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Déontologie

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Secret professionnel17/09/2011 Code de document: a135005
Secret professionnel - Projet de modification de l’article 458bis du Code pénal

Lettre à plusieurs Sénateurs concernant l'article 6 du projet de loi modifiant la législation en ce qui concerne l'amélioration de l'approche des abus sexuels et des faits de pédophilie dans une relation d'autorité (texte adopté par la Chambre des Représentants le 20 juillet 2011 - document parlementaire 53 K 1639/005).

Avis du Conseil national :

En sa séance du 17 septembre 2011, le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné l'article 6 du projet de loi modifiant la législation en ce qui concerne l'amélioration de l'approche des abus sexuels et des faits de pédophilie dans une relation d'autorité (texte adopté par la Chambre des Représentants le 20 juillet 2011 - document parlementaire 53 K 1639/005).

Cet article 6 vise à remplacer l'article 458bis du Code pénal de façon à élargir le droit de parole (le droit de rompre le secret) du dépositaire du secret.

1° Actuellement, l'article 458bis du Code pénal dispose :

Toute personne qui, par état ou par profession, est dépositaire de secrets et a de ce fait connaissance d'une infraction prévue aux articles 372 à 377, 392 à 394, 396 à 405ter, 409, 423, 425 et 426, qui a été commise sur un mineur, peut, sans préjudice des obligations que lui impose l'article 422bis, en informer le procureur du Roi, à condition qu'elle ait examiné la victime ou recueilli les confidences de celle-ci, qu'il existe un danger grave et imminent pour l'intégrité mentale ou physique de l'intéressé et qu'elle ne soit pas en mesure, elle-même ou avec l'aide de tiers, de protéger cette intégrité.

L'article 458bis, proposé par le projet de loi précité, prévoit :

Toute personne qui, par état ou par profession, est dépositaire de secrets et a de ce fait connaissance d'une infraction prévue aux articles 372 à 377, 392 à 394, 396 à 405ter, 409, 423, 425 et 426, qui a été commise sur un mineur ou sur une personne qui est vulnérable en raison de son âge, d'un état de grossesse, d'une maladie, d'une infirmité ou d'une déficience physique ou mentale peut, sans préjudice des obligations que lui impose l'article 422bis, en informer le procureur du Roi, soit lorsqu'il existe un danger grave et imminent pour l'intégrité physique ou mentale du mineur ou de la personne vulnérable visée, et qu'elle n'est pas en mesure, seule ou avec l'aide de tiers, de protéger cette intégrité, soit lorsqu'il y a des indices d'un danger sérieux et réel que d'autres mineurs ou personnes vulnérables visées soient victimes des infractions prévues aux articles précités et qu'elle n'est pas en mesure, seule ou avec l'aide de tiers, de protéger cette intégrité.".

Les différences entre l'actuel article 458bis du Code pénal et l'article en projet sont les suivantes :

- Le champ d'application de l'article 458bis est étendu aux infractions commises sur une personne majeure vulnérable, alors que le texte actuel vise exclusivement les infractions commises sur les mineurs.

- Le champ d'application de l'article 458bis du code pénal est étendu au secret révélé par l'auteur de l'infraction ou un tiers, et n'est plus limité au secret révélé au dépositaire du secret par l'examen ou les confidences de la victime.

- Enfin, le droit du dépositaire du secret d'informer le procureur du Roi est étendu à la situation où il existe des indices d'un danger sérieux et réel que d'autres mineurs ou personnes vulnérables soient victimes des infractions visées à l'article 458bis.

L'article 422bis du Code pénal, auquel se réfère l'article 458bis du même Code, dispose que sera puni d'un emprisonnement (...), celui qui s'abstient de venir en aide ou de procurer une aide à une personne exposée à un péril grave, soit qu'il ait constaté par lui-même la situation de cette personne, soit que cette situation lui soit décrite par ceux qui sollicitent son intervention.
(...)

L'objet de l'article 422bis est de punir le fait de ne pas venir en aide à une personne exposée à un péril grave. Suivant le cas, cette aide peut consister à informer les autorités publiques, mais elle peut aussi être d'une tout autre nature.

Cet article permet au médecin qui constate qu'une personne est soumise à un danger grave, d'en aviser le procureur du Roi avant que le danger se réalise.

L'objet du projet d'article 458bis est de donner au dépositaire du secret le droit de parole, le droit d'informer le procureur du Roi lorsqu'une infraction déterminée a eu lieu et que la victime est soumise à un danger grave ou qu'il existe des indices sérieux que d'autres personnes soient victimes du comportement délictueux.


2° En cette matière, le Code de déontologie médicale énonce à son article 61, §§ 1 et 2 :

§1. Si un médecin soupçonne qu'un enfant est maltraité, est abusé sexuellement ou subit des effets graves d'une négligence, il doit opter pour une approche pluridisciplinaire de la situation, par exemple en faisant appel à une structure conçue spécifiquement pour gérer cette problématique.
Lorsqu'un médecin constate qu'un enfant est en danger grave, il doit sans délai prendre les mesures nécessaires pour le protéger.
Si ce danger est imminent et s'il n'y a pas d'autre moyen pour protéger l'enfant, le médecin peut communiquer ses constatations au procureur du Roi.
Les parents ou le tuteur de l'enfant seront informés des constatations du médecin et des initiatives que celui-ci compte prendre sauf si cette information peut nuire à l'intérêt de l'enfant.
Avant de prendre toute initiative, le médecin doit en parler au préalable avec l'enfant dans la mesure où les capacités de discernement de celui-ci le permettent.

§2. Lorsqu'un médecin soupçonne qu'un patient incapable de se défendre en raison d'une maladie, d'un handicap, ou de son âge, est maltraité, exploité ou subit des effets graves d'une négligence, il parlera de ses constatations avec le patient si les capacités de discernement de celui-ci le permettent. Le médecin incitera le patient à prendre lui-même les initiatives nécessaires, notamment à informer ses proches parents.
Si cette discussion avec le patient s'avère impossible, le médecin traitant peut se concerter avec un confrère compétent en la matière à propos du diagnostic et de la suite à apporter à la situation.
Si le patient est en danger grave et s'il n'y a pas d'autre moyen pour le protéger, le médecin peut avertir le procureur du Roi de ses constatations.
Le médecin informera les proches du patient de ses constatations et des initiatives qu'il compte prendre pour le protéger, si cela ne nuit pas aux intérêts du patient.

Le Code de déontologie médicale envisage deux hypothèses : celle de la maltraitance du mineur et celle de la maltraitance d'autres personnes vulnérables.

Par ailleurs, il distingue plusieurs attitudes suivant que le médecin soupçonne la maltraitance ou constate le danger grave.

Le projet d'article 458bis maintient comme condition à la levée du secret professionnel qu'une infraction ait déjà été commise. Une information préventive de toute infraction n'est donc pas possible sur la base de l'article, actuel et en projet, 458bis du Code pénal.

L'article 61 du Code de déontologie médicale est plus large et vise également l'hypothèse où une infraction n'a pas encore été commise. L'article 61 du Code de déontologie médicale se fonde sur les articles 422bis et 458bis du Code pénal mais aussi sur la notion d'état de nécessité. L'état de nécessité est défini comme étant une situation exceptionnelle dans laquelle la violation de dispositions pénales (en l'espèce l'article 458 du Code pénal) et de valeurs et d'intérêts juridiques pénalement protégés constitue le seul moyen de préserver d'autres valeurs et intérêts juridiques supérieurs.

Le Conseil national renvoie à son avis du 11 décembre 2010 (BCN, n° 132), intitulé « signalement d'une maltraitance d'enfant : le médecin entre la loi et le code », dans lequel il détaille l'application de l'article 61 du Code de déontologie médicale.

3° Le Conseil national constate qu'à l'instar du Code de déontologie médicale, le projet de loi élargit le champ d'application de l'article 458bis du Code pénal, et donc le droit de parole du dépositaire du secret, aux infractions commises sur une personne vulnérable.

Le projet de loi indique expressément qu'il n'est plus nécessaire, pour que le dépositaire du secret effectue le signalement, qu'il ait examiné ou reçu les confidences de la victime.
Ce faisant, le projet de loi améliore la sécurité juridique du médecin qui apprend d'un patient ou d'un tiers, dans l'exercice de sa profession, qu'une infraction a été commise sur une personne mineure ou vulnérable et qui estime devoir en informer le procureur du Roi.

