Réforme de l’Ordre des médecins – Précisions concernant quelques éléments de la note d’orientation de l’Ordre du 4 juillet 2015
La Ministre des Affaires sociales et de la Santé publique demande de préciser et de développer davantage quelques éléments de la note d'orientation concernant la réforme de l'Ordre des médecins.
Avis du Conseil national :
Le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné votre lettre du 2 juillet 2015 dans laquelle vous lui demandez de préciser et de développer davantage quelques éléments de la note d'orientation concernant la réforme de l'Ordre des médecins.
I. Relations avec les associations de patients
A. Concertation
L'Ordre souhaite se concerter régulièrement avec les associations de patients. Une telle consultation se déroulera au minimum au moment de la présentation par l'Ordre de son rapport annuel.
En vue de rédiger des avis abordant les intérêts des patients, l'Ordre invitera des associations de patients pour des consultations.
En outre, l'Ordre examinera également comment il peut soutenir les intérêts des patients conjointement avec les associations de patients. A cet égard, on peut par exemple penser à l'élaboration de campagnes communes et à la mise à disposition de dépliants, via ses forums, au sujet de la relation patient-médecin.
Afin d'initier cette concertation, l'Ordre a entre-temps déjà pris contact avec la Vlaams Patiëntenplatform et la Ligue des Usagers de Services de Santé.
B. Place des associations de patients dans la procédure disciplinaire
À l'instar de tout tiers, les associations de patients ont le droit d'introduire une plainte. Si l'association, personne morale, a elle-même porté plainte, elle bénéficie des mêmes droits que le plaignant, personne physique. Par ailleurs, un représentant d'une association de patients peut assister un plaignant comme « personne de confiance ». (cf. infra)
C. Communication des décisions disciplinaires aux associations de patients
Tout en protégeant, bien évidemment, la vie privée de toute personne impliquée dans une procédure disciplinaire, l'objectif est de publier les décisions disciplinaires anonymisées, éventuellement résumées, sur le site de l'Ordre des médecins.
II. Le plaignant dans la procédure disciplinaire
A. Introduction
Le but du droit disciplinaire est de maintenir, en vue de la protection de l'intérêt public, les règles de bon exercice de la profession tant sur le plan du comportement du médecin que sur le plan dede sa pratique professionnelle. La procédure disciplinaire ne vise pas l'intérêt individuel du plaignant (qu'il soit patient ou non).
Le plaignant ne peut pas imposer que soit menée une procédure disciplinaire ;le conseil provincial le décide de manière autonome. Le plaignant ne peut pas non plus exercer de voies de recours. Lors de la procédure disciplinaire, il ne peut pas prétendre à des dommages et intérêts. Le plaignant n'est pas une partie, au sens du Code judiciaire et du Code d'instruction criminelle.
B. Plainte
Un document standardisé pour introduire une plainte sera disponible sur le site Internet de l'Ordre et sera intégré dans une brochure d'information relative au dépôt d'une plainte. Le plaignant pourra déposer une plainte soit par lettre soit en ligne, auprès du conseil provincial duquel relève le médecin.
En travaillant avec un document standardisé, l'Ordre souhaite apporter plus de transparence concernant la procédure et permettre de surcroît au plaignant de déposer sa plainte avec pertinence. Enfin, un formulaire de plainte standardisé simplifiera et accélérera le traitement administratif d'une plainte, parce que ce document comportera toutes les informations nécessaires pour la traiter.
Le formulaire pour le dépôt de plainte contient au moins les rubriques suivantes :
- données d'identification et de contact du plaignant ;
- relation vis-à-vis du médecin visé par la plainte ;
- si l'on se plaint au nom d'un patient, le nom de ce patient ;
- données d'identification et éventuellement de contact du (des) médecin(s) visé(s) par la plainte ;
- date et lieu auxquels l'incident a eu lieu ;
- description aussi complète que possible des faits dont il est question ;
- mention des éventuels témoins ;
- mention des éventuelles institutions/organisations à qui la personne s'est déjà plainte ;
- informations qui soutiennent la plainte ;
- si le patient/son représentant est le plaignant, son accord pour obtenir une copie du dossier médical.
