Relation médecin de famille ‑ médecin spécialiste
En séance du 20 octobre 1990, le Conseil national a approuvé un schéma de collaboration entre médecins de famille et médecins spécialistes, proposé par le Conseil provincial de Flandre orientale.
Relation médecin de famille - spécialiste
Motivation:
Cette note a pour but d'améliorer la relation médecin de famille‑spécialiste au moyen d'un code accueilli par les deux disciplines comme ayant tout son sens, afin de constituer un fil conducteur au travers des frictions qui pour la plupart surgissent au sein de cette relation, notamment en ce qui concerne l'hospitalisation.
1. Introduction
Définition de l'approche par le médecin de famille:
- approche intégrale du "malade"
- synthétisée sur un épisode long de la vie du malade
- souvent en contexte familial
- répartie sur des consultations et visites à domicile
- orientée sur le somatique, le psychique, le social et l'existentiel
- premier échelon
Définition de l'approche par le médecin spécialiste:
- approche spécifique des "maladies" sans négliger toutefois l'homme malade
- mise au point approfondie, diagnostic + thérapie, à l'aide d'un soutien technologique important
- en principe limitée dans le temps
- deuxième et troisième échelon (académique).
Il existe une incompatibilité entre le cumul de la tâche de médecin de famille et celle de médecin spécialiste, même durant la formation qui y conduit. Une relation optimale entre le médecin de famille et le médecin spécialiste peut être perturbée lorsqu'un patient est soigné par tous deux à l'insu l'un de l'autre. D'une part, le médecin de famille doit maîtriser l'éventail de la médecine intégrale et ce, nonobstant des moyens techniques limités. Il coordonne, interprète toutes les constatations propres et spécialisées dans le cadre d'un système d'anamnèse familiale et personnelle de chaque patient. Il est au centre des soins de santé. D'autre part, le spécialiste se concentre sur un système, un organe ou une maladie dont il doit avoir et continuer d'acquérir la connaissance la plus étendue. Etant donné qu'il en sait toujours plus sur toujours moins, il mettra ses constatations par retour à la disposition du "médecin habituel" du patient.
C'est pourquoi une bonne médecine dépend plus que jamais d'un concours harmonieux des deux disciplines. Il ne peut être question de "mon" patient, mais de "notre" patient: outre le "colloque singulier", il convient de consacrer le temps nécessaire à des "colloques" entre tous les médecins qui, ensemble, traitent un patient suivant le libre choix de ce dernier.
Il résulte de ce qui précède que les deux groupes de praticiens ont des droits, des obligations, des compétences et des limites: il doivent par conséquent se tenir à un code de conduite.
2. Référence au Code de déontologie médicale
- l'intérêt légitime du patient doit toujours constituer le souci premier du médecin
- et le médecin de famille et le spécialiste doivent respecter scrupuleusement les limites de leur liberté diagnostique et thérapeutique: chacun travaille dans les limites de ses compétences, ce qui implique aussi une restriction de celles-ci
- il convient de toujours rechercher et respecter le libre choix du patient
- tous les médecins concernés doivent entretenir des rapports confraternels et avoir pour souci principal: le patient
- la dichotomie dans toutes ses formes est interdite.
3. Communication
La manière de communiquer et le fait d'y être disposé constituent des éléments essentiels de la relation médecin de famille ‑ spécialiste.
3.1. Communication du médecin de famille au spécialiste
3.1.1. Conduite du médecin de famille qui adresse un patient à un spécialiste:
- le patient doit être adressé à temps au spécialiste:
- afin que les problèmes médicaux puissent être pris en charge de la manière la plus adéquate possible
- afin d'éviter par la suite des problèmes dans la relation aussi bien médecin de famille ‑ patient que médecin de famille ‑ spécialiste
- lorsque le patient semble ne pas accepter d'être adressé à un spécialiste, le médecin de famille doit lui en démontrer la nécessité médicale
- le patient doit être adressé au spécialiste de la manière adéquate:
- avoir pour souci premier le meilleur choix du spécialiste coïncidant avec le libre choix du patient
- en cas de divergence de vues entre le médecin de famille et le patient au sujet du deuxième échelon, il convient de s'appliquer consciencieusement à la recherche d'un compromis.
Même lorsque le patient s'est adressé directement au deuxième échelon, le médecin de famille peut encourager le patient à un échange de données entre les deux médecins au sujet de leurs constatations respectives et du dossier anamnestique. Ceci doit être discuté avec le patient sans contrainte et en tant
qu'évidence.