Le Conseil national souligne qu'un droit de parole tel que prévu par le projet d'article 458bis ne doit s'exercer que dans les limites strictement prévues.

Tout comme la répression des infractions, la prise en charge médicale de certaines pathologies sexuelles est de nature à protéger la société. C'est la raison pour laquelle les mesures probatoires imposées par exemple aux délinquants sexuels comprennent généralement un suivi médical.

Le fait de rompre abusivement le secret professionel, que les faits aient été confiés par la victime ou par l'auteur de l'infraction, est potentiellement préjudiciable à la relation de confiance qui doit exister entre un médecin et son patient et par voie de conséquence, au traitement ultérieur du patient.
Le recours systématique au droit de parole sans égard aux conditions strictes de la loi pourrait aboutir à ce que des patients, auteurs mais aussi victimes, s'abstiennent de recourir à des soins médicaux.

Le droit de parole prévu dans le projet, et qui permet d'informer le procureur du Roi, doit être utilisé comme un remède ultime. L'article 458bis du Code pénal précise que le droit de parole ne s'applique que si la personne dépositaire du secret n'est pas en mesure, seule ou avec l'aide de tiers, de protéger l'intégrité du mineur ou de la personne vulnérable.
En outre, l'article 458bis fait expressément référence à l'article 422bis du Code pénal qui prévoit l'obligation d'aide à la personne exposée à un péril grave.

Il ressort clairement des documents parlementaires, notamment le rapport du 15 juillet 2011 fait au nom de la commission de la justice (Doc 53 K 1639/003), que l'objectif poursuivi par la modification de l'article 458bis n'a jamais été d'instaurer une obligation de dénonciation.

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Le projet de loi suscite cependant des questions.

Premièrement, la distinction entre les notions « danger grave et imminent » et « indices d'un danger sérieux et réel », et la justification du recours à des notions différentes, suivant qu'il s'agit ou non d'une victime potentielle, n'est pas pas clairement explicitée dans les travaux préparatoires de la loi.

Deuxièmement, lorsqu'il agit sur la base d'une description donnée par un tiers, le médecin n'a souvent que peu de moyens pour évaluer le danger et faire cesser la situation grave. On peut dès lors craindre que le médecin, par l'élargissement de son droit à la parole, soit plus enclin à faire un signalement et que le projet de loi aboutisse en pratique moins à un droit de parole élargi qu'à une obligation de signalement.

Troisièmement, le Conseil national estime que le qualificatif « réel » de la notion « indices d'un danger sérieux et réel » est très important. La justice envoie pour traitement des auteurs d'agression sexuelle justement parce qu'ils sont potentiellement dangereux pour autrui. Les médecins reçoivent également des patients qui consultent spontanément et qui présentent des indices de dangerosité potentielle. Comme dit précédemment, la loi ne pourrait avoir pour conséquence de dissuader les patients d'entreprendre un traitement.

Enfin, à défaut de clarté relativement à l'équilibre poursuivi entre le secret professionnel et les dispositions des articles 422bis et 458bis du Code pénal, la portée du projet de loi demeure incertaine aux médecins.

Le médecin informé du danger doit se livrer à une difficile appréciation des circonstances de l'espèce avant de prendre une décision dont il pourrait ultérieurement devoir répondre devant un juge.

Consentement éclairé22/09/2007 Code de document: a118006
Validité des déclarations anticipées - Soins palliatifs

Un notaire est contacté par une dame désirant établir une déclaration anticipée où elle ferait part de sa volonté de ne recevoir que des soins palliatifs si elle était atteinte d’une maladie incurable et n’était plus en état d’exprimer sa volonté. Le notaire interroge un conseil provincial sur la validité de ce type de déclaration anticipée.
Le conseil provincial émet l’avis suivant et le communique au Conseil national, qui l’approuve le 22 septembre 2007.

Lettre du Bureau du Conseil provincial de l’Ordre des médecins de X au notaire concerné :

Le Bureau du Conseil provincial de l’Ordre des médecins de X. a pris connaissance, en sa séance du 8 août 2007, de votre lettre du 4 juillet 2007.

La loi du 14 juin 2002 relative aux soins palliatifs ne prévoit pas de déclaration anticipée telle que formulée dans la loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie.

L’article 2 de la loi relative aux soins palliatifs est libellé comme suit :

« Tout patient doit pouvoir bénéficier de soins palliatifs dans le cadre de l'accompagnement de sa fin de vie. Les dispositifs d'offre de soins palliatifs et les critères de remboursement de ces soins par la sécurité sociale doivent garantir l'égalité d'accès aux soins palliatifs de tous les patients incurables, dans l'ensemble de l'offre de soins. Par soins palliatifs, il y a lieu d'entendre : l'ensemble des soins apportés au patient atteint d'une maladie susceptible d'entraîner la mort une fois que cette maladie ne réagit plus aux thérapies curatives. Un ensemble multidisciplinaire de soins revêt une importance capitale pour assurer l'accompagnement de ces patients en fin de vie, et ce sur les plans physique, psychique, social et moral. Le but premier des soins palliatifs est d'offrir au malade et à ses proches la meilleure qualité de vie possible et une autonomie maximale. Les soins palliatifs tendent à garantir et à optimaliser la qualité de vie pour le patient et pour sa famille, durant le temps qu'il lui reste à vivre. »

Nous devons cependant attirer votre attention sur la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient, et plus particulièrement l’article 8, § 4 :

« Le patient a le droit de refuser ou de retirer son consentement […] pour une intervention.
A la demande du patient ou du praticien professionnel, le refus ou le retrait du consentement est fixé par écrit et ajouté dans le dossier du patient.
Le refus ou le retrait du consentement n'entraîne pas l'extinction du droit à des prestations de qualité, tel que visé à l'article 5, à l'égard du praticien professionnel.
Si, lorsqu'il était encore à même d'exercer les droits tels que fixés dans cette loi, le patient a fait savoir par écrit qu'il refuse son consentement à une intervention déterminée du praticien professionnel, ce refus doit être respecté aussi longtemps que le patient ne l'a pas révoqué à un moment où il est lui-même en mesure d'exercer ses droits lui-même. »

Le droit du patient à l’autonomie lui est garanti par la déontologie médicale et par l’article 5 de la loi relative aux droits du patient. Il s’ensuit qu’un patient peut refuser des soins curatifs à tout moment de l’évolution de son affection, aussi avant le stade terminal, et qu’il peut opter à tout moment pour des soins palliatifs.

Nous attirons votre attention sur le fait que la loi exige « une intervention déterminée ».

Certificat20/04/2002 Code de document: a097003
Protection des biens d'une personne majeure à protéger

Dans le cadre de l'examen d'un dossier en rapport avec l'application de l'article 488bis du Code civil (1) relatif à la protection des biens d'une personne majeure à protéger, un conseil provincial souhaite savoir si un médecin peut examiner une personne dont il n'est pas le médecin traitant, en vue d'établir un certificat médical circonstancié relatif à l'état de santé de cette personne et ce, sur simple demande d'un membre de la famille du patient ou d'un avocat.

Avis du Conseil national:

Le Conseil national estime qu'il est déontologiquement incorrect d'examiner une personne dont on n'est pas le médecin traitant, à la demande d'un tiers intéressé (membre de la famille ou avocat), en vue de la délivrance d'un certificat médical circonstancié dans le cadre de l'article 488bis du Code civil.

Le médecin sollicité doit renvoyer le demandeur au médecin traitant de la personne concernée.

S'il apparaît que le demandeur et le médecin traitant ne sont pas du même avis, le médecin sollicité peut lui-même prendre contact avec le médecin traitant et lui proposer de voir la personne concernée ensemble en consultation.

Si cela s'avère impossible, le médecin sollicité peut faire appel au conseil provincial où le médecin traitant est inscrit, afin d'analyser la possibilité d'un compromis.

(1) Article 488bis-B, §3, du Code civil: "Sous peine d'irrecevabilité, est joint à la requête, sauf en cas d'urgence, un certificat médical circonstancié, ne datant pas de plus de quinze jours, décrivant l'état de santé de la personne à protéger.
Ce certificat médical ne peut être établi par un médecin parent ou allié de la personne à protéger ou du requérant, ou attaché à un titre quelconque à l'établissement dans lequel la personne à protéger se trouve."
Euthanasie17/11/2001 Code de document: a094007
Euthanasie

En sa séance du 17 novembre 2001, le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné le projet de loi adopté par le Sénat au sujet de l'euthanasie et a confronté le texte avec la déontologie médicale actuelle.

