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Déontologie

Réforme de l’Ordre des médecins – Précisions concernant quelques éléments de la note d’orientation de l’Ordre du 4 juillet 2015

La Ministre des Affaires sociales et de la Santé publique demande de préciser et de développer davantage quelques éléments de la note d'orientation concernant la réforme de l'Ordre des médecins.

Avis du Conseil national :

Le Conseil national de l'Ordre des médecins vous informe de l'état de la question concernant le développement de la proposition de réforme. Au sein de l'Ordre, un groupe de travail prépare actuellement une proposition complète de réforme sur la base d'un schéma de travail rigoureux. Le Conseil national vous fournira cette proposition de réforme sous la forme d'une proposition de loi avant les vacances parlementaires.

Afin de prendre en considération vos préoccupations, vous trouverez déjà ci-après les réponses et propositions de l'Ordre relatives aux quatre points que vous lui avez soumis. Ces réponses et propositions seront intégrées dans la proposition de loi.


1.
« Les soins de santé de demain ont par définition un caractère pluri- et interdisciplinaire. La déontologie médicale doit également partir de ce principe. L'Ordre n'est pas partisan d'un Conseil supérieur de déontologie. Cependant, l'organisation d'une réunion interdisciplinaire annuelle est une alternative insuffisante. »

1/ L'Ordre est, comme vous, convaincu de la nécessité d'une concertation pluri- et interdisciplinaire dans le domaine des soins de santé. Il est essentiel de veiller à ce que la déontologie des différentes professions des soins de santé évolue de façon cohérente.

L'Ordre est informé que dans le cadre de la réécriture de l'A.R. n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice des professions des soins de santé, l'on a l'intention de réunir les différents conseils des groupes professionnels sous un seul Conseil fédéral des professions des soins de santé.(1) Au sein de ce Conseil fédéral, une chambre transversale « Déontologie des professions des soins de santé » pourrait être créée.
Cette chambre serait une structure de concertation interdisciplinaire qui se réunit tous les trois mois et dont le fonctionnement repose sur une approche ascendante (bottom-up). Elle serait un organe purement consultatif, ce qui permet à chaque groupe professionnel de continuer à développer en toute autonomie ses règles déontologiques spécifiques dans le cadre de sa pratique et d'appliquer le droit disciplinaire.

Cette structure a un ordre du jour fixe comprenant au moins les points suivants :
- Principes de déontologie généraux des professions des soins de santé
- Présentation des principaux nouveaux avis spécifiques rédigés par chacun des groupes professionnels
- Présentation des avis interdisciplinaires élaborés en commun par plusieurs groupes professionnels
- Cellule de réflexion sur des thèmes communs à plusieurs groupes professionnels :
o Collaboration interdisciplinaire
o Secret professionnel
o Collusion
o Surconsommation
o Droits des patients
o E-Santé
o Etc.

La composition peut correspondre aux représentants des professions reprises dans les propositions de loi des années précédentes concernant le Conseil supérieur de déontologie (médecins (généralistes et spécialistes), pharmaciens, dentistes, kinésithérapeutes, professions paramédicales, infirmiers (aides-soignants), sages-femmes, psychologues également, etc.).(2) Chaque groupe professionnel mandate par régime linguistique son/ses représentant(s). Si un groupe professionnel dispose d'un organe déontologique, cet organe désigne les personnes qui siègeront dans cette structure. Les groupes professionnels qui n'ont pas (encore) d'organe déontologique sont représentés par deux membres désignés par le Conseil fédéral (ou la chambre) de la profession des soins de santé.

En intégrant cette chambre déontologique au sein d'un « Conseil fédéral des professions des soins de santé », il est possible de s'accorder rapidement avec d'autres organes comme la Commission fédérale « Droits du patient » ou encore le Service de médiation fédéral. De cette manière, la participation des (organisations de) patients est aussi garantie au sein de telle structure.

2/ Les caractéristiques spécifiques et le maintien de l'autonomie financière de chaque groupe professionnel justifient le maintien des ordres existants et la création de conseils déontologiques pour les professions qui en sont dépourvues (dentistes, infirmiers, kinésithérapeutes, sages-femmes, psychologues, etc.). En ce qui concerne l'Ordre des médecins, le médecin assure un rôle central dans les soins de santé. Il a une responsabilité particulière dans le processus des soins de santé, ce qui exige une déontologie spécifique.