3.1.2. La lettre par laquelle le médecin de famille adresse un patient au spécialiste:
- elle contient toutes les données pertinentes, adaptées autant que possible à la nature de la spécialité vers laquelle le patient est adressé: attention au secret professionnel pour les données qui ne sont en l'occurrence pas pertinentes
- une certaine uniformité s'impose quant à la présentation: des rubriques fixes prévoyant toutes les données administratives en plus de toutes les informations anamnestiques pertinentes avec référence à des examens antérieurs
- coordonnées et disponibilité personnelles clairement indiquées
- pour les cas spéciaux (urgences, information délicate...): contact par téléphone.
3.1.3. Choix du deuxième échelon:
Ce choix est fonction de facteurs d'ordre médical (médecin) confrontés avec le libre choix du patient. Son intérêt légitime doit toujours prévaloir. Le médecin de famille guide le malade dans son libre choix du spécialiste exerçant la discipline indiquée.
3.1.4. Lettres du spécialiste au médecin de famille:
Celles‑ci font, en principe, partie de la correspondance privée et confidentielle. Le médecin de famille est personnellement responsable de la gestion de son dossier. Il convient de rappeler que le patient peut poser une exigence légitime vis‑à‑vis des éléments objectifs du dossier, mais que tous les protocoles et les éléments subjectifs annotés par le médecin, restent sa propriété, de sorte qu'il apprécie souverainement l'utilité de remettre aussi ces éléments au patient.
Peuvent être considérés comme étant des éléments objectifs: les résultats de laboratoire, le tracé‑ECG, radiographie...toutefois, sans les protocoles.
La remise par le médecin de famille au patient, de lettres et/ou de rapports médicaux qui lui ont été adressés par le spécialiste, reste une démarche très délicate, devant être l'exception et non la règle.
3.2. Communication du spécialiste au médecin de famille
3.2.1. Le patient a été adressé au spécialiste en vue d'une hospitalisation:
- communication de l'admission et des coordonnées nécessaires de disponibilité: premier contact immédiat par lettre
- de même pour des observations courtes: par exemple, admission d'urgence
- lorsque le patient quitte l'hôpital, il doit être muni d'une lettre concernant son départ et mentionnant: toutes les informations importantes en vue de l'accueil du patient à son domicile par le médecin de famille, c'est‑à‑dire les directives ayant trait aux soins à domicile devant être organisés par le médecin de famille en concertation avec le patient. C'est pourquoi il est préférable d'avertir le médecin de famille au moins un jour avant la sortie du patient. La médication n'est fournie ou prescrite que pour les premiers jours suivant la sortie
- ensuite et dans les plus courts délais, un rapport définitif et complet est envoyé directement au médecin de famille. Dix jours nous paraissent un délai raisonnable
- des techniques modernes telles que le modem, la disquette ou le téléfax, etc. peuvent à cet égard s'avérer très utiles aussi longtemps qu'elles ne donnent pas lieu à des abus, plus précisément en matière de dichotomie et de violation du secret professionnel
- un rapport intermédiaire, par téléphone ou par écrit, s'impose lorsque le patient est transféré de manière définitive dans un autre service et en cas d'incident majeur. Ceci implique que le médecin de famille soit parfaitement au courant de l'état du patient. Le transfert à l'intérieur du deuxième échelon ne peut pas devenir un automatisme. Il doit toujours reposer sur une indication justifiée allant de pair avec autant de références possibles au dossier du médecin de famille
- excepté le cas du transfert dans un autre service, le premier spécialiste consulté par le médecin de famille reste responsable de la coordination de ces renvois supplémentaires étant donné qu'au sein d'une clinique, il demeure le "médecin traitant". En tout cas, le médecin de famille doit recevoir par la suite, une copie du protocole des spécialistes consultés.
A ce niveau, intervient le problème des pathologies à caractère multidisciplinaire au sein de grands hôpitaux: qui traite en fait le malade ? Le médecin de famille doit aussi recevoir un rapport des check‑ups pré‑opératoires dont la pertinence et le contenu doivent être appréciés au cas par cas - en cas d'intervention chirurgicale, le médecin de famille doit être averti à temps de la date de l'opération afin de pouvoir y assister
- le médecin de famille doit être associé de manière maximale au suivi souhaité par le spécialiste, et ce en concertation avec le patient, suivant un schéma individualisé: convoquer systématiquement des patients suivant un schéma personnel rigide peut entraîner un abus de compétence tant dans le chef du spécialiste que dans celui du médecin de famille
- le médecin de famille doit être immédiatement averti du décès d'un patient
- lorsque le patient est adressé à un spécialiste par un médecin de famille remplaçant, ce dernier doit aussi mentionner les nom et adresse du médecin de famille traitant, et le spécialiste doit envoyer un rapport à chacun des deux médecins de famille.
3.2.2. Le patient est adressé en ambulatoire à une policlinique ou à une consultation privée
Il va de soi que le médecin de famille doit recevoir dans les plus brefs délais toute l'information nécessaire à la poursuite du traitement.