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Le Conseil national a toujours été très attentif aux problèmes de fin de vie. En 1992, le chapitre du Code de déontologie médicale concernant l'euthanasie a été remplacé par un ensemble de règles de conduite autour de la vie finissante. Le Conseil national estimait que telle était la seule façon de pouvoir apporter une réponse globale à l'être humain demandant à être épargné dans ses derniers moments de souffrances intolérables et incurables, et à pouvoir mourir dans la dignité. Au regard des attentes des malades, l'actuel projet de loi n'apporte pas de solution pour leur grande majorité qui n'entre pas dans le champ d'application du projet.

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Dans son avis du 15 janvier 2000, le Conseil national confirme sa position de 1992 et souligne notamment que le médecin placé devant un conflit de valeurs, est à même de décider en honneur et conscience de la mise en œuvre des moyens adéquats pour permettre à un patient en fin de vie de mourir dans la dignité. Le projet de loi ne limite pas la possibilité de l'euthanasie à la vie finissante et la prévoit aussi pour des malades dont la mort n'est manifestement pas proche. Le Conseil national estime qu'un examen pluridisciplinaire approfondi de patients formulant une telle demande, fera apparaître qu'ils ne sont pas traités de manière compétente ou qu'ils sont insuffisamment informés ou encore que la demande procède uniquement de motifs relationnels, sociaux ou économiques.
Une récente étude de décès en Flandre n'a montré aucun cas de réduction d'espérance de vie en termes de mois suite à des décisions de médecins. Le Conseil national n'ignore pas qu'exceptionnellement, des situations mentionnées dans la littérature, peuvent se présenter. La question se pose cependant s'il est de l'intérêt des malades chroniques, parmi lesquels les patients psychiatriques, et de leur entourage, de suggérer une solution créant des attentes qui ne seront rencontrées en pratique que dans de rares cas.

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Au-delà d'une série de dispositions en accord avec la déontologie, le Conseil national observe quelques lacunes frappantes en ce qui concerne les conditions et procédures prévues par le projet de loi.
Ainsi, l'euthanasie ne pourrait être demandée que par des personnes majeures. La déontologie a toujours préconisé un examen sérieux de demandes formulées par des mineurs tout en jugeant évidemment, en fonction de la demande, du degré de maturité mentale. Cette approche déontologique va d'ailleurs dans le même sens que la Convention internationale des droits de l'enfant en vigueur en Belgique.

Le silence du projet de loi sur le rôle du médecin généraliste est à tout le moins surprenant. Il est positif d'imposer un entretien avec l'équipe soignante, mais le médecin généraliste, qui connaît généralement depuis des années le patient et ceux qui le soutiennent dans son entourage, ne doit pas, suivant le projet de loi, être associé à la concertation. La déontologie médicale prône pourtant une concertation du médecin traitant hospitalier avec le médecin généraliste avant chaque décision importante concernant un patient. En outre, afin d'éviter qu'un patient ne puisse recevoir des soins conformes aux données actuelles et acquises de la science, il convient de prévoir l'obligation pour le médecin sollicité de prendre l'avis d'un spécialiste de la lutte contre la douleur et d'appeler en temps utile en consultation une personne qualifiée en matière de soins palliatifs, à moins que le patient ne le refuse expressément.

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Le Conseil national croit utile, pour éviter des malentendus, de souligner que, suivant l'article 4 du projet de loi, la déclaration anticipée n'est d'application que lorsque le patient est inconscient et que cette situation est irréversible selon l'état actuel de la science, et que par contre cette déclaration ne vaut pas dans le cas où le patient est seulement devenu irrémédiablement incapable d'exprimer sa volonté. En cas de démence, il ne peut être accédé, suivant le projet de loi, à une demande d'euthanasie consignée dans une déclaration anticipée.

Le Conseil national relève avec satisfaction que le projet de loi n'attache pas de valeur contraignante à la déclaration anticipée. Ceci coïncide avec la position du Conseil national dans ses avis relatifs aux Témoins de Jéhovah et à la Note conceptuelle sur les Droits du patient. Ces avis précisent que les médecins doivent prêter la plus grande attention à la déclaration anticipée écrite, car celle-ci peut être déterminante en cas de doutes sur la décision à prendre. Elle n'a néanmoins de valeur qu'indicative mais non impérative.

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Dans son avis du 15 janvier 2000, le Conseil national faisait déjà remarquer que toutes les procédures a posteriori offraient pour le patient, moins de garanties, et pour le médecin, moins de sécurité juridique, qu'une évaluation préalable réglée par la loi.

Le Conseil national présume qu'en raison de la majorité requise des deux tiers des voix, la Commission fédérale de contrôle et d'évaluation ne prendra que rarement la décision d'envoyer un dossier au procureur du Roi. Le Conseil national pense que les documents d'enregistrement comme les dossiers médicaux peuvent être saisis par le juge d'instruction lorsqu'ils ont trait à des accusations portées contre un médecin. La déontologie médicale recommande qu'il ne soit pas possible au médecin de s'opposer à cette saisie. Ceci ne peut qu'inciter les médecins à respecter les dispositions légales de manière stricte et à remplir minutieusement les documents.

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Il ressort de ce qui précède que le projet de loi ne sera d'application que pour quelques-unes des nombreuses personnes qui aspirent à mourir dans la dignité. C'est pourquoi il est tellement important pour les médecins qu'ils se conforment à l'article 33 du Code de déontologie médicale. Il y sont notamment exhortés à communiquer à temps même un pronostic fatal afin de pouvoir parler de la façon de mourir, avant la phase terminale, à plusieurs reprises, ouvertement et de manière approfondie. Le rôle central du médecin généraliste dans l'accompagnement du patient en phase terminale ne sera jamais assez souligné, et ne pourra que s'amplifier lorsqu'il sera possible à tout malade qui le souhaite de mourir chez soi.

Consentement éclairé29/09/2001 Code de document: a094003
Témoins de Jéhovah et déclaration de volonté

Le président d'un comité de réflexion éthique souhaite connaître le point de vue actuel du Conseil national concernant une déclaration de volonté écrite par un Témoin de Jéhovah s'opposant à toute transfusion sanguine. Suivant l'avis du Conseil national du 10 décembre 1983 (Bulletin du Conseil national n° 32, 1983-1984, p. 23), une déclaration de volonté écrite (en l'occurrence le refus de transfusion sanguine) d'une personne majeure, incapable d'exprimer sa volonté, doit être respectée dans les cas d'urgence où la vie est en danger («intervention jugée indispensable»). Le comité de réflexion éthique se demande si cette façon d'agir n'est pas contraire à l'obligation d'assistance telle que fixée à l'article 422bis du Code pénal et à l'article 6 du Code de déontologie médicale. Le comité souhaite savoir si le Conseil national maintient son point de vue de 1983.

Avis du Conseil national :

Il convient de préciser au préalable que cette déclaration de volonté n'a de signification que si l'état de santé du patient est tel qu'il rend impossible une discussion approfondie des conséquences probables du refus d'une transfusion sanguine.

Le Conseil national estime, comme prescrit par l'article 31 du Code de déontologie médicale, que le médecin doit s'interdire "de heurter les convictions philosophiques, religieuses ou politiques". Ceci ne veut toutefois pas dire qu'une conviction religieuse manifestée par une déclaration de volonté écrite constitue une exception à la position récemment adoptée par le Conseil national en matière de déclarations de volonté écrites.

Le Conseil national se réfère à cet égard à l'avis qu'il a émis le 17 février 2001 au sujet de la Note conceptuelle Droits du Patient (Bulletin du Conseil national n° 91, mars 2001, p. 3), en particulier aux deux derniers paragraphes sous l'intitulé "Représentation du patient".

Dans ceux-ci il est dit que :
«Le Conseil national ne peut non plus accepter qu'un médecin soit obligé de respecter le refus écrit du consentement à une intervention déterminée, rédigé par le patient lorsqu'il était encore apte à apprécier raisonnablement ses intérêts. De tels refus ne sont qu'indicatifs et ne peuvent être contraignants.
En revanche, le Conseil national estime que le dispensateur de soins doit sérieusement tenir compte à la fois de l'avis de la personne de confiance et d'une déclaration de volonté du patient par écrit. Ces éléments peuvent même être décisifs en cas d'hésitation entre l'abstention ou l'intervention, mais il serait inadmissible de laisser mourir des personnes lorsqu'il y a de fortes chances qu'un traitement déterminé donne un bon résultat. Il est cependant indiqué, avant de prendre une décision dans de telles circonstances, que le médecin responsable demande l'avis d'un confrère et/ou de l'équipe multidisciplinaire traitante, et qu'il se concerte aussi avec la famille le cas échéant.»

