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Déontologie

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Vie privée05/03/2011 Code de document: a133013
Tests de paternité – Modification de l’avis du 19 octobre 1996

En sa séance du 5 mars 2011, le Conseil national de l´Ordre des médecins a examiné votre lettre du 26 novembre 2010 concernant le transmis de la copie du courriel du professeur X à propos d'un message publié par la firme Gendia au sujet des tests de paternité.

Le Conseil national se réfère à son avis du 16 juin 2001 et à la note de madame Hustin-Denies qui était reprise dans cet avis. A la suite de la modification du Code civil, intervenue entre-temps, cette note a été adaptée.

Vous trouverez en annexe la version actualisée de cette note.

Annexe :

Consécutivement à la loi du 1er juillet 2006 modifiant des dispositions du Code civil relatives à l'établissement de la filiation et aux effets de celle-ci (M.B., 29 décembre 2006), l'avis du Conseil national du 19 octobre 1996 « Génétique - Recherche de paternité - Communication de résultats d'examens génétiques à des tiers », BCN n°75, p.25, auquel il est fait référence dans son avis du 16 juin 2001 « Augmentation incontrôlée des tests de paternité », BCN n°93, p.11, doit être modifié.

En sa séance du 5 mars 2011, le Conseil national de l'Ordre des médecins a modifié son avis du 19 octobre 1996 « Génétique - Recherche de paternité - Communication de résultats d'examens génétiques à des tiers », BCN n°75, p.25, auquel il est fait référence dans son avis du 16 juin 2001 « Augmentation incontrôlée des tests de paternité », BCN n°93, p.11.

Ces modifications apparaissent en caractères italiques dans le texte.

L'avis du Conseil national du 19 octobre 1996 est adapté comme suit :

(...)

Note de Madame Hustin-Denies, assistante à la faculté de droit de l'UCL, :

Note concernant la recherche de la paternité biologique d'un mineur par le recours à la comparaison des empreintes génétiques en dehors du cadre d'une procédure judiciaire

L'absence de réglementation nationale et déontologique régissant l'utilisation des empreintes génétiques à des fins probatoires en matière de filiation a entraîné ces dernières années une recrudescence de leur usage à des fins privées, en dehors de toute procédure judiciaire. En France comme en Belgique, des laboratoires privés ou des cliniques universitaires sont nombreux à proposer leurs services à des particuliers, des avocats ou des médecins, aux fins de confirmer ou d'infirmer des parentés douteuses.

Conscient des dérives préjudiciables à la paix des familles (par la mise en cause d'une filiation en dehors des procédures et souvent des délais prévus par la loi) et à l'intérêt social (atteinte à l'autorité de l'état civil, à l'intégrité physique et à l'intimité de la vie privée du sujet) engendrées par le recours à ce procédé en dehors de toute garantie procédurale, le législateur français réglementa l'utilisation des empreintes génétiques dans la récente loi du 29 juillet 1994, relative au statut civil du corps humain. Cette loi limite en effet la possibilité d'identifier une personne par la technique des empreintes génétiques en matière civile, aux cas où ce procédé est mis en oeuvre avec l'accord exprès des intéressés et en exécution d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge saisi d'une action tendant notamment à l'établissement ou à la contestation d'un lien de filiation.

Ignorées en revanche totalement du législateur belge, les implications de l'utilisation des empreintes génétiques en dehors de tout contexte judiciaire tombent actuellement dans un vide législatif propre à favoriser les atteintes aux droits et aux libertés des individus.

Mais l'absence de texte légal ne doit pas tromper. L'utilisation des empreintes génétiques en dehors de tout contexte procédural s'inscrit selon nous en marge de la licéité. Nous rappellerons à cet égard l'adage qui veut que "tout ce qui n'est pas interdit n'est pas pour autant permis". Celle-ci pose en effet des difficultés à plusieurs niveaux.

I. D'une part, concernant la responsabilité du médecin qui pratique le test ou même qui conseille à son patient d'y recourir, plusieurs remarques doivent être formulées.

Si le prélèvement nécessaire à la réalisation d'une empreinte génétique ou si le processus d'expertise lui-même peuvent nécessiter l'intervention d'un médecin, tantôt praticien, tantôt généticien, il semble pourtant difficile d'inclure cette intervention dans la catégorie des actes médicaux que la loi légalise.

Nous rappellerons brièvement à ce propos les limites dans lesquelles la réalisation d'une activité médicale invasive est autorisée par la loi et plus spécifiquement par l'article 11 de l'arrêté royal n° 78 relatif à l'art de guérir.

Ces limites s'entendent d'une part des conditions cumulatives de légalité formelle précisées par la loi ou la jurisprudence et, d'autre part, des conditions dites de légalité élémentaire de tout acte.

Les conditions de la légalité formelle de l'activité médicale exigent les actes posés par un agent compétent dans le but thérapeutique de veiller à la santé du patient en lui prodiguant les meilleurs soins, ayant obtenu son consentement libre et éclairé.

Les conditions générales de la légalité élémentaire de tout acte s'inscrivent dans l'optique d'une médecine respectueuse de la personne humaine et présupposent que le praticien n'adoptera pas une mesure qui ne serait pas utile ou qui ne serait pas strictement nécessaire à la santé de son patient, ou plus exceptionnellement, à la satisfaction d'un objectif autre que thérapeutique. Il s'abstiendra en outre de toute mesure qui, tout en répondant aux objectifs de "moindre frais", lèserait de manière démesurée, disproportionnée un autre intérêt, voire une autre valeur.

