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Déontologie

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Secret professionnel17/11/2018 Code de document: a163004
Libre choix du professionnel et consentement aux soins des personnes atteintes de troubles mentaux qui sont soumises à une mesure d’internement

Le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné le respect du libre choix du professionnel et le consentement aux soins des personnes atteintes de troubles mentaux qui sont soumises à une mesure d'internement.

Avis du Conseil national :

En sa séance du 17 novembre 2018, le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné le respect du libre choix du médecin et du consentement au traitement des internés détenus(1).

Les personnes atteintes de troubles mentaux qui sont soumises à un mesure d'internement ne constituent pas une population homogène : elles présentent des pathologies psychiatriques diverses, des degrés variables de dangerosité et résident dans des lieux soumis à des systèmes juridiques différents (sous contrôle dans la société civile, établissement de soins psychiatriques classique, unité médico-légale agréée de centres psychiatriques ou centre de psychiatrie légale fermé agréé à haut degré de sécurité).

Le Conseil national émet les considérations suivantes pour les personnes internées, détenues dans un centre de psychiatrie légale agréé à haut degré de sécurité (CPL) :

1° La Chambre de protection sociale décide souverainement du lieu où l'interné réside et est traité. Celui-ci n'a pas le libre choix de l'institution. Lorsque son état de santé nécessite un traitement dans un hôpital général, sa liberté de choix est limitée aux hôpitaux avec lesquels le CPL a conclu un accord.

L'interné peut faire appel aux prestataires de soins de l'institution où il réside. Il peut également solliciter un médecin externe s'il paye lui-même ses honoraires. De telles restrictions dans le libre choix du médecin et de l'institution sont inhérentes à la privation de liberté et ne sont pas spécifiques aux personnes internées.

2° La Chambre de protection sociale ne se prononce pas sur le contenu du traitement.

L'obtention du consentement de l'interné aux soins est une exigence légale et éthique. Si le patient est incapable d'exercer lui-même ses droits, le système de représentation du patient fixé par l'article 14 de la loi relative aux droits du patient intervient. Dans ce cas, l'interné est associé à l'exercice de ses droits autant qu'il est possible compte tenu de sa capacité de compréhension.

Dans la pratique, il est souvent question d'un « consentement négocié ». Le patient n'est pas toujours demandeur de soins dans un cabinet médico-légal. Le dialogue entre lui et le prestataire requiert de la confiance, de l'écoute empathique et un soutien émotionnel en vue d'une participation maximale du patient dans le processus décisionnel, nécessaire au processus thérapeutique. Le résultat de cette « négociation » est transcrit dans un plan (convention) de traitement dans lequel les droits et devoirs du prestataire et du receveur de soins sont décrits.

Il existe un continuum de mesures de pression possibles pour influencer l'acceptation du traitement par le patient : la persuasion, la coercition et la contrainte (compulsion).

La « persuasion », qui est la plus utilisée, recourt à la raison.

La « coercition psychologique » fait usage des souhaits et envies de l'individu, par des propositions conditionnelles : par exemple, si une personne dépendante accepte des contrôles sur sa consommation de drogues, elle entre en considération pour obtenir une autorisation de sortie. Le patient marque expressément son accord avec les mesures de traitement négociées, mais il pourrait les percevoir, après un certain temps, comme étant « imposées » et s'en plaindre auprès d'un médiateur.

La « contrainte » (compulsion) repose sur l'autorité.

Tant la coercition que la compulsion font pression sur l'interné pour continuer à accepter le traitement. La question de savoir si le patient interné est suffisamment « libre » pour donner un accord valide dans de telles situations reste controversée.

3° La personne concernée a le droit de refuser les soins qui lui sont proposés ; le médecin respecte ce refus qui n'entraîne pas l'extinction du droit à des prestations de qualité.

Un traitement non consenti est inacceptable lorsque l'interné est en mesure de comprendre les informations relatives au traitement et d'y consentir.

S'agissant des internés psychotiques, le Conseil national renvoie à ses avis du 12 mai 2007(2) et du 14 septembre 2013(3), joints en annexe, dans lesquels il aborde de manière détaillée la question du traitement forcé des détenus. Ils soulignent que le détenu psychotique qui est de nouveau capable d'exprimer sa volonté grâce à la médication ne peut pas être contraint de continuer à la prendre, bien que l'on sache sur la base de ses antécédents qu'il pourrait de nouveau être dans un état psychotique et être incapable d'exprimer sa volonté.

Le traitement médicamenteux doit être nécessaire et adapté. La prescription doit être prudente, le risque médicamenteux doit être pris en considération d'autant plus si les antécédents de l'interné sont ignorés. La médication doit toujours constituer un avantage pour l'interné et cadrer avec les connaissances scientifiques généralement acceptées en la matière. Enfin, le patient doit faire l'objet d'une surveillance médicale attentive.

Les mesures prises pour des raisons de sécurité (enfermement dans le service ou dans sa chambre, isolement, etc.) doivent être prévues par le règlement d'ordre intérieur, enregistrées dans le dossier de l'interné et contrôlées par les autorités.

4° Le patient interné a droit à des soins de santé équivalents aux soins dispensés dans la société libre (art. 88 de la loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l'administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus) ; la loi relative aux droits du patient est d'application en cas d'internement.

La carence des soins de santé dans les prisons est dénoncée depuis longtemps.

La pénurie de personnel médical, l'insuffisance de l'offre de soins psychiatriques, la privation du bénéfice de la sécurité sociale, la dépendance au personnel de sécurité pour assurer une consultation respectueuse du secret médical, les difficultés d'accès à l'institution par un médecin extérieur vu les contraintes sécuritaires et organisationnelles ainsi que le manque de locaux adéquats sont autant d'obstacles à la dispensation de soins de qualité.

L'évolution, visant à confier la responsabilité des soins de santé en prison au ministre qui a la Santé publique dans ses attributions (actuellement ils relèvent du ministre de la Justice), est l'expression d'une volonté réelle d'amélioration de l'accès et de la qualité des soins de santé pour les internés et les détenus.