Secret professionnel17/03/2001 Code de document: a092006
Administrateur provisoire et déclarations médicales

Un conseil provincial souhaite savoir si un médecin hospitalier, qui a traité un patient transféré d'urgence d'une maison de repos vers une clinique, peut délivrer à l'administrateur provisoire de ce patient, une attestation selon laquelle le patient serait arrivé dans cette clinique en état de déshydratation et de malnutrition, afin de permettre à l'administrateur provisoire d'entreprendre éventuellement une procédure mettant en cause la responsabilité de la maison de repos.

Avis du Conseil national :

En vertu de l'article 488bis-F du Code civil, l'administrateur provisoire ne peut représenter la personne protégée en justice comme demandeur, sauf dans quatre cas étrangers à l'espèce, que moyennant une autorisation spéciale du juge de paix. Dès lors, l'administrateur provisoire, qui souhaite intenter une action en responsabilité en raison de l'état physique ou psychique dans lequel se trouve la personne protégée, doit pouvoir établir qu'il a été autorisé pour ce faire par le juge de paix.

Dans la mesure où cette autorisation est démontrée, l'administrateur provisoire doit être considéré comme se substituant à la personne protégée, du moins en ce qui concerne la gestion des biens. Le droit de réclamer des dommages et intérêts en justice fait partie de cette gestion des biens. Dans ce cadre, le médecin a, en application de l'article 67 du Code de déontologie médicale, le droit mais non l'obligation de remettre à l'administrateur provisoire qui lui en fait la demande, un certificat concernant l'état de santé de la personne protégée. Le médecin décide du contenu de ce certificat et peut le cas échéant refuser de le délivrer. Dans sa décision, il se laissera guider par l'intérêt du patient et le secret professionnel.

A cet égard, il doit être observé que suivant l'enseignement de la Cour de cassation, "le secret professionnel auquel l'article 458 du Code pénal oblige notamment les médecins, les chirurgiens et le personnel soignant vise la protection du patient; que l'interdiction qu'il contient de révéler, sauf cause de justification, des faits pouvant donner lieu à des poursuites pénales à charge du patient, ne peut être étendue aux faits dont serait victime le patient." (Cour de Cassation, 9 février 1988, n° 6, Pasicrisie, 1988, I, 662).

Cet avis est communiqué pour information à l'Association des Juges de Paix.

Secret professionnel07/10/2000 Code de document: a090018
report_problem Information/Documentation
Déclaration d'Helsinki

DECLARATION D’HELSINKI

A l’occasion de sa cinquante deuxième assemblée générale, tenue à Edimbourg du 3 au 7 octobre 2000, l’Association Médicale Mondiale a adopté le texte révisant la déclaration d’Helsinki dont l’élaboration et l’étude avaient été confiées à une commission en avril 1999.

La Déclaration princeps remonte à 1964 et quatre amendements y furent apportés (1975-1983-1989-1996).
La subdivision diffère des versions précédentes : un préambule introductif expose les principes : le chapitre suivant détaille les fondamentaux qui doivent régir l’expérimentation sur le sujet sain capable ou non d’exprimer un consentement volontaire. Le troisième traite des divers aspects de la recherche en cours de traitement.

DECLARATION D'HELSINKI DE L'ASSOCIATION MEDICALE MONDIALE

Principes éthiques applicables aux recherches médicales sur des sujets humains

Adoptée par la 18e Assemblée générale, Helsinki, Juin 1964

et amendée par les
29e Assemblée générale, Tokyo, Octobre 1975
35e Assemblée générale, Venise, Octobre 1983
41e Assemblée générale, Hong Kong, Septembre 1989
48e Assemblée générale, Somerset West (Afrique du Sud), Octobre 1996
et la 52e Assemblée générale, Edimbourg, Octobre 2000

A. INTRODUCTION

1. La Déclaration d'Helsinki, élaborée par l'Association Médicale Mondiale, constitue une déclaration de principes éthiques dont l'objectif est de fournir des recommandations aux médecins et autres participants à la recherche médicale sur des êtres humains. Celle-ci comprend également les études réalisées sur des données à caractère personnel ou des échantillons biologiques non anonymes.

2. La mission du médecin est de promouvoir et de préserver la santé de l'être humain. Il exerce ce devoir dans la plénitude de son savoir et de sa conscience.

3. Le Serment de Genève de l'Association médicale mondiale lie le médecin dans les termes suivants : "La santé de mon patient sera mon premier souci" et le Code international d'éthique médicale énonce que "le médecin devra agir uniquement dans l'intérêt de son patient lorsqu'il lui procure des soins qui peuvent avoir pour conséquence un affaiblissement de sa condition physique ou mentale".

4. Les progrès de la médecine sont fondés sur des recherches qui, in fine, peuvent imposer de recourir à l'expérimentation humaine.

5. Dans la recherche médicale sur les sujets humains, les intérêts de la science et de la société ne doivent jamais prévaloir sur le bien-être du sujet.

6. L'objectif essentiel de la recherche médicale sur des sujets humains doit être l'amélioration des méthodes diagnostiques, thérapeutiques et de prévention, ainsi que la compréhension des causes et des mécanismes des maladies. Les méthodes diagnostiques, thérapeutiques et de prévention, même les plus éprouvées, doivent constamment être remises en question par des recherches portant sur leur efficacité, leur efficience et leur accessibilité.

7. Dans la recherche médicale comme dans la pratique médicale courante, la mise en œuvre de la plupart des méthodes diagnostiques, thérapeutiques et de prévention expose à des risques et à des contraintes.

8. La recherche médicale est soumise à des normes éthiques qui visent à garantir le respect de tous les êtres humains et la protection de leur santé et de leurs droits. Certaines catégories de sujets sont plus vulnérables que d'autres et appellent une protection adaptée. Les besoins spécifiques des sujets défavorisés au plan économique comme au plan médical doivent être identifiés. Une attention particulière doit être portée aux personnes qui ne sont pas en mesure de donner ou de refuser elles-mêmes leur consentement, à celles qui sont susceptibles de donner leur consentement sous la contrainte, à celles qui ne bénéficieront pas personnellement de la recherche et à celles pour lesquelles la recherche est conduite au cours d'un traitement.

9. L'investigateur doit être attentif aux dispositions éthiques, légales et réglementaires applicables à la recherche sur les sujets humains dans son propre pays ainsi qu'aux règles internationales applicables. Aucune disposition nationale d'ordre éthique, légal et réglementaire ne doit conduire à affaiblir ou supprimer les mesures protectrices énoncées dans la présente déclaration.

B. PRINCIPES FONDAMENTAUX APPLICABLES A TOUTE FORME DE RECHERCHE MEDICALE

10. Dans la recherche médicale, le devoir du médecin est de protéger la vie, la santé, la dignité et l'intimité de la personne.

11. La recherche médicale sur des êtres humains doit se conformer aux principes scientifiques généralement reconnus. Elle doit se fonder sur une connaissance approfondie de la littérature scientifique et des autres sources pertinentes d'information ainsi que sur une expérimentation appropriée réalisée en laboratoire et, le cas échéant, sur l'animal.

12. Des précautions particulières doivent entourer les recherches pouvant porter atteinte à l'environnement et le bien-être des animaux utilisés au cours des recherches doit être préservé.

13. La conception et l'exécution de chaque phase de l'expérimentation sur des sujets humains doivent être clairement définies dans un protocole expérimental. Ce protocole doit être soumis pour examen, commentaires, avis et, le cas échéant, pour approbation, à un comité d'éthique mis en place à cet effet. Ce comité doit être indépendant du promoteur, de l'investigateur ou de toute autre forme d'influence indue. Il doit respecter les lois et règlements en vigueur dans le pays où s'effectuent les recherches. Il a le droit de suivre le déroulement des études en cours. L'investigateur a l'obligation de fournir au comité des informations sur le déroulement de l'étude portant en particulier sur la survenue d'événements indésirables d'une certaine gravité. L'investigateur doit également communiquer au comité, pour examen, les informations relatives au financement, aux promoteurs, à toute appartenance à une ou des institutions, aux éventuels conflits d'intérêt ainsi qu'aux moyens d'inciter des personnes à participer à une recherche.

