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Déontologie

Point de vue du Conseil national concernant des propositions de réforme de l'Ordre des médecins

Point de vue du Conseil national concernant la réforme de l’Ordre des médecins

En ses séances des 16 octobre, 11 et 18 décembre 2004 et 15 janvier 2005, le Conseil national a examiné les propositions de loi concernant une réforme de l'Ordre des médecins, actuellement discutées en commission des Affaires sociales du Sénat. Dans le cadre de ces travaux, le Conseil national s'est réuni avec les bureaux des conseils provinciaux, le 20 novembre 2004. Pour la définition de la présente position, qui se limite aux lignes de force des propositions, le Conseil national se fonde en premier lieu sur le texte martyr "Proposition de loi portant création d'un Conseil supérieur de Déontologie des professions des soins de santé et fixant les principes généraux pour la création et le fonctionnement des Ordres des professions des soins de santé" (version liée à la conférence de presse du ministre Demotte du 23 septembre 2004.).

Conseil supérieur de Déontologie des Professions des soins de santé

Depuis 1980, année au cours de laquelle le député Lode Hancké déposa la première proposition de loi prévoyant une structure faîtière pour les professions des soins de santé, beaucoup de choses ont changé dans le domaine des soins de santé.

Durant les 25 dernières années, il a été tellement légiféré en matière de soins de santé que l'on s'étonne quelque peu de constater qu'il y aurait encore un réel besoin d'un organe devant fixer les principes de base de la déontologie, communs à l'ensemble des praticiens professionnels ou à plusieurs catégories d'entre eux. En ce qui concerne un certain nombre de problèmes éthiques comme l'euthanasie, les soins palliatifs, la recherche sur les embryons et les expérimentations sur la personne humaine, les principes de base ont été fixés par la loi. En outre, les praticiens des soins de santé, qui seront représentés dans le Conseil supérieur, connaissent tous depuis le 22 août 2002 la loi relative aux droits du patient qui s'applique à chacun d'entre eux. Sous la forme de droits du patient, cette loi reprend toutes les règles essentielles de la déontologie. Il n'est à ce jour pas démontré que cette loi aurait négligé certains principes de base de la déontologie qui s'adressent à tous les praticiens professionnels. Le Conseil national de l'Ordre des médecins s'interroge dès lors sur la quelconque utilité ou plus-value que pourrait encore représenter un Conseil supérieur de Déontologie en 2004.

La pluridisciplinarité est devenue une réalité quotidienne et la collaboration a évolué au fil des ans d’un modèle hiérarchique vers un modèle de concertation ayant le souci et l’intérêt du patient comme objectif commun. Les obligations déontologiques qui en découlent pour toutes les disciplines vont par conséquent de pair, en tenant compte des spécificités professionnelles et des responsabilités de chacun. Il est frappant de constater, dans la composition proposée pour le Conseil supérieur, que l'on a pensé uniquement à la représentation des professions reprises dans l'arrêté royal n°78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice des professions des soins de santé, comme si elles étaient les seules à jouer un rôle dans les soins de santé. La pluridisciplinarité est un des mots-clés de la loi relative aux droits du patient qui oblige le médecin traitant, dans les situations complexes, à recourir à la concertation pluridisciplinaire avant de prendre une décision. Ceci correspond aux règles de conduite recommandées par l’Ordre depuis des années.

La pluridisciplinarité ne se limite pas à une collaboration concrète autour du patient. Il y a de nombreux organes dans lesquels les médecins délibèrent déjà avec d'autres praticiens professionnels: les commissions médicales provinciales, des commissions au sein de l'Inami, le Conseil national de kinésithérapie, le Conseil national de l'art infirmier, le Conseil national des professions paramédicales, le Conseil supérieur des praticiens des soins de santé, la Commission fédérale "Droits du patient", le Comité consultatif de bioéthique, etc. En outre se pose la question de savoir si suffisamment de praticiens des soins de santé formés à la déontologie sont encore disponibles et disposés à s'investir dans pareil Conseil supérieur.