En outre, les conseils déontologiques par profession des soins de santé veillent à ce qu'une déontologie positive et pratique constituant une valeur ajoutée au dialogue interprofessionnel puisse s'élaborer.(3)


2.
« Dans les lignes directrices, l'Ordre mentionnait qu'il souhaite être plus transparent dans son fonctionnement. Cette transparence de fonctionnement doit notamment se marquer par une politique unique de l'Ordre. La structure actuelle de l'Ordre composée des conseils provinciaux n'offre pas suffisamment de garanties pour agir comme un Ordre uniforme. »

1/ L'Ordre profite de sa réforme pour mettre davantage l'accent sur les tâches préventives et les initiatives telles que l'accompagnement et l'orientation des médecins, l'assistance des médecins en difficulté, etc. L'Ordre veut faire évoluer la déontologie vers une déontologie positive qui oriente l'attitude et les pratiques des médecins dans l'intérêt des patients et de la collectivité. Afin de réaliser cet objectif, l'Ordre croit fermement en la valeur ajoutée des conseils provinciaux en tant qu'instances proches des médecins et du public, ce qui permet d'offrir un service de qualité plus efficient.

Sur le plan disciplinaire, les conseils provinciaux sont chargés de la réception des plaintes et du contrôle de leur pertinence, de l'instruction et de la décision de renvoyer éventuellement le médecin devant le conseil disciplinaire interprovincial compétent de première instance. Dans le cadre de la réforme, les conseils provinciaux prendront des initiatives pour que les plaintes puissent être résolues grâce à la gestion de conflit à l'amiable et à la médiation.

En vue de la séparation entre l'instruction et la décision disciplinaire, indispensable pour garantir l'impartialité, la structure de l'Ordre est complétée par un conseil disciplinaire de première instance d'expression française et par un conseil disciplinaire de première instance d'expression néerlandaise. Le traitement des dossiers provenant des différentes provinces par un seul conseil disciplinaire (par régime linguistique) accroît la sécurité juridique grâce à une expertise plus importante et assure une jurisprudence disciplinaire uniforme entre les provinces.

Alors que les conseils provinciaux mettent l'accent sur le rôle administratif, pédagogique et informatif de proximité du médecin, le Conseil national en tant qu'organe central occupe finalement un rôle normatif.

La nouvelle structure de l'Ordre des médecins repose sur un organe normatif central (le Conseil national), dix conseils provinciaux, deux conseils disciplinaires de première instance (un par régime linguistique) et deux conseils d'appel (un par régime linguistique).

2/ La cohérence entre les conseils provinciaux qui bénéficient de l'autonomie nécessaire pour des cas concrets et la compétence normative du Conseil national reste un point d'attention. Les éléments novateurs suivants notamment, repris dans la réforme, garantissent un déroulement plus transparent du fonctionnement de l'Ordre :

• Le fonctionnement des organes de l'Ordre est défini par un règlement d'ordre intérieur identique, rédigé par le Conseil national.
• Le Tableau de l'Ordre des médecins se compose des listes constituées par les conseils provinciaux, conformément aux conditions d'inscription définies légalement. Les procédures d'inscription et d'omission sont appliquées uniformément.
• Un montant identique de la cotisation pour tous les médecins est fixé, perçu et géré par le Conseil national.
• La publicité de l'audience et du prononcé à chaque instance profite à la transparence du droit disciplinaire.
• Le répertoire des décisions disciplinaires anonymisées est accessible au public.
• Les conseils de l'Ordre rédigent un rapport semestriel relatif à leur fonctionnement.
Celui-ci comporte, pour tous les conseils, un rapport d'activités (réunions du bureau, du conseil, des commissions, activités éventuelles destinées aux médecins, etc.) et un rapport financier (dépenses et revenus).
Les conseils provinciaux font également rapport de leurs décisions concernant les plaintes, regroupées par thématique (nombre de plaintes reçues, nombre de classements/plaintes sans suite/plaintes renvoyées vers le conseil disciplinaire de première instance).
Les conseils disciplinaires de première instance et les conseils d'appel joignent également un rapport de leurs décisions, groupées par thématique et par sanction (nombre de plaintes traitées sans sanction/avec sanction).

Les conseils provinciaux fournissent un relevé des avis qu'ils ont émis.
Les différents conseils de l'Ordre ont accès en interne à tous les rapports d'activités des autres conseils.
Le Conseil national rédige un rapport annuel public des activités de l'Ordre, sur la base des rapports d'activités semestriels.

L'Ordre continuera à prendre des initiatives pour supporter la formation en déontologie pendant les études médicales. À cette fin, les membres nommés par le Roi sur proposition des universités sont un élément important dans la composition du Conseil national.