14. Le protocole de la recherche doit contenir une déclaration sur les implications éthiques de cette recherche. Il doit préciser que les principes énoncés dans la présente déclaration sont respectés.

15. Les études sur l'être humain doivent être conduites par des personnes scientifiquement qualifiées et sous le contrôle d'un médecin compétent. La responsabilité à l'égard d'un sujet inclus dans une recherche doit toujours incomber à une personne médicalement qualifiée et non au sujet, même consentant.

16. Toute étude doit être précédée d'une évaluation soigneuse du rapport entre d'une part, les risques et les contraintes et d'autre part, les avantages prévisibles pour le sujet ou d'autres personnes. Cela n'empêche pas la participation à des recherches médicales de volontaires sains. Le plan de toutes les études doit être accessible.

17. Un médecin ne doit entreprendre une étude que s'il estime que les risques sont correctement évalués et qu'ils peuvent être contrôlés de manière satisfaisante. Il doit être mis un terme à la recherche si les risques se révèlent l'emporter sur les bénéfices escomptés ou si des preuves consistantes de résultats positifs et bénéfiques sont apportées.

18. Une étude ne peut être réalisée que si l'importance de l'objectif recherché prévaut sur les contraintes et les risques encourus par le sujet. C'est particulièrement le cas lorsqu'il s'agit d'un volontaire sain.

19. Une recherche médicale sur des êtres humains n'est légitime que si les populations au sein desquelles elle est menée ont des chances réelles de bénéficier des résultats obtenus.

20. Les sujets se prêtant à des recherches médicales doivent être des volontaires informés des modalités de leur participation au projet de recherche.

21. Le droit du sujet à la protection de son intégrité doit toujours être respecté. Toutes précautions doivent être prises pour respecter la vie privée du sujet, la confidentialité des données le concernant et limiter les répercussions de l'étude sur son équilibre physique et psychologique.

22. Lors de toute étude, la personne se prêtant à la recherche doit être informée de manière appropriée des objectifs, méthodes, financement, conflits d'intérêts éventuels, appartenance de l'investigateur à une ou des institutions, bénéfices attendus ainsi que des risques potentiels de l'étude et des contraintes qui pourraient en résulter pour elle. Le sujet doit être informé qu'il a la faculté de ne pas participer à l'étude et qu'il est libre de revenir à tout moment sur son consentement sans crainte de préjudice. Après s'être assuré de la bonne compréhension par le sujet de l'information donnée, le médecin doit obtenir son consentement libre et éclairé, de préférence par écrit. Lorsque le consentement ne peut être obtenu sous forme écrite, la procédure de recueil doit être formellement explicitée et reposer sur l'intervention de témoins.

23. Lorsqu'il sollicite le consentement éclairé d'une personne à un projet de recherche, l'investigateur doit être particulièrement prudent si le sujet se trouve vis-à-vis de lui dans une situation de dépendance ou est exposé à donner son consentement sous une forme de contrainte. Il est alors souhaitable que le consentement soit sollicité par un médecin bien informé de l'étude mais n'y prenant pas part et non concerné par la relation sujet-investigateur.

24. Lorsque le sujet pressenti est juridiquement incapable, physiquement ou mentalement hors d'état de donner son consentement ou lorsqu'il s'agit d'un sujet mineur, l'investigateur doit obtenir le consentement éclairé du représentant légal en conformité avec le droit en vigueur. Ces personnes ne peuvent être inclues dans une étude que si celle-ci est indispensable à l'amélioration de la santé de la population à laquelle elles appartiennent et ne peut être réalisée sur des personnes aptes à donner un consentement.

25. Lorsque le sujet, bien que juridiquement incapable (un mineur par exemple), est cependant en mesure d'exprimer son accord à la participation à l'étude, l'investigateur doit obtenir que cet accord accompagne celui du représentant légal.

26. La recherche sur des personnes dont il est impossible d'obtenir le consentement éclairé, même sous forme de procuration ou d'expression préalable d'un accord, ne doit être conduite que si l'état physique ou mental qui fait obstacle à l'obtention de ce consentement est une des caractéristiques requises des sujets à inclure dans l'étude. Les raisons spécifiques d'inclure des sujets dans une étude en dépit de leur incapacité à donner un consentement éclairé doivent être exposées dans le protocole qui sera soumis au comité pour examen et approbation. Le protocole doit également préciser que le consentement du sujet ou de son représentant légal à maintenir sa participation à l'étude doit être obtenu le plus rapidement possible.

27. Les auteurs et les éditeurs de publications scientifiques ont des obligations d'ordre éthique. Lors de la publication des résultats d'une étude, les investigateurs doivent veiller à l'exactitude des résultats. Les résultats négatifs aussi bien que les résultats positifs doivent être publiés ou rendus accessibles. Le financement, l'appartenance à une ou des institutions et les éventuels conflits d'intérêt doivent être exposés dans les publications. Le compte-rendu d'une étude non conforme aux principes énoncés dans cette déclaration ne doit pas être accepté pour publication.

C. PRINCIPES APPLICABLES A LA RECHERCHE MEDICALE CONDUITE AU COURS D'UN TRAITEMENT

28. Le médecin ne peut mener une recherche médicale au cours d'un traitement que dans la mesure où cette recherche est justifiée par un possible intérêt diagnostique, thérapeutique ou de prévention. Quand la recherche est associée à des soins médicaux, les patients se prêtant à la recherche doivent bénéficier de règles supplémentaires de protection.

29. Les avantages, les risques, les contraintes et l'efficacité d'une nouvelle méthode doivent être évalués par comparaison avec les meilleures méthodes diagnostiques, thérapeutiques ou de prévention en usage. Cela n'exclut ni le recours au placebo ni l'absence d'intervention dans les études pour lesquelles il n'existe pas de méthode diagnostique, thérapeutique ou de prévention éprouvée.

30. Tous les patients ayant participé à une étude doivent être assurés de bénéficier à son terme des moyens diagnostiques, thérapeutiques et de prévention dont l'étude aura montré la supériorité.

31. Le médecin doit donner au patient une information complète sur les aspects des soins qui sont liés à des dispositions particulières du protocole de recherche. Le refus d'un patient de participer à une étude ne devra en aucun cas porter atteinte aux relations que le médecin entretient avec ce patient.

32. Lorsqu'au cours d'un traitement, les méthodes établies de prévention, de diagnostic ou de thérapeutique s'avèrent inexistantes ou insuffisamment efficaces, le médecin, avec le consentement éclairé du patient, doit pouvoir recourir à des méthodes non éprouvées ou nouvelles s'il juge que celles-ci offrent un espoir de sauver la vie, de rétablir la santé ou de soulager les souffrances du malade. Ces mesures doivent, dans toute la mesure du possible, faire l'objet d'une recherche destinée à évaluer leur sécurité et leur efficacité. Toute nouvelle information sera consignée et, le cas échéant, publiée. Les autres recommandations appropriées énoncées dans la présente déclaration s'appliquent.

Commentaires

Nous n’entreprendrons pas de comparer les différentes versions amendées afin de souligner les nouveautés.

Par contre, nous avons choisi de confronter ces recommandations au code de déontologie belge (chapitre VIII, articles 89 à 94, version 1992 (1) et à l’avis émis au même moment sur les Comités d’éthique (2). Cette mise en perspective sera étendue à la convention européenne sur les droits de l’homme et la biomédecine (1997) (3).

Précisons qu’il s’agit d’un document de nature éthique et non d’un texte légal. Au cours des discussions préparatoires auxquelles la délégation belge a participé, il a été précisé qu’en cas de dispositions légales contraires, les responsables de la santé d’un pays pouvaient utiliser ce texte pour convaincre leurs dirigeants politiques d’adapter leur législation aux règles de l’éthique.

Le contenu de l’article 89 du code en communauté avec celui de la Déclaration en ce que l’expérimentation animale est posée comme préalable, quoique tempérée par le terme «le cas échéant»; elle recommande en outre une attention au bien-être de l’animal.

