Suspicion de maltraitance d'un enfant - Photographie de lésions par un médecin scolaire
Avis du Conseil national :
En sa séance du 16 décembre 2017, le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné la question de savoir si un médecin scolaire qui suspecte une maltraitance chez un enfant peut photographier les lésions de ce dernier.
1°/ Indépendamment de la problématique de la maltraitance, les règles générales relatives à la prise d'une photographie d'un patient sont les suivantes.
La réalisation d'une photographie durant un examen clinique peut se justifier pour des motifs diagnostiques, thérapeutiques ou médico-légaux.
C'est un acte médical non invasif. Il permet de prendre une image d'une situation à un moment précis et de la conserver, ce qui est particulièrement utile lorsque la lésion ou la pathologie est susceptible d'évoluer voire de disparaître.
Une photographie doit aussi être accompagnée d'une description écrite de la lésion ou de la pathologie externe qu'elle illustre. La date de sa réalisation doit être précisée.
Pour être exploitable et éviter les biais d'interprétation, elle doit être lisible (couleur, pixel, luminosité, support pérenne, etc.) et pertinente (image complète de la lésion en vue générale pour illustrer la localisation anatomique, détail avec repère centimétrique, caractéristiques, etc.). L'utilisation d'une règle graduée (légale) et d'un label d'identification est recommandée. La photographie ne peut pas être retouchée.
Le patient ou son représentant doit être informé des raisons pour lesquelles le médecin souhaite prendre la photographie et doit y consentir.
La photographie doit être réalisée dans des circonstances respectueuses de la sensibilité et de la dignité du patient.
La photographie fait partie du dossier médical.
2°/ Vu la nature de sa pratique, le médecin scolaire joue un rôle important dans la révélation d'une maltraitance infantile.
La déontologie médicale impose au médecin qui soupçonne chez un enfant une maltraitance, une exploitation, un abus, un harcèlement ou les effets d'une négligence, de faire le nécessaire pour le protéger (1).
L'aide à apporter à l'enfant et à sa famille s'apprécie en fonction du type de maltraitance, de l'urgence, de la gravité, du lien entre l'auteur présumé et l'enfant, du contexte socio-familial et de la personnalité de l'enfant (âge et capacité de l'enfant).
Le médecin scolaire doit agir avec prudence, objectivité et bienveillance. Sa relation de confiance avec l'enfant est primordiale. Il doit faire preuve de disponibilité, de capacité d'écoute et accueillir l'enfant dans un environnement adapté qui garantit la confidentialité.
Sans préjudice de son autonomie professionnelle, la collaboration du médecin scolaire avec des confrères ou services spécialisés est recommandée vu la complexité d'appréhender une telle situation et d'y réagir adéquatement vis-à-vis de l'enfant et de sa famille.
Le recours à des outils décisionnels (2), aux recommandations de bonnes pratiques, voire à un protocole validé, doit être privilégié par le médecin scolaire.
Par ailleurs, il y a lieu de rappeler la nécessaire collaboration entre le médecin scolaire et le médecin traitant de l'enfant qui connaît la cellule familiale et son environnement.
3°/ Lorsque l'examen médical de l'enfant met en évidence des traces ou des lésions suspectes, le médecin rapporte objectivement les propos éventuels de l'enfant, de préférence dans les propres termes de ce dernier, et acte avec rigueur ses constatations dans le dossier médical.
Dans ce contexte, la photographie de la lésion est un outil de documentation utile et prudent pour un diagnostic correct et les mesures qui en découlent. Elle peut être un support précieux en cas d'expertise médico-légale pour déterminer l'origine accidentelle ou non des lésions.
Il appartient au médecin scolaire d'apprécier s'il est indiqué d'avoir des photographies et s'il se fait assister à cette fin par un collaborateur expérimenté, sous son contrôle.
Vu que la démarche du médecin en cas de suspicion de maltraitance est guidée par l'intérêt d'un (jeune) enfant, à une assistance adaptée et par le souci de le protéger et de prévenir toute atteinte grave à sa santé, le Conseil national estime que le consentement du représentant du mineur n'est pas requis pour réaliser l'examen médical et pour prendre des photographies. Il est indifférent à cet égard que le représentant du mineur soit ou non l'auteur potentiel de la maltraitance, ce dont le médecin n'a pas à juger.
L'enfant apte à apprécier raisonnablement ses intérêts ne doit pas être photographié contre son gré.
En cas de situation grave ou urgente, il y a lieu de référer l'enfant à un service d'urgence ou de solliciter un service spécialisé.
4°/ L'information des parents ou du tuteur de l'enfant concernant les constations médicales faites sur l'enfant et les démarches entreprises, par exemple envers des services spécialisés, est légitime et nécessaire, sauf opposition du mineur jugé apte à apprécier raisonnablement ses intérêts ou circonstances exceptionnelles.
Cette information doit être délivrée de manière personnalisée et structurée.
Le droit des parents de consulter et de recevoir copie du dossier médical du mineur qui n'est pas apte à apprécier raisonnablement ses intérêts, peut, dans l'intérêt du patient mineur et dans le but de prévenir toute menace pour sa vie ou toute atteinte grave à sa santé, être différé dans l'attente d'un entretien personnalisé.
La prise en charge d'une suspicion de maltraitance infantile inclut la prise en charge de la famille de l'enfant.
5°/ L'accès aux constatations du médecin, aux éventuelles photographies et autres informations en relation avec la maltraitance doit être strictement limité par le médecin à ceux dont il estime qu'elles leur sont nécessaires pour remplir leur mission, dans l'intérêt de l'enfant, particulièrement les autres médecins impliqués dans le diagnostic et la prise en charge et les médecins-experts judiciaires.
Le médecin doit prendre toutes les mesures utiles pour garantir le respect du secret professionnel dans cette situation extrêmement sensible, notamment lors de l'échange d'informations médicales telles que les photographies (sécurisation et accès).
(1) Art. 61 du Code de déontologie médicale
(2) Tel que l'arbre décisionnel relatif à la maltraitance d'enfants proposé par le SPF Santé Publique: https://www.health.belgium.be/sites/default/files/uploads/fields/fpshealth_theme_file/arbre_maltraitance_denfants_0_8312424_fr.pdf