L'internement est une mesure de sûreté destinée à protéger la société et à dispenser à la personne internée les soins requis par son état en vue de sa réinsertion dans la société.

Priver de soins une personne internée, c'est la priver de soins santé mais aussi de l'espoir d'une réinsertion.

5° Concernant l'opportunité d'un cadre législatif particulier relatif aux droits des patients dans le contexte de la psychiatrie médico-légale, l'article 167 de la loi de principes du 12 janvier 2005 énonce que, sauf dispositions contraires, cette loi est applicable aux personnes internées.

Cette loi de principes comprend au titre 5 un chapitre VII relatif aux soins de santé, lequel prévoyait la limitation de certains droits du patient en tant que détenu. La loi du 11 juillet 2018 portant des dispositions diverses en matière pénale a réformé ce chapitre VII, mettant davantage en exergue le principe de l'équivalence des soins avec ceux accessibles dans la société civile.

Le Conseil national estime inopportun de s'éloigner de ce principe.

Annexes


(1) Au sens de la loi du 5 mai 2014 relative à l'internement

(2) Bulletin du Conseil national n° 117, p. 5

(3) Bulletin du Conseil national n° 143

Consentement éclairé14/09/2013 Code de document: a143004
Traitement forcé d’un malade mental

A la différence de l'hospitalisation sous la contrainte et de l'internement, le traitement sous la contrainte n'est pas réglé par la loi en Belgique. Le Conseil national rappelle les différents points de vue à ce sujet et souligne le défaut de législation en la matière.

Avis du Conseil national :

Au cours des derniers mois, le Conseil national de l'Ordre des médecins a été contacté à plusieurs reprises à propos du traitement forcé d'un patient.

Le Conseil national rappelle dans le présent avis les différents points de vue à ce sujet.

En premier lieu, le Conseil national attire l'attention sur la distinction entre une hospitalisation sous la contrainte/un internement et un traitement forcé. La loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux et la loi du 21 avril 2007 relative à l'internement des personnes atteintes d'un trouble mental (entrée en vigueur prévue le 1er janvier 2015 (Actuellement, c'est toujours la loi de défense sociale du 9 avril 1930 qui est d'application pour l'internement.)) ne règlent respectivement que l'hospitalisation sous la contrainte et l'internement. Une hospitalisation sous la contrainte ou un internement n'induit pas automatiquement un traitement sous la contrainte. La personne malade mentale ne perd pas tout droit de prendre une décision. En principe, elle conserve son droit au libre consentement tel que garanti par l'article 8 de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient, dans la mesure de sa capacité de discernement. (articles 12-15 de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient).

1/ Comité consultatif de bioéthique

Dans son avis du 10 mars 2003, le Comité consultatif de bioéthique émet des recommandations concernant le traitement forcé lors d'une hospitalisation sous la contrainte. Le Comité précise entre autres :
« Comme tous traitements, les traitements forcés administrés aux patients qui le refusent de façon persistante doivent répondre aux « good medical practices ». Lorsque l'on décide d'adopter des mesures de traitement forcé, le Comité estime qu'il convient de satisfaire aux critères suivants :
- Le traitement doit avoir pour but de traiter le trouble mental qui a justifié la mesure.
- Le traitement ne peut servir exclusivement les intérêts de tiers ou ne représenter qu'une solution à la situation administrative, pénale, familiale ou autre du patient.
- Le traitement doit toujours avoir aussi un intérêt thérapeutique direct pour le patient concerné.
- Le traitement doit être adapté à la gravité des symptômes physiques et psychopathologiques.
- Le psychiatre n'administrera sous contrainte, prudemment et scrupuleusement, que des soins psychiatriques correspondant aux connaissances scientifiques généralement acceptées à ce moment par la communauté de ses pairs. »


2/ Comité des ministres du Conseil de l'Europe

La recommandation Rec(2004)10 du Comité des ministres du Conseil de l'Europe « concerning the protection of the human rights and dignity of persons with mental disorder » prévoit un certain nombre de critères auxquels doit répondre le traitement forcé :
« Article 18 - Critères pour le traitement involontaire
Sous réserve que les conditions suivantes sont réunies, une personne peut faire l'objet d'un traitement involontaire :
i. la personne est atteinte d'un trouble mental ;
ii. l'état de la personne présente un risque réel de dommage grave pour sa santé ou pour autrui ;
iii. aucun autre moyen impliquant une intrusion moindre pour apporter les soins appropriés n'est disponible ;
iv. l'avis de la personne concernée a été pris en considération. ».

Dans ce cadre, il est recommandé aux gouvernements des Etats membres d'adapter leur législation et leur pratique aux lignes directrices contenues dans la Recommandation de 2004. Il leur est également recommandé de réexaminer l'allocation des ressources destinées aux services de santé mentale de façon à pouvoir répondre aux dispositions des présentes lignes directrices.

Dans la Recommandation de 2009, le Comité des ministres recommande aux gouvernements des Etats membres de se servir de la liste de contrôle figurant à l'annexe de cette recommandation pour élaborer des outils de suivi qui leur permettent de savoir dans quelle mesure ils se conforment à la Recommandation Rec(2004)10 du Comité des Ministres aux Etats membres afin de protéger les droits de l'homme et la dignité des personnes atteintes de troubles mentaux, et de leur garantir des soins adaptés.


