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Loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé – Modification des articles 44 à 63 relatifs à la Commission de contrôle
Le Conseil national de l’Ordre des médecins a analysé de manière approfondie la version consolidée des articles 44 à 63 relatifs la Commission fédérale de contrôle de la pratique des soins de santé (Commission de contrôle), modifiés par la loi du 30 juillet 2022 modifiant la loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé (MB, 8 août 2022).
Lettre au ministre des Affaires sociales et de la Santé
Monsieur le Ministre,
Le Conseil national de l’Ordre des médecins a pris connaissance avec intérêt de la loi du 30 juillet 2022 modifiant la loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé (MB, 8 août 2022).
Les articles 2 à 21 (chapitre 2) de cette loi apportent des modifications et précisions importantes aux articles 44 à 63 (chapitre 4) de la loi qualité entrés en vigueur le 1er juillet 2022, en ce qui concerne la Commission fédérale de contrôle de la pratique des soins de santé (Commission de contrôle).
Après avoir analysé de manière approfondie la version consolidée des articles 44 à 63 de la loi qualité d’un point de vue déontologique, juridique et médical, le Conseil national observe avec satisfaction que de nombreuses dispositions ont été précisées, retravaillées et clarifiées, et que des lacunes ont été comblées, en tenant compte entre autres des préoccupations déontologiques formulées par l’Ordre des médecins dans son avis (a169009) du 23 avril 2022 (voir annexes).
De nombreux points soulevés ont été pris en compte, tant en ce qui concerne la mission, la composition, l’organisation et le fonctionnement de la Commission de contrôle, la procédure de contrôle et les mesures et sanctions qui peuvent être infligées. Il est positif que la procédure de contrôle ait été simplifiée, avec un rôle central pour la Commission de contrôle en cas de plaintes et de manquements.
Néanmoins, certaines lacunes, dispositions à délimiter et préoccupations subsistent.
Le Conseil national est d’avis que les préoccupations déontologiques suivantes doivent faire l’objet d’une attention particulière, avant que les chambres compétentes de la Commission de contrôle ne soient effectivement constituées et qu’elles ne commencent leur mission.
- Un premier point concerne la composition des chambres de la Commission de contrôle, qui n’est plus définie dans la loi qualité.
Conformément au nouvel article 46, § 2, le Roi[1] détermine la composition des chambres de la Commission de contrôle[2].
La manière dont les membres-professionnels des soins de santé évalueront les autres professionnels dans la pratique, de manière générale et particulière dans chaque dossier[3], doit être clairement précisée par des arrêtés d’exécution. L’article 59 de la loi qualité initiale montrait l’intention de faire évaluer (dans une large mesure) les professionnels des soins de santé par des membres de la profession concernée. Cette piste semble difficile à identifier dans la loi du 30 juillet 2022.
De même, la composition des groupes de travail, constitués de membres de la chambre concernée de la Commission de contrôle, et l’élargissement à des experts invités, qui ne font pas partie de la chambre multidisciplinaire, impliquent l’adoption de règles précises afin d’assurer une action objective et uniforme[4] avec l’expertise requise.
- Une autre préoccupation concerne la qualification et le rôle des inspecteurs.
Les chambres de la Commission de contrôle ont désormais la compétence de donner des instructions directement à un inspecteur pour qu’il effectue un contrôle concret sur le terrain, et les inspecteurs remettent leur procès-verbal à la chambre compétente.
Les inspecteurs ont également la possibilité, « sur initiative propre »[5], sans l’intervention de la chambre[6], d’examiner un dossier au regard de tous les cinq manquements possibles énumérés à l’article 45 : l’aptitude physique et psychique des professionnels des soins de santé (1°), le respect de la loi qualité (2°), l’exercice légal d’une profession des soins de santé (3°), le respect de la loi relative aux droits du patient (4°) et la poursuite de la pratique entraînant des conséquences graves (5°).
La question se pose de savoir comment la disposition « s’ils ont connaissance d’indices sérieux et persistants d’un manquement probable … » sera interprétée objectivement et uniformément dans la pratique. Le Conseil national est d’avis qu’une telle initiative doit être encadrée par des règles très strictes et une responsabilité devant la chambre compétente de la Commission de contrôle.
L’article 49 précise quelles sont les personnes qui peuvent occuper la fonction d’inspecteur, compte tenu du contenu des dossiers, de la charge de travail prévue pour les inspecteurs, de leur nombre[7] (insuffisant) et de leurs qualifications. En ce qui concerne cette dernière caractéristique, le Conseil national demande, sur la base de l’exposé des motifs[8], davantage de garanties.
La loi qualité utilise la notion de « capacité » comme unité de mesure pour évaluer la qualité de la pratique. Le Conseil national souligne la nécessité d’une définition clairement délimitée de ce concept et réaffirme son point de vue « Dans le contexte de la Commission de contrôle, le Conseil national plaide pour que la compétence du médecin soit appréciée par des ‘pairs’[9] ». La capacité des inspecteurs doit également être clairement définie afin d’éviter des jugements éventuellement arbitraires au détriment de la qualité de soins et de la sécurité des patients. Comment les inspecteurs pourront-ils agir en ayant une connaissance adéquate des questions spécifiques dans chaque cas ?
- Une préoccupation particulière de l’Ordre des médecins est l’évaluation de l’aptitude physique et psychique des professionnels des soins de santé pour continuer d’exercer leur profession sans risque. Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi qualité, le Conseil national, conformément à sa compétence[10], a, au cours des dernières décennies, constitué rapidement des collèges de médecins-experts, à chaque fois qu’une Commission médicale provinciale le requérait.
Cette mission de l’Ordre est devenue caduque depuis l’entrée en vigueur du chapitre 4 de la loi qualité le 1er juillet 2022. Les groupes de travail au sein de la chambre de la Commission de contrôle, complétés par des experts externes si nécessaire, reprendront-ils le rôle des collèges d’experts désignés par l’Ordre des médecins en matière d’évaluation de l’aptitude physique et psychologique de (tous les) professionnels des soins de santé ? Ou alors, l’intention est-elle de confier cette tâche à des inspecteurs (avec davantage d’effectifs) ?
Le Conseil national souligne que cette évaluation par la Commission de contrôle implique une capacité de diagnostic. Par conséquent, il convient de garantir légalement que les médecins, soit en tant qu’inspecteurs, soit en tant qu’experts, seront impliqués dans de telles décisions – cruciales pour la pratique des professionnels des soins de santé. Un plan d’amélioration permet de poursuivre l’exercice de la profession. En revanche, sans un visa valide en tant que licence to practise, le professionnel des soins de santé ne peut (temporairement) pas continuer d’exercer.