C. Traitement de la plainte
1. Implication du plaignant dans la procédure disciplinaire
Par le passé, le plaignant n'était informé en aucune façon de la suite qui avait été donnée à sa plainte et il n'était pas impliqué dans l'éventuelle procédure disciplinaire. L'intention est maintenant de changer ce système. Le plaignant sera informé de manière transparente et claire à chaque étape de la procédure, de l'instruction à la décision finale. Si possible, il sera également impliqué dans la procédure disciplinaire en tant que telle.
2. Tri préalable
Le Bureau du conseil provincial reçoit et examine la plainte.
Si le Bureau estime que des informations complémentaires sont nécessaires, il les demande au plaignant.
Si le Bureau juge que la plainte est manifestement non fondée et qu'il est préférable de la classer, il transmet cet avis motivé au conseil provincial. Ce dernier décide alors du classement sans suite ou non. En cas de classement sans suite, le conseil provincial en informe le plaignant.
Le Bureau examine la nature du conflit pour lequel la plainte est déposée en vue d'une éventuelle médiation. Si le Bureau estime qu'un conflit individuel est (également) à la base de la plainte, il examine si un organe externe est compétent pour traiter cette plainte, par exemple le service de médiation d'un hôpital. Avec l'accord du plaignant et du médecin concerné, le Bureau envoie la plainte en ce qui concerne l'intérêt individuel à cet organe pour suivi. Si un tel organe n'existe pas ou si les accords requis ne sont pas obtenus, le Bureau du conseil provincial propose que la plainte en ce qui concerne l'intérêt individuel soit transmise au médiateur du conseil provincial. Ce médiateur, de préférence un médecin, a bénéficié d'une formation reconnue en médiation et il est complètement indépendant du conseil provincial. Le suivi de la procédure de médiation n'a par conséquent pas d'influence sur la poursuite de la procédure disciplinaire éventuelle.
3. Instruction disciplinaire
Si le Bureau estime que la plainte n'est pas manifestement non fondée, il lancer une instruction disciplinaire, ce qui n'empêche pas que le plaignant et le médecin intéressé acceptent une procédure de médiation.
Le Bureau désigne une commission d'instruction qui examine la plainte.
La commission d'instruction entend le plaignant sauf si celui-ci refuse. Le plaignant peut se faire assister (par une personne de confiance ou un avocat).
Les données communiquées lors de l'audition relèvent du secret du conseil.
Le plaignant entend lecture du compte rendu de son audition pour signature et en reçoit une copie.
La commission d'instruction fait rapport au conseil provincial. Celui-ci décide de la suite à donner au dossier : classement sans suite, enquête complémentaire ou renvoi au conseil disciplinaire de première instance. Le conseil provincial avise le plaignant de cette décision motivée.
Le plaignant ne peut pas faire appel de cette décision.
4. Audience disciplinaire
Le conseil disciplinaire de première instance informe le plaignant de la date et de l'heure de l'audience disciplinaire.
Le plaignant n'a pas accès au dossier.
L'audience disciplinaire est en principe publique. Le médecin intéressé et/ou le plaignant peuvent demander de traiter l'affaire à huis clos. Le conseil disciplinaire peut également le décider d'office, dans l'intérêt de l'ordre public ou pour la protection de la vie privée.
Si l'affaire est instruite publiquement, le plaignant peut être présent. Si l'affaire est traitée à huis clos, le plaignant peut être admis en tenant compte du secret médical et de la protection de la vie privée des tiers.
A la demande du conseil disciplinaire, le plaignant expose sa plainte.
Les mêmes principes sont applicables en degré d'appel.
5. Communication de la décision
Le conseil disciplinaire informe le plaignant de la décision, en tenant compte du secret médical et de la protection de la vie privée des tiers.
6. Voies de recours
Le plaignant ne peut pas former appel de la décision du conseil disciplinaire.
Il ne peut pas se pourvoir en cassation contre une décision du conseil d'appel.
7. Utilisation des données du dossier disciplinaire
L'article 477 du Code judiciaire est rendu applicable dans les affaires disciplinaires médicales. Selon cette disposition, « il ne peut être fait état, dans une procédure pénale, civile ou administrative, de l'existence ou d'éléments d'une procédure disciplinaire. » Par conséquent, le médecin prévenu et/ou le plaignant ne pourront pas utiliser ni le prononcé, ni la décision motivée, ni aucun élément de la procédure disciplinaire devant le juge pénal, le juge civil ou dans une procédure administrative.