En ce qui concerne les missions du Conseil supérieur, le Conseil national note qu'il ne sera pas simple de tracer une limite entre des principes de base et les règles spécifiques à chaque catégorie de praticiens professionnels. La disposition suivant laquelle un principe devra être considéré comme « principe de base » dès qu’il s’appliquera à plusieurs catégories professionnelles communes, par exemple aux médecins et aux dentistes, compliquera davantage cette délimitation. Pour les praticiens professionnels qui n'auront pas opté pour un Ordre (article 21, quatrième alinéa), les principes de base seront les seules normes d'appréciation de leurs comportements par le Conseil de première instance. Cela pourra avoir comme conséquence que les membres du Conseil supérieur qui ne disposent pas d'un Ordre préconiseront une autre conception des principes de base que les membres du Conseil supérieur qui eux disposent bien d'un Ordre. L'absence d'une définition de la déontologie dans le texte martyr peut aussi conduire à des descriptions divergentes. Le Conseil national estime qu'il n'est pas exclu qu'apparaissent au sein du Conseil supérieur des discussions sans fin qui pourraient avoir un effet paralysant sur le fonctionnement des Ordres des professions des soins de santé.

Les Ordres des professions des soins de santé

Il ressort de la discussion avec les bureaux des conseils provinciaux que les points du texte martyr les plus importants pour eux sont: les élections des membres des conseils provinciaux, la composition des conseils, la modification de la compétence et de la procédure disciplinaires, la communication de la décision au plaignant, le mode de perception des cotisations et la rédaction des règlements d'ordre intérieur.

Les élections

Le Conseil national comprend qu'il n'ait pas été possible, en raison du nombre très différent de praticiens dans chacune des professions de soins de santé concernées, de fixer dans le texte martyr une seule procédure valable pour les élections dans toutes les catégories de praticiens professionnels.

Dans l'arrêté royal n°79 du 10 novembre 1967 relatif à l'Ordre des médecins, les articles 7, 8 et 9 ont trait aux élections. Le Conseil national estime essentiel de maintenir, pour les médecins, l'organisation des élections par arrondissement comme défini à l'article 7, car cela garantit une bonne répartition des membres dans la province. L'article 9 peut également être maintenu. Celui-ci dit que le vote est obligatoire et secret, et prévoit un droit de vote pondéré, ce qui est équitable. L'article 8 qui détermine les conditions auxquelles un candidat doit satisfaire, devrait être revu. Le Conseil national estime que tous les praticiens inscrits au Tableau et qui sont en règle de cotisation peuvent présenter leur candidature, à la seule exception du membre qui a encouru une suspension, pour autant du moins qu'il n'ait obtenu la réhabilitation. Il ne peut être admis que des candidats qui ont un lien avec un organe d’une association professionnelle, une mutualité ou une union nationale de mutualités, ou avec un organe de gestion ou la direction d’un établissement de soins, soient exclus. Comme il l'a déjà souligné dans son avis du 28 février 1998, le Conseil national estime qu'il faut s'en remettre à la sagesse de l'électeur pour apprécier si un candidat est trop jeune ou trop vieux.

S'il pouvait figurer dans le texte martyr que les candidatures ne sont pas soumises à des limites d'âge et que seul ne peut se porter candidat le praticien professionnel qui a encouru une suspension et qui n'a pas été réhabilité, cela ne devrait plus être dit dans une loi séparée.

En ce qui concerne l'élection des membres des organes de l'Ordre autres que ceux des conseils provinciaux, le Conseil national ne peut accepter qu'elle ait lieu au suffrage direct de tous les médecins de la province. En pratique, cela équivaudra probablement à ce qu'il n'y ait, par mandat à attribuer, qu'un seul candidat effectif et un seul candidat suppléant à élire pour toute la province. Seuls les praticiens jouissant d'une grande notoriété auront une chance dans de telles élections, et la notoriété ne va pas nécessairement de pair avec les connaissances et l'intérêt pour la déontologie. Le système actuel, dans lequel les conseils provinciaux élisent ces membres, offre une garantie de compétence et doit par conséquent être conservé.

