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Déontologie

Secret professionnel et contestations testamentaires

Suite aux pressions exercées par certains avocats pour obtenir l’accès au dossier médical après le décès du patient en vue de la contestation d’un testament, le Conseil national a précisé et légèrement modifié son avis du 19 juin 2004.

Avis du Conseil national :

La consultation du dossier médical après le décès du patient en vue de la contestation d’un testament conduit à de nombreuses questions de la part des médecins, principalement en ce qui concerne l’application de l’article 9, § 4, de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient.

En sa séance du 1er septembre 2007, le Conseil national a décidé de légèrement modifier son avis du 19 juin 2004 (BCN 105, septembre 2004, p. 2) concernant le secret professionnel après (le) décès (du patient), suite aux réponses du ministre Demotte à la question de madame Sabien Lahaye-Battheu au ministre des Affaires sociales et de la Santé publique au sujet de la « consultation du dossier médical par les parents proches » (Questions et réponses, n° 13675, 16 janvier 2007).

Le passage suivant est retiré de cet avis :

« Le Conseil national reste cependant d'avis que la notion de caractère "exprès" doit recevoir une interprétation large. Lorsqu'une personne décédée n'a pas de son vivant informé ses proches parents de la nature de sa maladie, et n'a pas souhaité qu'ils en soient informés par le médecin traitant, cela doit être considéré comme une opposition expresse à la consultation. Il est ainsi exclu que les proches apprennent par la consultation indirecte du dossier médical que, par exemple, une euthanasie a été pratiquée. ».

En complément de son avis du 19 juin 2004, le Conseil national propose également la procédure suivante pour les médecins et les conseils provinciaux confrontés à ce problème.

Il va sans dire qu’il demeure indiqué, pour éviter des discussions concernant la validité d’un testament, d’agir préventivement en inscrivant clairement dans le dossier l’opposition expresse du patient à la consultation de certaines données du dossier ainsi que la date, et en conseillant au patient âgé sain d’esprit de faire appel à un notaire pour la rédaction de son testament (cf. l’avis du 19 juin 2004).

  1. La concertation avec le conseil provincial

    Le Conseil national conseille au médecin, avant d’accorder la consultation du dossier médical d’un patient décédé parce qu’il y a contestation du testament de ce dernier, de se concerter avec le Bureau de son conseil provincial.

    Le but de cette concertation est d’examiner si la consultation est déontologiquement acceptable et si les conditions fixées par la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient pour pouvoir accorder la consultation, sont réunies. Ces conditions figurent principalement à l’article 9, § 4 :

    « Après le décès du patient, l'époux, le partenaire cohabitant légal, le partenaire et les parents jusqu'au deuxième degré inclus ont, par l'intermédiaire du praticien professionnel désigné par le demandeur, le droit de consultation, visé au § 2, pour autant que leur demande soit suffisamment motivée et spécifiée et que le patient ne s'y soit pas opposé expressément. Le praticien professionnel désigné consulte également les annotations personnelles visées au § 2, alinéa 3. »

  2. L’opposition expresse

    Le patient a le droit de s’opposer à la consultation de son dossier patient par les proches parents après son décès.

    Il convient de noter que l’opposition expresse du défunt à la consultation de certaines données du dossier peut être aussi bien verbale qu’écrite, mais il est recommandé au médecin de la consigner au dossier médical, avec la date. Comme précisé dans l’avis du Conseil national du 26 juillet 2003, le patient ne peut s’être valablement opposé à la consultation post mortem que s’il était encore capable d’exercer ses droits du patient au moment de l’opposition.

  3. La consultation indirecte

    La loi dispose que le droit de consultation des proches parents ne peut être exercé que « par l’intermédiaire du praticien professionnel désigné par le demandeur ».

    Différentes recommandations déontologiques peuvent être faites au médecin sollicité.

    Le Conseil national rappelle à ce propos les recommandations suivantes figurant dans son avis du 19 juin 2004 :

    « Le Conseil national estime que le médecin sollicité doit être convaincu qu'une demande de consultation indirecte du dossier médical est la voie la plus indiquée pour permettre aux proches parents d’obtenir l'information souhaitée. Il doit garder à l'esprit - et en avertir le demandeur - que le médecin traitant de la personne décédée, ainsi que prévu à l'article 9, § 2, de la loi, dispose de 15 jours à dater de la réception de la demande de consultation pour y donner suite, et que la loi ne prévoit pas le droit d'obtenir copie du dossier de la personne décédée. Il est évident que le médecin sollicité doit avoir la compétence nécessaire pour pouvoir donner au demandeur une information correcte et complète après avoir consulté le dossier de la personne décédée. Ce ne sont pas seulement les médecins dépositaires du dossier, mais également le médecin sollicité pour effectuer la consultation indirecte, qui doivent être convaincus que la demande de consultation est "suffisamment motivée et spécifiée".