3.
« Une concertation avec les organisations de patients est une garantie trop faible pour pouvoir assurer la position centrale du patient/plaignant. Les différentes possibilités du patient/plaignant doivent être énumérées de façon exhaustive. »

1° Les organisations de patients

Historiquement, les organisations de patients ont été créées pour soutenir des groupes de patients spécifiques. Il s'agit principalement d'associations visant la mise en commun des ressources, la défense des intérêts de groupes particuliers et la collecte d'argent pour la recherche dans le domaine de la maladie qui les concerne.

Le Conseil national estime que les représentants des patients doivent en premier lieu faire valoir leurs intérêts vis-à-vis de tous les professionnels des soins de santé. Leur rôle se situe donc au niveau d'une structure interdisciplinaire organisée comme discutée au point 1.

Au sein de l'Ordre, le Conseil national estime souhaitable de pouvoir impliquer les organisations de patients ad hoc, quant aux sujets qui les concernent. Il semble moins opportun d'accorder une place fixe aux organisations de patients. Un délégué d'une organisation de patients centrale des deux régimes linguistiques et/ou un délégué d'une association de médiateurs des deux régimes linguistiques seront invités, à leur demande ou à la demande de l'Ordre, à participer à une concertation au sein de l'Ordre.

En outre, l'Ordre est prêt à donner des explications, si demandé, sur les structures et les procédures de l'Ordre et également à écouter, dans un esprit d'ouverture, les critiques des patients et des organisations et à les prendre en considération.

L'Ordre a pris connaissance, avec intérêt, d'initiatives, comme les « labocitoyens », qui reflètent l'opinion de la population sur les problématiques en rapport avec les soins de santé.
L'Ordre prendra en considération les opinions et demandes raisonnables et équilibrées émanant de ces initiatives lors de l'élaboration des règles déontologiques et du droit disciplinaire.


2° Le plaignant

L'Ordre souhaite donner au plaignant une place qui lui permette d'intervenir dans la procédure disciplinaire et d'être informé de son évolution.

Les notes d'orientation concernant la réforme de l'Ordre de 2015 qui vous ont été communiquées développent la position du plaignant compte tenu des propositions de loi déposées au cours de ces dix dernières années.

Les éléments novateurs suivants, relatifs au plaignant dans la procédure disciplinaire, ont été insérés dans les notes d'orientation :

1. Le plaignant reçoit communication de la décision motivée de classement de sa plainte par le conseil provincial.
Il lui est également communiqué qu'il ne peut pas interjeter appel de cette décision.

2. Le plaignant a la possibilité de participer à une médiation concernant sa plainte par un service de médiation externe existant ou par un médiateur ayant reçu une formation agréée et étant indépendant du conseil provincial.

3. Le plaignant peut lui-même demander à être entendu par la commission d'instruction du conseil provincial. Si la commission d'instruction invite le plaignant, il est libre de refuser.

4. Le plaignant peut déposer des pièces qu'il considère comme utiles à la commission d'instruction du conseil provincial.

5. Le conseil provincial (en tant que conseil de mise en prévention) communique au plaignant sa décision motivée par écrit, à savoir sans suite, enquête complémentaire ou renvoi devant le conseil disciplinaire de première instance.
Il lui est également communiqué qu'il ne peut pas interjeter appel de la décision.

6. Le plaignant peut déposer des pièces qu'il considère comme utiles au conseil disciplinaire de première instance. Il peut également demander de convoquer des témoins.

7. Le plaignant n'a pas accès au dossier disciplinaire étant donné qu'il n'est pas une partie dans la procédure disciplinaire.

8. Le plaignant peut être présent à la séance du conseil disciplinaire de première instance qui se déroule en principe publiquement. Lors d'une séance à huis clos, seul le plaignant peut être autorisé.
À la demande du conseil disciplinaire, le plaignant explique sa plainte.

9. Le conseil disciplinaire de première instance communique au plaignant par écrit, pour autant que celui-ci est impliqué, la sanction disciplinaire prononcée à la suite de sa plainte. Il veille à ce que la confidentialité des données de tiers soit assurée.
Il est également communiqué au plaignant qu'il ne peut pas interjeter appel de cette décision.

10. Le plaignant reçoit une copie de la partie de la décision disciplinaire le concernant.

Le Conseil national reprendra ces éléments en détail lors de la rédaction du texte uniforme du règlement d'ordre intérieur des conseils provinciaux.