Dans l'hypothèse où le prélèvement réalisé sur la personne des parents et de l'enfant mineur en vue de réaliser une empreinte génétique n'a pas pour but de veiller à la santé et à la sécurité des patients en leur prodiguant les meilleurs soins par des actes de diagnostic, de traitements ou de prévention, nous devons constater qu'il ne rentre pas dans le cadre légal classique de toute activité médicale. Certes, en application du principe général contenu à l'article 70 du code pénal, certaines lois particulières justifient des interventions médicales diverses en dehors de tout contexte thérapeutique, notamment en matière de transplantation d'organes ou d'interruption volontaire de grossesse. Dans cette optique s'inscrit sans doute le texte de l'article 331octiès du code civil qui, en conférant au magistrat le pouvoir d'ordonner dans le cadre d'une action relative à la filiation toute méthode scientifiquement éprouvée, justifie indirectement l'activité non thérapeutique du médecin. Une telle justification n'est cependant pas d'application dans le cas qui nous occupe puisque le prélèvement est pratiqué en marge de tout contexte judiciaire et, par conséquent, indépendamment de l'injonction d'un magistrat.

En outre, l'exigence du consentement du patient à l'intervention médicale semble également violée, au moins partiellement. En effet, les parents désireux à titre purement informatif d'infirmer ou de confirmer une parenté dont ils doutent peuvent certainement disposer de leur propre corps. Ils ne sont pas pour autant libres de disposer du corps de leur enfant. Certes les parents disposent du pouvoir de représenter leur enfant dans tous les actes qui le concernent et notamment de consentir en lieu et place de cet enfant aux actes médicaux. Ce pouvoir de représentation découle directement des règles de l'autorité parentale, exercée par les parents en raison du lien de filiation, exclusivement dans le respect de l'intérêt primordial de l'enfant. A nouveau, nous devons constater que les parents s'ils peuvent représenter l'enfant dans le contexte de l'acte médical ne peuvent valablement consentir en son nom à un acte qui, violant les règles de légalité formelle de l'acte médical, ne constitue plus un acte médical mais bien une violation injustifiée de l'intégrité physique de l'enfant. Ce consentement donné au nom de l'enfant constitue selon nous un abus d'autorité parentale dès lors qu'il est donné au détriment de l'intérêt et des droits fondamentaux de l'enfant mais au profit des seuls parents. Nous reviendrons plus amplement sur cette question un peu plus tard.

De ces deux remarques, une constatation s'impose : la recherche officieuse des preuves de la filiation d'un enfant mineur par le recours aux empreintes génétiques viole les conditions de légalité formelle de tout acte médical en ce qu'elle présuppose une atteinte à l'intégrité physique de l'enfant pratiquée dans un but non thérapeutique et sans le consentement valable de l'intéressé. Elle engage donc la responsabilité du médecin susceptible d'être poursuivi sur le plan pénal pour coups et blessures, le caractère bénin de cette atteinte ne pouvant être pris en cause au niveau de l'engagement de cette responsabilité.

Il nous semble en outre impossible de conférer à cette atteinte un caractère thérapeutique même indirect qui résiderait par exemple dans la nécessité d'un point de vue psychologique, de permettre à un couple de connaître la vérité sur la filiation de leur enfant. L'utilisation de la personne de l'enfant ainsi que la remise en cause de son droit fondamental à une vie familiale normale (sur lequel nous reviendrons) constituent selon nous des atteintes disproportionnées au regard de l'objectif que la méthode prétend servir. L'exigence de nécessité semble en outre mise à mal si l'on envisage la possibilité pour le couple en danger de recourir à des thérapies familiales ou à un secours psychologique dans lequel aucune intervention de la personne de l'enfant sera requise. La mise à mal des critères de nécessité et de proportionnalité empêche donc ce type d'intervention de remplir les conditions de légalité élémentaire de tout acte.

II. D'autre part, concernant les droits fondamentaux de l'enfant mis en cause par le recours à ce processus, plusieurs observations s'imposent.

Au préalable, nous rappellerons brièvement que le législateur entoure d'une protection toute particulière la filiation d'un enfant lorsqu'elle est légalement établie. Ainsi, sans entrer dans des considérations de technique juridique, nous préciserons la protection attribuée à la filiation de l'enfant né dans le mariage ainsi que celle qui vise la filiation de l'enfant né hors mariage.

Tant pour l'enfant né hors mariage que pour l'enfant né dans le mariage, la maternité est établie par l'acte de naissance dans la plupart des cas. C'est ce qu'il ressort du prescrit de l'article 312 du code civil.

Par contre, concernant la paternité, le législateur distingue selon que l'enfant est né dans ou hors mariage.

Pour l'enfant né dans le mariage, l'article 315 du Code civil prévoit que la filiation paternelle est établie par le biais d'une présomption de paternité dont le poids ne doit pas être sous-estimé. Celle-ci ne pourra en effet être contestée que par quelques intéressés, à savoir : le mari de la mère, la mère elle-même et seulement pour elle-même, l'enfant lorsqu'il a atteint l'âge de la majorité et la personne qui revendique la paternité de l'enfant (article 318, § 1, C.C.).

En outre, les délais pour contester cette présomption et par conséquent pour permettre légalement à l'enfant de voir une autre filiation, notamment une filiation biologique, remplacer la filiation présumée sont très brefs. L'action de la mère doit être intentée dans l'année de la naissance. L'action du mari doit être intentée dans l'année de la découverte du fait qu'il n'est pas le père de l'enfant, celle de celui qui revendique la paternité de l'enfant doit être intentée dans l'année de la découverte qu'il est le père de l'enfant et celle de l'enfant doit être intentée au plus tôt le jour où il a atteint l'âge de douze ans et au plus tard le jour où il atteint l'âge de vingt-deux ans ou dans l'année de la découverte du fait que le mari n'est pas son père (article 318, § 2, C.C.).

