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Déontologie

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Associations et contrats entre médecins11/09/1982 Code de document: a031003
Licenciement de médecins
Le prescrit de l'article 138 du Code de déontologie peut il s'appliquer quand le médecin pressenti pour remplacer un confrère licencié n'a pas introduit sa candidature ?

Le Conseil national a examiné cette question au cours de sa séance du 11 septembre 1982:

L'article 138 du Code de déontologie ne doit pas être interprété comme donnant pouvoir au Conseil provincial d'interdire en toutes circonstances une candidature dans une institution de soins.

La défense des intérêts matériels du médecin licencié ou suspendu et des intérêts d'un éventuel candidat est une activité d'ordre syndical, qui échappe à la mission de l'Ordre.

Lorsqu'un praticien a été licencié ou suspendu de ses fonctions et qu'un confrère est pressenti pour le remplacer, ou désire introduire sa candidature, il doit prendre contact avec son prédécesseur et avec son Conseil provincial. Ce dernier doit vérifier si les règles déontologiques sont respectées, en particulier, si le Conseil médical de l'institution a donné un avis favorable sur le licenciement ou la suspension.

Le Conseil de l'Ordre doit de plus vérifier si le projet de contrat soumis au candidat non seulement est conforme aux règles de la déontologie mais ne comporte pas de dispositions qui, ayant été rejetées par le précédent titulaire et par le Conseil médical, auraient motivé la mise à pied.

Il va de soi que le candidat à la succession peut avoir des motifs honorables pour ne pas rencontrer son prédécesseur: il lui incombe alors de les faire connaître au Conseil provincial.

Enfin, I'intervention de l'Ordre ne peut avoir pour conséquence d'empêcher le remplacement légitime d'un confrère qui n'aurait pas satisfait à ses obligations envers son service et envers le Conseil médical.

Droits de l'homme01/01/1980 Code de document: a029030
Cour européenne des droits de l'homme

COUR EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME

Affaire Le Compte, Van Leuven et De Meyere

Par un arrêt prononcé à Strasbourg le 23 juin 1981 dans l'affaire Le Compte, Van Leuven et De Meyere, qui concerne le Royaume de Belgique, la Cour constate, par seize voix contre quatre, une violation de l'article 6, §1 (1) de la Convention européenne des Droits de l'Homme en tant que la cause des requérants n'a pas été entendue publiquement par un tribunal jouissant de la plénitude de juridiction.

Elle conclut en revanche, à l'unanimité, au défaut de fondement des autres griefs des intéressés.

L'arrêt a été lu en audience publique par M. Gérard Wiarda, président de la Cour.

***

I. DONNEES DE L'AFFAIRE

A. Principaux faits

a) En juin 1971, le Conseil provincial de l'Ordre des médecins de Flandre occidentale infligea au Dr Le Compte une suspension du droit de pratiquer la médecine, de trois mois, pour avoir divulgué par voie de presse les sanctions précédemment prises à son encontre par les organes juridictionnels de l'Ordre et ses propres critiques à leur égard, outrageant ainsi l'Ordre. La sanction fut confirmée en octobre 1972 par le Conseil d'appel de l'Ordre, qui ne retint pourtant pas l'accusation d'outrage. En mai 1974, la Cour de cassation rejeta un pourvoi formé contre la décision du Conseil d'appel.

Depuis lors se sont multipliées les poursuites disciplinaires, pour la publicité donnée par l'intéressé à son différend avec l'Ordre, et pénales, pour ses refus de s'incliner devant les mesures adoptées par les conseils de l'Ordre.

b) En janvier 1973, plusieurs confrères accusèrent les docteurs Van Leuven et De Meyere de manquements à la déontologie: ils leur reprochaient en particulier d'avoir systématiquement limité leurs honoraires aux montants remboursés par la Sécurité sociale, même lorsqu'ils assuraient le service de garde, et d'avoir distribué gratuitement à domicile une revue bimensuelle qui ridiculisait les omnipraticiens.

Après avoir entendu ces deux requérants, le Conseil provincial de l'Ordre de Flandre orientale prononça contre eux une suspension du droit d'exercer l'art médical pendant un mois. Saisi par eux, le Conseil d'appel de l'Ordre réduisit à quinze jours la durée de la suspension. Quant à la Cour de cassation, elle les débouta en avril 1975.

B. Procédure devant la Commission

Introduites devant la Commission les 28 octobre 1974 et 21 octobre 1975, les deux requêtes ont été déclarées partiellement recevables les 6 octobre 1976 (Le Compte) et 10 mars 1977 (Van Leuven et De Meyere).

Après en avoir ordonné la jonction à cette dernière date, la Commission a recueilli les observations des requérants et du gouvernement belge sur le fond du litige et recherché en vain un règlement amiable, puis rédigé un rapport constatant les faits et formulant un avis sur le point de savoir s'ils révélaient, de la part de la Belgique, une violation des obligations qui lui incombent aux termes de la Convention.

Elle a exprimé l'opinion:

  • à l'unanimité, qu'il n'y a pas eu violation de l'article 11, § 1 car l'Ordre des médecins ne constitue pas une association;

  • par huit voix contre trois, que l'article 6, § 1 s'applique aux contestations qui ont abouti aux mesures disciplinaires prises à l'encontre des requérants;

  • qu'il y a eu violation de l'article 6, § 1 en ce que la cause des requérants n'a été entendue ni par un «tribunal impartial» (sept voix contre quatre) ni «publiquement» (huit voix contre trois).