Le Conseil national demande instamment de connaître rapidement les conclusions qui en résulteront dans la pratique concernant l’exercice de ces contrôles, de quelle manière la continuité du contrôle des visas actuellement suspendus ou retirés des professionnels des soins de santé est assurée, ainsi que les directives que l’Ordre des médecins doit respecter en ce qui concerne les questions actuelles quant à l’aptitude physique et psychique des professionnels des soins de santé, d’ici à ce que les chambres compétentes de la Commission de contrôle soient constituées et que le nombre nécessaire d’inspecteurs soit en service.
- Le Conseil national approuve les précisions et les garanties importantes dans la modification de la loi du 30 juillet 2022 relatives aux droits de défense du professionnel des soins de santé, entre autres le nouvel article 54 de la loi qualité.
Toutefois, le Conseil national constate que le droit fondamental du professionnel des soins de santé de faire appel d'une décision de la chambre compétente de la Commission de contrôle d'imposer un plan d'amélioration ou de retirer/suspendre le visa est absent de la loi qualité. L'exposé des motifs ne fait pas non plus mention d'une possibilité de recours ou de la création d'une instance de recours.
Le Conseil national note qu’une possibilité de recours est bien prévue lorsque le professionnel des soins de santé se voit infliger une amende administrative (art. 58/1, § 4, 4°).
La possibilité de recours devant la chambre compétente de la Commission médicale de recours était légalement prévue s’agissant des décisions des Commissions médicales provinciales concernant l’évaluation de l’aptitude physique et psychologique requises d’un médecin, d’un pharmacien, d’un infirmer, d’un vétérinaire ou d’un membre d’une profession paramédicale à poursuivre sans risque l’exercice de sa profession[11].
Dans l’exposé des motifs relatif à l’article 56 initial de la loi qualité, les rédacteurs remarquent : « Le professionnel des soins de santé peut éventuellement introduire un recours auprès du Conseil d’État contre la décision finale prise par le ministre »[12]. Le ministre doit-il être remplacé mutatis mutandis par la chambre compétente de la Commission de contrôle qui, suite à la modification de la loi qualité, décide désormais ?
- L’article 58/1 ajouté définit de manière exhaustive les modalités du concept entièrement nouveau de l’amende administrative qui peut être infligée (art. 56, al. 1, 1°, b) et 2°, c)). Cette amende n’est pas une sanction en soi, complémentaire au plan d’amélioration et au retrait ou à la suspension du visa, mais constitue une mise sous pression pour le professionnel des soins de santé qui ne se conforme pas ou ne met pas en œuvre les mesures.
Dans cet article, l’accent est largement mis sur les droits de la défense, dont la garantie d’une communication claire avec le professionnel des soins de santé et une possibilité de recours, qui est prévue en l’espèce (cf. supra art. 58/1, §4, 4°). L’instance vers laquelle le professionnel des soins de santé peut se tourner dans ce cas de figure n’est mentionnée nulle part.
Le Conseil national est particulièrement préoccupé par l’ajout d’un troisième motif pour lequel une amende administrative peut être infligée à l’article 58/1, § 1er, deuxième alinéa : « De même, une amende administrative telle que visée au premier alinéa peut être infligée au professionnel des soins de santé qui refuse de prêter son concours aux actes d’enquête visés à l’article 52 ».
Une amende due au refus de prêter son concours aux actes d’enquête par la chambre de la Commission de contrôle appelle une étude plus approfondie concernant les droits de la défense à la lumière du principe général du droit relatif au respect des droits à la défense, consacré par les articles 6.1, CEDH et 14.3, g, PIDCP.
La collaboration obligatoire du médecin à l’enquête disciplinaire de l’Ordre[13] a fait l’objet d’une réflexion approfondie au sein du Conseil national, notamment lors de la rédaction de ses propositions de réforme (2016) ainsi que du nouveau Code de déontologie médicale (2018) et de ses commentaires (2019). Une telle disposition ne figure plus parmi les obligations déontologiques, conformément notamment aux droits de la défense garantis par les règles du droit international.
Le Conseil national estime opportun d’examiner, par analogie avec la procédure disciplinaire prévue pour les ordres, si la Commission de contrôle peut légitimement priver un professionnel des soins de santé, sous peine d’une amende administrative, du droit de ne pas être obligé de contribuer à la preuve des faits qui lui sont reprochés, et de collaborer à sa propre condamnation.
La restriction « Le praticien n’est pas libre de se soustraire délibérément à l’examen des experts » de l’article 119, § 1er, 2°, b), deuxième alinéa, abrogé[14] de la loi coordonnée du 10 mai 2015, concernant l’aptitude psychique et psychologique du professionnel des soins de santé, ne justifie aucunement la disposition de l’article 58/1, § 2, deuxième alinéa, de la loi qualité.
- Les dispositions relatives à un règlement intérieur qu’elle doit établir (art. 59/1) concrétisent le fonctionnement de la Commission de contrôle. En ce qui concerne les informations sur les autres possibilités de traitement de la plainte (art. 59/1, deuxième alinéa, 2°)[15], le Conseil national soutient la référence des rédacteurs[16] aux « différentes instances » pour « un même comportement du professionnel des soins de santé », mais constate l’absence de mention des organes déontologiques (Ordre des médecins, …). L’Ordre des médecins, à la lumière de la déontologie positive, mise de plus en plus sur la médiation, la concertation et la prévention avant de prendre des mesures de sanction.
- En ce qui concerne la communication des mesures prises et des sanctions infligées par la Commission de contrôle, le Conseil national réitère ses préoccupations exprimées dans son analyse du 23 avril 2022 (p. 75).
Afin de promouvoir une pratique des soins sûre et loyale par tous les professionnels du secteur de la santé, le Conseil national continue de mettre son expertise à votre disposition, dans l’intérêt des patients et de la santé publique.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’assurance de ma haute considération.
Pour le Conseil national,
B. DEJEMEPPE,
Président.
ANNEXES
- 'Loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé – Difficultés et préoccupations déontologiques’ (avis du Conseil national, 23 avril 2022, a169009)
- analyse intégrale de la Loi qualité (annexe à l’avis du Conseil national, 23 avril 2022, a169009)
[1] « Les critères minimaux concernant la composition des chambres sont réglés par la loi. D’autres normes relatives à la composition, comme le nombre de membres, seront déterminées par un arrêté royal en Conseil des ministres. » (exposé des motifs, p. 9)
[2] Une composition limitée de « la chambre composée du président et de deux membres » (art. 57, premier alinéa) concerne seulement le cas où il s’agit de prendre une mesure provisoire urgente, si des conséquences graves et imminentes pour les patients ou la santé publique sont à craindre, dans le cadre de la poursuite d’une pratique. Il n’est pas mentionné si les membres de la profession concernée sont visés.
[3] Les rédacteurs de la loi qualité initiale ont même pensé à « par exemple, des règles [...] pour la composition des chambres si une personne est titulaire d’un titre de plusieurs professions de santé ou si plusieurs professionnels de la santé sont impliqués dans une même affaire… »
[4] Art. 59/1, deuxième alinéa, 4°.
[5] Art. 45, deuxième alinéa, b) (cf. exposé des motifs p. 8) et art. 51, deuxième alinéa.