Pour l'enfant né hors mariage, l'article 319 du code civil prévoit que la filiation paternelle peut être établie par le biais d'une reconnaissance. A moins que l'enfant ait la possession d'état à l'égard de celui qui l'a reconnu, la reconnaissance paternelle peut être contestée par la mère, l'enfant, l'auteur de la reconnaissance et l'homme qui revendique la paternité (article 330 C.C.).

L'action du père, de la mère ou de la personne qui a reconnu l'enfant doit être intentée dans l'année de la découverte du fait que la personne qui a reconnu l'enfant n'est pas le père ou la mère; celle de la personne qui revendique la filiation doit être intentée dans l'année de la découverte qu'elle est le père ou la mère de l'enfant; celle de l'enfant doit être intentée au plus tôt le jour où il a atteint l'âge de douze ans et au plus tard le jour où il a atteint l'âge de vingt-deux ans ou dans l'année de la découverte du fait que la personne qui l'a reconnu n'est pas son père ou sa mère (article 330, § 1, C.C.).

Cependant, le législateur entend protéger la filiation établie de cette manière par deux moyens : d'une part, l'auteur de la reconnaissance ou ceux qui y ont consenti ne seront recevables à contester cette filiation que pour autant qu'ils prouvent que leur consentement à la reconnaissance a été vicié (par exemple par erreur, dol ou violence), d'autre part, lorsque l'enfant a la possession d'état (entendons par là un faisceau de présomptions qui, prises ensemble ou isolément attestent de l'existence du lien de filiation. Parmi ces indices nous citerons à titre exemplatif : le fait que l'enfant ait toujours porté le nom de son père, le fait que le père ait toujours ressenti l'enfant comme le sien ou encore, le fait que l'entourage ait toujours considéré l'enfant et son père comme tels) à l'égard de celui qui l'a reconnu, toute contestation est irrecevable.

Ce très bref survol des règles légales en matière de filiation paternelle nous permettent d'observer que le législateur a entendu dans de nombreux cas protéger de manière définitive la filiation établie.

La recherche clandestine de la paternité dans des cas où plus aucune contestation légale de la filiation n'est possible nous semble extrêmement dangereuse. Il s'agira en effet de dévoiler à l'enfant et à ses parents légaux une vérité biologique susceptible dans de nombreux cas de troubler la sérénité familiale à laquelle il peut aujourd'hui prétendre. En effet, l'article 8 de la Convention internationale des droits de l'enfant que la Cour de cassation a déclaré directement applicable, proclame le droit pour l'enfant de préserver ses relations familiales telles qu'elles sont reconnues par la loi nationale du pays dont il est sujet (Cass. 11 mars 1994, Pas., I, p. 247).

Le dévoilement de cette vérité, en contradiction avec une filiation légale incontestable et définitive nous apparaît non seulement contraire à l'intérêt de l'enfant mais aussi dans certains cas dangereuse pour lui. L'enfant pourrait en effet être victime de violences morales ou physiques de la part d'un père trompé. Notons que dans cette hypothèse, la responsabilité civile du médecin ou de l'établissement ayant pratiqué le test pourrait être engagée.

Enfin, si le droit de l'enfant au respect de sa vie privée et familiale consacré par les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme doit être entendu comme son droit à préserver le secret de sa filiation, le dévoilement non consenti par lui, totalement inutile et nuisible à son intérêt, d'une vérité biologique en contradiction avec la vérité légale porte assurément atteinte à ce droit. Pour toutes ces raisons, elle nous paraît devoir être condamnée.

III. Concernant le pouvoir de représenter l'enfant, nous rappellerons que les parents investis de l'autorité parentale sur la personne et sur les biens de l'enfant disposent de ce fait du pouvoir de le représenter dans tous les actes de la vie courante. Ils sont néanmoins tenus d'exercer cette autorité parentale dans l'intérêt de l'enfant.

Il nous apparaît donc que le consentement donné par des parents à un acte attentatoire à son intégrité physique de manière injustifiée (comme nous l'avons précisé précédemment) ne peut valoir représentation.

En outre, le fait pour des parents de consentir au nom de l'enfant au dévoilement d'une vérité manifestement contraire à son intérêt (violation de son droit à une vie familiale paisible, de son droit au respect de la vie privée) ne peut rentrer dans les prérogatives de l'autorité parentale exercée, rappelons-le, exclusivement dans le respect de cet intérêt. Le consentement donné pour l'enfant à de tels actes est alors mû par la curiosité des parents et constitue selon nous un abus de l'autorité parentale, susceptible d'engager également la responsabilité civile des parents. Il ne saurait être considéré comme une représentation valable de l'enfant.

Nous ajouterons simplement que l'article 7 de la Convention internationale des droits de l'enfant prévoit pour l'enfant, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux.

Il nous semble à propos de ce texte pouvoir noter plusieurs choses.

D'une part, ce droit de connaître ses parents ne peut être dissocié selon nous du droit de faire établir sa filiation à leur égard, chose impossible dans de nombreux cas de recherche clandestine de la filiation.

D'autre part, les termes "dans la mesure du possible" peuvent être compris au sens de : "lorsque la loi n'y fait pas obstacle". Ces obstacles légaux peuvent selon nous être des filiations légales déjà établies et impossibles à contester.

