Enregistrement médical - Nouvelles directives
Enregistrement médical
Le Conseil national, après avoir étudié le 11 mars 1985, le rapport de cette commission, a renvoyé au Ministre des affaires sociales, Monsieur J. DEHAENE, les commentaires ci-dessous.
Le Conseil national de l'Ordre des médecins vient d'être saisi, à plusieurs reprises, de demandes émanant de différentes régions du pays concernant les problèmes qui se posent aux médecins pour la transcription de renseignements médicaux dans les dossiers conçus à des fins de rationalisation et d'organisation générale des soins de santé dans notre pays.
Des demandes d'avis qui nous ont été transmises et qui sont liées aux modalités de transcription des renseignements, il apparaît qu'une dangereuse confusion risque de se faire entre ce qui est «renseignements médicaux» et «renseignements administratifs». Il n'y a pas suffisamment de distinction entre l'un et l'autre pour que par le biais de renseignements administratifs on ne puisse parvenir à obtenir des renseignements médicaux qui sont couverts par le secret médical.
Nous sommes d'autant plus inquiets de cette situation que l'examen des projets d'arrêtés royaux repris ci‑dessous fait entrevoir clairement un certain nombre de problèmes concernant le secret médical.
1° Le projet d'arrêté royal portant exécution de l'article 5, alinéa 2 et de l'article 8, alinéa 1er de la loi du 8 août 1983 organisant un Registre national des personnes physiques autorise, entre autres, les cinq unions nationales à accéder aux informations du Registre national. Ce projet autorise également certaines personnes physiques et personnes morales (entre autres les unions nationales, les mutualités, les établissements hospitaliers, les offices de tarification) à faire usage du numéro d'identification du Registre national dans certaines conditions et dans des limites déterminées.
2° Le projet d'arrêté royal portant exécution des articles 6 et 7 de la loi du 8 août 1983 citée ci‑dessus, règle, entre autres, I'obligation pour les communes (dans certains cas gratuitement) de fournir les informations demandées par les pouvoirs publics et les organismes ayant accès au Registre national.
A partir du moment où les organismes précités auront le droit d'utiliser le numéro d'identification du Registre national pour les données administratives de leurs affiliés, il est à craindre que ce même numéro ne soit utilisé pour l'enregistrement des données médicales et sociales.
En outre, le Conseil national croit savoir que plusieurs hôpitaux utilisent déjà ou utiliseront le numéro d'ordre national pour le stockage des données médicales de leurs patients.
De plus, si l'on examine le projet d'arrêté royal portant exécution de l'article 5, alinéa 2, et de l'article 8, alinéa 1er, de la loi du 8 août 1983 organisant un Registre national des personnes physiques, on constate, en son article 7, au 3ème alinéa: «Ne sont pas des tiers pour l'application de l'alinéa 2:
3° les personnes auxquelles la connaissance de ces informations est imposée ou rendue nécessaire pour l'exécution des obligations qui leur sont assignées par ou en vertu d'une disposition légale ou réglementaire».
Le Conseil national s'inquiète d'une articulation possible entre les données médicales et administratives du patient, enregistrées dans des banques de données dont l'accès au moyen du numéro d'identification est aisé et rapide pour un grand nombre d'organismes.
Il est incontestable que ce procédé compromet un des éléments fondamentaux de notre société, en l'occurrence la protection de la vie privée, d'autant que la législation en la matière est toujours en préparation. Les projets d'arrêtés royaux cités ci‑dessus n'offrent pas de garanties suffisantes contre des abus et des «fuites» éventuels entraînant inévitablement une violation du secret professionnel.
Il ressort des demandes soumises au Conseil national concernant la façon de rassembler l'information médicale des différents hôpitaux, qu'un inévitable amalgame risque de s'opérer entre «données administratives» et «données médicales». Si la distinction entre ces catégories de données n'est pas précisée davantage, il sera possible, par le biais de données administratives, d'accéder à l'information médicale qui relève du secret professionnel.
L'accès à ces renseignements par certains organismes d'utilité publique, pourrait être utilisé à l'insu des patients, contre leur volonté et à leur détriment.
Ainsi que nous vous l'avions déjà écrit dans notre lettre du 20 juin 1984, le Conseil national accueille toujours favorablement le principe d'améliorer les connaissances scientifiques médicales et de promouvoir une meilleure dispensation des soins par l'établissement de statistiques adéquates.
Dans cette même lettre, nous tenions à souligner que «tant la loi que la jurisprudence constante de nos cours et tribunaux et les principes du Code de déontologie médicale de 1975 n'admettent la communication de renseignements concernant les malades qu'avec leur assentiment et en faveur d'un autre médecin chargé de poursuivre l'élaboration du diagnostic ou du traitement ou bien encore dans le cadre d'une consultation médico‑sociale. Même dans ces circonstances, la communication doit strictement être limitée aux données indispensables».
Le Conseil national souhaite attirer à nouveau votre attention sur le fait que, afin de maintenir l'esprit de la loi sur le secret professionnel, il convient d'instituer une distinction nette entre les données médicales couvertes par le secret et les données administratives. Le contrôle de conformité entre ces données anonymes et la réalité, peut être exercé aisément par des médecins chargés de cette mission et tenus eux-mêmes au secret professionnel.
Le Conseil national estime que la protection de la vie privée constitue une des caractéristiques primordiales de notre société et doit prendre le pas sur toute autre considération.
Permettre à un très grand nombre d'organismes d'accéder au numéro d'identification du Registre national et d'en faire usage entraînerait, dans les circonstances actuelles, un danger réel de violation de la vie privée et du secret médical.
Ces remarques nous paraissent d'autant plus essentielles que de nombreux exemples de violation du secret existent dans les différents domaines où l'informatique est utilisée de façon systématique malgré des précautions soi‑disant adéquates.