3/ Commission fédérale « Droits du patient »

La Commission fédérale « Droits du patient » a formulé la conclusion suivante dans son avis du 18 mars 2011 relatif à l'application de l'article 8 de la loi relative aux droits du patient dans le secteur des soins de santé mentale ou au droit du patient au consentement préalable, libre et éclairé, à toute intervention du praticien professionnel :
« Il arrive, dans le secteur des soins de santé mentale, que les patients psychiatriques en crise soient isolés, séparés, immobilisés ou qu'on leur administre des médicaments sous la contrainte. De telles mesures sont régulièrement mises en œuvre. Ces pratiques sont parfois appliquées au simple motif d'un ‘comportement inadmissible' ou d'une perturbation de l'ordre. Tant les patients que les prestataires de soins peuvent ainsi se trouver pris dans une spirale négative. Un traitement sous contrainte affecte toujours profondément les patients.
Se référant notamment aux Recommandations précitées du Comité des Ministres aux Etats membres du Conseil de l'Europe, à l'art. 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'art. 22 de la Constitution, la Commission fédérale Droits du patient suggère au Ministre :
1. au moyen d'une circulaire, d'attirer l'attention du secteur des soins sur la nécessité de respecter l'article 8 de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient ;
2. d'examiner l'intérêt d'établir des lignes directrices, dans la mesure de ses compétences, afin d'éviter, le cas échéant, l'usage de la contrainte dans le cadre de la dispensation des soins ;
3. d'examiner le suivi qui pourrait être donné aux Recommandations précitées du Comité des Ministres aux Etats membres du Conseil de l'Europe. »


4/ Conseil national de l'Ordre des médecins

Dans son avis du 12 mai 2007 « Traitement forcé de patients psychotiques en prison », le Conseil national a estimé que « la justification éthique du recours à une contrainte externe afin de soigner un patient psychotique sans son consentement, est triple:
1. le traitement à l'aide d'antipsychotiques rétablit la capacité décisionnelle du patient, qui a fait défaut temporairement. Le traitement instauré et l'amélioration des symptômes psychopathologiques font retrouver au patient un état mental le plaçant dans une situation plus favorable à une prise de décision autonome et à la discussion du traitement ultérieur avec le médecin traitant, ainsi que prévu par la loi relative aux droits du patient;
2. le traitement réduit le risque de violence et d'atteinte à l'intégrité physique d'autrui;
3. le traitement améliore la santé du patient. La recherche scientifique a démontré à suffisance que plus longtemps un patient activement psychotique reste sans traitement, plus le pronostic est péjoratif à long terme. ».
[Voir aussi : « Traitement antipsychotique à long terme chez les patients atteints de schizophrénie », Folia Pharmacotherapeutica, n°40, Mars 2013, 19-22]

Le Conseil national réitère que le traitement sous contrainte d'un patient psychotique interné emprisonné doit répondre aux conditions suivantes :
• un traitement sous contrainte n'est légitime que dans un cadre médical et infirmier garantissant une surveillance professionnelle suffisante du patient. Si l'établissement pénitentiaire où l'interné séjourne ne dispose pas d'un personnel suffisamment qualifié sur le plan médical et infirmier, ce patient doit être transféré dans un service psychiatrique adéquat de ou hors de la structure pénitentiaire. L'envoi en cellule d'isolement, pour des motifs d'ordre disciplinaire, des détenus psychotiques qui représentent un danger pour eux-mêmes ou pour autrui, est médicalement inacceptable ;
• le traitement sous contrainte doit bénéficier à la santé de l'interné, être adapté à la gravité de son état psychiatrique, avoir comme objectif le rétablissement de sa capacité à prendre des décisions, l'amélioration des symptômes psychopathologiques, notamment le contrôle du comportement agressif ou dangereux. Dès l'amélioration de l'état psychiatrique du patient, celui-ci est informé du traitement mis en œuvre, et la procédure normale de planification du traitement est suivie;
• les seuls soins psychiatriques prodigués sous la contrainte par le psychiatre sont des soins attentifs et consciencieux, conformes aux connaissances scientifiques généralement admises par les confrères de sa spécialité;
• pour autant que possible, le psychiatre traitant informe le(s) représentant(s) du patient du traitement forcé envisagé ou entrepris;
• toutes les données concernant le traitement forcé doivent être soigneusement tenues à jour dans le dossier du patient. La mesure de traitement forcé doit être évaluée à intervalles réguliers;
• idéalement, le patient concerné devrait avoir la possibilité de consulter un praticien professionnel de son choix, pour une deuxième opinion. Cette possibilité existe en principe mais elle s'avère difficilement réalisable dans la pratique.

Le Conseil national renvoie, en ce qui concerne les personnes détenues en prison, à son avis du 19 juillet 2008 « Traitement forcé préventif de patients psychotiques en prison », qui précise : « Les données scientifiques montrent clairement que la population pénitentiaire présentant une poussée psychotique constitue un risque plus grand et entre plus souvent en considération pour un traitement d'entretien à durée indéterminée que la même population en psychiatrie régulière. Il appartient aux équipes soignantes pénitentiaires d'incorporer dans le plan de traitement des modules de stimulation de la motivation afin d'obtenir la compliance du patient. Que ce soit au sein d'un établissement pénitentiaire ou à l'extérieur, un traitement de force n'est pas permis lorsque le patient dispose de suffisamment de facultés psychiques pour recevoir l'information et consentir au traitement proposé. ».

Se référant à l'avis précité du 12 mai 2007, le Conseil national déplore que le cadre du personnel dans certains établissements pénitentiaires du pays soit à ce point réduit qu'il est impossible de répondre de manière adéquate aux besoins médicaux de base tant des détenus. Il incombe aux pouvoirs publics de remédier à cette situation et de veiller à ce que tous les établissements pénitentiaires où des détenus sont soignés, disposent d'au moins une unité spécialisée pour une prise en charge thérapeutique adéquate de ces cas.

Tant la déontologie médicale que la loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l'administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus confirment que les médecins travaillant dans les établissements pénitentiaires conservent leur indépendance professionnelle et que leurs évaluations et décisions concernant la santé des détenus sont fondées uniquement sur des critères médicaux (art. 96, § 1er, de la loi). La même loi formule, en son article 88, le principe fondamental d'égalité d'accès aux soins dans et en dehors de l'institution pénitentiaire et ajoute qu'il doit être tenu compte des besoins spécifiques des détenus.