Enfin, ce droit de l'enfant à connaître ses origines ne peut être envisagé que comme un droit purement personnel, non susceptible de représentation. On ne peut, dans ces circonstances, envisager une recherche clandestine des origines de l'enfant exercée en son nom par ses parents.

Secret professionnel11/12/2010 Code de document: a132010
Réfugiés – Mutilation génitale – Secret professionnel

Le Conseil national est interrogé concernant son avis du 5 juillet 2010 intitulé « Réfugiés - Mutilation génitale - Secret professionnel » en ce qu'il réfère à la nécessité d'avoir recours à la réglementation spécifique relative à la consultation du dossier médical d'un mineur.

Avis du Conseil national :

En sa séance du 11 décembre 2010, le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné votre courrier du 28 juillet 2010 concernant l'avis du Conseil national du 5 juin 2010 intitulé « Réfugiés - mutilation génitale - secret professionnel ».

Les droits du patient fixés par la loi du 22 août 2002, dont le droit de consultation du dossier médical, sont exercés dans le cas d'un mineur d'âge par les parents exerçant l'autorité sur le mineur ou par son tuteur (article 12, § 1). L'enfant mineur est associé à l'exercice de ses droits suivant son âge et sa maturité ; il peut exercer ses droits de manière autonome s'il est jugé apte à apprécier raisonnablement ses intérêts (article 12, § 2).

L'article 15, § 1, de la loi prévoit qu'en vue de la protection de la vie privée du patient, le médecin peut rejeter en tout ou en partie la demande de la personne visée à l'article 12, § 1, en vue d'obtenir la consultation ou la copie du dossier médical. Dans ce cas, le droit de consultation ou de copie est exercé par un praticien professionnel désigné par le représentant - en l'espèce les parents ou le tuteur.

Le médecin qui craint qu'il soit porté atteinte à l'intégrité physique d'une jeune fille, ou qui constate que tel a été le cas, du fait ou avec le consentement de ses parents ou de son tuteur, peut faire application de l'article 15, § 1, de la loi.

C'est à cette disposition de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient que le Conseil national fait référence.

En suivant votre suggestion le Conseil national transmet son avis dont question au Commissariat général aux réfugiés et apatrides.

Chirurgie20/11/2010 Code de document: a132004
Avis concernant trois propositions de loi relatives aux interventions à visée esthétique

Trois propositions de loi relatives aux interventions à visée esthétique ont été soumis au Conseil national pour avis. Ces propositions visent à réglementer la publicité de ces interventions à visée esthétique, les qualifications professionnelles médicales requises pour les poser et les installations extrahospitalières où elles sont réalisées.

Avis du Conseil national :

En sa séance du 20 novembre 2010, le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné les trois propositions de loi relatives aux interventions à visée esthétique que vous lui avez soumises pour avis.

Le Conseil national approuve les principes qu'elles contiennent, lesquels répondent aux préoccupations soulevées dans la correspondance qu'il vous a adressée le 25 septembre 2008.

Ces propositions sont en concordance avec la déontologie médicale et visent à protéger l'intérêt du patient et à promouvoir la qualité des soins qui lui sont donnés.

Elles sont complémentaires et justifiées par la nécessité de légiférer en la matière sur trois plans: la publicité, les conditions de qualification du médecin et les normes requises pour les installations extrahospitalières.

Le Conseil national formule les commentaires suivants.

1. Il estime indispensable qu'un médecin désigné par le Conseil national de l'Ordre des médecins fasse partie du Collège visé à l'article 10 de la proposition de loi réglementant les institutions extrahospitalières où sont pratiqués des actes invasifs d'esthétique.

2. L'article 4 de la proposition de loi réglementant les qualifications requises pour poser des actes d'esthétique médicale invasive traite des interventions d'esthétique médicale invasives sur les mineurs.

Le Conseil national estime qu'une disposition d'une telle importance devrait figurer dans la loi relative aux droits du patient plutôt que celle traitant des qualifications requises pour poser des actes d'esthétique médicale invasive, dès lors qu'elle constitue une exception à l'article 12 de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient qui prévoit que le patient mineur peut exercer ses droits de manière autonome lorsqu'il est jugé apte à apprécier raisonnablement ses intérêts.

Il considère que l'accord écrit de tous les représentants légaux devrait être requis et non celui d'un seul.

Cette disposition devrait prévoir que le patient mineur doit être associé à la décision, suivant son âge et sa maturité. Le refus de consentement du mineur à une intervention invasive à visée esthétique, par définition (article 2, 1°, de la proposition) sans but thérapeutique ni reconstructeur et ne faisant pas l'objet d'un remboursement par le système de l'assurance maladie obligatoire, doit être un obstacle définitif à la réalisation d'un tel acte.

La concertation préalable à la réalisation d'un tel acte devrait être le fait d'une équipe pluridisciplinaire composée au moins du médecin généraliste du mineur, d'un pédiatre et d'un (pédo)psychiatre ou (pédo)psychologue.

L'objet de cette concertation devrait être précisé et stipuler à tout le moins qu'elle a pour but d'apprécier si l'intervention esthétique projetée n'est pas préjudiciable à la santé mentale et physique du mineur.

Un délai minimal devrait être fixé entre l'expression du consentement et la réalisation de l'acte, celui-ci étant par nature non urgent puisque non thérapeutique.

L'article 6 prévoit la création d'une formation en « Médecine esthétique non chirurgicale » menant à un titre professionnel particulier dont le niveau n'est pas précisé.

Le Conseil national estime qu'il ne peut s'agir d'un titre repris à l'article 1er de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 établissant la liste des titres professionnels particuliers réservés aux praticiens de l'art médical. Ce titre doit être inclus dans l'article 2 de cet arrêté royal afin d'être accessible aux médecins déjà titulaires d'un titre professionnel.