Il. RESUME DE L'ARRET (2)

A. Sur la violation alléguée de l'article 6, § 1

1. Sur l'applicabilité de l'article 6, § 1

La Cour recherche d'abord si l'article 6, § 1 s'appliquait à tout ou partie de la procédure suivie devant les Conseils provinciaux et d'appel, organes disciplinaires, puis devant la Cour de cassation, institution judiciaire.

[paragraphes 41‑43 de l'arrêt]

Sur l'existence de «contestations» relatives à des «droits et obligations de caractère civil»

Aux yeux de la Cour, le droit des requérants à continuer d'exercer la profession médicale, que la suspension tendait à leur ôter provisoirement, se trouvait directement en cause devant le conseil d'appel et la Cour de cassation. Or, dans le chef de médecins pratiquant l'art de guérir à titre libéral, tels les intéressés, ce droit est mis en oeuvre dans des relations contractuelles ou quasi contractuelles avec leurs clients ou patients et constitue un droit de caractère privé. La suspension incriminée y a porté atteinte malgré sa nature temporaire.

La Cour conclut donc, par quinze voix contre cinq, que les Drs Le Compte, Van Leuven et De Meyere avaient droit à l'examen de leur cause par «un tribunal» remplissant les conditions de l'article 6, § 1. Elle ne croit pas indispensable de rechercer ce qu'il en était du Conseil provincial, car l'article 6, § 1 n'astreint pas les Etats contractants à soumettre les «contestations sur [des] droits et obligations de caractère civil» à des procédures se déroulant à chacun de leurs stades devant des «tribunaux» conformes à ses diverses prescriptions. En revanche, dès que les intéressés recoururent au Conseil d'appel, il se trouva saisi de la contestation sur le droit en cause.

[paragraphes 44‑51 de l'arrêt et point 1 du dispositif]

- Sur l'existence d'«accusations en matière pénale»

La Cour estime superflu de trancher la question de savoir si les organes de l'Ordre ont eu à décider du bien‑fondé d'accusations en matière pénale.

[paragraphe 52‑53 de l'arrêt]

2. Sur l'observation de l'article 6, § 1

La Cour s'assure ensuite que conseil d'appel et Cour de cassation réunissaient tous deux les conditions de l'article 6, § 1 dans le cadre de leurs attributions: le premier parce que lui seul a procédé à un examen complet de mesures touchant à un droit de caractère civil, la seconde parce qu'elle a exercé un contrôle final de la légalilté de ces mesures.

La Cour de cassation présente à l'évidence les caractères d'un «tribunal» au sens de l'article 6, § 1 bien qu'il n'entre pas dans ses compétences de corriger les erreurs de fait ni de contrôler la proportionnalité entre faute et sanction. Il en va de même du conseil d'appel sous réserve des précisions figurant plus loin.

En outre, I'institution «par la loi» est manifeste tant pour la Cour de cassation (Constitution) que pour le Conseil d'appel (loi et arrêtés royaux).

Quant à l'indépendance de la Cour de cassation, elle ne saurait être mise en doute, pas plus que celle du Conseil d'appel dont la composition assure une parité complète entre praticiens et magistrats et dont la présidence incombe à l'un de ces derniers, désigné par le Roi et détenteur d'une voix prépondérante en cas de partage.

L'impartialité de la Cour de cassation ne prête pas davantage à discussion. S'agissant du Conseil d'appel, la Cour estime que le système de l'élection des membres médecins par le Conseil provincial ne saurait suffire à étayer une accusation de partialité et que l'impartialité personnelle de chacun des membres doit se présumer jusqu'à preuve du contraire; or aucun des requérants n'a usé de son droit de récusation.

La Cour examine enfin l'absence de toute publicité devant le Conseil d'appel, tant pour les audiences que pour le prononcé de la décision. Elle constate qu'aucune des exceptions à la règle de publicité ménagées par l'article 6, § 1 ne pouvait s'appliquer en l'espèce car la nature même des manquements reprochés aux intéressés et de leurs propres griefs ne relevait pas de l'art de guérir: ni le respect du secret professionnel ni la protection de la vie privée de ces médecins ou de patients n'entraient en jeu. Aussi les requérants avaient‑ils droit à la publicité de l'instance, bien que ni la lettre ni l'esprit de l'article 6, § 1 ne les eussent empêchés d'y renoncer de leur plein gré, expressément ou tacitement.

La Cour ajoute que la publicité de la procédure devant la Cour de cassation n'a pas suffi à combler la lacune constatée car la haute‑juridiction ne connaît pas du fond des affaires de sorte que de nombreux aspects des «contestations» relatives aux «droits et obligations de caractère civil» échappent à son contrôle. Elle conclut, par seize voix contre quatre, qu'il y a eu méconnaissance de l'article 6, § 1 en tant que la cause des requérants n'a pas été entendue publiquement par un tribunal jouissant de la plénitude de juridiction.