Le Conseil national maintient ce point de vue, mais souligne également la nécessité d'une initiative législative visant à désamorcer ces conflits d'intérêts. La législation belge crée certes un cadre pour l'internement ou l'hospitalisation de personnes sous la contrainte, dans l'intérêt du patient et celui de la société, mais ne permet pas leur traitement forcé tant qu'elles sont suffisamment capables de manifester leur volonté. Excepté l'état de nécessité justifiant un traitement forcé, et contrairement aux Pays-Bas ou à la France, un dispositif légal à cette fin n'existe pas en Belgique.

Psychiatrie16/01/2010 Code de document: a129001
Propositions de modification de la loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux

En sa séance du 16 janvier 2010, le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné votre lettre du 28 mai 2009.

Un groupe de travail de l'asbl Plate-forme de concertation pour la santé mentale en Région de Bruxelles-Capitale a élaboré des propositions de modification de la loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux (loi sur l'admission forcée remplaçant celle sur la collocation). Le groupe de travail s'est réuni 24 fois entre 2004 et 2006, sous la présidence d'Oscar Vandemeulebrouke, avocat général émérite de la Cour d'appel de Bruxelles, qui a publié un article circonstancié à ce propos dans le Journal des juges de paix .

Vous lui avez soumis les propositions du groupe de travail pour avis.


***

L'avis du Conseil national se limite aux implications déontologiques et aux axes principaux des propositions de modification de la loi du 26 juin 1990.

Le Conseil national souscrit à la position de départ du groupe de travail suivant laquelle les principes de base de cette loi sont bons et ne sont pas remis en cause. Les modifications proposées résultent d'une expérience de vingt années de l'application de la loi à Bruxelles et de l'évolution des soins de santé mentale.

1/ En vertu de l'article 2, des mesures de protection ne peuvent être prises à l'égard d'un malade mental que s'il met gravement en péril sa santé et sa sécurité ou s'il constitue une menace grave pour la vie ou l'intégrité d'autrui. Le groupe de travail propose d'élargir le critère de dangerosité à une menace pour les biens et de ne plus le limiter à la protection de l'intégrité physique des personnes (du malade ou des tiers). Le Conseil national se demande si cette nouvelle possibilité d'élargissement de l'application de l'admission forcée est proportionnelle à la privation de liberté que représente l'admission forcée. Des atteintes graves aux biens (l'incendie par exemple) mettent généralement la vie de personnes en danger et peuvent déjà être retenues sur la base de l'article 2 existant. Le Conseil national craint que cet élargissement de l'application de la loi aux menaces pour les biens suscite plus de problèmes qu'il n'en résolve.

2/ Le groupe de travail conseille une description plus précise du contenu du « rapport médical circonstancié » prévu par la loi. Il faut tenir compte à cet égard de l'urgence et des circonstances de l'examen médical. Le Conseil national ne peut se déclarer d'accord avec l'ajout obligatoire de données familiales. Leur défaut ne peut en aucun cas être une cause de nullité de la procédure.

3/ L'article 5, § 2, subit une modification fondamentale par l'acceptation que le rapport médical circonstancié puisse être rédigé par un médecin attaché au service psychiatrique où le patient se trouve. Le Conseil national estime devoir émettre un avis négatif concernant cette proposition. Le médecin qui remplit les documents médicaux en vue de la mise en œuvre de la procédure d'admission forcée ne peut devenir le médecin traitant du patient à partir du moment où celui-ci est en admission forcée ni être attaché au service qui traitera ce patient. Dans son avis du 18 août 2001 , le Conseil national constate que les juges de paix font des interprétations divergentes de la portée de « ... attaché à un titre quelconque au service [...] où le malade se trouve... ». Une modification législative devrait préciser ce point.

4/ La proposition de faire assister le patient par un médecin qui ne doit pas nécessairement être psychiatre (articles 7 et 3) peut être acceptée étant donné que les documents médicaux nécessaires à la mise en œuvre de la procédure ne requièrent pas non plus l'intervention d'un psychiatre.

5/ En cas d'urgence (article 9), le procureur peut faire admettre le patient dans un service psychiatrique après l' « avis » écrit (et non pas un rapport médical circonstancié) d'un médecin désigné par lui. Le groupe de travail propose de rendre le rapport médical circonstancié obligatoire dans tous les cas de procédure urgente, et pour que cela soit possible, le procureur du Roi peut exiger que le malade soit admis dans un service d'urgence qu'il désigne pour une observation médicale de maximum 24 heures. Le rapport médical circonstancié rédigé pendant cette période d'admission est un des éléments qui permettront au procureur du Roi de prendre une décision de mise en observation mieux motivée. Il peut différer sa décision de 24 heures pour que le patient subisse un examen approfondi avant de décider d'une admission forcée. Dans la lettre d'accompagnement, le président de la plate-forme bruxelloise écrit que pratiquement 50% des demandes d'admission forcée reçoivent un avis négatif. La proposition peut contribuer à une meilleure application de la loi, et doit être mise à l'épreuve des circonstances locales.

6/ Le groupe de travail propose, à juste titre, de remplacer le titre du chapitre III de la loi, « Des soins en milieu familial » par « Des soins en milieu de vie approprié ». Ne prendre en considération que la famille comme possibilité de soins est trop limitatif et il est souhaitable que d'autres milieux puissent être pris en compte comme des homes, des maisons de repos ou d'autres possibilités d'hébergement dans la société.

7/ Le groupe de travail propose d'importantes modifications de l'article 23, qui prévoit la possibilité d'un placement forcé dans un milieu approprié au lieu d'une mise en observation dans un service psychiatrique. Le traitement de patients psychiatriques dans la société est de plus en plus préféré à un traitement résidentiel dans des hôpitaux psychiatriques. Il est souhaitable que les possibilités d'un séjour forcé à l'extérieur d'un service hospitalier fassent l'objet d'une réglementation légale appropriée. L'actuelle proposition en est une ébauche.