N.B.: Un spécialiste, consulté pour une prestation technique, doit s'abstenir envers le patient de toute immixtion directe dans la thérapie du médecin traitant. Tout avis constructif est naturellement le bienvenu et est adressé directement au médecin demandeur.
3.2.3. Le patient consulte le deuxième échelon sans y avoir été adressé
En principe, les règles restent les mêmes que dans les deux situations précédentes: une bonne médecine implique, en effet, une coopération du premier et du deuxième échelon. Même si le patient le consulte de sa propre initiative, il est préférable que le spécialiste en informe le médecin de famille et fasse part à ce dernier de ses constatations; si le patient s'y oppose de manière formelle, le spécialiste doit respecter cette volonté et ne pas prendre contact avec le médecin de famille traitant;
une situation spéciale est celle du pédiatre appelé automatiquement après un accouchement. Celui‑ci doit par la suite se manifester auprès du médecin de famille et lui transmettre un rapport d'évaluation du nouveau‑né;
lorsqu'un patient est impliqué dans une étude clinique, il est évident que tous les médecins traitants (médecin de famille et spécialiste) se tiennent mutuellement au courant de cette situation spécifique.
4. Prévention
Définition du concept:
Prévention primaire: application d'un ensemble de mesures destinées à prévenir la maladie.
Prévention secondaire: dépistage des pathologies spécifiques au sein ou non de groupes à risques.
Prévention tertiaire: en présence d'une pathologie, empêcher son évolution et éventuellement élaborer un programme de revalidation.
La mise en oeuvre de la prévention primaire et secondaire est une mission qui est de préférence exécutée par un médecin de famille.
Les spécialistes n'interviennent que pour appui logistique, avis scientifique au médecin de famille ou en tant que deuxième échelon appelé en consultation.
La prévention tertiaire constitue une possibilité idéale de coopération constructive entre médecin de famille et spécialiste.
5. Médecine préventive officialisée: médecine scolaire, Office de la Naissance et de l'Enfance, médecine du travail
Ne peut être ni pour le médecin de famille ni pour le spécialiste une occasion de rabattage.
6. Attestations
Les attestations d'incapacité de travail seront de préférence délivrées par le médecin de famille, suite à une suggestion ou non du deuxième échelon, étant donné que le médecin de famille est souvent le seul qui puisse se représenter la situation globale du malade par rapport à son travail.
7. Continuité des soins
‑ Chacun doit faire preuve de souplesse dans la disponibilité.
Le médecin de famille comme le spécialiste doivent organiser la continuité des soins de telle manière que l'un et l'autre puissent faire appel 24/24 heures à un avis réciproque bien structuré.
La rédaction d'un compendium régional reprenant les coordonnées et disponibilités de tous les dispensateurs de soins peut à cet égard être utile.
Le maintien de contacts actifs entre les dispensateurs de soins d'une même région présente un intérêt capital:
- présence de médecins de famille représentatifs au sein des conseils médicaux des hôpiaux
- cercles régionaux mixtes (médecin de famille + spécialiste) ou activités scientifiques organisées en commun, stimulation d'une coopération aisée.
Les médecins de famille doivent aussi être représentés autant que possible au sein de toutes les instances se consacrant aux soins de santé et où s'établit une collaboration avec des spécialistes et d'autres dispensateurs de soins.
Les "one‑day‑clinics" constituent un problème à part: un dialogue étroit entre le médecin de famille et son confrère spécialiste doit permettre d'aboutir à des conventions préalables en vue d'une collaboration efficace.
L'insertion de médecins de famille au sein d'une équipe hospitalière comme les services de garde permanents et la garde à l'entrée, I'assistance chirurgicale à titre ou non de collaborateur médical, peut donner lieu à des situations antidéontologiques.
8. Délimitation du ressort et compétences
8.1. Visites à domicile par des spécialistes:
- uniquement sur demande de consultation émanant du médecin de famille
- par ailleurs, exclusivement par des pédiatres (à la demande directe du patient), réglées par la loi.
8.2.
Le médecin de famille ne peut non plus outrepasser ses compétences diagnostiques et thérapeutiques, ceci devant être interprété suivant l'état actualisé de la science.
9. Conclusion
Les médecins de famille et les spécialistes ont chacun leurs compétences spécifiques et sont par conséquent aussi soumis à des limitations. Ils doivent tendre à un concours harmonieux des deux disciplines à partir de leur approche personnelle du malade et de la maladie.
Le fait d'oeuvrer à une amélioration de la relation médecin de famille ‑ spécialiste dans un esprit de confraternité et de respect réciproque, correspond finalement à un objectif central: réaliser l'intérêt légitime du patient et être au service de l'homme malade.