[paragraphes 54‑61 de l'arrêt et points 2 et 3 du dispositif]

B. Sur la violation alléguée de l'article 11

La Cour note d'abord que l'Ordre belge des médecins est une institution de droit public, fondée par le législateur et intégrée aux structures de l'Etat; il assure un certain contrôle public de l'exercice de l'art médical et jouit de prérogatives exorbitantes du droit commun. Considérant ces éléments dans leur ensemble, elle estime qu'il ne saurait s'analyser en une association.

La Cour relève ensuite que l'existence de l'Ordre et son corollaire - I'obligation des médecins de s'inscrire à son tableau et de se soumettre à l'autorité de ses organes - n'ont ni pour objet ni pour effet de limiter le droit garanti à l'article 11, § 1; en effet, la Belgique connaît plusieurs associations vouées à la défense des intérêts professionnels des médecins et auxquelles ces derniers ont trouvé latitude d'adhérer ou non.

La Cour conclut ainsi, à l'unanimité, à l'absence de violation de l'article 11.

[paragraphes 62‑66 de l'arrêt et point 3 du dispositif]

C. Sur l'application de l'article 50

Constatant que la question de l'octroi aux requérants d'une «satisfaction équitable» ne se trouve pas en état, I'arrêt la réserve et la renvoie à la chambre constituée à l'origine pour l'examen de l'affaire et qui s'était dessaisie en 1980 au profit de la Cour plénière.

[paragraphes 67‑68 de l'arrêt et point 4 du dispositif]

***

La Cour a statué en séance plénière par application de l'article 48 de son règlement. Elle se composait de M. G. Wiarda (Néerlandais), président, M. R. Ryssdal (Norvégien), M. H. Mosler (Allemand), M. M. Zekia (Cypriote), M. J. Cremona (Maltais), M. Thor Vilhjalmsson (Islandais), Mme D. Bindschedler‑Robert (Suissesse), M. D. Evrigenis (Grec), M. G. Lagergren (Suédois), M. L. Liesch (Luxembourgeois), M. F. Golcuklu (Turc), M. F. Matscher (Autrichien), M. J.

Pinheiro Farinha (Portugais), M. E. Garcia de Enterria (Espagnol), M. L.‑E. Pettiti (Français), M. B. Walsh (Irlandais), M. M. Sorensen (Danois), Sir Vincent Evans (Britannique), M. R. Macdonald (Canadien), juges, M. A. Vanwelkenhuyzen (Belge), juge ad hoc, ainsi que de MM. M.‑A. Eissen, greffier, et H. Petzold, greffier adjoint.

Plusieurs juges ont exprimé des opinions séparées qui se trouvent jointes à l'arrêt.

***

Pour de plus amples détails, le greffier renvoie au texte même de l'arrêt, disponible sur demande, et au communiqué antérieur C (80) 46.

Il rappelle en outre que le règlement de la Cour le charge de répondre, dans les limites de la discrétion attachée à ses fonctions, aux demandes de renseignements concernant l'activité de la Cour, notamment à celles de la presse.

ANNEXE

Texte des articles de la Convention auxquels se réfère le communiqué
Article 6, § 1

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien‑fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.

Article 11

1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association, y compris le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.

2. L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. Le présent article n'interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l'exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l'administration de l'Etat.

Article 50

Si la décision de la Cour déclare qu'une décision prise ou une mesure ordonnée par une autorité judiciaire ou toute autre autorité d'une Partie Contractante se trouve entièrement ou partiellement en opposition avec des obligations découlant de la présente Convention, et si le droit interne de ladite Partie ne permet qu'imparfaitement d'effacer les conséquences de cette décision ou de cette mesure, la décision de la Cour accorde, s'il y a lieu, à la partie lésée une satisfaction équitable.

Communiqué de presse, en date du 24 juin 1981, du Conseil national de l'Ordre des médecins de Belgique

Le Bureau du Conseil National de l'Ordre des médecins constate que la plupart des articles de presse ne rendent compte que d'une partie de l'arrêt rendu le 23 juin 1981 par la Cour européenne des droits de l'homme.

Les requérants invoquaient principalement des violations des articles 6 et 11 de la Convention:

  1. Défaut d'indépendance des organes disciplinaires de l'Ordre des médecins;

  2. Défaut d'impartialité de ces organes;

  3. Défaut de publicité des décisions rendues;

  4. Atteinte à la liberté d'association.

Ce n'est que sur le troisième point que la Cour a donné gain de cause aux requérants. Admettant qu'il s'agit d'une contestation portant sur des droits de caractère civil, la Cour estime que l'article 6 de la Convention est applicable et que, dès lors, il y a eu méconnaissance de cette disposition en tant que la cause des requérants n'a pas été entendue publiquement par le Conseil d'appel de l'Ordre des médecins.

Mais sur les autres points essentiels pour l'Ordre des médecins, elle a dit à l'unanimité de ses membres qu'il n'y a eu aucune violation de la Convention des droits de l'homme.

Ainsi, en premier lieu, elle constate que l'indépendance du Conseil d'appel de l'Ordre des médecins ne saurait être mise en doute: «en effet, sa composition assure une parité complète entre praticiens de l'art médical et magistrats de l'ordre judiciaire, et sa présidence incombe à l'un de ces derniers, désigné par le Roi et détenteur d'une voix prépondérente en cas de partage. La durée du mandat des membres du conseil (six ans) offre d'ailleurs une garantie supplémentaire à cet égard».