La composition des conseils provinciaux

En ce qui concerne les membres élus, le Conseil national estime préférable, comme déjà motivé ci-dessus, que le système actuel soit maintenu. L'on peut objecter que cela conduit pour certaines provinces à un grand nombre de membres, mais cela donne au prévenu plus de garanties d'une appréciation objective que ne lui en offre un nombre trop restreint de membres. La proposition Vankrunkelsven propose ainsi un conseil provincial de six élus, ce qui est manifestement trop peu, pour à la fois concilier, instruire et juger.

Le texte martyr prévoit comme membres nommés "au moins deux juristes ayant respectivement une expertise particulière en droit de la santé et en droit contractuel" (art. 13, premier alinéa, b). Le Conseil national sait que les conseils provinciaux ayant une charge de travail importante font intervenir dans certaines missions spécifiques, soit le magistrat suppléant, soit un juriste non-magistrat. Il faudra donc doubler le nombre actuel de magistrats. Le Conseil national a conscience qu'il est irréalisable de faire appel à quarante magistrats pour le fonctionnement des conseils provinciaux et qu'il faudra bien faire appel à des juristes non-magistrats.

Le Conseil national estime que ces juristes devraient avant tout avoir la connaissance et l'expérience du droit disciplinaire. C'est pourquoi le Conseil national propose de faire prévoir par la loi que les juristes soient présentés à la nomination par l'Ordre des Barreaux Francophones et Germanophone et par l'Ordre des Barreaux Flamands. Ceci n'exclut pas la présentation par ces instances de magistrats ou de magistrats retraités ayant l'expérience du droit disciplinaire.

La compétence et la procédure disciplinaires

Vu l’importance des décisions à prendre, les bureaux des conseils provinciaux ont mis l'accent sur le fait que les juridictions disciplinaires doivent disposer d'un nombre élevé de membres. Un nombre suffisant de membres garantit l’expertise et l’objectivité. Quatre médecins ne suffisent en aucun cas; au moins six à huit membres sont nécessaires. Ce nombre est inférieur à ce qui est le cas pour l'instant dans les conseils provinciaux.

Le Conseil national constate avec satisfaction que la suspension du prononcé de la condamnation, le sursis à l’exécution des peines, l'effacement des sanctions disciplinaires mineures, la réhabilitation et la possibilité de réinscription ont été prévues dans le texte martyr. Il est également indiqué de prévoir un délai de prescription pour l’action disciplinaire et de pouvoir assortir la suspension du prononcé et le sursis à l'exécution des peines de conditions probatoires.

A propos de l'appréciation d'une plainte, il a été estimé qu'un rapport écrit de la commission d'instruction est insuffisant; le rapporteur de l'instruction devrait pouvoir expliciter son rapport en présence du prévenu afin que toutes les personnes habilitées à cet effet aient la possibilité de poser des questions complémentaires ou de faire des observations.

Le sujet le plus important lors de la discussion avec les bureaux des conseils provinciaux fut la création prévue par les propositions de loi d'un Conseil interprovincial. Dans le texte martyr, le Conseil interprovincial prononce toutes les sanctions disciplinaires en tant que juridiction de première instance tandis que dans la proposition Vankrunkelsven, les conseils provinciaux prononcent les sanctions mineures, et toutes les affaires dans lesquelles ils estiment nécessaire d’infliger une suspension ou une radiation, sont déférées au Conseil interprovincial. Cette dernière formule n'a rencontré aucun partisan lors de la discussion en Conseil national.

Les objections majeures à la création d'un Conseil interprovincial sont d'ordre pratique. Cette proposition a été jugée irréaliste et impraticable.