[6] Exposé des motifs, p. 13.
[7] « De plus, les moyens budgétaires nécessaires seront libérés pour le recrutement de plusieurs inspecteurs. » (exposé des motifs, p. 5).
[8]Les modifications suivantes ont été apportées :
« — […] Idéalement, les inspecteurs sont des professionnels des soins de santé, mais ce n'est pas une exigence. Le but est de pouvoir faire appel à des inspecteurs aux profils différents pour la préparation des dossiers. Les Chambres qui sont composées de professionnels des soins de santé et qui dirigent les inspecteurs, mobiliseront l'inspecteur le plus approprié et le plus compétent en fonction des caractéristiques de chaque dossier. Si l'inspecteur est un professionnel des soins de santé, il ne s'agira pas nécessairement d'un professionnel de la même catégorie que la personne inspectée. Cependant, les Chambres veilleront toujours à l'égalité entre l'inspecteur et le professionnel des soins de santé qui fait l’objet de l’inspection. Il ne fait aucun doute que chaque inspection devra être menée de façon très approfondie. Il n’est dès lors pas exclu qu’une Chambre qui juge qu’une inspection n’a pas été convenablement réalisée ordonne, le cas échéant, une deuxième inspection par un autre inspecteur ; […]
— si les inspecteurs ne sont pas des professionnels des soins de santé, ils doivent suivre une formation spécifique concernant les matières pour lesquelles la Commission de contrôle est compétente. Les inspecteurs qui sont des professionnels des soins de santé devront eux aussi suivre une formation spécifique pour les matières dans lesquelles ils ne possèdent pas de connaissances sur la base de leur profession spécifique des soins de santé. (nouveau § 2/2) Dergelijke opleiding draagt bij aan een degelijke voorbereiding van de dossiers door competente inspecteurs. Deze vereiste inzake opleiding heeft ook betrekking op de inspecteurs van het FAGG en het RIZIV zoals bedoeld in paragraaf 2. Ce à quoi la formation doit répondre dans chaque cas peut être défini par arrêté royal. (modification § 3) » (exposé des motifs, p. 12).
[9] Cf. analyse intégrale de la loi qualité, annexe à la 'Loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé – Difficultés et préoccupations déontologiques’ (avis CN, 23 avril 2022, a169009), pp. 12-14.
[10] Cf. arrêté royal relatif à l’organisation et au fonctionnement des commissions médicales, artt. 11 et s.
[11]cf. arrêté royal relatif à l’organisation et au fonctionnement des commissions médicales, artt. 24 à 30.
[12]cf. analyse intégrale Loi qualité, annexe à la loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé – Difficultés et préoccupations déontologiques (avis CN, 23 avril 2022, a169009), p. 73.
[13]Infligé par l’ancien article 69 du Code de déontologie médicale (1975).
[14]Par l’art. 82 de la Loi qualité.
[15]Dans ce contexte, le Conseil national rappelle sa question concernant le principe non bis in idem dans son analyse du 23 avril 2022 (p. 76).
[16]Exposé des motifs, p. 21.
Téléconsultation dans le domaine des soins de santé - règles déontologiques
En sa séance du 18 juin 2022, le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné la place de la téléconsultation dans le domaine des soins de santé.
Une téléconsultation est un service de soins à distance entre un professionnel des soins de santé et un patient. Elle peut prendre la forme d’une consultation par téléphone, par e-mail, par SMS ou par chat, ou d’une consultation vidéo durant laquelle le professionnel des soins de santé et le patient peuvent échanger et se voir (consultation vidéo). La téléconsultation, tout comme la télé-expertise, la télésurveillance, la téléassistance et la mHealth, fait partie du concept plus large de télémédecine.
Dans le passé, le Conseil national a émis plusieurs avis sur la téléconsultation, dont le fil rouge était la sécurité des patients, la qualité et la continuité des soins, ainsi que le respect du secret professionnel. Avant la crise du Covid, la téléconsultation n’était pas considérée comme complémentaire à la consultation traditionnelle en face à face, et elle n’était acceptable d’un point de vue déontologique que si elle concernait un patient connu, à condition que le médecin ait accès aux données médicales et que la continuité des soins puisse être garantie.
La crise du Covid a entraîné une révolution, dans la mesure où la consultation traditionnelle avec contact physique devait être évitée autant que possible afin de contenir la propagation du virus. En raison de cette nécessité, les processus de réflexion ont été accélérés et les implications techniques ont été déployées plus rapidement afin que la téléconsultation puisse avoir lieu à grande échelle. Même après la crise du Covid, le nombre de services offrant la téléconsultation a continué à augmenter en raison de la demande continue du marché, l'objectif principal étant d'offrir une réponse aux longs délais d'attente, aux charges administratives, à la pénurie de médecins, aux services d'urgence surchargés, etc.
Une étude récente[1] montre que la population belge est généralement satisfaite de l'utilisation de la téléconsultation, qu'elle la considère comme complémentaire au contact physique avec les prestataires de soins et qu'elle la trouve particulièrement adaptée au traitement des questions administratives et au suivi des pathologies existantes.
Il est clair que la téléconsultation est désormais un élément indispensable du domaine actuel des soins de santé.
Maintenant que la crise sanitaire semble s'être stabilisée, le moment est venu d'évaluer ces nouveaux processus et services en termes de convivialité, de qualité et de sécurité des patients, et de les confronter à la déontologie médicale.
Les médecins ont un rôle majeur à jouer dans le contrôle et la délivrance d’informations dès le début d’une téléconsultation, dans la dispense d’avis, dans l’utilisation des plateformes créées à cet effet et dans l’élaboration de lignes directrices et de protocoles scientifiques.
Au début d’une téléconsultation, le médecin indique au patient son identité et ses qualifications, et il entreprend les étapes suivantes :
- Le médecin contrôle :
- l’identité du patient ;
- la capacité du patient à exprimer sa volonté ;
- le consentement du patient ;
- le droit du patient de choisir librement son médecin ;
- la vie privée du patient « à l’autre bout » de la ligne.
- Le médecin fournit les informations nécessaires :
- Avant que la consultation à distance ait lieu, existe-t-il une relation thérapeutique entre la personne nécessitant des soins et le médecin, conformément au règlement sur la preuve électronique d’une relation thérapeutique et de soins (voir https://www.ehealth.fgov.be/ehealthplatform/fr/reglements) ?
- Si la relation thérapeutique ou de soins entre la personne nécessitant des soins et le médecin est établie juste avant le début de la consultation à distance, la personne nécessitant des soins est correctement informée au préalable des conséquences de l'établissement de cette relation thérapeutique ou de soins et celle-ci prend fin au terme de la consultation à distance, sauf si la personne nécessitant des soins indique expressément qu'elle souhaite poursuivre cette relation thérapeutique ou de soins ;
- Le patient, avant l’utilisation de la plateforme, est informé de façon claire des facteurs critiques de succès et des limites de la consultation à distance ;
- Il en va de même des aspects financiers de l’e-consultation (coût, remboursement).