Quant au deuxième grief, la Cour rejette l'avis de la Commission qui estimait que le conseil d'appel ne constituait pas un tribunal impartial. Elle souligne à ce sujet: «La Cour ne partage pas cette opinion relative à la composition de la juridiction. La présence - déjà relevée - de magistrats occupant la moitié des sièges, dont celui du président avec voix prépondérante donne un gage certain d'impartialité et le système de l'élection des membres médecins par le Conseil provincial ne saurait suffire à étayer une accusation de partialité. Quant à l'impartialité personnelle de chacun des membres elle doit se présumer jusqu'à preuve du contraire; or, ainsi que le souligne le Gouvernement, aucun des requérants n'a usé de son droit de récusation».

En ce qui concerne la violation alléguée de l'article 11, la Cour note d'abord que l'Ordre belge des médecins est une institution de droit public, fondée par le législateur et intégrée aux structures de l'Etat. Elle relève ensuite que l'existence de l'Ordre et son corollaire - I'obligation des médecins de s'inscrire à son tableau et de se soumettre à l'autorité de ses organes - n'ont ni pour objet ni pour effet de limiter la liberté d'association garantie par l'article 11.

Arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme et l'Ordre des médecins de France

Nous reproduisons, avec l'autorisation de Monsieur Mignon, I'article qu'il a publié dans le Concours Médical, du 25 juillet 1981:

Au moment où l'Ordre des médecins est mis en question en France, un récent arrêt de la Cour européenne pose le problème des juridictions disciplinaires en regard de l'application de la Convention européenne des droits de l'homme. Selon cette convention toute personne a droit à être entendue «publiquement» par un tribunal «indépendant» et «impartial», «établi par la loi». Ce texte concerne les décisions en matière civile ou pénale, mais la Cour européenne a estimé que dès lors que les sanctions disciplinaires peuvent avoir des conséquences au plan civil, notamment sur les relations entre médecins et patients, la Convention doit être appliquée. D'autre part, si les juridictions ordinales sont établies par la loi et si les critères d'impartialité sont reconnus, leur indépendance doit être assurée, au moins à l'échelon de l'appel, par la parité entre médecins et magistrats et la présidence d'un magistrat. Enfin, la publicité des instances prévue par la Convention ne semble pas respectée par les instances d'appel de l'Ordre et par la juridiction de cassation. Les juridictions ordinales étant antérieures à l'adhésion de notre pays à la Convention, il se peut que nous ayons aujourd'hui à adapter notre législation au droit européen à l'occasion d'une réforme.

Au moment où l'Ordre des médecins français est mis en question par le Pouvoir, il convient d'étudier l'important arrêt rendu par la Cour européenne de Strasbourg le 23 juin dernier (3) sur les violations alléguées, à l'encontre de l'Ordre belge des médecins, de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elaborée par les membres du Conseil de l'Europe (4), signée à Rome le 4 novembre 1950, cette convention a été ratifiée par la France en mai 1974 avec quelques réserves qui ne concernent point l'objet du litige. La Cour instituée par la convention a conclu à une violation des droits de l'homme «en tant que la cause des requérants n'a pas été entendue publiquement par un tribunal jouissant de la plénitude de juridiction». Mais elle a examiné l'applicabilité des divers articles de la convention aux juridictions disciplinaires ordinales en général, et nous permet ainsi de diagnostiquer dans notre législation nationale antérieure à l'adhésion de la France à la Convention, les dispositions qui appellent d'éventuelles réformes.

Les faits

Le Dr Le Compte a été suspendu en 1970 du droit de pratiquer la médecine pour trois mois par le Conseil provincial de l'Ordre pour avoir fait connaître par la presse des sanctions prises à son encontre et avoir critiqué la juridiction ordinale. Confirmée par le conseil d'appel, la décision fit l'objet d'un pourvoi devant la Cour de cassation qui fut rejeté. Refusant de s'incliner, le Dr Le Compte continua à exercer et fit l'objet de poursuites pénales. Il saisit alors en 1974 la Commission prévue par la convention des droits de I'homme, requête qui fut jugée recevable. Après avoir recueilli les observations du gouvernement belge et recherché en vain un règlement amiable, la Commission a exprimé l'opinion qu'il y avait eu violation partielle de la convention et la Cour européenne s'est trouvée saisie en 1980.

Deux motifs essentiels furent allégués par les requérants:

  • I'obligation de s'affilier à l'Ordre des médecins et de se soumettre à ses organes disciplinaires méconnaît la liberté d'association prévue par l'art. 11 de la convention.

  • il y avait violation de l'art. 6, § 1 d'après lequel toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue «publiquement» par un tribunal «indépendant» et «impartial», «établi par la loi».

L'Ordre obligatoire et la liberté d'association

Suivant en cela l'avis de la Commission, la Cour de Strasbourg a rejeté l'argument tiré de l'art. 11. Certes, la liberté d'association implique celle de ne pas s'associer. Mais la Commission a constaté que l'Ordre belge, institution de droit public chargée, par un contrôle de l'exercice de la médecine, de la protection de la santé, jouit de prérogatives exorbitantes du droit commun, et utilise les procédés de la puissance publique. Il ne revêt donc pas le caractère d'une association.