***
Autres commentaires concernant ces propositions de modification législative :
o Après 20 ans d'application de la loi, il apparaît clairement que la procédure urgente est la règle et que la procédure ordinaire est une exception. Lors de la révision de la loi, l'accent devrait glisser vers cette procédure urgente.
o Il conviendrait de prévoir également un enregistrement de l'application de la loi sur le terrain afin de permettre ultérieurement de procéder à une évaluation et d'apporter des correctifs.
o Cette proposition a été élaborée sur la base de l'expérience à Bruxelles. Il convient de vérifier si elle correspond à l'expérience notée ailleurs.

Pour le surplus, le Conseil national souscrit aux remarques formulées dans la lettre du président de la Plate-forme de concertation pour la santé mentale en Région de Bruxelles-Capitale concernant la taxation insuffisante des activités médicales liées à cette procédure.

Psychiatrie07/02/2009 Code de document: a125005
Admission forcée – Refus du service psychiatrique pour manque de place

La question concerne l’application de la loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux. L’admission forcée d’un patient psychiatrique sur la base de l’ordonnance du juge de paix peut-elle être refusée par un service psychiatrique en raison d’un manque de place ? Le psychiatre du service estime que dans ces conditions, il doit pouvoir refuser l’admission parce qu’il ne peut garantir les soins nécessaires et la sécurité du patient. La direction estime que l’admission du patient ne peut être refusée et qu’un refus peut même être cause de poursuites pénales à l’égard de la direction.

Avis du Conseil national :

En sa séance du 7 février 2009, le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné votre lettre du 9 octobre 2008.

La loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux est très claire sur les points suivants. Tant le juge de paix, dans la procédure ordinaire, que le procureur du Roi, dans la procédure d’urgence, désignent le service psychiatrique où le malade doit être placé en observation. Le malade n’a pas le choix du service psychiatrique auquel il est adressé. Le juge de paix ou le procureur du Roi notifie au directeur du service psychiatrique qu’il désigne sa décision d’hospitaliser l’intéressé pour observation. Le directeur prend ensuite toutes les dispositions nécessaires pour l’admission forcée du malade. Le respect de ces dispositions ne peut cependant être imposé par des sanctions pénales[1].

Le chef du service de psychiatrie est responsable des soins et de la sécurité du patient placé en vertu de la mesure de protection en question. Le manque de place n’est pas une raison prévue par la loi pour refuser l’admission. Mais le Conseil national peut comprendre que le manque de place soit invoqué dans des cas très exceptionnels en tant que force majeure justifiant d’opposer un refus à l’obligation d’admission forcée. Cela peut être évité par une concertation à propos des modalités pratiques d’exécution de la loi, au niveau régional, avec les partenaires concernés, les services psychiatriques de la région, les directions, la police et la magistrature. Suivant l’esprit et la lettre de cette loi, il s’agit d’une admission obligatoire. Les psychiatres ont dès lors une obligation déontologique de prendre les mesures de précaution nécessaires et de trouver des accords afin d’empêcher l’apparition de situations dans lesquelles cette exigence légale ne peut être remplie.

[1] Herman NYS, La médecine et le droit, Kluwer Editions juridiques Belgique, 1995, 626, p. 248
Herman NYS: Geneeskunde, recht en medisch handelen, E. Story-Scientia, 2005, p. 329.

Psychiatrie07/02/2009 Code de document: a125006
Psychiatrie – Admission forcée – Rédaction d’un rapport médical circonstancié ou d’un avis

La question concerne l’application en psychiatrie infanto-juvénile de la loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux. Un pédopsychiatre attaché à un département de psychiatrie infanto-juvénile peut-il être le médecin traitant après avoir rédigé un avis ou un rapport médical circonstancié destiné au procureur du Roi ou à un juge (juge de paix ou juge de la jeunesse) ? Les questions suivantes sont aussi posées en rapport avec cette problématique:

  1. Un psychiatre qui a rédigé l’avis ou le rapport médical circonstancié destiné au procureur du Roi ou au juge doit-il être considéré comme un expert judiciaire ?

  2. Ce psychiatre peut-il par la suite être le médecin traitant, par exemple, dans la situation où le jeune, encore sous statut d’admission forcée ou pas, ou ses parents demande(nt) son transfert dans le service de ce psychiatre ?

  3. Si pas, y a-t-il alors un délai raisonnable au terme duquel cela serait possible ?

Des collègues du psychiatre qui a rédigé l’avis/le rapport médical circonstancié peuvent-ils agir comme médecin traitant, en sachant que ce confrère doit assurer la continuité des soins avec eux pendant les services de garde, lors de remplacements pendant les vacances ou d’autres absences des premiers ?

Avis du Conseil national :

En sa séance du 7 février 2009, le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné votre lettre du 22 octobre 2008.

Question 1

La procédure ordinaire, qui conduit à une mise en observation forcée dans un service psychiatrique, requiert un « rapport médical circonstancié » rédigé par un médecin après avoir examiné le patient. La loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux ne prévoit que deux incompatibilités : le médecin ne peut pas être un médecin parent ou allié du malade, ou attaché à un titre quelconque au service psychiatrique où le malade se trouve. La loi ne contient aucune exigence concernant les compétences ou la spécialisation du médecin qui rédige le rapport. Cela fait apparaître clairement que le médecin qui rédige le rapport n’agit pas comme expert judiciaire.

La procédure d’urgence est de loin la plus fréquente dans la pratique médicale et elle est conduite par le procureur du Roi. Celui-ci agit :

  • soit à la demande écrite d’une personne intéressée, accompagnée d’un rapport médical circonstancié comme dans la procédure ordinaire ;
  • soit d’office, à la suite d’un avis écrit d’un médecin désigné par lui.

Si le procureur du Roi agit d’office, il peut requérir un médecin à qui il demandera de lui remettre un « avis » (il n’est donc plus question d’un rapport médical circonstancié). Dans aucun des deux cas, le médecin n’est un « expert » au sens juridique de ce terme. Dans la pratique, l’avis exigé par la loi est souvent demandé à des services d’urgences des hôpitaux. Bien que la loi ne précise pas si l’avis doit être donné par un pédopsychiatre, le Conseil national considère, à l’instar des auteurs de la demande d’avis, que dans ce contexte de mesure privative de liberté à l’égard d’un mineur, il convient que l’avis soit donné par un médecin disposant des compétences nécessaires.