    On peut attendre du médecin désigné qu'il conseille en connaissance de cause le demandeur afin que la consultation du dossier se déroule sans difficulté ni retard. Ainsi, il veillera à ce que le demandeur s'adresse aux praticiens professionnels qui avaient la responsabilité de la tenue soigneuse et de la conservation sécurisée des parties du dossier du patient dont la consultation indirecte peut être utile. Le dossier médical n'est qu'une partie du dossier du patient et de ce fait, une demande de consultation adressée au médecin responsable des soins de la personne décédée ne donne pas droit à la consultation indirecte, par exemple, du dossier infirmier. Il faut noter que le médecin-chef d'un hôpital n'est pas compétent pour accorder la consultation d'un dossier.

    Le Conseil national estime que la désignation d'un seul praticien professionnel est suffisante pour l'obtention de la consultation indirecte des parties utiles du dossier du patient mais toutes les demandes doivent être suffisamment motivées et spécifiées. Dans son avis motivé du 26 juillet 2003, le Conseil national considère que seuls des médecins peuvent être désignés pour consulter le dossier médical d'une personne décédée, et le Conseil national maintient cette position. »

    Le Conseil national reste d’avis, en outre, « qu’un médecin-conseil d’une compagnie d’assurances, dans le cadre de ses missions, ne peut être le praticien professionnel par l’intermédiaire duquel le parent du défunt pourrait avoir droit à la consultation du dossier médical en application de l’article 9, § 4, précité » (cf. avis du 25 novembre 2006 sur la consultation du dossier médical d’un défunt par le médecin-conseil d’une compagnie d’assurances, BCN 115, mars 2007, p. 3).

  4. La motivation

    Comme le Conseil national le faisait remarquer dans son avis du 19 juin 2004, la difficulté dans la consultation indirecte du dossier du patient après sa mort par ses proches parents, réside dans la condition prévue à l'article 9, § 4 : "pour autant que la demande soit suffisamment motivée et spécifiée".

    Le Conseil national estime qu’il est dans l’intérêt de la collectivité et en particulier des personnes âgées de ne pas admettre la consultation du dossier médical après le décès dans le cadre d’une contestation de la validité d’un testament s’il n’y a pas d’éléments sérieux permettant de supposer que le testament a été établi à un moment où le testateur n’était pas en possession des facultés mentales requises. L’option du Conseil national pour la préservation du secret professionnel est motivée en détail dans ses avis des 16 février 2002, 26 juillet 2003 et 19 juin 2004.

    Le secret professionnel a pour fondement tant les intérêts individuels du patient (en l’occurrence : la personne décédée) que l’intérêt général. Sa finalité est d’assurer une entière sécurité à ceux qui doivent se confier aux médecins et de permettre à chacun d'obtenir les soins qu'exige son état, quelle qu'en soit la cause (cf. Cass., 16 décembre 1992, Pas., n° 801,). Les intérêts patrimoniaux des héritiers ne sont pas de nature à lever la confidentialité des données médicales. Dans son avis du 19 juin 2004, le Conseil national cite d’autres éléments de preuve pouvant être invoqués pour mettre en doute un testament.

    Il y a toutefois des circonstances offrant au médecin et/ou aux héritiers des éléments sérieux permettant de considérer que le testament a été établi à un moment où le testateur n’était pas en possession de ses facultés mentales. Ces circonstances rendent les choses plus complexes sur le plan des intérêts à prendre en considération.

    Dans un arrêt du 19 janvier 2001, la Cour de cassation a décidé ce qui suit :
    « le secret médical a pour but de protéger le patient, de sorte qu'il ne peut avoir pour effet de priver un malade mental de la protection découlant de l'article 901 du Code civil et de ne pas protéger celui-ci contre ses propres actes».

    L’article 901 du Code civil dispose :

    « Pour faire une donation entre vifs ou un testament, il faut être sain d'esprit. ».

    Cet article vise à protéger le malade mental contre ses propres actes.

    Dans les cas spécifiques où, soit le médecin, soit les héritiers disposent d’éléments sérieux laissant supposer que le testateur n’était pas en possession des facultés mentales requises au moment de la rédaction du testament, la consultation du dossier médical peut être indiquée dans l’intérêt même du patient décédé.

    Il est recommandé au médecin, avant d’accorder la consultation indirecte du dossier médical, d’examiner avec son conseil provincial, si :

    • il y a des éléments sérieux laissant supposer que le testament a été rédigé à un moment où le testateur n’était pas en possession des facultés mentales requises ;
    • la consultation du dossier médical vise à protéger le patient décédé contre ses propres actes.

    Le Conseil national demande aux conseils provinciaux de juger au cas par cas, en concertation avec le médecin, les demandes de consultation du dossier médical en vue de contestations testamentaires et de mettre en balance l’intérêt général (maintien du secret) et l’intérêt personnel de la personne décédée (le droit à être protégé contre ses propres actes). L’intérêt patrimonial des héritiers du patient ne peut influencer le choix que fait le médecin.

  5. La consultation

    Le Conseil national confirme les positions exposées dans son avis du 19 juin 2004 :

    • seules les pièces pertinentes au regard de la motivation donnée peuvent être consultées ;
    • toutes les données relatives à des tiers sont exclues de la consultation ;
    • les héritiers n’ont pas le droit d’obtenir copie.