Sa création, d'autre part, n'a pas empêché les praticiens de fonder entre eux des associations ou des syndicats professionnels et d'y adhérer. «Des régimes totalitaires ont recouru à l'encadrement par la contrainte des professions dans des organisations hermétiques et exclusives se substituant aux syndicats traditionnels. Les auteurs de la convention ont entendu prévenir de tels abus.»

On se souvient peut‑être que l'Ordre des médecins créé en 1940 par le régime de Vichy constituait un groupement unique et exclusif et qu'il avait entraîné la dissolution des syndicats médicaux. L'Ordre créé en 1945 après la Libération est d'une toute autre nature: il n'a pas la nature d'une «corporation». Chargé par la loi d'un service public: le maintien des principes de moralité, de probité et de dévouement indispensables à l'exercice de la médecine, il coexiste avec les syndicats qui ont une toute autre mission: celle de représenter la profession à l'égard des partenaires sociaux et du Pouvoir. Il subsiste cependant une sorte de réminiscence de cette idée «corporatiste» dans l'art. L 381 du Code de la Santé, d'après lequel l'Ordre «groupe obligatoirement tous les médecins habilités à exercer leur art en France». Cette notion parfaitement superflue devrait disparaître eu égard à la convention des droits de l'homme. Il suffit que la loi confie aux organes ordinaux les fonctions administratives et juridictionnelles nécessaires à leur mission. Ce sont d'ailleurs ces organes et non l'Ordre qui ont, en droit, la personnalité morale.

La dénomination d'Ordre, purement latine et méditerranéenne, est inconnue d'ailleurs en droit germanique (qui parle de «chambres») et anglo‑saxon (où l'on ne connaît que des «conseils»). Dans l'Europe du Nord, ce qui tient lieu d'Ordre au sens français, ce sont essentiellement des juridictions composées de magistrats et d'assesseurs médecins proposés par la profession. L'Ordre est‑il encore «cette compagnie dont les membres font voeu de vivre sous certaines règles» (Littré) (5) ? N'est‑il point temps de le laïciser, et de parler davantage de conseils départementaux ou régionaux de médecins et de leurs fonctions légales ?

Le droit disciplinaire et la convention des droits de l'homme

Dans son titre 1, la convention définit les conditions dans lesquelles une personne peut être privée de sa liberté. L'art 6, §1 précise, nous l'avons dit, que

«toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue... publiquement... par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien‑fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle... ».

Un premier problème se pose: ce texte est‑il applicable en matière disciplinaire, alors qu'il ne fait mention que des contestations de caractère civil ou des accusations en matière pénale ? La Cour de cassation belge a déclaré que l'art. 6, § 1 ne s'appliquait pas aux procédures disciplinaires. Il en a été de même en France du Conseil d'Etat: selon un arrêt du 27 octobre 1978, «les juridictions disciplinaires ne statuent pas en matière pénale et ne tranchent pas de contestations en matière civile. L'art. 6 de la convention européenne ne leur est pas applicable».

La Cour européenne de Strasbourg vient de trancher en sens inverse ce point capital. Il s'agit, en effet, dans une procédure disciplinaire, du droit pour un médecin de continuer à exercer sa profession, et la jurisprudence de la Cour a déjà reconnu à ce droit un caractère civil. Le droit d'exercice, en effet, est mis en oeuvre dans des relations d'ordre privé avec les patients, et ces relations «se nouent directement entre individus sur un plan personnel sans qu'une autorité publique intervienne de manière essentielle ou déterminante dans leur établissement. Il s'agit dès lors d'un droit de caractère privé, nonobstant la nature spécifique et d'intérêt général de la profession de médecin, et les devoirs particuliers qui s'y rattachent».

La Cour a donc conclu à l'applicabilité de l'art. 6, § 1 par 15 voix contre cinq. Le juge français, M. Pettiti, a voté avec la majorité de la Cour à ce sujet.

Les juridictions ordinales sont‑elles conformes à l'art. 6 de la convention ?

Un premier constat, analogue à celui de la Cour à l'égard de l'Ordre belge: les juridictions discipliniaires sont établies par la loi tant pour les conseils ordinaux que pour le Conseil d'Etat. Cette exigence figure d'ailleurs dans notre Constitution.

1° Sont‑elles «impartiales» ? L'impartialité de la Cour de cassation belge ne prêtait pas en l'espèce à discussion. D'autre part, la Cour européenne n'a pas cru nécessaire d'examiner ce qu'il en était du Conseil provincial, organe de première instance: «Des impératifs de souplesse et d'efficacité, compatibles avec la protection des droits de l'homme, peuvent justifier l'intervention préalable d'organes administratifs ou corporatifs et a fortiori d'organes juridictionnels ne satisfaisant pas sous tous leurs aspects aux prescriptions de l'art. 6».

Quant aux Conseils d'appel, composés pour moitié de médecins et pour moitié de magistrats (conseillers à la Cour d'appel), présidés par un magistrat désigné par le Roi, ayant voix prépondérante, ils donnent un gage d'impartialité, même si les médecins sont élus par les membres médecins du Conseil provincial. L'impartialité de chacun des membres doit se présumer, aucun des requérants n'ayant usé de son droit de récusation.