L’article 90 traite de l’expérimentation sur le sujet sain.
Le code semble exclure le mineur; la Déclaration est discrète à ce sujet (article 25). Ceci dissimule peut-être une réflexion qui s’opère au sujet de la médication pédiatrique. Le Comité permanent des médecins européens se penche sur un projet de déclaration; les U.S.A. se sont dotés en 1999 d’une «Pediatric rule» qui encourage la recherche dans le domaine pédiatrique (4). On conviendra cependant qu’il s’agit d’un sujet difficile ayant trait surtout à l’oncologie.
Le code exclut également ceux qui sont privés de liberté au premier rang desquels figurent les prisonniers. La déclaration, à ce sujet, ne mentionne en son article 8 que «celles qui sont susceptibles de donner leur consentement sous la contrainte» mais introduit l’importante notion de dépendance vis-à-vis du médecin (assistants, étudiants, personnel) pour lesquels le consentement devrait être recueilli par un autre médecin que l’expérimentateur.
Il importe aussi de tenir compte qu’en médecine carcérale, une évolution des idées se fait jour (5). Elle tend à admettre l’expérimentation dans des conditions d’information, de consentement et d’exécution similaires à celle des sujets en liberté, et en tous cas à poursuivre une expérimentation thérapeutique débutée avant et en cours au moment de l’incarcération.
Par contre, la déclaration est plus explicite quant aux informations à délivrer à l’expérimenté, quant à la recherche du bénéfice et quant à la balance de celui-ci avec les risques.

L’article 91 cite les contre-indications à l’expérimentation.
Elles peuvent se déduire en négatif de la lecture de la déclaration, lorsque les conditions prônées ne sont pas rencontrées. Elles sont clairement détaillées aux articles 16 et 17 de la Convention européenne sur la biomédecine.

L’article 92 §1 récuse le placebo dans l’essai en cours de traitement: le sujet doit garder accès à une thérapeutique valable.
La déclaration l’admet au cas où il n’existe aucune thérapeutique «éprouvée». Puisque aucune référence n’est faite aux moyens de la preuve (E.B.M.?, META ANALYSES?), est ici entrouverte la porte que la F.D.A.(6) avait désiré rendre béante en imposant systématiquement l’épreuve contre placebo qu’elle considère comme seul point de référence fixe et fiable pour une «new drug». On peut ici regretter une insuffisante fermeté de la déclaration à considérer le placebo comme non éthique, s’agissant de patients. Qui pourrait admettre qu’un céphalalgique habituel se voit administrer un placebo ? Sinon l’expérimentateur qui considérerait que les produits habituellement prescrits n’ont pas fait leur preuve (6).

A l’article 92, §2 sont énoncées les garanties. Elles pourraient paraître désuètes si elles n’étaient appuyées par l’avis relatif aux comités d’éthique et par la loi qui les rendent obligatoires pour maintenir l’agréation d’un hôpital. Une revue de cet article contribuerait à dissiper les malentendus.
L’indépendance vis-à-vis du promoteur est à juste titre soulignée dans la déclaration. Elle aura des conséquences pratiques non négligeables.
Ce texte détaille le contenu d’un protocole évoqué par l’article du code.

L’article 92 §3 traite des essais en cas d’affection incurable. Aux incontournables conditions imposées par leur faisabilité, Helsinki ajoute l’absence de méthodes alternatives, voire même une garantie de bénéfice.
La distinction ne devrait-elle pas être opérée entre les incurables vrais et les «non curables susceptibles de le devenir»? Les objectifs nous semblent différents, de même que la rigueur à escompter.

L’article 93 est clair quant à l’indépendance financière. Il répond partiellement à notre remarque au sujet du 92 §2. la Déclaration évoque que cet aspect doit faire partie de l’information à communiquer au comité d’éthique et à la personne qui se soumet à l’expérimentation sans exiger de garantie.
Le contenu de l’article 94 se retrouve à l’état implicite dans la Déclaration qui se fait moins précise quant aux dangers de détérioration du psychisme par un produit expérimenté. Il convient également de rappeler l’article 44 du code qui garantit le secret des dossiers médicaux.

En conclusion : Les articles du code (chapitre VIII) ont été adoptés en 1992 à la lueur du texte de la déclaration d’Helsinki de l’époque. Leur actualité se maintient et les recoupements sont nombreux. Une certaine redondance est propre au texte de l’A.M.M. qui a l’avantage de la précision sur certains points.
L’esprit de la priorité accordée à la personne apparaît clairement dans les deux textes avec le devoir du médecin de la protéger.
La brèche du placebo est regrettable; elle devrait être compensée par un texte national sans ambiguïtés.
Il n’empêche qu’il s’agit d’une déclaration de bon aloi qui a le mérite de préciser les obligations du chercheur ainsi que le rôle des comités d’éthique.

Souhaitons cependant qu’autant la Déclaration que le code abordent sous peu le problème de l’expérimentation sur l’embryon, ce que n’avait pas manqué de faire la Convention européenne sur les droits de l’homme et la biomédecine, quoiqu’en son paragraphe 1, elle se dit applicable aux «échantillons biologiques identifiables».

Mentionnons pour terminer que le Conseil national termine la mise au point de cycles de formation pour les membres des comités d’éthique de chaque province. La question de l’expérimentation y figurera pour une large part.

Pr G. De Roy
Dr F. Philippart

Notes :

1. Code de déontologie médicale (Version 1997)
Elaboré par le Conseil national de l’Ordre des médecins

2. Bioéthique et Conseil national de l’Ordre des médecins
Avis du 14.12.1991
B.C.N.O.M. n° 55, pp. 32 et sv.

3. Convention européenne sur les droits de l’homme et la biomédecine
Strasbourg, mai 1997.

4. «Les deux tiers des médicaments pour enfants ont été conçus pour les adultes»
V. LORELLE
Journal Le Monde, 03.11.2000, p. 20.

5. Santé et détention
Dr VAN MOL, 1999.

6. «Déclaration of Helsinki should be strengthened»
ROTHMAN, MICHELS, BAUM
British medical journal, 12.08.2000
Vol. 321 442-5

Consentement éclairé17/06/2000 Code de document: a090014
Livre blanc sur la protection des droits de l'homme et de la dignité des personnes atteintes de troubles mentaux

Au nom des trois cabinets qui représentent le gouvernement belge dans le Comité directeur pour la bioéthique (CDBI) du Conseil de l'Europe, à savoir Justice, Politique scientifique et Santé publique, madame M. AELVOET, ministre de la Protection de la consommation, de la Santé publique et de l'Environnement, demande l'avis du Conseil national à propos du Livre blanc (établi en français) "sur la protection des droits de l'homme et de la dignité des personnes atteintes de troubles mentaux, en particulier de celles placées comme patients involontaires dans un établissement psychiatrique".

Observations du Conseil national concernant ce Livre blanc :

Les propositions émises dans le projet de Livre blanc présentent des similitudes frappantes avec la loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux et avec les arrêtés du 18 juillet 1991 exécutant cette loi. Cela ne doit pas étonner puisqu'il ressort du rapport présenté au nom de la commission de la Justice par Madame Herman-Michielsens (733-2 (1988-1989)) qu'il a été amplement tenu compte des recommandations du Conseil de l'Europe lors de la préparation de la nouvelle loi. Le projet de Livre blanc comporte toutefois quelques dispositions neuves qui pourraient avoir pour conséquence une modification tant de la législation belge que de la déontologie médicale.

La modification la plus importante du projet de Livre blanc a trait au champ d'application des propositions (point 1). Contrairement à une recommandation antérieure du Conseil de l'Europe, qui insistait sur une séparation nette du placement involontaire de malades mentaux et du placement passant par une procédure pénale, il est à présent postulé que "sauf disposition contraire, le nouvel instrument juridique s'applique au placement et au traitement involontaires décidés tant en matière civile que pénale". Ceci a une incidence sur la loi du 1er juillet 1964 de défense sociale à l'égard des anormaux et des délinquants d'habitude. A cet égard, le Conseil national se réfère au rapport final des travaux de la Commission Internement en vue de la révision de la loi précitée (Rapport Commission Internement - Ministère de la Justice - Avril 1999). Vous trouvez ci-jointes les remarques du Conseil national concernant ce rapport.

Un deuxième élément important en rapport avec le champ d'application des propositions se situe au niveau de la distinction qui est faite entre le placement involontaire et le traitement involontaire. La législation belge actuelle ne fait pas cette distinction : la plupart des médecins pensent qu'une admission forcée sans traitement n'est pas logique, mais d'aucuns estiment qu'hormis les situations d'urgence, une admission forcée ne permet pas de traiter un patient sans son consentement. Le Conseil national est d'avis que la clarté sur ce plan ne peut qu'être positive pour le patient, pour ses proches et pour les thérapeutes.

