Vision intégrée des soins aux malades chroniques en Belgique
Le Conseil national de l'Ordre des médecins est interrogé concernant la note d'orientation du 28 novembre 2013 du groupe de travail inter-cabinets ‘Maladies chroniques' sur une vision intégrée des soins aux malades chroniques en Belgique.
Avis du Conseil national :
En sa séance du 25 octobre 2014, le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné la note d'orientation du 28 novembre 2013 du groupe de travail inter-cabinets « Maladies chroniques » sur une vision intégrée des soins aux malades chroniques en Belgique.
Comme son titre l'indique, ce document est une note d'orientation, élaborée dans la perspective ultérieure de mettre en place un plan d'action national concernant l'organisation des soins aux malades chroniques. Elle se fonde sur des études émanant de l'Organisation mondiale de la Santé, des Nations Unies et de l'Union européenne, et sur le modèle conceptuel développé par le KCE (Centre fédéral d'expertise des soins de santé).
La vision intégrée des soins aux malades chroniques que cette note propose, a pour objectif d'offrir au patient un ensemble coordonné et planifié sur la durée de services multidisciplinaires personnalisés, fondés sur l'evidence-based, tant pour les soins de routine que pour les soins générés par un épisode aigu de la maladie, prestés dans un environnement qui soit approprié du point de vue clinique mais le moins restrictif possible, afin d'améliorer sa qualité de vie.
Pour y parvenir, la note propose notamment le développement de l'empowerment du patient, du dossier patient multidisciplinaire et du rôle du case manager.
1° L'empowerment du patient est défini comme « l'acceptation de la responsabilité sur la gestion de sa propre situation et un encouragement à résoudre ses propres problèmes à l'aide d'informations (pas de directives) des prestataires de soins » (page 5 de la note d'orientation).
Ce concept renvoie à la notion d'autonomie et d'autogestion, notamment par le renforcement des compétences du patient, tenant compte de sa réalité et de ses besoins.
Dans cette optique, le patient n'est plus un individu passif subissant les décisions des autres, mais une personne active dans son processus de soins, qui veut garder prise sur sa situation et à qui la possibilité est donnée de prendre des décisions de façon autonome, en dialogue avec les prestataires de soins.
2° Le dossier patient multidisciplinaire est présenté comme l'instrument de base pour la collaboration et la coordination des soins.
Sous réserve de l'accord du patient, il rassemble en un seul dossier électronique l'information médicale du dossier médical global (DMG) et les dossiers informatisés des autres prestataires, qu'ils soient médicaux ou non médicaux. Accessible à toutes les parties impliquées par les soins au patient, ce dossier multidisciplinaire est géré par le médecin généraliste avec le patient.
La note précise que « l'accès au dossier est organisé conformément au respect de la vie privée du patient. Les patients doivent avoir la possibilité de décider eux-mêmes de partager des informations (médicales), de façon électronique, avec les prestataires de soins avec lesquels ils sont en relation de soins (sur la base d'une procédure de ‘opting-in / opting-out'). Ceci doit être défini dans le cadre des actions du plan e-santé 2013-2018 ».
Le médecin joue un rôle central dans la concertation multidisciplinaire et le soutien au patient.
3° Tant que sa situation médicale et son degré d'autonomie le lui permettent, le patient gère son programme de soins, avec l'aide de son médecin généraliste et, éventuellement, des aidants proches.
Lorsque la situation devient complexe ou en cas de perte significative d'autonomie, il peut s'avérer nécessaire de désigner un case manager, prestataire de soins, pour organiser et coordonner les soins tant médicaux que non médicaux.
Le médecin généraliste garde son rôle central.
L'intensité et la durée de l'implication du case manager dépend des besoins et demandes du patient.
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Sur le principe, le Conseil national estime nécessaire que les questions liées aux maladies chroniques fassent l'objet d'une réflexion approfondie des pouvoirs publics, tant pour améliorer la qualité de vie des patients atteints d'une maladie chronique que pour répondre à l'augmentation prévisible de la demande de soins de santé liée au vieillissement de la population, notamment parce que les personnes âgées sont plus fréquemment atteintes de maladies chroniques multiples.
Pour autant, il convient que les initiatives prises respectent les droits du patient, dont le droit au respect de sa vie privée, plus particulièrement concernant l'accès à ses données de santé.
La finalité du secret médical est notamment de préserver la confiance nécessaire du patient dans le système de santé, en vue de favoriser l'accès aux soins.
Outre l'accès aux soins, leur qualité doit être garantie. La médecine a évolué vers une prise en charge par une équipe médicale (santé mentale, hospitalisation, ...), dont chacun des membres réclame des informations concernant la santé du patient pour remplir sa mission. Le recours à l'informatique et aux logiciels d'aide à la gestion, est devenu indispensable dans la prise en charge médicale.
Le secret professionnel ne doit pas être un obstacle à une collaboration et au recours à des technologies bénéfiques au patient. Il doit être appliqué dans l'intérêt du patient.
Cette problématique et les développements présentés dans cette note soulèvent de nombreuses questions de principe et de faisabilité au vu des options concernant l'organisation des soins, les rôles de chacun des intervenants, leur interaction et la cohérence de leurs interventions.
L'extension de la collaboration des professionnels de santé avec des professionnels non médicaux par le biais d'un même dossier électronique impose une rigueur dans l'élaboration du dossier et la création d'accès spécifiques.
Actuellement, la vision intégrée des soins aux malades chroniques telle que présentée dans cette note est toujours au stade de projet.
Lorsque le Conseil national disposera des mesures effectives que les autorités compétentes comptent prendre concernant la mise en œuvre de ce dossier patient multidisciplinaire, il accordera toute son attention au respect du secret médical et de la vie privée.