- Le médecin s’assure de la qualité des soins de santé dispensés et du suivi :
- La consultation à distance a une durée suffisante et se déroule dans des conditions adéquates pour assurer la qualité des soins de santé ;
- Le médecin doit disposer de suffisamment d’informations pertinentes et fiables de la part du patient pour être en mesure de donner un avis individuel médicalement fondé ;
- Le médecin respecte les règles inhérentes à sa profession concernant la qualité et la sécurité des soins de santé et les droits du patient ;
- Le médecin indique clairement que son avis est fondé sur les informations fournies par le patient et sur les données du dossier qu’il a à disposition. Le médecin indique également que le patient doit le contacter ou contacter tout autre médecin si les plaintes s’aggravent, s’il y a des raisons qu’elles s’aggravent ou en cas d’incertitude ;
- Si le médecin n’est pas en possession du dossier médical global (DMG) de la personne nécessitant des soins, il fournit un feedback (électronique) sur les soins dispensés au titulaire du DMG, et si besoin, actualise le Sumehr et le calendrier de médication de la personne nécessitant des soins dans le coffre-fort.
- Le médecin doit vérifier que les services utilisés répondent aux critères suivants en termes de protection de la confidentialité des informations[2] :
- La plateforme de support recourt à un système fiable pour authentifier leur identité ; le moyen d’authentification à deux facteurs (possession et connaissance) est intégré dans le Service Fédéral d’Authentification ;
- La communication vidéo ou audio n’est pas enregistrée par les participants à la communication ;
- Les données personnelles et les documents échangés pendant la consultation peuvent être mis à la disposition des participants à la communication à la fin de la consultation ;
- Les ordonnances pour les médicaments sont créées électroniquement sur Recip-e et peuvent être consultées par la personne nécessitant des soins via le Personal Health Viewer ; le numéro unique de l’ordonnance électronique (appelé RID), qui ne contient aucune donnée personnelle, peut être transmis à la personne nécessitant des soins ;
- Les documents que le médecin et/ou la personne nécessitant des soins peuvent consulter via le portail e-Health ou le Personal Health Viewer sont en principe consultés sur ces plateformes ;
- Le médecin utilise de préférence un logiciel enregistré sur la plateforme eHealth pour la prestation de soins de santé et enregistre dans tous les cas les détails pertinents à propos des soins dans un dossier (électronique) du patient ;
Les médecins – chacun dans sa spécialité – ont un rôle important à jouer dans l'élaboration de lignes directrices et de protocoles scientifiques qui définissent les éléments fondamentaux d'un service de qualité. Les médecins impliqués dans la formation doivent accorder une attention suffisante à l'utilisation de la téléconsultation dans la formation de médecin et dans la formation post-master, car de nombreux médecins en formation estiment que la téléconsultation ne reçoit pas assez d’attention durant leur formation[3].
Pour éliminer les malentendus qui existent dans la pratique, tant chez les médecins que chez les patients, un cadre juridique et des règles claires de remboursement sont nécessaires. L’attribution d’un label de qualité aux services qui proposent la téléconsultation de manière conforme, permettra de mieux conscientiser les patients dans leur choix et renforcera leur confiance dans cette forme de médecine.
[1] Téléconsultations pendant la pandémie de COVID-19. Analyse de l’Agence Intermutualiste (AIM) présentée à l’Académie royale de Médecine de Belgique le 30 avril 2022.
[2] Comité de sécurité de l’information, Chambre sécurité sociale et santé. Ivc/kszg/22/206 : Délibération n° 20/098 du 7 avril 2020, modifiée le 24 mai 2022, relative aux bonnes pratiques à appliquer sur les plateformes de téléassistance.
[3] Selon une étude récente, pas moins de 78,6% (How do doctor-specialists, who are educated at the free university of Brussels, view the use of teleconsultation? Astrid Van Assche, VUB, Masterthesis 2021.)
Voir aussi l’avis CN 17 septembre 2022, a169016.
Loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé – Difficultés et préoccupations déontologiques
Le Conseil national a effectué une étude de la Loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé (Loi qualité).
Le 11 décembre 2021, il a formulé certaines préoccupations déontologiques relatives aux articles de la Loi qualité prévus d’entrer en vigueur de manière anticipée le 1er janvier 2022 au ministre de la Santé publique.
L’analyse intégrale de la Loi qualité a été achevée. Le Conseil national met cette étude à disposition en tant que document de travail explicatif pour toutes les personnes impliquées dans les soins de santé (voir document en annexe).
Avis du Conseil national :
Le Conseil national de l'Ordre des médecins a été informé de l'approbation par le Conseil des ministres du projet d'arrêté royal fixant une date d'entrée en vigueur pour un certain nombre d'articles de la loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé.
Une Commission a été créée au sein du Conseil national pour effectuer une étude de la Loi qualité du point de vue déontologique, juridique[1] et médical. Cette analyse sera finalisée dans les prochaines semaines et communiquée à titre d'information aux médecins. En outre, le Conseil national est convaincu que cette étude peut également constituer un document de travail utile, d’une part, pour la rédaction des nombreux arrêtés royaux relatifs à l’application de la Loi qualité, et, d’autre part, pour la concertation entre les différentes professions des soins de santé.
Par la Loi qualité, l’Ordre des médecins obtient de nouvelles compétences ainsi qu’un outil supplémentaire pour évaluer les actions des médecins.
Le Conseil national regrette que la Loi qualité soit considérée comme une lexspecialis. Compte tenu de la formulation générale des exigences de qualité, applicables à tous les professionnels des soins de santé, le Conseil national estime qu'il est plus approprié de considérer la loi comme une lex generalis, qui peut être détaillée dans une législation ultérieure et, pour les aspects spécifiques, dans des règlements spéciaux.
En prévision de l’entrée en vigueur et l’exécution de l’entièreté de la Loi qualité, le Conseil national souhaite vous informer de certaines préoccupations déontologiques importantes concernant les articles de la Loi qualité qui pourraient entrer en vigueur de manière anticipée le 1er janvier 2022.
Veuillez trouver ci-dessous les obstacles et explications concernant le chapitre 2 Définitions et champ d'application (artt. 2-3) et concernant le chapitre 3 Exigences relatives à la qualité de la pratique des soins de santé, section 1 - Liberté diagnostique et thérapeutique (artt. 4-7), section 2 - Compétence et visa (artt. 8-11), section 3 - Caractérisation (artt. 12-13), section 4 - Encadrement (art. 14), section 5 - Anxiolyse et anesthésie (artt. 15-16), section 6 - Continuité (artt. 17-20), section 8 - Prescription (artt. 27-30) et section 11 - Dossier du patient (artt. 33-35).
Le Conseil national est prêt à poursuivre la concertation en vue de l'entrée en vigueur et l’exécution de la Loi qualité et reste à votre disposition, dans l'intérêt de la qualité des soins pour le patient.