Sous l'angle de l'impartialité, nos conseils régionaux français peuvent être assimilés aux Conseils provinciaux belges. La section disciplinaire du Conseil national dont seul le Président est magistrat, pose problème au regard de la Cour européenne. Quant au droit de récusation, il est prévu par notre Code tant au stade régional que national.

2° Sont‑elles indépendantes ? Selon la Cour européenne la composition du Conseil d'appel assure une parité complète entre médecins et magistrats de l'ordre judiciaire, la présidence incombant à un magistrat avec voix prépondérante. L'indépendance de ce conseil ne saurait donc être mise en doute. Il en va de même de la Cour de cassation.

Le problème est fort différent pour l'Ordre français. L'appel est porté devant la section disciplinaire du conseil national, composée de médecins, à l'exception du conseiller d'Etat président. A cet égard, les juridictions disciplinaires qui ont une composition paritaire avec présidence d'un magistrat sont bien plus proches des exigences de l'art. 6, § 1 de la convention.

Mais il reste un problème de taille que nous ne pouvons qu'évoquer: celui du recours en cassation devant le Conseil d'Etat, c'est‑à‑dire devant la plus haute Cour de notre juridiction administrative. Dans les autres Ordres européens (Italie, Belgique) le recours en cassation a lieu devant la Cour suprême de l'organisation judiciaire, c'est‑à‑dire la Cour de cassation. Il en allait ainsi du projet d'Ordre des médecins qui a précédé la guerre (le projet Gadaud du Sénat). L'indépendance de la juridiction suprême est garantie à l'égard des pouvoirs publics, par la séparation des pouvoirs administratifs et judiciaires, prévue par notre Constitution. La juridiction administrative est, au sein de l'administration, une simple séparation entre la fonction active et la fonction juridictionnelle, très différente de la séparation des pouvoirs. Les magistrats de l'Ordre administratif sont nommés par le Pouvoir, ne dépendent point du Conseil supérieur de la magistrature, et ne bénéficient pas de l'inamovibilité. L'indépendance de fait du Conseil d'Etat repose sur la seule qualité de ses membres et sur la tradition.

La solution française se justifie si l'on considère les conseils ordinaux comme des organismes privés chargés d'un service public: protéger la santé de la population en veillant au bon exercice de la profession. Les excès de pouvoir de ces organismes relèvent du contrôle de la juridiction administrative. Mais la privation du mode d'exercice, comme les sanctions qui la précèdent, ne devrait relever, au nom de la Convention des droits de l'homme, que de la juridiction traditionnellement chargée de défendre les libertés individuelles, c'est‑à‑dire la Cour d'appel (avec des assesseurs médecins) et la Cour de cassation.

3° Sont‑elles publiques ? C'est en définitive parce que la cause des requérants n'avait pas été entendue publiquement par un tribunal ayant la plénitude de juridiction (la Cour belge ne contrôlant que la forme, et non le fond, ni les faits) que la Cour européenne a estimé en l'espèce qu'il y avait eu violation des droits prévus par la Convention. Laissant les Conseils provinciaux, la Cour a constaté que devant les Conseils d'appel, les textes excluent toute publicité. L'article 6, § 1 ménage certes des exceptions à la règle de publicité, tenant au respect du secret, à la protection de la vie privée des médecins ou des patients. Aucune de ces conditions n'était remplie en l'espèce. Les intéressés avaient droit à la publicité de l'instance. Certes une procédure de ce genre se déroulant dans le secret avec l'accord de l'intéressé n'enfreint pas la Convention. Mais en l'espèce les requérants réclamaient un procès public.

Article 6, § 1:

« Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.»

Le juge français, M. Pettiti, a exprimé sur la publicité une opinion séparée: la publicité devant l'instance d'appel, alors que la culpabilité n'est pas encore appréciée, aurait un retentissement préjudiciable à la carrière de l'intéressé. Laisser le choix à l'intéressé n'est pas une sauvegarde suffisante. La solution qui allie le mieux le respect des traditions et celui du procès «équitable» au sens de la convention est une procédure comportant un recours terminal de plein contentieux et ne prévoyant la publicité qu'à ce dernier stade. On peut se demander là aussi si la procédure essentiellement écrite de notre juridiction administrative, I'absence de plaidoiries devant le Conseil d'Etat sont compatibles avec cette publicité terminale, que le débat judiciaire devant la Cour de cassation assure au contraire conformément au voeu de la Convention des droits de l'homme. L'arrêt de la Cour de Strasbourg arrive à point nommé pour nourrir nos réflexions en vue d'adapter notre juridiction professionnelle à l'évolution du droit européen.

Jean MIGNON

(1) Le texte des articles de la Convention auxquels se réfère ce communiqué figure en annexe.

(2) Ce résumé, préparé par le greffe, ne lie pas la Cour.

(3) Arrêt concernant le Royaume de Belgique dans l'affaire Le Compte, Van Leuven et de Meyere.

(4) Le Conseil de l'Europe, organisme distinct de la CEE, groupe les Etats suivants: Autriche, Belgique, Chypre, Danemark, France, République Fédérale d'Allemagne, Grèce, Islande, Irlande, Italie, Malte, Luxembourg, Pays‑Bas, Norvège, Portugal, Espagne, Suède, Suisse, Turquie, Royaume‑Uni.

(5) Au sens étymologique, le latin Ordo ne signifiet-il pas simplement le fait de mettre en rangs, c'est-à-dire de dresser des listes et d'en faire un tableau ?