En outre, le Conseil national constate que la création d'un titre professionnel relève de la compétence du ministre qui a la santé dans ses attributions, sur avis du Conseil supérieur des médecins spécialistes et des médecins généralistes.

L'article 10 de cette proposition semble inutile à la lecture des articles 6 et 7, vu la définition de l'esthétique médicale invasive donnée à l'article 2, 2°.

Les articles 13, 14 et 15, dont le contenu est primordial, auraient également plus de pertinence s'ils apparaissaient dans la loi relative aux droits du patient, plutôt que dans une loi relative aux qualifications professionnelles du médecin.

3. L'article 4, alinéa 5, de la proposition de loi réglementant la publicité relative aux interventions à visée esthétique prévoit que « la publicité personnelle doit toujours mentionner le titre du praticien, sous lequel il est inscrit à l'Ordre des médecins ».

Les médecins n'étant pas inscrits à l'Ordre sous un titre particulier, il serait plus opportun que le praticien doive faire mention du (des) titres(s) professionnel(s) dont il dispose et figurant dans l'arrêté royal précité du 25 novembre 1991.

Il serait utile de prévoir dans cet article que le témoignage ou l'image d'un patient ne peuvent être utilisés.

L'article 4, alinéa 6, vise la publicité qui porte sur un ou plusieurs actes esthétiques déterminés. Le Conseil national s'interroge sur l'admissibilité d'une telle publicité dès lors que l'alinéa 1er de ce même article dispose que la publicité relative aux interventions d'esthétique médicale est interdite.

En outre, la loi relative aux droits du patient impose que les informations énumérées dans cet alinéa soient fournies au patient.

4. Une discordance apparaît entre les titres des textes dans leur version française, étant fait référence, soit aux interventions à visée esthétique, soit aux actes d'esthétique.
Cette discordance existe également dans le corps des textes.

En néerlandais, le terme cosmetisch devrait être remplacé par esthetisch.

Les définitions de l'acte d'esthétique médicale et de l'acte d'esthétique médicale invasif reprises dans les différentes propositions ne sont pas superposables, ce qui est source de confusion.

En outre, la concordance entre les versions française et néerlandaise de ces définitions devrait être revue (voy. par exemple l'article 5 de la proposition de loi réglementant les qualifications requises pour poser des actes d'esthétique médicales invasive.).

Le Conseil national se tient à votre disposition pour tout entretien ou toute information que vous estimeriez utile.

Secret professionnel05/06/2010 Code de document: a130021
Réfugiés – Mutilation génitale – Secret professionnel

Dans le cadre de l'octroi du statut de réfugié, des médecins sont sollicités afin de remplir un modèle de formulaire à transmettre au Commissariat général aux réfugiés et apatrides (CGRA) et renfermant des informations sensibles.
Il est demandé au Conseil national de clarifier les obligations déontologiques en rapport avec ce type de question.

Avis du Conseil national :

En sa séance du 5 juin 2010, le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné la procédure qui, en vertu des dispositions de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, permet l'octroi du statut de réfugié à des personnes qui subissent ou courent le risque de subir des « actes dirigés contre des personnes en raison de leur sexe ».

L'exposé des motifs indique que la mutilation génitale est également visée.

Depuis 2007, des demandes d'asile sont motivées, dans des proportions importantes pour certaines nationalités, par la menace d'une mutilation génitale dans le pays d'origine. L'expérience a montré toutefois que l'octroi du statut de réfugié ne garantit pas qu'une mutilation génitale ne puisse quand même être infligée à la fillette sur le territoire européen ou encore lors d'un séjour dans le pays d'origine.

Le Commissariat général aux réfugiés et apatrides (CGRA) a reçu la compétence de vérifier si les circonstances ayant conduit à l'octroi du statut de réfugié sont toujours d'actualité.

A cette fin, le CGRA a élaboré une procédure de contrôle permettant le suivi de l'intégrité physique des personnes réfugiées qui ont obtenu l'asile en raison de la menace d'une mutilation génitale. Ces personnes sont invitées chaque année à subir un examen médical. Le CGRA propose une liste non limitative de médecins familiarisés avec cette problématique. Il est demandé au médecin consulté de remplir et signer un certificat médical préimprimé attestant l'absence ou le type de mutilation génitale. Ce document doit être transmis par les réfugiés à l'administration du CGRA où le dossier est traité par une personne familiarisée avec la problématique. Sur la base des documents transmis, cette dernière juge s'il y a absence de lésions dues à une mutilation et si le statut de réfugié peut être prolongé. Les documents sont joints au dossier d'asile du ou des parents.

***

Le Conseil national estime que la communication de ces données sensibles à un non-médecin de l'administration n'est ni acceptable ni nécessaire. Le dossier médical, les croquis ou la documentation photographique doivent être conservés sous la responsabilité des médecins consultés dans le cadre de cette procédure. Ces médecins ne doivent rien communiquer de plus au CGRA que le strict nécessaire à l'objet de cet examen médical, à savoir la simple conclusion que la condition de prolongation de l'asile est ou non remplie. Des informations plus précises ne peuvent être fournies qu'en cas d'absolue nécessité, pour permettre la compréhension et l'utilisation de la conclusion par l'administration.

Le Conseil national attire également l'attention sur le fait que l'exercice du droit de consultation du dossier médical peut dans ce contexte s'avérer délicat et que cela appellerait une réglementation spécifique en conformité avec l'article 15, § 1er, de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient.