III. Gestion du Tableau de l'Ordre
1. Situations urgentes
L'Ordre souhaite que les conseils provinciaux reçoivent une compétence concernant l'inscription similaire à celle des commissions médicales provinciales concernant le visa. L'Ordre doit pouvoir suspendre provisoirement le droit d'exercer l'art de guérir d'un médecin lorsqu'il est établi par des indices sérieux et concordants que la poursuite de l'exercice de sa profession par le médecin intéressé fait craindre des conséquences graves pour les patients ou la santé publique.(1)
Il appartient aux conseils provinciaux de prendre les mesures nécessaires. Ceux-ci décident par décision motivée à la majorité des deux tiers des membres présents. Cette décision reste d'application aussi longtemps que les raisons qui l'ont justifiée subsistent. Il s'agit ici de mesures administratives et non disciplinaires.
Le conseil provincial lève la mesure lorsqu'il constate que les raisons qui ont justifié la mesure ont disparu. Il le fait soit d'office, soit à la demande du médecin concerné.
A cette fin, le médecin concerné peut introduire une demande chaque mois à dater du prononcé de la mesure.
Préalablement à toute décision, le conseil provincial convoque le médecin concerné pour audition.
En cas de crainte de conséquences graves et imminentes pour les patients ou la santé publique, le conseil provincial peut prendre toute décision, sans convoquer et entendre préalablement l'intéressé. Dans ce cas, la mesure qu'il impose à l'intéressé est prononcée pour une période de huit jours maximum. La décision peut être uniquement renouvelée après que le conseil provincial a convoqué l'intéressé pour qu'il soit entendu.
2. Situations non urgentes - collaboration avec les Commissions médicales provinciales
Dans sa note d'orientation, l'Ordre mentionnait que le fait d'être nommé dans une commission médicale provinciale constitue un obstacle pour se présenter comme candidat pour un organe de l'Ordre, et ce afin de garantir l'impartialité et l'indépendance de ses membres élus.
Un modèle collaboratif de contrôle de l'exercice de l'art médical, qui confère à l'Ordre une compétence consultative essentielle sur les mesures concernant les visas, ne peut pas aller jusqu'à compromettre cette impartialité et cette indépendance. Par conséquent, ce modèle collaboratif devra être restreint à une simple désignation des éventuels médecins « à problèmes » ou à des échanges limités d'informations objectives.
L'Ordre est évidemment disposé à se concerter avec le service juridique du SPF Santé publique à cet égard.
IV. Développement générique interdisciplinaire de la déontologie et de son contrôle
L'Ordre souhaite devenir un organe déontologique et disciplinaire dont la structure, formée de façon générique, puisse être utilisée comme modèle pour d'autres professions des soins de santé pour lesquelles il n'existe pas encore d'organe déontologique et disciplinaire.
L'Ordre confirme ne pas être favorable à l'idée de créer un Conseil supérieur de déontologie. Cette structure alourdirait le processus décisionnel et pourrait perdre de vue les spécificités propres à chaque profession de la santé. Le système belge des soins de santé dispose déjà de nombreux organes consultatifs, comme le Comité consultatif de Bioéthique, les Académies royales de médecine, le Conseil supérieur de la Santé et le Centre fédéral d'expertise des soins de santé.
L'Ordre est favorable à l'organisation d'une réunion interdisciplinaire annuelle au cours de laquelle l'organe déontologique et disciplinaire de chaque profession des soins de santé présente son rapport annuel et pendant laquelle des thèmes actuels communs relatifs à la déontologie et au droit disciplinaire peuvent être examinés et, le cas échéant, être développés sous la forme d'une ligne directrice. Par ailleurs, l'Ordre propose d'élaborer à l'avenir des avis communs à plusieurs organes déontologiques, et ce sur une base ad hoc, lorsqu'il s'agit de sujets transversaux à plusieurs groupes professionnels.
1.Loi du 10 avril 2014 modifiant l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice des professions des soins de santé