 14 septembre 1984 établissant la nomenclature des prestations de santé en matière d’assurance obligatoire soins de santé et indemnités

[16] L’arrêté ministériel du 21 février 2006 fixant les critères d’agrément des médecins généralistes cité dans l’avis du Conseil national du 16 juillet 2011 a été abrogé par le Conseil d’État. Actuellement, il existe l’arrêté ministériel du 1er mars 2010 fixant les critères d’agrément des médecins généralistes.