Discipline18/11/1978 Code de document: a027010
Droit de grâce

Droit de grâce.

Le Ministère de la santé publique a demandé l'avis du Conseil national au sujet d'une proposition de loi instituant un droit de grâce en matière de sanctions disciplinaires.

Réponse du Conseil national décidée en sa séance du 18 novembre 1978:

«J'ai l'honneur de vous faire savoir que le Conseil national de l'Ordre des médecins a pris connaissance le 16 novembre 1978 de votre lettre du 11 octobre 1978 concernant une proposition de loi se rapportant à l'instauration d'un droit de grâce pour les sanctions disciplinaires.

A ce propos, le Conseil a émis un avis défavorable sur base des raisons suivantes:

L'appréciation d'une faute professionnelle par les juridictions disciplinaires relève de considérations fondées sur des règles souvent non écrites qui traduisent des exigences reconnues par la pratique et les usages comme essentielles à l'exercice d'une profession déterminée et à la protection du public au profit duquel cette profession doit s'exercer.

L'on ne voit pas comment le Minister de la justice pourrait disposer de tous les éléments d'information et de jugement nécessaires pour se prononcer en connaissance de cause sur la rémission complète ou partielle d'une peine disciplinaire.

En ce qui concerne la radiation et la suspension notamment le Conseil fait en outre valoir que l'intérêt des patients exige qu'ils ne soient plus exposés aux mauvais soins de médecins indignes et que contrairement à ceux qui exercent d'autres professions libérales et peuvent rester au service d'un employeur en tant que conseillers, un médecin radié ou suspendu ne peut plus exercer la médecine, de sorte qu'après quelque temps, il a perdu toute compétence technique.»

Discipline01/01/1977 Code de document: a026022
Communication des décisions disciplinaires

Le Ministre de la santé publique communique au Conseil national le souhait des services du Contrôle médical et du contrôle administratif de l'INAMI d'être informés par les Commissions médicales provinciales ainsi que le stipulent les dispositions de l'article 37, §1er, 2°, c de l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967, des décisions disciplinaires comportant une sanction de suspension de la pratique de l'art de guérir prononcées notamment par les conseils de l'Ordre des médecins.

Réponse du Conseil national:

Cet article ne prévoit pas que la commission médicale provinciale doit communiquer à l'INAMI les décisions de suspension de l'exercice de l'art médical, mais se borne à disposer, d'une part, que la commission médicale veille à ce que l'art médical soit exercé conformément aux lois et règlements et, d'autre part, qu'elle recherche et signale au Parquet les cas d'exercice illégal de l'art médical.

L'article 37, §1er, 2°, e, prévoit, il est vrai, que la commission médicale a notamment pour mission d'informer les personnes de droit public ou de droit privé intéressées des décisions prises par l'Ordre des Médecins en matière d'exercice de son activité par un praticien de l'art médical.

Toutefois, en vertu de l'alinéa 2 de cette disposition la désignation des personnes visées à l'alinéa précédent se fait sur proposition du Conseil National de l'Ordre intéressé.

Il appartient donc au Conseil National de l'Ordre d'apprécier quelles sont les communications qui paraissent justifiées.

Cette appréciation ne peut se faire qu'en tenant compte des principes qui gouvernent l'application des sanctions disciplinaires.

Le droit disciplinaire a pour but d'assurer dans l'intérêt général, le bon exercice de certaines professions. Il est appliqué par des juridictions spéciales, constituées au sein de chaque profession intéressée.

Cette application se fait, dans toutes les juridictions disciplinaires, en respectant le principe général de la discrétion dans l'examen et le jugement des affaires disciplinaires, qui a été consacré par la jurisprudence et la doctrine (Cassation, 22 septembre 1972, Pasicrisie 1973‑I‑82; 1er décembre 1977, Journal des Tribunaux, 1978, p. 133; Van Reepinghen, Rapport sur la réforme judiciaire, Ed. du Moniteur, p. 194).

Le droit disciplinaire se distingue, par son but et ses règles d'application, des autres branches du droit et notamment du droit pénal et du droit civil. Le droit pénal vise à la protection de l'intérêt public, le droit civil à la protection des intérêts particuliers.

Le droit disciplinaire, bien qu'il soit inspiré par l'intérêt général, n'a pas directement en vue la protection de l'intérêt public ou des intérêts particuliers, son but est uniquement d'assurer le bon exercice de la profession en cause.

Ces distinctions expliquent qu'un même fait peut donner lieu, à la fois, à des sanctions pénales, à des condamnations civiles et à des sanctions disciplinaires.

Si les membres de certaines professions sont exposés à des sanctions disciplinaires qui ne frappent pas les autres citoyens, il ne paraît ni légal, ni conforme à la nature du droit disciplinaire de donner de la publicité à ces sanctions.

C'est la raison pour laquelle aucune publicité n'est, en principe, donnée aux sanctions disciplinaires prononcées à charge des fonctionnaires, des militaires, des magistrats, des policiers, des enseignants, des avocats, des notaires, des médecins, des pharmaciens, des architectes, etc.