Cette question a été approfondie par un groupe de travail au sein du Conseil national. Le Conseil interprovincial doit non seulement traiter les affaires dans lesquelles le prévenu doit comparaître, mais doit aussi examiner tous les dossiers qui, suivant l'avis des conseils provinciaux, peuvent être classés. Ceci représente un travail considérable. En une séance, il n'est possible de traiter au maximum que deux affaires nécessitant la comparution du prévenu (les affaires graves comportant un rapport d'instruction et une discussion suivie le cas échéant des plaidoiries des avocats, demandent facilement deux heures ou plus et les affaires de gravité mineure requièrent en moyenne une heure). En outre, il faut aussi consacrer le temps nécessaire à l'évaluation des dossiers portant avis de classement sans suite. A supposer que le Conseil interprovincial se réunisse une fois par semaine, l'on arrive à 40 séances par an, soit environ 80 affaires annuellement. Compte tenu du nombre d’affaires traitées par les conseils provinciaux, au cours des années écoulées, il faudrait prévoir, en cas de création des conseils interprovinciaux proposés, deux chambres francophones et deux chambres néerlandophones avec pour chacune d’elles un magistrat effectif et un magistrat suppléant.

Pour les médecins, cela veut dire que chaque conseil provincial doit pourvoir à quatre membres effectifs et quatre membres suppléants. Chaque membre effectif doit garantir que lui ou son suppléant sera présent à Bruxelles aux dates et heures convenues quarante fois par an, pour une réunion qui durera quatre heures en moyenne. Tenant compte de la distance à parcourir et des heures de présence, certains devront interrompre leur travail à 15 heures, avec l’effet négatif que cela implique sur leur pratique professionnelle. Il en découle que seuls les médecins travaillant dans une pratique de groupe (25% des médecins généralistes), les spécialistes des hôpitaux travaillant en association ainsi que les médecins n'ayant presque plus d'activités entreront en considération pour un mandat au Conseil interprovincial. L'on obtient ainsi un conseil dont la composition n'est pas représentative. Cela ne peut être l'intention poursuivie.

Le Conseil national se rallie par conséquent aux conclusions du groupe de travail et estime que les conseils interprovinciaux tels que proposés dans le texte martyr ne sont pas praticables.

Le Conseil national pense néanmoins qu'il est possible de réaliser les finalités du Conseil interprovincial en créant au sein de chaque conseil provincial un organe autonome du conseil concerné, doté des missions prévues à l’article 17 du texte martyr et dont la composition garantisse l'indépendance et l'impartialité nécessaires ainsi que la stricte séparation de l’instruction et de la décision d'une part, et concrétise l'uniformité de la jurisprudence disciplinaire d'autre part.

L'indépendance de cet organe peut être garantie par la nomination d'un magistrat comme président. Comme cela a déjà été souligné, ce collège doit se composer d'au moins 6 à 8 médecins-membres. Afin que leur neutralité soit garantie, il suffit de prévoir que chaque membre a l’obligation, à la réception de la convocation à la séance, d’informer, le cas échéant, le président qu’il n’est pas en mesure de siéger avec l’impartialité et l’indépendance requise, et sans connaissance préalable, dans une ou plusieurs affaires inscrites à l’agenda. En outre, le président doit vérifier si la composition du collège n’est pas de nature, en apparence, de susciter dans l’esprit de prévenu ou des tiers une suspicion légitime d’impartialité.

Pour accentuer l’indépendance de cet organe et concrétiser l’uniformité de la jurisprudence disciplinaire, il pourrait être indiqué de comprendre dans la composition de ce collège, outre des membres-médecins du conseil provincial d’inscription du médecin poursuivi, des membres-médecins provenant de deux ou trois autres conseils provinciaux.

Le contenu de ce qui précède sur le plan pratique peut être déterminé par chaque conseil provincial dans son règlement d'ordre intérieur qui doit être approuvé par le Conseil national.

Le Conseil national estime que cette alternative réalise les objectifs visés dans le texte martyr, et qu'elle est praticable.