Le Conseil national approfondit la question de savoir si le médecin/psychiatre traitant peut rédiger lui-même l’avis ou le rapport médical circonstancié. La loi le permet pour autant que le médecin traitant ne soit pas attaché au service où le patient se trouve.

Il faut cependant tenir compte, sur le plan déontologique, des considérations suivantes.

Dans son avis du 18 août 2001[1], le Conseil national rappelle que « le médecin doit toujours rester objectif dans la rédaction d'un certificat, c'est-à-dire professionnellement et intellectuellement indépendant, sans implication émotionnelle, a priori ou partialité ». En outre, le fait que le rapport soit rédigé par le médecin traitant peut porter atteinte à la relation médecin-patient. Les médecins traitants ont de bonnes raisons de ne pas rédiger eux-mêmes le document et de faire appel à un confrère pour juger en indépendance de la situation et éventuellement rédiger le rapport médical circonstancié. De plus, la pratique apprend que certains juges de paix rejettent la demande d’admission forcée en raison des qualifications du rédacteur du rapport. Il arrive que le patient concerné refuse d’être examiné par un médecin tiers et que, par conséquent, le médecin traitant soit le seul à pouvoir rédiger les documents médicaux nécessaires (avis ou rapport médical circonstancié). Il est parfois impossible de faire appel à un médecin tiers en raison de l’urgence. Dans ces situations, l’intérêt du patient doit être la préoccupation première et à défaut de tout autre traitement adéquat, le médecin traitant prendra ses responsabilités. Mais en dehors de ces situations particulières, la règle sur le plan déontologique est de recourir, pour juger de la situation, dans le cadre de la procédure d’admission forcée, à un médecin tiers et non au médecin traitant.

Questions 2 et 3

Le psychiatre ou le médecin qui délivre le rapport médical circonstancié ou l’avis requis pour la mise en observation ne peut pas intervenir comme médecin traitant tant que la période d’observation forcée est en cours (durée maximale de 40 jours). Le médecin traitant qui aurait rédigé le rapport médical circonstancié ou l’avis, ne pourrait traiter à nouveau le patient qu’après cette période d’observation forcée.

La décision éventuelle du juge de paix de « maintien » du patient, ce qui équivaut à une prolongation de l’admission forcée, est prise suivant une procédure spécifique où les médecins requis pour la mise en observation forcée n’ont plus de rôle à jouer. Il n’y a dès lors plus d’objection déontologique à ce que ces médecins prennent en charge le traitement du patient après la période d’admission forcée. Ceci a pour point de départ déontologique et légal que le médecin ayant rempli les documents médicaux en vue de l’admission forcée d’un patient ne peut avoir une quelconque responsabilité dans le traitement de ce même patient tant que ce patient se trouve sous le statut initié par ce médecin.

Question 4

Les médecins attachés au service psychiatrique du psychiatre qui a rédigé l’avis ou le rapport médical circonstancié ne peuvent agir comme médecins traitants du patient mis en observation. Cette règle est respectée de manière très stricte et sans trop de problèmes en psychiatrie adulte. La même règle s’applique aux pédopsychiatres, mais la situation se complique en raison de leur nombre restreint et du manque de services de psychiatrie infanto-juvénile. Le secteur est en plein développement mais la réalité sur le terrain est que dans la plupart des régions, les patients doivent être adressés pour le traitement à l’unique service de psychiatrie infanto-juvénile de la région concernée. C’est pourquoi il est indiqué que le pédopsychiatre dans ces régions ne rédige pas le rapport et que cette mission soit confiée, sur la base d’accords mutuels, à un confrère, par exemple, un psychiatre des adultes. L’appel à un pédopsychiatre pour rédiger le rapport prévu par la loi est louable mais en cas de pénurie des spécialistes compétents, il doit être fait appel à des confrères. Cela permet de confier rapidement le traitement du patient à un pédopsychiatre. Les auteurs de la demande d’avis mentionnent d’ailleurs que cette mesure de protection à l’égard d’un jeune peut souvent être rapidement levée. Un pédopsychiatre qui aura rédigé le rapport requis pour la mise en observation pourra lui aussi assurer la fonction de médecin traitant dès la levée de la mesure.

[1] Avis du Conseil national du 18 août 2001, Rapport médical circonstancié en vue de la protection de la personne des malades mentaux, BCN 94, p.3

Détenus19/07/2008 Code de document: a122001
Traitement forcé préventif de patients psychotiques en prison

Suite à l’avis du Conseil national du 12 mai 2007 concernant le traitement sous contrainte de patients psychotiques dans les prisons (Bulletin du Conseil national n°117, septembre 2007, p.5), le conseiller général médecin, directeur du service de Santé pénitentiaire, DG Etablissements pénitentiaires, SPF Justice, demande l’avis du Conseil national à propos du traitement forcé préventif de patients psychotiques en prison.

Avis du Conseil national :

Les règles déontologiques concernant le traitement sous contrainte de patients psychotiques en prison ont été traitées dans l’avis du Conseil national du 12 mai 2007. La question est à présent posée de savoir sous quelles conditions un traitement forcé prophylactique à l’aide d’antipsychotiques peut être imposé en prison à des patients n’étant pas complètement incapables d’exprimer leur volonté, en prévention de nouvelles poussées psychotiques. La question concerne aussi bien des patients qui risquent de devenir psychotiques que des patients à nouveau capables d’exprimer leur volonté grâce à un traitement antipsychotique, administré sous contrainte ou non, mais qui refusent de continuer leur traitement médicamenteux.