La loi autorise, de manière restrictive, la communication des sanctions disciplinaires à certaines autorités directement intéressées. Ces communications sont couvertes par le secret. Ainsi, si la loi permet la communication d'une sanction disciplinaire au Ministre intéressé, celui‑ci ne peut la porter à la connaissance de tiers, mais seulement aux services de son département dont la mission est directement intéressée par cette sanction.

A la lumière de ces principes, le Conseil National ne peut que confirmer l'avis qu'il a émis le 27 octobre 1970 suivant lequel les notifications prévues par les articles 24, 26, 33 et 35 de l'arrêté royal du 6 février 1970 ne doivent pas être étendues à d'autres autorités, ni à d'autres organismes publics.

La communication des sanctions disciplinaires à l'INAMI peut présenter de l'intérêt pour cet organisme, mais elle donnerait à ces sanctions une publicité qui n'est pas compatible avec les principes du droit disciplinaire et qui n'existe d'ailleurs pas dans les autres professions. Pour être efficaces, ces communications devraient d'ailleurs être étendues à tous les organismes assureurs, ce qui étendrait encore la publicité donnée aux sanctions.

Certes, I'intérêt public exige que les sanctions portant suspension du droit d'exercer l'art médical soient effectivement exécutées.

Il appartient en premier lieu, aux Parquets de veiller à la protection de l'intérêt public en ce domaine en recherchant et en réprimant les faits d'exercice illégal de l'art de guérir.

C'est pourquoi les décisions sont dénoncées au Procureur-Général près la Cour d'appel.

De plus, la commission médicale provinciale, en vertu de l'article 37, §1er, 2°, c, de l'arrêté royal n° 78 et le Conseil Provincial de l'Ordre des Médecins, en vertu de l'article 6, 4°, de l'arrêté royal n° 79, doivent signaler au Parquet les actes d'exercice illégal de l'art de guérir dont ils ont connaissance.

Enfin, les cas d'exercice illégal de l'art médical peuvent aisément être recherchés par les services de l'lnspection de la pharmacie, grâce à l'examen des ordonnances médicales, afin d'être signalés au Parquet.

Les Conseils de l'Ordre des Médecins répriment pour leur part avec la plus grande sévérité, les cas où la peine de la suspension d'exercer l'art médical n'est pas respectée. Tout récemment, un médecin qui n'avait pas respecté une peine de suspension d'une durée de trois semaines, s'est vu infliger une peine de six mois de suspension par un Conseil provincial.

Ces différentes mesures sont de nature à assurer suffisamment l'exécution des peines de suspension. Dès lors, I'intérêt que l'INAMI peut avoir à connaître ces peines, pour éviter des remboursements indus, est extrêmement réduit. Cet intérêt réduit ne justifie pas une exception au principe général de la discrétion qui doit entourer les peines disciplinaires.

Le Conseil National est convaincu que le département de la Santé Publique reconnaîtra le bien fondé des principes qui sont à la base de son attitude et comprendra que celle‑ci n'est nullement inspirée par un manque d'esprit de collaboration.

***

En sa séance du 17 juin 1978, le Conseil national a étudié l'article 35 de la loi du 9 août 1963 concernant l'AMI. Sur un point bien particulier, il estime que les Conseils provinciaux doivent transmettre au Comité du Service du Contrôle médical de l'AMI les sanctions disciplinaires rendues sur dénonciation de ce Service, quand il s'agit de prestations abusives, contraires à la déontologie en matière de soins réglementés par l'AMI.

Le Conseil national a, en conséquence, envoyé la lettre suivante aux Conseils provinciaux:

La communication des décisions des Conseils de l'Ordre des médecins en matière disciplinaire au Service du Contrôle médical de l'AMI est prévue par la disposition de l'article 35 de la loi du 9 août 1963 instituant et organisant un régime d'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité.

Cet article dispose:

«Le médecin apprécie en conscience et en toute liberté les soins à donner.

Toutefois, les prestations abusives contraires à la déontologie seront soumises à l'appréciation des Conseils de l'Ordre des médecins.

Il appartient exclusivement aux Conseils de l'Ordre des médecins de trancher les contestations d'ordre médical entre médecin, d'une part, et organismes assureurs et Service du contrôle médical, d'autre part, au sujet de l'application de la disposition de l'alinéa précédent, et d'infliger, le cas échéant, au médecin une sanction disciplinaire en raison des fautes commises à cet égard. Les abus visés ci‑dessus seront portés à la connaissance des Conseils de l'Ordre par le Service du Contrôle médical. La décision du Conseil de l'Ordre, dès qu'elle ne sera plus susceptible de recours, sera communiquée au Service du contrôle médical.»

Le Conseil national a, en sa séance du 15 juillet 1978 donné de cette disposition l'interprétation suivante:

Lorsque le Service du contrôle médical de l'AMI signale aux Conseils de l'Ordre des médecins des faits ayant entraîné des prestations présumées abusives, les décisions des conseils de l'Ordre doivent être communiquées (en entier) au Comité dudit Service, dès qu'elles ne seront plus susceptibles de recours.

Dans les autres cas, c'est‑à‑dire lorsque le Service du Contrôle médical de l'AMI signale aux Conseils de l'Ordre des faits qui constituent des fautes déontologiques mais qui n'ont pas entraîné abusivement des prestations de l'assurance maladie‑invalidité, les décisions de ces Conseils ne doivent pas être communiquées.