Considérations et préoccupations déontologiques de l’Ordre des médecins
Concerne : loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé (loi qualité), articles qui pourraient entrer en vigueur de manière anticipée le 1er janvier 2022.
Chapitre 2 – Définitions et champ d’application (artt. 2-3)
Le Conseil national est d'avis que, de manière générale, les descriptions des concepts et définitions de la loi qualité peuvent prêter à confusion au sein du corps médical.
La définition de la « prestation à risque » est insuffisamment développée et trop restrictive. Il existe de nombreuses autres prestations qui sont considérées comme « risquées » d'un point de vue médical, mais qui ne seront pas qualifiées de « prestations à risque » selon la définition de loi qualité.
Une définition claire des différentes formes d'anesthésie, en concertation avec les associations professionnelles compétentes, est recommandée.
Enfin, on peut noter que la loi qualité accorde une grande attention aux professionnels des soins de santé qui réalisent des prestations sous anesthésie. Toutefois, cette attention particulière ne doit pas conduire à la stigmatisation de ce groupe. Il est étrange qu'une loi qualité dont le champ d'application est très large et qui comporte de nombreuses exigences générales en matière de qualité consacre un chapitre entier aux professionnels des soins de santé qui réalisent des prestations sous anesthésie. Le Conseil national est donc d'avis que la Section - Anxiolyse et anesthésie devrait plutôt être publiée sous forme d'un arrêté royal, en concertation avec les associations professionnelles compétentes des médecins spécialistes en anesthésie et réanimation.
Chapitre 3 Exigences relatives à la qualité de la pratique des soins de santé, section 1 - Liberté diagnostique et thérapeutique (artt. 4-7)
Il est positif que certaines limites déontologiques à la liberté diagnostique et thérapeutique trouvent un ancrage légal via la loi qualité. Comme le montrent la législation existante et l'article 7 du Code de déontologie médicale, la liberté diagnostique et thérapeutique est une liberté réglementée et conditionnée.
Cependant, à l’estime du Conseil national, les critères mentionnés à l'article 4 de la loi qualité par lesquels le professionnel des soins de santé se laisse guider, principalement les données scientifiques pertinentes, son expertise et les préférences du patient, manquent de clarté.
Le commentaire de l'article 7 du Code de déontologie médicale dispose que ce ne sont pas les préférences du patient mais bien son intérêt qui prime. D'un point de vue déontologique, le médecin tient compte de l'autonomie du patient et ne considère pas seulement l'état de santé du patient, mais aussi sa situation personnelle, ses besoins et ses préférences. À cet égard, le Code de déontologie médicale est plus large que la loi qualité.
Chapitre 3, section 2 - Compétence et visa (artt. 8-11)
Le Conseil national note tout d'abord l'absence de définition claire du terme « compétence ». Cette lacune pourrait avoir une incidence considérable sur la pratique des professionnels des soins de santé et entraîner des conséquences graves, telles que le retrait ou la suspension de leur visa.
Le Conseil national craint que ce critère ne donne lieu à des évaluations arbitraires de la qualité des soins. Le Conseil national préconise l'examen par des « pairs ». L'article 41 de la loi qualité ne prévoit qu'une évaluation limitée des prestations à risque. En outre, la manière dont cette disposition sera concrétisée dans la pratique n'est toujours pas claire.
L'exposé des motifs de la loi qualité lie ce concept au critère de « bon père de famille », mais le Conseil national note que cette notion existait déjà et qu'il n'était pas nécessaire de la transposer dans la Loi qualité.
Le concept de « compétence » ne doit pas être confondu avec celui de « qualification ». La compétence est l'autorisation légalement définie d'effectuer certains actes. Un médecin peut être légalement compétent pour effectuer un acte médical sans être qualifié pour le faire. À l'inverse, un professionnel des soins de santé peut disposer de la qualification pour effectuer un acte sans être compétent pour le faire.
Il convient également d'accorder une attention particulière à la distinction entre « compétence » et « qualification » dans les textes en langue française, où « compétence » est utilisé pour désigner indistinctement les deux concepts.
En outre, le Conseil national considère que le concept de « qualification » est étroitement lié au développement professionnel continu et au recyclage permanent que le médecin est tenu de suivre (fitness to practise). Dans les articles 3 et 4 du Code de déontologie médicale et leurs commentaires, le Conseil national souligne cette obligation comme étant essentielle pour la qualité des soins et la sécurité des patients. Le Conseil national demande instamment que cette exigence de qualité soit explicitement incluse pour tous les professionnels des soins de santé lors de la mise en vigueur de la Loi qualité.
Enfin, il ressort de l'exposé des motifs que le portfolio constitue une obligation supplémentaire pour le professionnel des soins de santé, en plus du système d'accréditation déjà existant. Le Conseil national demande une clarification du contenu concret de cette obligation supplémentaire.
Dans un souci de sécurité juridique pour le professionnel des soins de santé, il est important d'éviter les concepts généraux et vagues. Il faut les expliquer plus clairement. L'Ordre des médecins est prêt à collaborer à l'élaboration de définitions claires.
Chapitre 3, section 3 - Caractérisation (artt. 12-13)
Le Conseil national souligne que l'anamnèse approfondie du patient est la pierre angulaire de la démarche déontologique du médecin afin d'assurer une médecine de qualité.
Il estime que la caractérisation en elle-même sera toujours pertinente, même si le médecin fournit des soins de santé à faible risque. Une prestation de soins de santé à faible risque peut, dans certains cas, devenir une prestation à haut risque, en raison de l'état de santé du patient. Le critère ne peut se baser sur « faible » ou « haut » risque. En outre, il n'est pas facile pour les médecins d'évaluer précisément les risques à l'avance.
Par conséquent, le Conseil national est d'avis que le concept de caractérisation « pertinente » devrait être mieux défini, également en vue d'une évaluation de cette obligation qui ne peut être effectuée de manière arbitraire.
Chapitre 3, section 4 - Encadrement (art. 14)
Le Conseil national se réjouit que ce principe déontologique, que l’on retrouve à l'article 8 du Code de déontologie médicale, soit désormais également inscrit dans la loi. Toutefois, des ambiguïtés et des incertitudes juridiques subsistent. Ainsi, l’encadrement auquel est soumis le professionnel des soins de santé, par exemple un médecin hospitalier, et dont il est responsable, interfère avec celui organisé par les institutions. Dans quelle mesure cette obligation très large s'applique-t-elle à un médecin hospitalier ? Le Conseil national préconise une interprétation conforme à la norme générale de prudence. Cela signifie que le médecin ne doit pas vérifier toutes les règles prévues par les normes d’agrément, mais qu'il doit seulement agir comme un médecin diligent qui vérifie si les soins peuvent être dispensés de manière sûre et qualitative. Le médecin exerçant en cabinet privé assume lui toutes les responsabilités d’encadrement, comme expliqué dans l'exposé des motifs.