La communication de la décision au plaignant

Le Conseil national estime que ce point de la réforme de l'Ordre est le plus difficile à résoudre. Depuis des décennies, l'Ordre s'entend dire que la non-communication de la décision au plaignant témoigne d'un manque d'ouverture et prouve même pour d'aucuns que l'on étouffe certaines affaires au nom d'une solidarité professionnelle mal interprétée. Ces critiques peuvent se comprendre, mais ne sont pas justifiées. Quiconque connaît les dispositions générales du droit disciplinaire sait que la communication de la décision au plaignant aura de graves conséquences sur la procédure disciplinaire existante.

Le texte martyr tente de résoudre ce problème. Il est bien prévu à l'article 23, §2, troisième alinéa, que les décisions des conseils interprovinciaux et des conseils d'appel sont communiquées à la partie plaignante, mais l'alinéa suivant dit que ces décisions ne peuvent être utilisées dans un litige devant les cours et tribunaux, visés dans le Code civil ou le Code d'instruction criminelle. L'on cherche à éviter de ce fait un certain nombre de conséquences possibles de la communication de la décision au plaignant. Les juristes objectent toutefois que la simple communication de la décision au plaignant constitue déjà une violation des droits de la défense si le prévenu est tenu de collaborer à l'instruction. Si le prévenu n'est plus tenu de collaborer à l'instruction et que par exemple, il refuse de communiquer les pièces demandées par la commission d’instruction, il faudra obligatoirement élargir les possibilités d'enquête, par exemple en dotant cette commission de compétences analogues à celles des médecins inspecteurs de l'Inami. Les bureaux des conseils provinciaux refusent cet élargissement des compétences des commissions d'instruction dans les conseils provinciaux. Ils estiment à juste titre que cela est incompatible avec les fonctions de l'Ordre en tant qu'instance de conseil et de médiation.

Lors de l'audition devant la commission des Affaires sociales, le 10 mars 2004, le président du Conseil national de l'Ordre a attiré l'attention sur une distinction que l'on ne faisait pratiquement jamais jusqu'à présent entre les différentes catégories de "plaignants". Se fondant sur son exposé, le Conseil national estime qu'il ne peut être question de la communication de la décision au plaignant que lorsque celui-ci est, soit le patient lui-même, soit son représentant ou, après son décès, son époux(se) ou son partenaire fixe ou un proche parent. Il ne peut tout de même pas être envisagé de communiquer la décision à un dénonciateur qui n'a pas été préjudicié ou à un employeur qui a déposé une plainte en raison d'un certificat de complaisance ou à un confrère qui a introduit une plainte dans le cadre d'un conflit mutuel.

En ce qui concerne la situation des patients, le Conseil national constate que la loi relative aux droits du patient a complètement modifié celle-ci. Auparavant, un patient qui ne voulait pas s'adresser à la Justice, n'avait d'autre choix que de déposer une plainte auprès du conseil provincial de l'Ordre. A présent, il existe une fonction de médiation et il est essentiel qu'une bonne collaboration s'installe entre les conseils provinciaux et cette fonction de médiation. Les conseils provinciaux conseillent d'ailleurs déjà aux patients d'adresser directement certaines plaintes à l’organe de médiation, facilement accessible pour le patient. Cela n'exclut pas qu'un patient puisse adresser une plainte pour faute déontologique à un conseil provincial, mais alors de préférence après concertation avec la fonction de médiation. S'il ressort de cette concertation qu'une plainte auprès du conseil provincial est indiquée, la fonction de médiation informera le patient au préalable, si bien que des déceptions lui seront épargnées et qu'il sera avisé de ce qu’il ne peut s'adresser à la juridiction disciplinaire que dans l'intérêt général sans jamais pouvoir devenir une partie à la procédure disciplinaire qu’il aura éventuellement suscitée.

Mais il importe que le pouvoir exécutif prenne les initiatives nécessaires pour donner une forme concrète à ce droit du patient, afin que chaque patient puisse s’adresser à une instance facilement accessible à tous s'il a une plainte à l’encontre d’un praticien professionnel. Pour l'instant cela n'est possible qu'à l'égard des praticiens professionnels des hôpitaux. Même si théoriquement chacun peut s'adresser à la fonction de médiation de la Commission fédérale "Droits du patient", il n'est pas sérieux d'envoyer des patients qui ont des problèmes avec un dispensateur de soins en ambulatoire ou avec un médecin contrôleur, à la Cité administrative de l'Etat à Bruxelles.