Le Conseil national estime en outre qu'il est opportun de définir les critères de la sélection des «médecins familiarisés avec la problématique de la mutilation génitale», de donner à ces médecins un statut et de dresser une liste suffisamment étoffée de praticiens qui permette un choix au patient et à sa famille.

Consentement éclairé20/02/2010 Code de document: a129015
Tests de détermination d’âge des mineurs étrangers non accompagnés

Un conseil provincial interroge le Conseil national sur le test médical retenu par le Service des Tutelles, rattaché au Service public fédéral Justice, pour déterminer l'âge des mineurs étrangers non accompagnés.

Avis du Conseil national :

Concerne : votre courrier du 19 décembre 2008 relatif aux tests de détermination d'âge des mineurs étrangers non accompagnés.

En sa séance du 20 février 2010, le Conseil national de l'Ordre des médecins a analysé les questions posées par le professeur X concernant le test de détermination d'âge pratiqué sur des mineurs étrangers non accompagnés.

Un test de détermination d'âge peut être fait dans des circonstances et à des fins différentes. En l'espèce, le contexte dans lequel s'inscrit la question du professeur X est le suivant.

La Belgique a mis en place un régime spécifique de représentation légale et d'assistance des mineurs étrangers non accompagnés (M.E.N.A.), la Tutelle (loi-programme du 24 décembre 2002 (I) (art. 479) - Titre XIII - Chapitre VI : Tutelle des mineurs étrangers non accompagnés).
Le tuteur accompagne et représente le mineur durant son séjour en Belgique, dans ses démarches administratives (son statut de séjour, sa procédure d'asile), son accueil, son hébergement, sa scolarité, son droit à l'aide sociale d'un CPAS, aux allocations familiales,... Sa mission est de soutenir le mineur dans toutes ses démarches et de l'aider à formuler un projet d'avenir. Le mineur n'est plus seul et peut ainsi affronter, avec une personne de confiance, les différents obstacles administratifs (souvent difficiles et inadaptés à son âge et à son vécu) et de la vie quotidienne qu'il va rencontrer.

Cette loi s'inscrit dans le cadre de la Résolution du Conseil de l'Union européenne du 26 juin 1997 concernant les mineurs non accompagnés ressortissants de pays tiers, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, notamment en ses articles 2 et 3, relatifs à la non-discrimination et à l'intérêt supérieur de l'enfant.

En matière de séjour, à côté de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, la circulaire ministérielle du 15 septembre 2005 relative au séjour des mineurs étrangers non accompagnés organise une procédure spécifique au M.E.N.A. visant à trouver une solution durable à tout M.E.N.A. se trouvant sur le territoire et veillant à ce que cette solution soit conforme à l'intérêt supérieur de l'enfant et au respect de ses droits fondamentaux.

Le M.E.N.A. est toute personne qui paraît être âgée ou qui déclare être âgée de moins de 18 ans, et qui :
- n'est pas accompagnée par une personne exerçant l'autorité parentale ou la tutelle en vertu de la loi applicable conformément à l'article 35 de la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé;
- est ressortissante d'un pays non membre de l'Espace Economique Européen (E.E.E.) ;
et qui se trouve dans une des situations suivantes :
- soit, a demandé la reconnaissance de la qualité de réfugié;
- soit, ne satisfait pas aux conditions d'accès au territoire et de séjour déterminées par la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étranger (articles 1 et 5 de la loi-programme du 24 décembre 2002).

Le statut de M.E.N.A. dépend de la réalisation de ces conditions, dont la condition de minorité. La minorité peut être prouvée par toute voie mais en cas de doute, la loi prévoit le recours à un test médical, dans le but d'obtenir une preuve objective.

Le test médical qui a été retenu par le Service de tutelle, et qui est le même que celui pratiqué dans d'autres circonstances par le parquet, est communément appelé le triple test. Il consiste en la réalisation de trois radiographies: orthopantomogramme (image de la dentition), radiographie du poignet et radiographie de la clavicule.

La réalisation des trois examens pose la question éthique de l'utilisation de rayons X à des fins non médicales et plus précisément, à des fins médico-légales. Il pose également la question de l'utilisation de paramètres scientifiques à des fins juridiques.

Le Conseil national émet les considérations suivantes à ce propos.

Les rayons X constituent un rayonnement ionisant qui peut comporter un risque pour la santé. Dans le cas présent, ce risque est minime si les règles de bonne pratique sont respectées.

Une irradiation ne peut être pratiquée qu'avec prudence, surtout lorsque le sujet est jeune. Elle doit être la plus faible et la plus brève possible et être conforme aux directives de radioprotection. Elle ne doit pas être répétée inutilement.

L'interprétation d'une radiographie n'est pas une méthode infaillible pour déterminer l'âge d'une personne.

Cette interprétation requiert une expertise spécifique.

La technique de la détermination de l'âge osseux permet uniquement de déterminer l'âge du squelette ; la concordance avec l'âge civil du sujet est une appréciation diagnostique.

Différents facteurs (ethnique, génétique, endocrinien, socio-économique, nutritionnel, médical...) peuvent influencer la croissance d'un individu.
Les tables de maturation osseuse servant de références sont établies sur base d'une population déterminée, les plus utilisées reposent sur des populations blanches occidentales. Pour que la référence soit pertinente, le sujet auquel elles sont appliquées doit appartenir à la même population.

Les critères dentaires dépendent notamment des origines ethniques, du niveau socio-économique et nutritionnel de l'individu.

En outre, une difficulté réside dans la reproductibilité de l'interprétation des examens entre les différents experts.

