SECOND OPINION – initiative d’une compagnie d’assurances
En sa séance du 19 novembre 2022, le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné l’initiative « Second Medical Opinion », un service qu’une compagnie d’assurances souhaite mettre en place dans le cadre de son assurance santé.
Afin de concrétiser cette initiative, la compagnie d’assurance entend engager des médecins qui, lors d’une première phase, prépareront le dossier médical du patient après un contact physique ou numérique. Lors d’une deuxième phase, le patient choisira un spécialiste sur une liste proposée par les hôpitaux qui sont disposés à participer à cette initiative. Ce spécialiste – en règle générale, après un contact physique avec le patient – fournit un deuxième avis.
Sur la base du consentement du patient et de la relation thérapeutique ainsi établie, la compagnie d’assurances affirme dans les documents préparatoires que les médecins engagés auront accès à toutes les données médicales de ce patient via la plateforme eHealth.
Le Conseil national reconnaît l’intérêt d’un deuxième avis, en particulier dans les cas de pathologies complexes et graves.
Toutefois, il souhaite relever quelques préoccupations déontologiques concernant l’initiative proposée :
- Le médecin généraliste du patient n’est pas impliqué dans cette initiative, alors qu’il s’agit de la personne la mieux placée d’une part pour informer le patient lors de la première phase, et de l’autre pour trier les données médicales pertinentes et nécessaires qui doivent être communiquées. Même après un deuxième avis, le médecin généraliste est la personne la plus indiquée pour guider le patient dans sa prise de décision.
- L’accès via la plateforme eHealth à tous les documents médicaux par les médecins engagés par la compagnie d’assurance entre en contradiction avec la note du Comité de sécurité de l’information qui définit ce qu’est une relation thérapeutique et d’une relation de soins[1]. Cette note dispose que « dans la mesure où un réseau d’échange est conçu avec pour but le traitement diagnostique, préventif ou les soins d’un patient, la médecine d’assurance, la médecine de contrôle et la médecine légale doivent en principe pouvoir être exclues ». En outre, l’accès à tous les dossiers médicaux par le biais de la plateforme eHealth ne respecte pas les principes de base de la réglementation en matière de protection de la vie privée, notamment les principes de finalité et de proportionnalité. L’article 38 de la loi qualité[2] aussi énonce explicitement que, même en cas d’existence d’une relation thérapeutique, l’accès se limite aux données utiles et pertinentes dans le cadre de la prestation de soins de santé.
Pour les raisons précitées, le Conseil national demande à la compagnie d’assurances de reconsidérer son futur produit avant de le proposer à ses clients.
[1] Note relative aux preuves électroniques d’une relation thérapeutique et d’une relation de soins https://www.ehealth.fgov.be/ehealthplatform/file/view/AWdemjerkOz9DrMX5-eN?filename=Note%20relation%20therapeutique.pdf
[2] Loi relative à la qualité de la pratique des soins de santé du 22 avril 2019.