En outre, le Conseil national note qu'un concept très large et très vague est utilisé à nouveau. On pourrait déduire de l'exposé des motifs que le personnel administratif n'entre pas dans le champ d'application de la notion d’« encadrement ». Toutefois, le commentaire de l'article 8 du Code de déontologie médicale dispose que « Le médecin s'entoure de collaborateurs qualifiés, attentifs à leur formation continue et informés de leurs obligations professionnelles, notamment sur le plan du respect du secret professionnel ». En ce sens, le Code de déontologie médicale est plus large, car il couvre à la fois le personnel administratif et le personnel médical.
Chapitre 3, section 5 - Anxiolyse et anesthésie (artt. 15-16)
Le Conseil national réfère à ses observations concernant les articles 2 et 3 de la Loi qualité. En plus de la stigmatisation qui peut résulter des exigences de qualité détaillées spécifiquement pour les professionnels des soins de santé qui réalisent des prestations sous anesthésie, ce chapitre est source de confusion au sein du corps médical.
La Commission Loi qualité du Conseil national a consulté des spécialistes du domaine et a constaté que même dans cette section de la Loi qualité, des termes manquent encore ou doivent être définis, comme la « sédation profonde ».
D'une manière générale, le Conseil national est d'avis que l'entrée en vigueur de ces dispositions relatives à l'anxiolyse et à l'anesthésie doit être précédée d'une concertation approfondie avec les organisations concernées, entre autres l’Association professionnelle belge des médecins spécialistes en anesthésie et réanimation, la Society for anesthesia and resuscitation of Belgium et la Belgian Society of Intensive Care Medicine. Ces associations ont déjà élaboré un nombre considérable de directives, notamment les Belgian standards for patient safety in anesthesia, afin d'optimiser et de garantir la sécurité et la qualité dans la pratique de l'anesthésie.
Chapitre 3, section 6 - Continuité (artt. 17-20)
Le Conseil national souligne que le concept vague de « compétence » joue également un rôle essentiel dans l'obligation de garantir la continuité des soins.
La Loi qualité, contrairement à la loi coordonnée du 10 mai 2015, ne mentionne pas que la continuité des soins doit être assurée par « un médecin spécialiste porteur du titre professionnel », mais par « un professionnel des soins de santé appartenant à la même profession des soins de santé et disposant de la même compétence ». L'exposé des motifs confirme que « ce professionnel des soins de santé ne doit pas nécessairement disposer du même titre professionnel, mais de la même compétence ». D'une part, cet élargissement ou cet assouplissement permet au médecin d'assurer plus facilement la continuité des soins, notamment au sein des quelques spécialités avec un faible nombre des spécialités existantes. D'autre part, elle implique une plus grande responsabilité pour le médecin. Le médecin doit s'assurer que le médecin qu'il désigne pour assurer la continuité des soins est « compétent ».
Bien que l'article 20 de la Loi qualité ne fasse pas partie des articles susceptibles d'entrer en vigueur de manière anticipée le 1er janvier 2022, le Conseil national vous confirme qu'il prépare la nouvelle compétence qui lui est attribuée concernant la conservation des dossiers patients des médecins qui ne sont plus en mesure d’assurer la continuité des soins.
Le Conseil national envisage un système en cascade pour le transfert des dossiers patients, axé sur un dispositif permettant le transfert des dossiers d’un médecin vers un autre disposant du même titre professionnel. A défaut le Conseil national assurera la conservation.
Récemment, à la demande de nombreux médecins, l'Ordre des médecins a mis au point un coffre-fort des mots de passe sécurisé et conforme au RGPD, qui garantit l'accès aux dossiers patients même lorsqu'un médecin n'est plus en mesure d’y accéder.
Chapitre 3, section 8 - Prescription (artt. 27-30)
Le Conseil national soutient le nouveau concept de prescription collective, qui peut améliorer la qualité des soins.
Toutefois, l'application pratique de ce concept doit encore être concrétisée dans le contexte des accords de coopération. Les responsabilités des professionnels des soins de santé impliqués doivent également être clarifiées.
Enfin, les prescriptions collectives ne doivent pas restreindre la liberté de choix des patients.
Chapitre 3, section 11 - Dossier du patient (artt. 33-35)
Le Conseil national regrette que la Loi qualité n'ait pas saisi l’occasion d'unifier les réglementations fragmentées concernant le dossier du patient. Il convient également d'examiner si d'éventuelles lacunes, telles que, par exemple, le statut vaccinal du patient, dans l'énumération de l'article 33 peuvent encore être comblées.
En outre, le Conseil national est d'avis que l'article 33, alinéa 15, de la Loi qualité qui ne mentionne que les médicaments liés à la chirurgie, est incomplet. Qu'en est-il des autres médicaments, en particulier des médicaments susceptibles d'entraîner une dépendance ? Le Conseil national souligne l'importance et l'attention portées à la question de la toxicomanie.
En outre, le Conseil national estime qu'il est souhaitable d'inclure toutes les « complications » (article 33, alinéa 16, Loi qualité) dans le dossier du patient, même celles qui n'ont pas entraîné de traitement supplémentaire. Le Conseil national préconise une communication transparente concernant tous les incidents pertinents survenus au patient et se réfère à cet égard à son récent avis Soutien du Raamwerk Open Disclosure de la Vlaams Patiëntenplatform (a168023) du 20 novembre 2021.
Le Conseil national souligne l'importance de la conservation sécurisée des données traitées de manière électronique et couvertes par le secret professionnel. Le risque de fuites ou d'accès non autorisé aux données doit être évité. Lorsque le dossier est détruit, la confidentialité du contenu du dossier doit être garantie.
Enfin, le Conseil national encourage toutes les parties prenantes à envisager une vision idéale d'un dossier électronique unique dans le cloud, correctement sécurisé et établi dans un logiciel uniforme pour toutes les lignes.
[1] Le Conseil national approuve dans une large mesure l'étude publiée dans Vansweevelt, T., et al., De Kwaliteitswet, Reeks Gezondheidsrecht 23, Brussel, Intersentia, 2020.
Patient insolvable – Obligation déontologique du médecin
En sa séance du 19 octobre 2019, le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné si un médecin est déontologiquement contraint de soigner un patient insolvable.
La Constitution belge dispose que chacun a le droit à la sécurité sociale, à la protection de la santé et à l'aide sociale, médicale et juridique (article 23, troisième alinéa, 2°, Constitution belge). Il se fait néanmoins que certaines personnes ne bénéficient pas à un moment donné de la sécurité sociale. Il s'agit en particulier des patients sans domicile, des personnes non assurées et des personnes en séjour illégal.
Malgré les systèmes de protection que sont les CPAS et la CAAMI, les médecins peuvent se retrouver face à des patients complètement démunis de moyens de paiement.
L'Ordre des médecins est interrogé sur l'attitude à adopter si, après la mise en route d'un traitement, il apparaît qu'aucune instance ne prend en charge les honoraires et frais engagés et que le patient n'a pas de fonds propres.
