keyboard_arrow_right
Déontologie

Accès au dossier médical des détenus par les Commissions de surveillance des prisons

Le Conseil national de l'Ordre des médecins a été contacté par un membre-médecin d'une Commission de surveillance, créée par le Conseil central de surveillance pénitentiaire, concernant l'avis du 20 septembre 2014, Accès au dossier médical des détenus par les Commissions de surveillance des prisons. En raison de modifications légales et de la modernisation du Code de déontologie médicale, cet avis est dépassé et est remplacé par le présent document.

Avis du Conseil national : Accès au dossier médical des détenus par les Commissions de surveillance des prisons

  1. Principe : droit du détenu à la vie privée

Conformément aux nombreux textes d'accord(1) internationaux et européens, à la Constitution belge(2) et à la législation nationale complémentaire(3), le détenu a droit à la protection de sa vie privée, en particulier concernant ses données de santé. Une tierce personne n'a, en principe, pas accès aux données médicales du détenu.

Pour protéger ce droit à la vie privée du détenu, le médecin traitant (médecin de prison) est tenu au secret professionnel.

2. Exceptions

2.1. Autorisation écrite du détenu

La loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l'administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus prévoit cependant la possibilité pour les membres des Commissions de surveillance de prendre connaissance des données médicales du détenu et énonce que « pour autant que cela soit nécessaire à l'accomplissement de leurs missions, les membres du Conseil central ont librement accès à [...], moyennant autorisation préalable écrite du détenu, toutes les pièces contenant des informations personnelles concernant le détenu. »(4)

Le traitement des données de santé par un tiers, en l'occurrence les membres des Commissions de surveillance, est aussi soumis aux principes de la déontologie médicale, aux règles du Règlement général sur la protection des données et à la loi du 30 juillet 2018relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel.

Même si la prise de connaissance du dossier médical est nécessaire pour l'exercice de leurs tâches, les membres des Commissions de surveillance ne peuvent, déontologiquement, pas avoir (directement) accès à toutes les données médicales du détenu. Le médecin de prison portera uniquement les données médicales nécessaires du détenu à la connaissance d'un membre de la Commission qui est médecin. Ce dernier appréciera de façon autonome les données médicales qui peuvent être communiquées aux membres de la Commission de surveillance et sous quelle forme.

À cette fin, il convient de tenir compte des principes de nécessité, de proportionnalité et de finalité.

En outre, l'exigence d'une information transparente est d'application et le détenu est informé des données médicales qui sont transmises.(5)

2.2. Exceptions au secret professionnel du médecin de prison

Pour protéger le droit à la vie privée du détenu et conformément à l'article 458 du Code pénal et l'article 25 du Code de déontologie médicale, le médecin de prison est tenu au secret professionnel.

Néanmoins, les exceptions relatives au secret professionnel s'appliquent également au médecin de prison. Dans certains cas, le médecin de prison portera certaines données médicales du détenu à la connaissance des membres des Commissions de surveillance, par exemple pour sa défense en justice ou dans des circonstances exceptionnelles, pour la préservation d'un droit supérieur et en invoquant l'état de nécessité.

3. Conclusion

Le détenu a droit à la protection de sa vie privée. Pour protéger ce droit, le médecin de prison est tenu au secret professionnel et il ne peut pas, en principe, transmettre de données médicales aux membres des Commissions de surveillance créées par le Conseil central de surveillance pénitentiaire.

Néanmoins, la loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l'administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus autorise les membres des Commissions de surveillance à prendre connaissance du dossier médical, si c'est nécessaire pour l'exercice de leurs tâches. Dans ce cas, le médecin de prison transmet les données médicales à un médecin de la Commission en tenant compte des principes de nécessité, de proportionnalité et de finalité.

Enfin, dans des cas précis, les membres de la Commission prendront aussi connaissance de certaines données médicales si le médecin de prison invoque une exception au secret médical, comme la défense en justice ou l'état de nécessité.

(1) Notamment art. 8 CEDH et art. 1 RGPD

(2) Art. 22, Constitution belge

(3) Notamment la loi du 30 juillet 2018 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel

(4) Art. 27, § 1er, loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l'administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus

(5) Art. 12, Règlement général sur la protection des données