4.
« L'Ordre souhaite aussi être responsable du contrôle de la qualité des soins de santé. Les possibilités en la matière doivent être décrites en détail. »

1/ Tout médecin a le devoir déontologique de garantir des soins de santé de qualité. L'Ordre participe au contrôle et à la promotion de la qualité des soins. La médecine basée sur les preuves (« evidence based medicine »)(4) reste la référence tout comme une déontologie médicale actualisée (5).
Si le médecin choisit d'exercer une médecine complémentaire, pour autant qu'elle soit reconnue légalement, son exercice devra également être qualitatif afin d'agir selon la déontologie.

2/ Afin de garantir à la société une médecine de qualité, l'Ordre doit disposer de mesures efficaces pour empêcher les médecins qui constituent un danger de poursuivre leur pratique. Dans les notes sur la réforme, il a déjà été énoncé en la matière : « L'Ordre souhaite que les conseils provinciaux reçoivent une compétence concernant l'inscription similaire à celle des commissions médicales provinciales concernant le visa. L'Ordre doit pouvoir suspendre provisoirement le droit d'exercer l'art de guérir d'un médecin lorsqu'il est établi par des indices sérieux et concordants que la poursuite de l'exercice de sa profession par le médecin intéressé fait craindre des conséquences graves pour les patients ou la santé publique.

Il appartient aux conseils provinciaux de prendre les mesures nécessaires. Ceux-ci décident par décision motivée à la majorité des deux tiers des membres présents. Cette décision reste d'application aussi longtemps que les raisons qui l'ont justifiée subsistent. Il s'agit ici de mesures administratives et non disciplinaires.

Le conseil provincial lève la mesure lorsqu'il constate que les raisons qui ont justifié la mesure ont disparu. Il le fait soit d'office, soit à la demande du médecin concerné.

À cette fin, le médecin concerné peut introduire une demande chaque mois à dater du prononcé de la mesure.

Préalablement à toute décision, le conseil provincial convoque le médecin concerné pour audition.

En cas de crainte de conséquences graves et imminentes pour les patients ou la santé publique, le conseil provincial peut prendre toute décision, sans convoquer et entendre préalablement l'intéressé. Dans ce cas, la mesure qu'il impose à l'intéressé est prononcée pour une période de huit jours maximum. La décision peut être uniquement renouvelée après que le conseil provincial a convoqué l'intéressé pour qu'il soit entendu. »

3/ L'Ordre souhaite participer à la recherche de liens fonctionnels plus étroits avec les commissions médicales provinciales et de compétences complémentaires de l'Ordre et des commissions médicales provinciales. Ces deux instances partagent la responsabilité de garantir l'aptitude individuelle des dispensateurs de soins quant aux connaissances et au comportement et à ladite « licence to practise ». Un modèle collaboratif de contrôle de l'exercice de l'art médical, qui confère à l'Ordre une compétence consultative essentielle sur les mesures concernant les visas, ne peut pas aller jusqu'à compromettre l'impartialité et l'indépendance. Par conséquent, ce modèle collaboratif devra être restreint à une simple désignation des éventuels médecins « à problèmes » ou à des échanges limités d'informations objectives.

L'Ordre est convaincu que la pluridisciplinarité qui caractérise les soins de santé actuels profite à la qualité des soins et il y est totalement ouvert.


1.Présentation du Prof. K. Vandewoude, « Les professions de la santé en évolution. Vers des soins de santé intégrés », Symposium GBS, 20 février 2016, Bruxelles
2.Proposition de loi (M. Detiège, et consorts) supprimant l'Ordre des médecins et l'Ordre des pharmaciens et portant création d'un Conseil supérieur de déontologie des professions des soins de santé, Doc. Parl. Chambre 2014-2015, n° 1443/001, p. 13 : « Afin de déterminer le nombre de représentants, il est tenu compte de deux critères, à savoir le nombre de professionnels de la santé et le degré d'autonomie avec lequel la profession est exercée par la majorité des professionnels de la santé. Il va de soi que plus le degré d'indépendance augmente, et plus la déontologie revêt une place importante dans l'exercice de la profession. »
3.Dans ce cadre, citons comme exemple un avis commun de l'Ordre des médecins et de l'Ordre des pharmaciens quant à un sujet transversal à plusieurs groupes professionnels tel que la problématique de doktersonline.be.
4.Les lignes de conduite scientifiques sont établies par les académies, les associations scientifiques et les universités.
5.L'Ordre continuera à actualiser à cette fin son Code de déontologie médicale pour suivre l'évolution dans le domaine des soins de santé.