Il lui revient que, dans certains hôpitaux, les frais seraient réclamés au médecin hospitalier lui-même. Pourtant, le BMF (budget des moyens financiers des hôpitaux) prévoit un poste de financement destiné à l'accompagnement des patients avec problèmes sociaux ou financiers (le B8). Le montant de ce poste est calculé sur la base des caractéristiques socio-économiques des patients admis.
Des patients bénéficiant de la sécurité sociale peuvent avoir des difficultés à assumer les frais engendrés par leur état de santé et leur traitement.
Les autorités ont pris des mesures pour prévenir ces situations, dont le maximum à facturer (MAF), le tiers payant automatique et les avantages financiers liés au dossier médical global et au renvoi vers un spécialiste par un généraliste. Il y a également le Fonds spécial de solidarité(1).
La loi relative aux droits du patient stipule que le patient a droit, de la part du praticien professionnel, à des prestations de qualité répondant à ses besoins (art. 5, Loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient).
Le Code de déontologie médicale précise que le médecin soigne avec la même conscience et sans discrimination tous les patients (art. 30, Code de déontologie médicale 2018).
Ce principe déontologique de non-discrimination signifie que le médecin ne peut jamais faire dépendre sa décision de prendre en charge un patient de la situation financière de celui-ci. Le médecin ne peut pas faire de discrimination basée sur le patrimoine et a, en outre, le devoir de traiter avec la même qualité tous ses patients.
Chaque patient doit avoir accès au système de soins et a droit à tous les soins nécessaires à une vie conforme à la dignité humaine. Le médecin peut devoir orienter le patient, après lui avoir administré les soins urgents nécessaires, vers les instances spécialement mises en place pour assurer l'aide aux personnes insolvables. Cette situation existe dans une ville comme Bruxelles où les CPAS ont des accords avec certains hôpitaux. Un patient admis dans l'institution « la plus proche » peut devoir être transféré vers une institution agréée par le CPAS dont il dépend.
En pratique, le Conseil national ne peut définir d'attitude uniforme à adopter face aux situations de précarité et d'insolvabilité en ce qui concerne tant l'accès aux soins que la procédure de recouvrement des factures de soins.
Pour trouver la meilleure solution face aux cas particuliers, que ce soit dans le cadre des soins hospitaliers ou des cercles de médecins généralistes, on pourrait mettre en place des « groupes de réflexion » qui pourraient élaborer des directives concernant l'accès aux soins de qualité pour tous les patients et réfléchir au budget à y consacrer et aux modalités de recouvrement des factures de soins impayées.
Lors de l'élaboration des directives, le respect de la dignité humaine doit rester la règle de base. En effet, il est ici question du droit aux soins d'un groupe particulièrement vulnérable de la population.
Pour les soins hospitaliers, le groupe de réflexion pourrait se composer d'un médecin traitant, d'un membre du comité d'éthique, d'un délégué du conseil médical, du médecin-chef et du directeur financier ou administratif ou de l'un de ses représentants. Les services sociaux compétents pourraient aussi être consultés dans ce cadre. Au vu de la complexité des statuts légaux(2), il est préférable d'impliquer également le juriste hospitalier dans cette matière.
Pour la première ligne, ce groupe de réflexion pourrait se composer du président du cercle de médecins généralistes, d'un éthicien, d'un ou de plusieurs médecins généralistes, ainsi que d'un travailleur social et/ou d'un juriste.
Le groupe de réflexion se réunirait de façon ad hoc. Il respecterait le secret professionnel et le Règlement général sur la protection des données(3).
(2) https://www.riziv.fgov.be/fr/themes/cout-remboursement/facilite-financiere/Pages/default.aspx#.XYCQD2bLi70 ; http://www.agii.be/thema/vreemdelingenrecht-internationaal-privaatrecht/sociaal-medisch/wie-betaalt-welke-medische-kosten/medische-kosten-per-betalingsregeling; http://www.agii.be/thema/vreemdelingenrecht-internationaal-privaatrecht/sociaal-medisch/wie-betaalt-welke-medische-kosten/medische-kosten-per-verblijfssituatie
(3) Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE
Téléconsultation en vue de poser un diagnostic et de proposer un traitement
TELECONSULTATION
Le développement de l'e-santé amène à considérer le bénéfice de l'intégration des actes de télémédecine, dont la téléconsultation, dans le système belge des soins de santé. Cela suscite des questions portant notamment sur la qualité des soins, le bien-être des patients, les critères technologiques et fonctionnels, le cadre juridique, la rémunération des prestataires, le remboursement des soins et les règles de bonne conduite(1).
L'Ordre des médecins est régulièrement interrogé concernant les recommandations déontologiques qui doivent guider la téléconsultation.
La téléconsultation médicale est communément définie comme la consultation réalisée de manière simultanée, au moyen de technologies de l'information et de la communication (T.I.C.), entre un patient et un médecin qui sont à des endroits différents. Elle fait partie de la télémédecine qui intègre diverses pratiques en cours de développement dont la télésurveillance, la téléassistance, la téléexpertise et le télémonitoring(2).
Le présent avis porte sur la téléconsultation en vue de poser un diagnostic et de proposer un traitement.
1. La téléconsultation est une forme d'exercice de la médecine. Elle est de ce fait soumise aux règles éthiques, légales et déontologiques propres à l'exercice de l'art médical.
Le recours à la consultation médicale à distance est légitime à condition d'être motivé par l'amélioration du bien-être et de la prise en charge du patient. Son organisation dans un contexte défini doit être précédée d'une analyse des risques et des bénéfices pour les patients.
2. La téléconsultation ne peut résulter d'une démarche commerciale davantage axée sur le profit que sur la qualité des soins, l'intérêt du patient et la santé publique(3). Le confort du patient et son bien-être auquel peut contribuer le recours à la télémédecine s'apprécient au regard du bénéfice pour sa santé, et non sur la base de critères de nature purement consumériste.
3. La technologie ne peut faire oublier les valeurs humanistes de la profession médicale. La relation de soin est par essence une relation interpersonnelle fondée sur le respect de la dignité et de l'autonomie du patient. Le secret médical, la protection de la vie privée et les droits du patient, dont le libre choix du médecin et le consentement à la téléconsultation, doivent être garantis.
4. La pratique de la téléconsultation doit reposer sur un raisonnement médical adapté à la consultation à distance et fondé sur des protocoles validés scientifiquement.
Dans ses avis antérieurs(4), le Conseil national a insisté sur la nécessité d'un contact physique avec le patient pour établir un diagnostic. Poser un diagnostic est l'aboutissement d'une démarche hypothético-déductive(5-6). Le médecin cherche l'explication de la plainte du patient en recueillant des symptômes lors de l'anamnèse et des signes cliniques lors de l'examen physique. L'hypothèse de diagnostic du médecin pourra être confirmée par des examens complémentaires. Ce mode de raisonnement doit être privilégié, en particulier en cas de situation médicale complexe.
