Fourniture de conseils par le psychiatre de soins de l'établissement pénitentiaire sur la responsabilité de l'interné dans le cadre d'une procédure disciplinaire
En sa séance du 12 décembre 2020, le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné si le médecin-psychiatre en charge du traitement des internés dans une institution pénitentiaire peut apprécier la responsabilité d'un interné dans le cadre d'une procédure disciplinaire.
En principe, la loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l'administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus s'applique à tous les détenus, y compris les internés. Par conséquent, le régime disciplinaire des institutions pénitentiaires, tel que prévu sous le titre VII de la loi précitée, s'applique aussi aux internés.
Dans la doctrine et la jurisprudence, l'on se pose régulièrement la question de savoir s'il est justifié d'imposer une sanction disciplinaire à un interné.(1) Dans quelle mesure un interné peut-il être tenu responsable de ses actes et l'infraction disciplinaire lui est-elle imputable ?
Le fait que les institutions pénitentiaires essayent de tenir compte de la question de la responsabilité d'un interné quant à l'infraction disciplinaire commise est une évolution favorable. Il est aussi indispensable qu'un médecin-psychiatre soit impliqué dans l'appréciation de la responsabilité de l'interné concerné.
Cependant, il est primordial que le médecin-psychiatre, chargé de déterminer la responsabilité de l'interné, puisse former son appréciation d'une manière indépendante, impartiale, consciencieuse et intègre. Confier cette mission au psychiatre (traitant) de l'interné pourrait compromettre les principes d'indépendance et d'impartialité. Il est donc recommandé d'attribuer cette mission à un psychiatre externe.
Outre les principes déontologiques susmentionnés, le psychiatre est tenu au secret professionnel. L'ajout d'éléments du dossier médical de l'interné dans son dossier disciplinaire constitue une infraction au secret professionnel. La participation à l'appréciation de la responsabilité peut perturber la relation de confiance construite entre le psychiatre et l'interné.
Enfin, il convient de souligner le droit de l'interné à des soins psychiatriques et à une thérapie, qui a été confirmé à maintes reprises par la Cour européenne des droits de l'homme. Ce droit fondamental aux soins serait compromis si les données médicales, recueillies dans le cadre de la relation de soins, étaient utilisées pour sanctionner disciplinairement l'interné. Ceci pourrait avoir pour conséquence que l'interné ne fasse plus appel au psychiatre ou ne puisse plus parler librement, par peur de représailles futures lors d'une procédure disciplinaire.
L'institution pénitentiaire peut répondre aux obstacles précités en recourant non pas au psychiatre de l'institution pénitentiaire, mais à un expert indépendant pour apprécier la responsabilité de l'interné dans le cadre d'une procédure disciplinaire.
(1) O. Nederlandt et O. Michiels, « Le régime disciplinaire appliqué aux internés: irresponsables au pénal, responsables au disciplinaire? », Journal des Tribunaux 2016, 561-570.