La déontologie médicale et la loi relative aux droits du patient disent clairement que la décision finale concernant la durée du traitement d’entretien antipsychotique prophylactique est prise par le patient. Le psychiatre doit soigneusement informer le patient et le motiver en vue d’une décision judicieuse. Le patient a le droit de refuser le traitement proposé par le psychiatre.

La durée indiquée d’un traitement d’entretien à l’aide d’antipsychotiques dépend de l’évaluation du bénéfice et des risques pour chaque patient individuellement.
Il faut vérifier si les effets secondaires éventuels d’un traitement à long terme sont préférables à l’avantage d’éviter de nouvelles poussées psychotiques. Les patients doivent savoir que sans traitement prophylactique la récidive est d’environ 75% la première année et de 80 à 90% la deuxième année
(1). Avec un traitement d’entretien, ces chiffres deviennent respectivement 15% et 40%. Même après 5 ans d’un traitement d’entretien, le risque de récidive reste élevé (75%) après l’arrêt du traitement. Les effets secondaires les plus redoutés sont les diskinésies tardives pour les neuroleptiques plus anciens et le syndrome métabolique pour les antipsychotiques de nouvelle génération.
La durée recommandée d’un traitement d’entretien peut se résumer comme suit :

  1. première poussée schizophrénique : au moins 2 ans ;
  2. plus d’une poussée : au moins 4/5 ans ;
  3. patients présentant plusieurs poussées, patients qui constituent un danger pour eux-mêmes ou pour autrui lors d’une de ces poussées : durée indéterminée(2).

Les données scientifiques montrent clairement que la population pénitentiaire présentant une poussée psychotique constitue un risque plus grand et entre plus souvent en considération pour un traitement d’entretien à durée indéterminée que la même population en psychiatrie régulière. Il appartient aux équipes soignantes pénitentiaires d’incorporer dans le plan de traitement des modules de stimulation de la motivation afin d’obtenir la compliance du patient. Que ce soit au sein d’un établissement pénitentiaire ou à l’extérieur, un traitement de force n’est pas permis lorsque le patient dispose de suffisamment de facultés psychiques pour recevoir l’information et consentir au traitement proposé.

Le Conseil national souhaite également aborder les situations dans lesquelles un patient détenu peut quitter l’établissement pénitentiaire temporairement ou définitivement.

Il peut s’agir de la « libération conditionnelle » de personnes condamnées ou de « liberté à l’essai » d’internés. Dans ces cas, l’intéressé négocie avec les autorités judiciaires ou administratives les conditions d’un retour temporaire ou définitif dans la société. Il peut aussi s’agir de la « liberté sous conditions » d’inculpés ou de l’octroi de mesures probatoires.

Dans tous ces cas, il y a une concertation entre l’intéressé et l’autorité pour fixer les conditions d’un retour et d’un séjour sans danger dans la société. Un traitement psychiatrique peut faire partie du contrat passé et donc être accepté par l’intéressé comme condition d’obtention de la mesure demandée. Le psychiatre traitant peut juger que dans le cas en question un traitement antipsychotique est nécessaire et fait partie intégrante du traitement. Ce traitement médicamenteux doit représenter un bénéfice pour le patient et également contribuer indirectement à la sécurité de la société par la prévention de nouvelles poussées psychotiques. Le patient doit en être clairement informé et doit être d’accord avec cette composante du traitement comme condition de l’obtention de la mesure souhaitée. En cas de non- respect par le patient des conditions de traitement auxquelles il s’est engagé, le psychiatre traitant examinera s’il peut encore, dans cette situation nouvelle, porter la responsabilité d’un traitement dans la société et jugera s’il s’agit d’une violation des conditions pouvant être portée à la connaissance de l’autorité juridique.

(1) La publication de référence suivante de W. Kissling est confirmée par une étude plus récente : W. Kissling, Duration of Neuroleptic Maintenance Treatment, in W. Kissling Guidelines for Neuroleptic Relapse Prevention, Springer Verlag Berlin Heidelberg, 1991, pp 95-107.
(2) Même référence que pour 1.

Consentement éclairé12/05/2007 Code de document: a117007
Traitement forcé de patients psychotiques en prison

Un conseil provincial transmet une question d’un psychiatre des prisons de plus en plus confronté à des patients psychotiques, principalement des schizophrènes paranoïdes, qui se retrouvent en prison avec le statut d’interné en raison d’un délit commis avec violence.
Généralement, ces patients refusent les médicaments. Le choix du patient a jusqu’à présent toujours été considéré comme primordial mais cela conduit à des patients qui dépérissent et/ou dont le comportement agressif représente un danger non seulement pour eux-mêmes mais aussi pour les codétenus.
Ce médecin demande si des antipsychotiques ne pourraient tout de même pas être administrés à titre thérapeutique et préventif à condition que l’intéressé ait clairement et à plusieurs reprises refusé les médicaments et à condition que la nécessité d’un traitement médicamenteux soit démontrée sur la base d’un rapport écrit détaillé destiné au psychiatre, dans lequel la direction décrit le comportement dangereux du patient pour lui-même et pour autrui.

Avis du Conseil national:

En sa réunion du 12 mai 2007, le Conseil national a terminé la discussion de la lettre du Conseil provincial de Flandre-Orientale du 9 février 2006 concernant le traitement d'internés séjournant dans des cellules spéciales des prisons faute de place.

La question soulevée concerne des patients psychotiques, principalement des patients paranoïdes schizophrènes, se retrouvant en prison avec le statut d'interné en raison d'un délit commis avec violence, et qui refusent toute médication. Ces patients psychotiques font l'objet de mesures disciplinaires prises par la direction lorsqu'ils constituent une menace pour les codétenus à cause de leur agressivité ou de leur désintégration psychotique. Il est demandé si ces patients psychotiques, séjournant plus ou moins longtemps en cellule d'isolement, peuvent être traités à l'aide d'antipsychotiques contre leur gré et donc sous la contrainte.