En revanche, le Conseil national est d'avis que toute procédure préalable à un traitement involontaire, doit être simple et de courte durée (point 6). Il faut éviter les admissions de longue durée sans traitement, car même des traitements simples peuvent réduire considérablement la durée d'un séjour involontaire. Les propositions actuelles ne répondent pas à ce critère. Ainsi, il est proposé en cas de refus du malade, de consulter son représentant. Il n'est nulle part indiqué comment ce représentant sera désigné, ce qui laisse supposer qu'il le sera par le malade lui-même tout comme pour l'instant en vertu de la loi précitée du 26 juin 1990, il désigne lui-même sa personne de confiance. On peut s'attendre à ce que le malade désigne un représentant qui partage son point de vue, avec pour seul résultat de perdre du temps.

En outre, le Conseil national trouve que c'est aller chercher loin que d'imposer aux thérapeutes de soumettre leur programme de traitement involontaire pour décision à une instance indépendante. Par contre, il est logique que le programme de traitement doive être établi par écrit et que toutes les modifications doivent être notées et pouvoir être retrouvées dans le dossier. La déontologie du médecin, ses connaissances scientifiques, le contrôle de l'équipe de traitement, le contrôle indirect de la direction et l'inspection sont une série de garanties pour le patient qui, le cas échéant, peut intervenir auprès du thérapeute par l'entremise de son conseil et porter l'affaire en référé.

Il n'est pas dénué d'importance de mettre en relief la proposition (point 11. 7) de subordonner à la décision d'une instance judiciaire ou d'un organe similaire "une atteinte irréversible aux capacités de procréation d'une personne". Ceci va plus loin que la déontologie médicale actuelle, mais le Conseil national est d'avis que l'on ne peut que souscrire à toute garantie supplémentaire pouvant être donnée notamment aux personnes mentalement handicapées.

Le Conseil national tient à souligner que le contact entre les personnes placées comme patients involontaires et leur famille peut être très important (point 11. 11) et qu'il y a lieu par exemple de recommander aussi de courtes visites de la famille durant le séjour du patient, même en chambre d'isolement. En outre, le Conseil national est d'avis que les contacts de l'instance judiciaire de décision avec la famille peuvent contribuer à une meilleure information du juge et à des décisions adéquates (point 14. 4).

Enfin, le Conseil national estime le moment venu, au terme de dix années d'application, de soumettre à une évaluation la loi actuelle du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux. Les milieux psychiatriques insistent en vue d'une révision en raison des imperfections mises au jour par la pratique.

cc. : Monsieur M. VERWILGHEN, ministre de la Justice;
Monsieur Ch. PICQUE, ministre de l'Economie et de la Recherche scientifique.

Annexe : Ministère de la Justice - Rapport final des travaux de la Commission Internement, Bulletin du Conseil national n° 87, mars 2000, p. 17 et 18 :

Le Conseil national a été invité à faire connaître ses remarques concernant le rapport final que la Commission pluridisciplinaire Internement a présenté au ministre de la Justice.

Lettre du Conseil national à Monsieur M. VERWILGHEN, ministre de la Justice :

Monsieur le ministre,

Le Conseil national a procédé, en sa séance du 30 octobre 1999, à une deuxième lecture du rapport final de la Commission Internement. Comme nous vous l'avons fait savoir par la lettre du 29 septembre 1999, ce sont surtout l'expertise psychiatrique et le traitement du délinquant malade mental qui ont retenu l'attention du Conseil national. Ces deux subdivisions du rapport final sont en effet très importantes du point de vue déontologique.

Il est essentiel pour un inculpé que le juge dispose d'un avis qualifié concernant la nature et la gravité d'un éventuel trouble mental et son incidence sur les comportements de l'intéressé.

Comme la Commission, le Conseil national est d'avis qu'une expertise psychiatrique doit toujours précéder la décision d'un juge au sujet de l'existence ou non d'un trouble mental(1). Cette remarque ne devrait pas s'appliquer uniquement à la mise en oeuvre de la loi de défense sociale, mais à tous les cas dans lesquels une décision judiciaire est prise à partir de l'existence ou non d'un trouble mental. Le juge décide en effet toujours souverainement après avoir été informé des conclusions de l'expertise.
En ce qui concerne l'expertise psychiatrique, le Conseil national est d'avis qu'elle doit en règle générale être multidisciplinaire, et ce, tant dans le cadre de la mise en observation qu'en dehors de celle-ci(2). Le modèle bio-psycho-social étant généralement admis en psychiatrie, il est préférable que toute expertise englobe ces trois angles d'approche, le psychiatre devant toutefois être le responsable final, libre de choisir ses collaborateurs. La personne examinée ne peut être privée de cette garantie supplémentaire d'un rapport complet et justifié.
En outre, le Conseil national est d'avis que la désignation d'un collège d'experts(3) doit rester possible parce qu'elle peut contribuer, dans les cas difficiles, à une plus grande objectivité du rapport d'expertise. Il peut être utile à l'information du juge de prévoir la possibilité d'un avis dissident.
Il est très important pour la personne examinée que des formules claires soient définies pour l'introduction dans le débat de l'avis d'un médecin de son choix. Le Conseil national est d'avis que leur déontologie commande aux médecins d'apporter l'"assistance psychiatrique" nécessaire telle que visée dans le rapport final(4). On ne peut imaginer que des personnes qui sollicitent une aide doivent renoncer à une défense légitime de leurs intérêts par manque de moyens financiers. Le Conseil national souscrit par conséquent à la proposition de la Commission suivant laquelle le Roi détermine, après avis du Conseil national de l'Ordre des médecins, les conditions d'octroi de cette forme d'"assistance psychiatrique".

Le Conseil national partage tout à fait le point de vue de la Commission concernant le statut et la formation des experts judiciaires(5). Dans une lettre du 29 avril 1998, le Conseil national insistait déjà auprès du ministre de la Justice en vue de l'exécution de l'article 991 du Code judiciaire. Le Conseil national préconisait de confier l'établissement de listes d'experts à des commissions constituées auprès des Cours d'appel, auxquelles participeraient des délégués des Conseils provinciaux de l'Ordre des médecins.

Enfin, le Conseil national tient à souligner qu'il s'indique d'établir une séparation stricte entre les missions des experts désignés et celles des thérapeutes. Aussi le Conseil national s'interroge-t-il sur l'affirmation du rapport suivant laquelle la relation qui s'établit nécessairement entre l'expert et le délinquant examiné peut, par exemple, aider ce dernier à surmonter "l'état de crise dans lequel il se trouve", le rendre plus réceptif à l'action judiciaire dont il fait l'objet et le convaincre de la nécessité de s'engager dans un traitement s'il veut éviter une rechute(6). Le Conseil national peut admettre qu'un expert puisse, dans des circonstances exceptionnelles, endosser le rôle de "dispensateur de soins", mais il est d'avis qu'une séparation nette de ces missions doit être la règle.
Le Conseil national souscrit aux principes éthiques postulés par la Commission dans le cadre du traitement(7), lesquels visent la qualité des soins à apporter au délinquant malade mental, d'une part, et la sécurité de l'interné et de la société, d'autre part.
Le Conseil national peut aussi partager la préférence de la Commission pour un accord de partenariat entre les ministres de la Justice et de la Santé publique, dans le cadre duquel la Santé publique serait compétente en matière de "traitement", tandis que la Justice conserverait la responsabilité du volet "contrôle" de l'interné et des décisions judiciaires prises à son égard(7). La distinction entre "traitement" et "contrôle" paraît simple en théorie, mais elle est sillonnée de notions telles que "guidance", "guidance obligatoire" et "tutelle médico-sociale".