Il est néanmoins des situations où la plainte permet d'emblée d'évoquer un diagnostic de probabilité (« spot diagnosis/raisonnement expert ») et de proposer une solution thérapeutique. Ces démarches rapides sont adaptées en présence d'un tableau clinique paradigmatique d'une pathologie fréquente. Cette approche comporte toutefois des risques.
La médecine de catastrophe et la médecine d'urgence, où la rapidité de la démarche s'impose, ont conduit à développer un autre mode de raisonnement : le médecin apprend à reconnaître d'emblée les signes de gravité (« red flags », « signes d'alerte »(7)). Le médecin normalement prudent et diligent ne peut méconnaître ces signes de gravité(8). Ce type de raisonnement médical est appliqué dans le « triage », notamment des appels téléphoniques urgents.
La téléconsultation doit reposer sur un raisonnement médical adapté à la consultation à distance et validé scientifiquement, auquel le professionnel doit avoir été formé, pour prévenir les risques inhérents à ce type de pratique.
Le médecin doit également être correctement préparé à la gestion de la téléconsultation(9).
5. Les T.I.C. utilisées et le support logistique doivent être appropriés à la finalité poursuivie, aux spécificités du contexte et aux utilisateurs (pathologie, image, appareils de mesure connectés, présence d'un professionnel de la santé auprès du patient, etc.).
Les aptitudes du médecin et du patient à utiliser l'outil technologique et les aptitudes du patient sur le plan de la communication (audition, maîtrise de la langue, compréhension du vocabulaire médical et anatomique, auto-examen physique, stress, etc.) sont à prendre en considération.
L'efficience et la pertinence de l'outil requièrent une concertation préalable entre les concepteurs et les utilisateurs. Une évaluation régulière est indispensable.
Le médecin garde son indépendance professionnelle. Il renonce à une téléconsultation s'il la juge inopportune, quelle qu'en soit la raison. Il a conscience des limites de ce type d'acte et maîtrise les signes qui justifient le renvoi immédiat du patient vers une consultation en présence d'un médecin.
6. Le médecin vérifie que l'usage qu'il fait de la téléconsultation dans le cadre de sa pratique est couvert par son assurance en responsabilité professionnelle.
Le médecin utilise un matériel adapté, qui offre des garanties de qualité et de sécurité sur les plans technique et fonctionnel. L'utilisation d'applications mobiles dotées du marquage CE et d'une police de confidentialité qui garantit le respect du Règlement général sur la protection des données (RGPD) est fortement recommandé.
Des normes obligatoires de qualité, de sécurité et de fiabilité associées à des marquages, des certifications et des labellisations sont indispensables. L'information des professionnels de la santé par les autorités publiques quant aux marquages et labels de référence doit être optimalisée.
7. Le potentiel de la télémédecine offre de nombreuses perspectives positives en tant qu'outil complémentaire dans le cadre d'un parcours de soins pour en améliorer la qualité.
8. La consultation en présence du médecin et du patient demeure la meilleure pratique.
Une consultation à distance, si elle apparaît facile d'utilisation, n'a pas la précision d'une consultation en présence du patient et du médecin et n'offre dès lors pas la même sécurité sur le plan du diagnostic et de la prescription médicamenteuse.
La téléconsultation doit être justifiée par une situation particulière qui entraîne dans le chef du patient un avantage à substituer la téléconsultation à la consultation en face à face.
L'accès à un médecin étant généralement aisé en Belgique, les situations où la téléconsultation médicale est justifiée par une difficulté d'accès aux soins sont limitées.
Il convient de s'enquérir de la motivation du patient à recourir à la téléconsultation, afin de s'assurer que la téléconsultation est effectivement une réponse adéquate à ses attentes. Le médecin a le devoir d'informer le patient des limites de la télémédecine.
Du point de vue de la qualité et de la sécurité des soins, la téléconsultation qui a pour objet de poser un diagnostic, un pronostic et de proposer une thérapeutique nécessite que le médecin a) connaisse le patient, b) ait accès aux informations médicales le concernant (dossier médical) et c) soit en mesure d'assurer la continuité des soins.
Il faut évidemment que la prise en charge de la pathologie soit compatible avec une téléconsultation (maladie chronique, etc.).
En conclusion, le Conseil national n'a pas d'objection à l'intégration de la téléconsultation dans le système des soins de santé moyennant un cadre scientifique et juridique et des protocoles validés, qui tiennent compte des aspects précités.
(1) Workshop interactif du 21 juin 2019 organisé par l'INAMI
Sénat de Belgique, Rapport d'information concernant la nécessaire collaboration entre l'autorité fédérale et les Communautés en ce qui concerne les nouvelles applications en matière de soins de santé et notamment de santé mobile, Session 2017-2018, 12 mai 2017, dossier n° 6-261
(2) CLARK R., INGLIS S., Mc ALISTER F., CLELAND J., STEWART S., Telemonitoring or structured telephone support programmes for patients with chronic heart failure: systematic review and meta-analysis, BMJ, doi:10.1136 (published 10 April 2007)
(3) WATSON J., Proliferation of private online healthcare companies, BMJ 2016; 352: i1076 (Published 23 February 2016)
EATON L., The long road to patient co-production in telehealth services, BMJ 2019;366: l4770 (Published 25 July 2019)
(4) A087005, a111003, a148006, a153005, a157008
(5) GUILBERT J.J., Comment raisonnent les médecins, Editions Médecine et Hygiène, Genève, 1992
(6) MASQUELET A.C., Le raisonnement médical, Coll. Que sais-je ?, PUF, Paris, 2006
(7) Williams C.M., Henschke N., Maher C.G., van Tulder M.W., Koes B.W., Macaskill P., Irwig L., Red flags to screen for vertebral fracture in patients presenting with low-back pain, Cochrane Database of Systematic Reviews 2013, Issue 1. Art. No.: CD008643. DOI: 10.1002/14651858.CD008643.pub2
(8) GP who failed to act on red flags for cauda equina syndrome breached duty
Clare Dyer - BMJ 2019; 364: l1231 (Published 18 Mar 2019)
(9) Notamment en ce qu'elle nécessite de mener un examen physique indirect, de disposer d'une plage horaire suffisante et du matériel nécessaire (T.I.C., kit mains libres, etc.), de compenser la communication non verbale par l'expression accrue de son empathie et de son support, d'être attentif à l'environnement dans lequel le patient se trouve (intimité, entend-il correctement les instructions, etc.), au contact direct avec le patient en cas d'intervention d'une tierce personne (patient mineur, personne désorientée), au statut de l'appelant (patient, personne de confiance, tiers) et à ses propres attentes et émotions, au recueil du consentement du patient à cette téléconsultation, à l'information du patient sur la manière d'agir face à une détérioration de son état et aux signes de celle-ci, etc.
Voir aussi l’avis CN 23 avril 2022, a169009.