L'estimation contient toujours un facteur d'imprécision, et ne peut dès lors aboutir qu'à fournir un intervalle de fiabilité. Le doute doit toujours profiter à la personne qui se déclare mineure.

L'exposition aux rayons ionisants n'est justifiée éthiquement que si elle offre plus d'avantages que d'inconvénients.

Le Service de tutelle doit mettre en balance l'intérêt de la détermination approximative de l'âge avec le risque, même très faible, que sa réalisation nuise à la santé de l'individu.

Le Conseil national considère, pour les raisons exprimées ci-avant, que les autres indices permettant de déterminer l'âge de l'individu ne doivent pas être négligés.

En tout état de cause, le test ne peut être réalisé sans le consentement de la personne, qui doit avoir reçu les informations nécessaires concernant la finalité du test, ses contre-indications et les risques inhérents.

Cette information doit être donnée dans un langage clair et compréhensible, le cas échéant par l'intermédiaire d'un interprète.

Le consentement doit être donné expressément.

L'assistance d'un tuteur ou d'une personne de référence est importante à ce stade de la procédure pour la personne concernée, bien que la loi-programme du 24 décembre 2002 prévoie que la désignation du tuteur intervient lorsque le statut de M.E.N.A. de la personne est établi, sauf extrême urgence.

L'examinateur doit disposer du temps nécessaire et des conditions propices à la réalisation d'un test de qualité.

L'examen doit être réalisé dans le respect de l'individu.

Enfin, le Conseil national ne voit pas d'objection à ce que le résultat du test, c'est-à-dire l'estimation de l‘âge de l'individu, soit transmis directement à l'autorité publique, tout autre élément révélé lors du test étant couvert par le secret professionnel.

cc. CP Brabant (F)

Euthanasie20/02/2010 Code de document: a129018
Réanimation des enfants extrêmement prématurés

En sa séance du 20 février 2010, le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné la question de savoir si le fait de renoncer à réanimer des enfants extrêmement prématurés expose le médecin à des poursuites.

Malgré l'élargissement des connaissances médicales et des possibilités technologiques en vue de mieux gérer les conséquences d'une naissance prématurée, la médecine continue de se heurter à des limites d'âge toujours plus basses. Dans ces cas, la décision d'instaurer ou pas, de cesser ou pas un traitement chez des patients individuels reste très difficile. Ainsi, les prématurités extrêmes confrontent en permanence à des situations sans issue où un traitement prolongeant la vie ne fait que différer la mort ou comporte le risque d'un dommage physique et psychique très grave.

En principe, un acte médical a toujours pour but la réalisation d'un bénéfice thérapeutique, le maintien ou l'amélioration de l'état de santé du patient. Des actes médicaux qui ne conduisent pas raisonnablement à un bénéfice thérapeutique perdent leur légitimité et, dans des situations spécifiques, il est admis de ne pas mettre en œuvre ou d'abandonner des thérapies prolongeant la vie. Ceci requiert évidemment l'application de critères de prudence stricts. Ainsi, le diagnostic doit révéler un pronostic sans issue et des médecins indépendants doivent être associés au processus de décision. Et les parents doivent recevoir une information de soutien professionnelle, adaptée à la situation. L'équipe médicale doit veiller à la garantie maximale du confort du nouveau-né gravement malade et, à cette fin, lui prodiguer des soins palliatifs effectifs et assurer avec les parents un accompagnement de fin de vie humain.

Même s'il existe une certaine tolérance aux Pays-Bas sur la base du protocole de Groningen (N ENG J MED, 2005 ; 352 : 959-962), aucun pays ne dispose à l'heure actuelle d'une loi permettant de mettre un terme activement à la vie de nouveau-nés.

Consentement éclairé06/02/2010 Code de document: a129013
Dispensation de soins à des mineurs – Consentement des deux parents

Avis du Conseil national suite à une demande d'un conseil provincial :

En sa séance du 6 février 2010, le Conseil national a examiné votre courrier du 7 juillet 2009 concernant la problématique du consentement des deux parents d'un enfant mineur à la dispensation de soins irréversibles et non urgents à ce dernier.

1. L'exercice de l'autorité parentale dans les soins de santé apportés à un enfant a déjà donné lieu à plusieurs avis du Conseil national dont vous trouverez copie en annexe.
- Avis du 21 mars 2009, Parents non-cohabitants - choix du médecin (BCN n° 125, p. 9) ;
- Avis du 19 janvier 2008, Droit d'information sur l'état de santé d'un enfant pour le parent qui n'exerce pas l'autorité parentale (BCN n° 119, p. 7);
- Avis du 18 octobre 1997, Le médecin et les enfants de parents non-cohabitants (BCN n° 79, p. 25) ;
- Avis du 16 novembre 1996, Le médecin et les enfants de parents non-cohabitants au regard des modifications de la législation en la matière (BCN n° 76, p. 20).

2. Les deux parents - qu'ils vivent ensemble ou non - exercent conjointement l'autorité parentale vis-à-vis de leur enfant, à moins qu'une décision judiciaire n'ait confié à l'un d'eux l'exercice de cette autorité en tout ou en partie (articles 373 et 374 du Code civil).

A l'égard des tiers de bonne foi, chacun des père et mère est réputé agir avec l'accord de l'autre quand il accomplit seul un acte de cette autorité sous réserve des exceptions prévues par la loi (article 373, alinéa 2, du Code civil).

Complémentairement aux avis précités, le Conseil national recommande, dans l'hypothèse de soins irréversibles et non urgents apportés à un enfant, que le médecin consulté par un seul des parents, bien qu'il puisse se prévaloir de la présomption visée à l'article 373, al. 2, du Code civil, fasse preuve de prudence et tente de s'assurer du consentement des deux parents.