Cotisations à l'Ordre

Dans le texte martyr, l'article 9 dispose que la cotisation est fixée par le Conseil national.

Pour l'instant, le Conseil national détermine la cotisation requise pour ses activités et celles du conseil d'appel. Ce montant est ajouté par chaque conseil provincial au montant qu'il estime nécessaire à ses propres activités. Les conseils provinciaux décident des dispenses et des réductions de cotisation.

Les réponses des bureaux des conseils provinciaux interrogés à ce sujet ont fait apparaître que le système actuel n'entraîne pas de différence frappante dans les cotisations. L'avantage de l'actuel système réside dans le fait que chaque médecin connaît le montant dont il est redevable pour le fonctionnement de son conseil provincial ; cela est clair. Le système actuel permet aussi de juger plus exactement du bien-fondé des réductions et dispenses demandées. Cette appréciation est portée au cas par cas par les conseils provinciaux, ce qui n’est pas la tâche du Conseil national, qui d’ailleurs ne dispose pas des données nécessaires.
Le Conseil national estime par conséquent indiqué de conserver l'actuel système de détermination et de perception de la cotisation.

Lors de la discussion avec les conseils provinciaux, il est apparu qu'il convient de trouver une solution au problème du non-paiement de la cotisation. Le Conseil national estime qu'il n'est pas indiqué d'imposer des peines disciplinaires en cas de non-paiement. La perception de la cotisation en cas de non-paiement, a lieu pour l'instant par la voie des justices de paix. Le Conseil national trouve cela fastidieux mais ne voit pas comment l'éviter.

Mais une condamnation par le juge de paix ne suffit pas toujours parce que certains médecins se font payer un salaire si bas par la personne morale pour laquelle ils travaillent, qu'ils sont en pratique insolvables.

Ce problème peut être résolu en ajoutant quelques mots à la dernière phrase du dernier alinéa de l'article 9: "Cette cotisation incluant le montant destiné aux activités du Conseil national est perçue par le conseil provincial et est dès lors due par ces personnes ou par les personnes morales pour lesquelles elles travaillent".

Règlement d'ordre intérieur

L’article 19, 3°, du texte martyr dispose que le Conseil national de l'Ordre a pour mission de proposer aux conseils provinciaux et aux conseils interprovinciaux un modèle de règlement d'ordre intérieur et après acceptation par ces derniers, d'approuver ces règlements et de présenter la ratification aux Ministres ayant la Santé publique dans leurs attributions.

Le dernier alinéa de l'article 5 de l'arrêté royal en vigueur n°79 du 10 novembre 1967 relatif à l'Ordre des médecins dispose que chaque conseil provincial établit son règlement d'ordre intérieur et le soumet au Conseil national qui en arrête définitivement le texte. Lors de l'examen de ces pièces, le Conseil national vérifie notamment l'absence, dans les règlements d'ordre intérieur présentés, de dispositions contraires à la loi en général ainsi qu'à l'arrêté royal n°79 et à ses arrêtés d'exécution.

Les bureaux des conseils provinciaux estiment que les conseils provinciaux doivent avoir le droit de déterminer eux-mêmes leur fonctionnement interne et qu'un contrôle par le Conseil national est suffisant. L'approbation de ces règlements par le pouvoir exécutif qui, au regard de l'article 11 du texte martyr, détermine aussi par des arrêtés d'exécution toute l'organisation, la création et le fonctionnement des conseils provinciaux est tout aussi inacceptable pour le Conseil national.