Dans sa lettre du 9 mars 2006, le Bureau du Conseil national avait répondu qu'un traitement sous la contrainte à l'aide d'antipsychotiques n'était acceptable que dans un cadre médical et infirmier garantissant une surveillance professionnelle suffisante de ces patients. Le Bureau avait également décidé de soumettre cette question au Conseil national pour y être approfondie, car la prise de mesures disciplinaires en raison d'un comportement psychotique est une situation non acceptable sur le plan médical. Le Conseil national déplore que le cadre du personnel dans certains établissements pénitentiaires du pays soit à ce point réduit qu'il est impossible de répondre de manière adéquate aux besoins médicaux de base tant des internés que des détenus. Il incombe aux pouvoirs publics de remédier à cette situation et de veiller à ce que tous les établissements pénitentiaires où des internés ou des détenus sont soignés, disposent d'au moins une unité spécialisée pour une prise en charge thérapeutique adéquate de ces cas.

Tant la déontologie médicale que la loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l'administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus confirment que les médecins travaillant dans les établissements pénitentiaires conservent leur indépendance professionnelle et que leurs évaluations et décisions concernant la santé des détenus sont fondées uniquement sur des critères médicaux (art. 96, § 1er, de la loi). La même loi formule, en son article 88, le principe fondamental d’égalité d’accès aux soins dans et en dehors de l’institution pénitentiaire et ajoute qu’il doit être tenu compte des besoins spécifiques des détenus.

Les internés sont des délinquants présentant des troubles psychiatriques, déclarés irresponsables, et qui pour ce motif, sont envoyés, pour y être traités, dans un établissement spécialisé approprié sur le plan de la sécurité et des soins à donner (1). Le principe déontologique suivant lequel des patients ne peuvent être traités contre leur gré s'applique également aux internés, mais il reste médicalement non acceptable, pour des médecins, de surveiller des patients psychiatriques non traités sans pouvoir leur apporter les soins nécessaires.

La World Psychiatric Association (2) recommande : "No treatment should be provided against the patient's will, unless withholding treatment would endanger the life of the patient and/or those who surround him or her. Treatment must always be in the best interest of the patient". La règle du consentement éclairé suppose que l'on soit en présence d'un patient capable de prendre une décision, qui dispose de facultés de discernement suffisantes pour arriver de manière autonome au choix du traitement. Dans son avis n° 21 du 10 mars 2003 relatif au traitement forcé en cas d'hospitalisation sous contrainte, le Conseil consultatif de bioéthique précise que le traitement forcé doit être possible lorsqu'en raison de son trouble mental, le patient psychiatrique n'a pas la capacité de donner un consentement libre et éclairé pour l'administration des soins que son état nécessite.

Le problème du traitement forcé peut se présenter dans des contextes médicaux différents: il peut s'agir du patient hospitalisé de son plein gré (recours aux chambres d'isolement), du patient ambulatoire (traitement imposé par décision de justice à des délinquants sexuels ou à des toxicomanes) ou encore du patient interné ou hospitalisé de force (3). En Belgique, il n’existe pas de réglementation spécifique concernant le traitement forcé. Le présent avis se limite au traitement forcé d'internés emprisonnés qui refusent un traitement médical nécessaire.

La justification éthique du recours à une contrainte externe afin de soigner un patient psychotique sans son consentement, est triple:

  1. le traitement à l'aide d'antipsychotiques rétablit la capacité décisionnelle du patient, qui a fait défaut temporairement. Le traitement instauré et l'amélioration des symptômes psychopathologiques font retrouver au patient un état mental le plaçant dans une situation plus favorable à une prise de décision autonome et à la discussion du traitement ultérieur avec le médecin traitant, ainsi que prévu par la loi relative aux droits du patient;

  2. le traitement réduit le risque de violence et d'atteinte à l'intégrité physique d'autrui;

  3. le traitement améliore la santé du patient. La recherche scientifique a démontré à suffisance que plus longtemps un patient activement psychotique reste sans traitement, plus le pronostic est péjoratif à long terme.

Le traitement sous contrainte d'un patient psychotique interné emprisonné doit répondre aux conditions suivantes :

  • un traitement sous contrainte n'est légitime que dans un cadre médical et infirmier garantissant une surveillance professionnelle suffisante du patient. Si l'établissement pénitentiaire où l'interné séjourne ne dispose pas d'un personnel suffisamment qualifié sur le plan médical et infirmier, ce patient doit être transféré dans un service psychiatrique adéquat de ou hors de la structure pénitentiaire. L’envoi en cellule d’isolement, pour des motifs d’ordre disciplinaire, d’internés psychotiques qui représentent un danger pour eux-mêmes ou pour autrui, est médicalement inacceptable ;
  • le traitement sous contrainte doit bénéficier à la santé de l’interné, être adapté à la gravité de son état psychiatrique, avoir comme objectif le rétablissement de sa capacité à prendre des décisions, l’amélioration des symptômes psychopathologiques, notamment le contrôle du comportement agressif ou dangereux. Dès l'amélioration de l'état psychiatrique du patient, celui-ci est informé du traitement mis en oeuvre, et la procédure normale de planification du traitement est suivie;
  • les seuls soins psychiatriques prodigués sous la contrainte par le psychiatre sont des soins attentifs et consciencieux, conformes aux connaissances scientifiques généralement admises par les confrères de sa spécialité;
  • pour autant que possible, le psychiatre traitant informe le(s) représentant(s) du patient du traitement forcé envisagé ou entrepris;
  • toutes les données concernant le traitement forcé doivent être soigneusement tenues à jour dans le dossier du patient. La mesure de traitement forcé doit être évaluée à intervalles réguliers;
  • idéalement, le patient concerné devrait avoir la possibilité de consulter un praticien professionnel de son choix, pour une deuxième opinion. Cette possibilité existe en principe mais elle s’avère difficilement réalisable dans la pratique.

1. Loi du 9 avril 1930 de défense sociale à l'égard des anormaux, des délinquants d'habitude et des auteurs de certains délits sexuels.
2. WPA, "Declaration of Madrid" 1997.
3. Loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux.