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Déontologie

Présence d’un avocat lors d’une expertise psychiatrique médico-légale

Un Conseil provincial a sollicité l'avis du Conseil national concernant la présence d'un avocat lors d'une expertise psychiatrique médico-légale en affaires pénales, telle que prévue à l'article 7 de la loi du 5 mai 2014 relative à l'internement des personnes.

Avis du Conseil national :

En sa séance du 6 mai 2017, le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné la problématique de la présence d'un avocat lors d'une expertise psychiatrique médico-légale en affaires pénales, telle que prévue à l'article 7 de la loi du 5 mai 2014 relative à l'internement des personnes (ci-après : loi internement) (1).

Vous trouverez son point de vue ci-dessous.

Dispositions légales

L'article 7 de la loi internement est libellé comme suit : « La personne qui fait l'objet d'une expertise psychiatrique médicolégale peut, à tout moment, se faire assister par un médecin de son choix et par un avocat. »

Discussion

La présence d'un médecin de son choix lors d'un examen médical ne pose pas de problème déontologique car celui-ci connaît la déontologie médicale et les règles techniques de l'expertise psychiatrique.

L'article 7 de la loi internement prévoit la possibilité pour la personne soumise à une expertise psychiatrique médico-légale de toujours se faire assister non seulement par un médecin, mais aussi par un avocat.

La question se pose de savoir si la présence d'un avocat lors d'une expertise psychiatrique médico-légale est souhaitable.

Lors des discussions parlementaires concernant la loi internement, les barreaux ont insisté sur la possibilité de l'assistance par un avocat (2). Selon eux, les avocats doivent en effet veiller à la régularité de la procédure et au respect des droits de la défense.

De ce fait, l'on crée une analogie entre d'une part une expertise psychiatrique médico-légale et d'autre part un interrogatoire par la police.

Contrairement à l'expertise psychiatrique médico-légale qui porte uniquement sur l'état de santé de la personne concernée, l'interrogatoire par la police vise la découverte de la vérité.

L'expertise psychiatrique médico-légale a pour objectif un avis psychiatrique impartial, indépendant et motivé, établi par un expert.

Un tel examen nécessite l'instauration et le développement d'une relation entre la personne concernée et le médecin afin d'aboutir à un dialogue permettant à cette personne de parler librement (3).

Par contre, un avocat abordera principalement une expertise psychiatrique médico-légale aux fins de la préservation des intérêts juridiques de la personne concernée. La présence d'un tiers, surtout s'il n'est pas un professionnel de la santé, entrave le dialogue et la mise en place d'une relation d'examen entre le psychiatre et la personne concernée. En raison de la présence de l'avocat, des discussions juridiques pourraient être engagées lors de l'examen médical alors que le psychiatre n'est pas compétent pour s'exprimer à ce propos.

En revanche, l'avocat pourrait être présent lors du lancement de l'expertise, par exemple pour échanger des données de nature administrative, pour parcourir le casier judiciaire et les données disponibles dans le dossier et pour vérifier s'il est nécessaire de demander des informations médicales à d'anciens dispensateurs de soins.

D'ailleurs, la loi internement prévoit une forme explicite de contradiction qui garantit le droit de la défense et par laquelle la présence d'un avocat lors de l'expertise psychiatrique médico-légale n'est pas nécessaire.

Conclusions

Le Conseil national de l'Ordre des médecins estime que :
• la présence d'un avocat lors d'une expertise psychiatrique médico-légale, comme prévue à l'article 7 de la loi internement, entrave l'expertise et est de nature à compromettre l'exercice d'une bonne administration de la justice ;
• l'article 7 de la loi internement devrait en conséquence être adapté ;
• lorsque le psychiatre désigné comme expert estime que la présence de tiers compromet la qualité d'une expertise psychiatrique médico-légale, il peut refuser la mission.

Le Conseil national sollicite un entretien pour expliquer son point de vue.

cc. Madame De Block, ministre des Affaires sociales et de la Santé publique Cellule stratégique du ministre des Affaires sociales et de la Santé publique

1. La loi internement est entrée en vigueur le 1er octobre 2016 ; actuellement, plusieurs arrêtés d'exécution manquent encore.
2. Cet argument des Barreaux flamands est basé sur le droit du suspect à se faire assister par un avocat lors d'une audition.
3. L'anamnèse est très approfondie et comprend des thèmes comme les antécédents psychiatriques et somatiques, l'anamnèse familiale, l'évolution biographique de l'intéressé et son histoire au sujet des faits reprochés. L'expertise psychiatrique médico-légale englobe non seulement ses propos mais aussi sa façon de les dire, ses expressions faciales, son ton, ses mimiques et les autres signaux non verbaux. Le psychiatre essaye de comprendre l'intéressé avec empathie et celui-ci se fait connaître plus intimement sur le plan émotionnel et cognitif grâce à l'approche du psychiatre. Lors de l'examen, ce travail fait transparaître les sentiments de la personne en question et permet de tester ses motivations et ses fonctions cognitives. Le psychiatre recueille des données diagnostiques qui pourront éventuellement être associées aux faits imputés, aussi dans l'intérêt de la personne examinée. Pendant l'examen, celle-ci peut aussi émettre des réflexions autocritiques sur les faits susceptibles d'être mentionnées dans le rapport. La personne examinée peut toujours choisir ce qu'elle communique ou non au psychiatre.