Dans le cas où le médecin a connaissance d'un désaccord entre les parents, le Conseil national renvoie à son avis du 16 novembre 1996, en son point 2, a.

Si le mineur n'est pas apte à apprécier raisonnablement ses intérêts, le médecin s'efforce d'obtenir l'assentiment des deux parents, éventuellement en recourant à l'avis d'un confrère ou par le biais d'une concertation multidisciplinaire.

Si le désaccord persiste, chacun des parents peut soumettre le litige au juge de la jeunesse.

Tous les éléments relatifs à la décision prise doivent figurer dans le dossier médical.

3. En cas d'urgence, l'intérêt de l'enfant l'emporte sur le désaccord entre les parents.

Conformément à l'article 15, § 2, de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient, dans l'intérêt du patient et afin de prévenir toute menace pour sa vie ou toute atteinte grave à sa santé, le médecin peut, dans le cadre d'une concertation pluridisciplinaire, déroger à la décision prise par les parents.

4. Si le mineur est apte à apprécier raisonnablement ses intérêts (suivant son âge et sa maturité), il peut décider lui-même d'accepter ou non les soins proposés (article 12 de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient).

Libre choix du médecin21/03/2009 Code de document: a125015
Parents non-cohabitants – Choix du médecin

Un père (provisoirement encore marié) demande s'il peut interdire à un médecin généraliste de soigner ses enfants.

Avis du Conseil national :

En sa séance du 21 mars 2009, le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné votre courriel du 25 janvier 2009.

Suivant la loi relative aux droits du patient, le patient mineur « qui peut être estimé apte à apprécier raisonnablement ses intérêts » exerce de manière autonome les droits énumérés dans cette loi. Il peut donc choisir librement son médecin (article 6).

Le mineur qui n’est pas apte à apprécier raisonnablement ses intérêts n’exerce pas ses droits de manière autonome. Ces droits sont exercés par les parents.

En vertu de l’article 373 du Code civil, le père et la mère qui vivent ensemble exercent conjointement leur autorité sur la personne de l'enfant. A défaut d'accord entre les parents vivant ensemble, l’un d’eux peut saisir le tribunal de la jeunesse. Il s’agit tant d’un recours a priori que d’un recours a posteriori.

Lorsque les parents ne vivent pas ensemble, l'exercice de l'autorité parentale reste en principe conjoint. A défaut d'accord sur l'organisation de l'hébergement de l'enfant, sur les décisions importantes concernant sa santé, son éducation, sa formation, ses loisirs et sur l'orientation religieuse ou philosophique ou si cet accord lui paraît contraire à l'intérêt de l'enfant, le juge compétent peut confier l'exercice exclusif de l'autorité parentale à l'un des parents.

Vie privée21/02/2009 Code de document: a125007
La réalisation d’un test de paternité

Habituellement, les tests de paternité sont demandés dans le cadre de procédures judiciaires, mais le nombre croissant de familles recomposées et la possibilité d’acheter librement ces tests font s’estomper les frontières.
L’avis du Conseil national est demandé au sujet de la réalisation d’un test de paternité chez des personnes qui ne sont pas des patients du médecin (dont un mineur), dans un contexte probablement non judiciaire.

Avis du Conseil national :

En sa séance du 21 février 2009, le Conseil national de l’Ordre des médecins a terminé la discussion de votre lettre du 17 avril 2008 concernant la réalisation d’un test de paternité chez des personnes qui ne sont pas des patients du médecin.

Dans le cadre d’une procédure judiciaire de contestation ou de reconnaissance de paternité, la requête doit en tous cas émaner d’une décision du juge compétent.

En l’espèce, le test de paternité concerne un mineur et la filiation est mise en question à titre privé, hors le cadre d’une procédure judiciaire, sans avantage direct ou indirect pour l’enfant.

L’arrêté royal n° 78 relatif à l'exercice des professions des soins de santé prévoit les conditions de l’activité médicale : les actes doivent être accomplis dans un but diagnostique et/ou thérapeutique par une personne compétente, qui veille à la santé du patient et veut lui prodiguer les meilleurs soins, après avoir obtenu un consentement libre et éclairé.

Dans le cadre de son activité professionnelle habituelle, le médecin ne peut prendre des mesures non utiles ou absolument nécessaires à la santé du patient ou ne poursuivant pas un but diagnostique et thérapeutique.

Un test de paternité dont le but n’est pas de veiller à la santé et à la sécurité du patient, n’entre pas dans le cadre légal et déontologique classique d’une activité médicale.

Les parents qui exercent l’autorité parentale ne peuvent valablement consentir, au nom du mineur, à des actes non thérapeutiques, car ce consentement peut être donné au détriment de l’intérêt de l’enfant et est contraire aux droits fondamentaux de l’enfant. Un test de paternité impliquant un enfant peut être lourd de conséquences, pour la vie familiale et l’insertion sociale de l’enfant, et peut même comporter des dangers. Ainsi, il peut engendrer une atteinte à la sécurité juridique de l’état civil, à l’intégrité physique (articles 8 et 14 de la CEDH) et à la vie privée de l’enfant.

Le Conseil national rappelle son avis du 16 juin 2001 (« Augmentation incontrôlée des tests de paternité », Bulletin du Conseil national n° 93, p.11), que vous trouverez en annexe.

Le Conseil national estime, dès lors, que le médecin doit toujours disposer d’une décision judiciaire avant de procéder à un test de paternité chez un mineur.

Annexe : Avis du 16 juin 2001