Le Conseil national

Le Conseil national s’étonne de l’obligation qui est faite à ses deux sections de siéger ensemble pour l’exercice des compétences visées aux articles 9, al. 1er, et 19, al. 1er, 1°, 6° et 9°. Il insiste sur le maintien du mode de fonctionnement tel que prévu à l’article 14, § 1er, de l’arrêté royal n° 79 du 10 novembre 1967 - à savoir : « Le Conseil national de l’Ordre des médecins comporte deux sections : l’une d’expression française et l’autre d’expression néerlandaise. Elles peuvent délibérer et décider en commun notamment sur les matières prévues à l’article 15, § 1er, et § 2, 2°, 3° et 4°. » - formule qui a fait preuve de son efficacité.

A l'analyse du chapitre concernant le Conseil national de l'Ordre, l'attention du Conseil national a surtout été attirée par la présidence et par la composition des sections. Ces deux éléments sont d'ailleurs fortement liés l'un à l'autre.

Il ressort de l'article 20, §1er, du texte martyr que les deux sections du Conseil national ont chacune leur propre président. Pour l'instant, les deux sections du Conseil national sont présidées par un même haut magistrat qui préside également le Conseil national. Il est frappant que le texte martyr laisse ouverte la question de savoir à qui la présidence sera confiée, de sorte qu’en fonction de la catégorie de praticiens professionnels le Roi peut décider si elle sera attribuée à un haut magistrat ou à un praticien professionnel.

Le Conseil national estime qu'il n'est pas logique d'abandonner cette décision au Roi et que le législateur doit se prononcer lui-même sur ce sujet. Il n'accepte pas que l’Ordre des médecins soit encore le seul Ordre en Belgique dont le président n'appartient pas au groupe professionnel. Sur le plan international également la Belgique constitue un exemple unique. Le Conseil national ne pense pas devoir motiver cette position qui est l'évidence même. Cela n'ôte rien au mérite de tous les magistrats qui ont présidé le Conseil national jusqu’à présent. Lors de contacts avec les médias et avec les instances politiques, tous les présidents du Conseil national se sont par principe toujours tenus à l'arrière-plan, parce qu'ils estimaient que la déontologie médicale devait être expliquée par les médecins eux-mêmes. Ceci illustre à suffisance la nécessité d'un changement.

Si les chambres législatives acceptent que les présidents des sections du Conseil national soient des médecins, le Conseil national n'a pas d’objection à ce que des non-médecins soient nommés comme membres des sections du Conseil national. Le Conseil national estime que, mis à part le magistrat, le nombre de membres nommés, avec voix délibérative, ne peut pas être supérieur au nombre de membres élus.

En ce qui concerne les médecins-membres nommés, le Conseil national est d’avis que chaque faculté de médecine doit être représentée avec voix délibérative. Il est tout aussi évident qu'un haut magistrat soit nommé comme membre du Conseil national. En outre, le Conseil national peut accepter sans problème qu'un expert en éthique médicale et un expert des droits du patient figurent parmi les membres nommés. Il paraît indiqué que le premier cité soit présenté par le Comité consultatif de bioéthique, et le second cité par la Commission fédérale "Droits du patient".

Le Conseil national estime que la présidence des sections doit être confiée à un des membres-médecins de la section et ceci de préférence par vote interne.

En guise de conclusion

Après une analyse approfondie des propositions de loi soumises, le Conseil national tient à souligner qu'il apprécie le travail accompli par les sénateurs pour parvenir à une réforme de l'Ordre des médecins. Le Conseil national est convaincu qu'il sera tenu compte des interventions faites par ses représentants lors des auditions des 10 mars et 6 octobre 2004 ainsi que des remarques et propositions formulées dans la présente note.
Sur la base de ce qui a été dit par d'éminents juristes lors des auditions et de ce qui est proposé par de hauts magistrats, ainsi que de ce qui a déjà été réalisé dans d'autres pays, le Conseil national est d’a
vis que le moment est venu d'une approche globale du droit disciplinaire. La demande d'organes disciplinaires est nettement croissante dans notre société, si bien qu'une loi-cadre concernant le droit disciplinaire serait socialement très utile.