La Commission a opté pour une solution pragmatique et a envisagé six situations afin de délimiter les frontières du secret professionnel(9). Dans cinq des six réponses proposées par la Commission, le Conseil national retrouve son avis concernant la guidance et le traitement d'auteurs d'infractions à caractère sexuel, et se déclare entièrement d'accord avec l'application de cet avis, par analogie, au délinquant malade mental . En ce qui concerne la troisième situation, dans laquelle le délinquant malade mental ne s'investit pas dans le traitement qui lui est proposé, le Conseil national est d'avis que ce non-investissement doit au moins être démontré de manière irréfutable avant d'être assimilé à une présence irrégulière au rendez-vous.
Le Conseil national se rend compte que le fait d'invoquer l'"état de nécessité" peut engager la responsabilité civile et pénale du déclarant et qu'une intervention législative sur ce plan serait rassurante pour ce dernier. Toutefois, le Conseil national est d'avis qu'un texte tel que celui de l'article 7 de la loi du 5 mars 1998 ("...difficultés survenues dans son exécution.") est beaucoup trop vague et n'indique pas à suffisance la condition d'une menace grave pour la vie et l'intégrité d'autrui pour pouvoir s'appuyer sur l'autorisation légale de violer le secret professionnel(10).
En ce qui concerne la proposition de la Commission d'une divulgation autorisée par l'intéressé(11), le Conseil national estime que la création de cette possibilité peut confronter le thérapeute à une situation très embarrassante et qu'elle n'est même pas favorable aux internés en tant que groupe. Si un interné sait qu'un thérapeute peut établir un rapport avec son autorisation, il exercera une pression sur le thérapeute afin d'obtenir un rapport favorable tandis que pour ne pas hypothéquer la relation péniblement instaurée, le thérapeute pourrait délivrer un rapport "complaisant". D'autre part, les internés ne bénéficiant pas de rapports favorables, feront l'objet, à juste titre, d'une appréciation négative. Le Conseil national est d'avis que, dans une matière aussi délicate, il est préférable que les thérapeutes s'abstiennent d'un témoignage en justice, car celui-ci est de nature à plus compromettre que promouvoir la confiance du groupe 'malades mentaux délinquants' vis-à-vis du groupe 'thérapeutes'.

Par ailleurs, le Conseil national se pose beaucoup de questions concernant la convention triangulaire proposée entre l'interné, la CDS et le thérapeute ou service en charge du traitement(12).
Le Conseil national pense que l'on peut difficilement dire d'une telle convention dans le cadre d'un traitement forcé, qu'elle a été passée librement, c'est-à-dire "avec l'accord exprès de l'interné". Que l'intéressé soit exactement informé de ce qui l'attend si les rendez-vous fixés ne sont pas respectés, est toutefois un point positif.
D'autre part, la question se pose si une absence de motivation ou d'engagement dans le traitement peut être démontrée d'une manière qui soit irréfutable pour l'interné tandis que les accords au sujet de l'arrêt du traitement et du fait d'informer la CDS lorsque l'interné en vient à représenter un péril grave pour lui-même ou pour des tiers, ne sont guère compatibles avec la nécessaire relation de confiance et la franchise du dialogue entre le médecin et le patient, qui sont à la base de toute thérapie. Vu l'absence de dispositions légales relatives à l'"état de nécessité", le thérapeute devra décider en honneur et conscience s'il informe ou non la CDS. Il est peu probable que l'existence d'une convention triangulaire écrite, dont l'engagement volontaire peut être facilement contesté, puisse préserver le déclarant de procédures civiles et/ou pénales. Le Conseil national ne peut se défaire de l'impression que les réponses aux six situations décrites, destinées à délimiter les frontières du secret professionnel, ne soient fortement affaiblies par la convention proposée.

1 Rapport final des travaux de la Commission Internement, ministère de la Justice, pour la révision de la loi de défense sociale du 1er juillet 1964, p. 45.
2 Rapport final, pp. 49, 50.
3 Rapport final, pp. 49.
4 Rapport final, p. 48, 49.
5 Rapport final, pp. 46, 47.
6 Rapport final, p. 45, 46.
7 Rapport final, p. 71.
8 Rapport final, p. 71.
9 Rapport final, pp. 88, 89, 90.
10 Rapport final, pp. 90, 91.
11 Rapport final, p. 92.
12 Rapport final, p. 92, 93, 94.

Euthanasie15/01/2000 Code de document: a087001
Implication médicale dans le cadre de la vie finissante - Euthanasie

Dans le cadre des évolutions politiques récentes concernant l’euthanasie, le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné, en sa séance du 15 janvier 2000, les aspects éthiques et déontologiques de l'implication médicale dans le cadre de la vie finissante.

La préoccupation grandissante qui dans la société fait écho à la problématique de l’euthanasie trouve son origine notamment dans la demande croissante de l'individu que lui soient épargnées des souffrances intolérables et incurables dans la dernière phase de sa vie et à pouvoir mourir dans la dignité. Ces demandes sont nourries par une aversion accrue envers l’acharnement thérapeutique toujours pratiqué et les craintes persistantes quant à l'efficacité réelle de soins palliatifs. Dans le cadre des évolutions politiques récentes concernant l’euthanasie, le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné, en sa séance du 15 janvier 2000, les aspects éthiques et déontologiques de l'implication médicale dans le cadre de la vie finissante.

Afin de rencontrer cette préoccupation de société, le Conseil national de l'Ordre des médecins a réécrit en 1992 le chapitre du Code de déontologie médicale concernant la vie finissante. Depuis cette adaptation, le Conseil national a toujours prôné une lecture de ce chapitre dans sa globalité. Le Conseil national y dit que le médecin ne peut pas provoquer délibérément la mort d'un malade ni l'aider à se suicider (article 95), mais souligne aussi que le médecin doit à son malade se trouvant dans la phase terminale de sa vie toute assistance morale et médicale pour soulager ses souffrances morales et physiques et préserver sa dignité (article 96). Lorsqu'il déterminera l'attitude à adopter, notamment la mise en route d'un traitement ou son arrêt, le médecin demandera conseil à un confrère au moins, recueillera l'opinion du patient ou, à défaut, de ses proches et l’/les informera de ses intentions (article 97). Dans des avis ultérieurs, le Conseil national a élargi cette prise de contact à l’équipe infirmière et/ou à l’équipe soignante. Dans le cadre des évolutions politiques récentes concernant l’euthanasie, le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné, en sa séance du 15 janvier 2000, les aspects éthiques et déontologiques de l'implication médicale dans le cadre de la vie finissante.

Comme dans bon nombre de problèmes déontologiques, le Conseil national a toujours été attentif à l'état de nécessité dans des problèmes qui peuvent se poser durant la dernière phase de la vie. Le Conseil national admet que, dans des circonstances exceptionnelles, le médecin peut se trouver placé devant un conflit de valeurs et de décisions qui en découlent, à savoir, de ne pas provoquer délibérément la mort ou de mettre en œuvre les moyens adéquats nécessaires pour permettre à un patient de mourir dans la dignité. Dans ces circonstances, le médecin doit prendre en honneur et conscience et en concertation avec le patient une décision qu'il devra toujours pouvoir justifier. Dans le cadre des évolutions politiques récentes concernant l’euthanasie, le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné, en sa séance du 15 janvier 2000, les aspects éthiques et déontologiques de l'implication médicale dans le cadre de la vie finissante.

Le Conseil national n'a du point de vue déontologique jamais éprouvé la nécessité d'établir une distinction fondamentale entre personnes capables et incapables d'exprimer leur volonté, car un état de nécessité peut se présenter dans les deux groupes.
Notons qu’au cours des dernières décennies, aucun médecin n'a été poursuivi au pénal ou au disciplinaire pour avoir mis fin à la vie d'un patient et ce nonobstant les déclarations de médecins affirmant ouvertement qu'ils avaient pratiqué l'"euthanasie" à plusieurs reprises. Dans le cadre des évolutions politiques récentes concernant l’euthanasie, le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné, en sa séance du 15 janvier 2000, les aspects éthiques et déontologiques de l'implication médicale dans le cadre de la vie finissante.

Du point de vue juridique, il a été et est toujours souligné que le fait d'invoquer l'état de nécessité n'offre pas de sécurité. A ce sujet, il y a lieu de remarquer que tout acte médical, à n'importe quelle phase de la vie, peut faire l'objet d'un examen judiciaire et que toutes les procédures qui incluent un contrôle a posteriori lorsqu'il a été mis fin à la vie d'un patient, n'offrent guère plus de sécurité juridique. Dans le cadre des évolutions politiques récentes concernant l’euthanasie, le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné, en sa séance du 15 janvier 2000, les aspects éthiques et déontologiques de l'implication médicale dans le cadre de la vie finissante.

Sur la base de ce qui précède, le Conseil national estime qu'il convient de continuer à combattre l'acharnement thérapeutique, de promouvoir la confiance dans les soins palliatifs, et surtout, de favoriser une concertation ouverte, en temps utile, avec le patient et le cas échéant avec son entourage. Au besoin, l'attitude à adopter par le médecin devant un état de nécessité doit être discutée avec tact et discrétion lors de cette concertation. Le Conseil national est d'avis que les problèmes de la vie finissante ne peuvent trouver de réponse que dans un esprit d'humanité fondé sur le respect croissant de la personne humaine et particulièrement de l'être humain en proie à la détresse.