Projet d'arrêté royal portant exécution de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée
Le Conseil national a pris connaissance, par le site Internet du Ministère de la Justice, du projet d'arrêté royal portant exécution de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel, telle que modifiée par la loi du 11 décembre 1998.
Le Ministre de la Justice demande à tous les intéressés d'envoyer leurs commentaires et suggestions au sujet de cet arrêté royal pour le 31 janvier 2000.
Lettre à Monsieur M. VERWILGHEN, Ministre de la Justice :
Le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné, en sa séance du 15 janvier 2000, le projet d'arrêté royal portant exécution de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel, telle que modifiée par la loi du 11 décembre 1998. Le Conseil national a pris connaissance de ce projet par le site Internet du Ministère de la Justice.
Nonobstant le travail préparatoire nécessaire, plusieurs problèmes techniques ont entravé la lecture du projet de texte.
Dans le rapport au Roi, des références aux articles de la loi du 8 décembre 1992 dont le projet d'arrêté royal est destiné à porter exécution, font défaut. Ces références eussent facilité la lecture. Il eût été utile de mentionner, soit dans le projet, soit dans le rapport au Roi, que le Chapitre II porte exécution des articles 4, § 1er, 2° et 5°, 6, § 2 g), 7 k) et 8 e) de la loi et que le Chapitre III porte exécution des articles 6, §4, 7, §3 et 8, §4 de la loi du 8 décembre 1992. De cette manière il serait apparu clairement qu'il s'agit de matières totalement différentes et les termes "les mesures supplémentaires" auraient moins induit en erreur (dans le texte néerlandais : "les mesures supplémentaires" = "bovendien").
En parcourant les paragraphes des articles 4, 6, 7 et 8 de la loi du 8 décembre 1992 traitant des fins scientifiques, on est frappé de constater qu'en ce qui concerne le traitement de données à caractère personnel, seul l'article 4 fait allusion à des fins historiques, statistiques ou scientifiques. Les articles 6, 7 et 8 traitent uniquement de la recherche scientifique alors que le projet d'arrêté royal prévoit aussi le traitement à des fins historiques et statistiques des données à caractère personnel visées aux articles 6 à 8.
Un renvoi adéquat aux articles de la loi du 8 décembre 1992 aurait probablement permis de constater que les données à caractère personnel non codées rendues manifestement publiques par la personne concernée et les données en relation étroite avec le caractère public de la personne concernée ou des faits dans lesquels celle-ci est impliquée, ne sortent du champ d'application de la loi que lorsqu'elles sont utilisées aux seules fins de journalisme ou d'expression artistique ou littéraire. Le projet d'arrêté royal (article 9 a, article 11, 3ème alinéa) confond apparemment des fins historiques, statistiques ou scientifiques et des fins journalistiques, artistiques ou littéraires (article §3, de la loi du 8 décembre 1992).
En outre, il convient de noter que la traduction a également posé des problèmes (ex.: à l'article 5, "voldoet" est la traduction de "doit remplir"). La lecture du projet de l'arrêté royal a ainsi été retardée par un ensemble de problèmes techniques.
En ce qui concerne le contenu de l'arrêté royal, le Conseil national pense déjà pouvoir formuler les remarques suivantes à l'issue d'une première analyse.
Le Conseil national partage tout à fait le point de vue suivant lequel le traitement de données médicales à caractère personnel à des fins (historiques), statistiques et scientifiques doit s'effectuer à l'aide de données anonymes. A cet égard, le Conseil national souhaite faire remarquer que l'impossibilité d'identification d'une personne physique n'est en soi pas suffisante: il faut aussi éviter que le groupe étudié ne soit lésé par l’étude statistique ou scientifique. Ceci vaut surtout lorsque des groupes restreints (danseurs de ballets, hauts fonctionnaires) font l'objet d'une étude scientifique: si bien que dans ce cas, même en utilisant des données anonymes, il apparaît souhaitable d'obtenir l'autorisation des personnes dont les données sont rendues anonymes. La même circonspection s'impose lorsque des données médicales sont couplées à des données administratives ou des données sensibles (article 6 de la loi) comme prévu à l'article 6, §2, j).
Le Conseil national peut se déclarer d'accord avec l'utilisation de données à caractère personnel codées à des fins statistiques ou scientifiques lorsqu'il est prouvé qu'une étude ne peut pas être réalisée en traitant des données anonymes. En tout cas des garanties strictes de protection de la vie privée des personnes concernées doivent être réunies: des données codées sont en effet des données identifiables étant donné qu’il est fait usage d’un numéro d'identification. Le Conseil national ne peut accepter que les personnes concernées soient tenues dans l'ignorance ainsi qu'il ressort du projet d'arrêté royal. Elles doivent donner leur consentement non équivoque après avoir reçu une information complète sur la finalité de l'étude. En outre, le Conseil national est d'avis que l'obligation de déclaration auprès de la Commission de la protection de la vie privée doit être maintenue et que le responsable du traitement doit joindre à sa déclaration l'avis d'un comité d'éthique enregistré.
En ce qui concerne le traitement de données à caractère personnel non codées à des fins statistiques ou scientifiques, il convient que celui-ci soit soumis à des conditions plus sévères que le traitement de données codées. Ici aussi il est requis dans ce cadre aussi que la personne concernée donne un accord non équivoque après avoir reçu une information complète. De plus, la déclaration à la Commission ne suffit pas à elle même, elle doit être suivie d'une autorisation de la Commission fondée notamment sur un avis favorable d'un comité d'éthique enregistré, annexé à la demande d'autorisation par le responsable du traitement.
Le Conseil national émet des réserves quant au traitement de données médicales à des fins scientifiques sans le consentement exprès des personnes concernées complètement informées. Le Conseil national précisera sa position à ce sujet en sa séance du 19 février 2000.
Après une première lecture du projet d'arrêté royal, le Conseil national a le sentiment qu'il n'y a pas d'équilibre entre les intérêts des personnes concernées et l'intérêt de la recherche scientifique médicale. Le Conseil national souscrit à la philosophie de base de la loi du 8 décembre 1992 parfaitement énoncée à l'article 2 de la loi: "Lors du traitement de données à caractère personnel la concernant, toute personne physique a droit à la protection de ses libertés et droits fondamentaux, notamment à la protection de sa vie privée". Ce principe doit être respecté dans le traitement de données médicales à caractère personnel à des fins de recherche scientifique.
Compte tenu des problèmes techniques évoqués plus haut, le Conseil national n'est pas en mesure de formuler avant le 31 janvier 2000 une position achevée concernant le projet d'arrêté royal portant exécution de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel.
Le Conseil national procèdera à une deuxième lecture du projet d'arrêté royal en sa séance du 19 février 2000 et vous tiendra informé des commentaires livrés par cette deuxième lecture.
CC : Madame M. Aelvoet, Ministre de la Protection du Consommateur, de la Santé publique et de l’Environnement.
Monsieur R. Demotte, Ministre de l’Economie et de la Recherche scientifique.