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Attestation par le médecin généraliste de l’existence d’une contre-indication médicale à l’adoption.
En sa séance du 23 mars 2024, le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné la question de savoir si un médecin généraliste peut attester de l’existence d’une contre-indication médicale à l’adoption dans le cadre d’une procédure d’adoption entreprise par l’un de ses patients.
1/ S’il désire adopter un enfant, l’adoptant doit être qualifié et apte à adopter. Est apte à adopter, la personne qui possède les qualités socio-psychologiques nécessaires pour ce faire.[1]
En règle, l’adoptant doit, avant d’effectuer quelque démarche que ce soit en vue d’une adoption, obtenir un jugement le déclarant qualifié et apte à assumer une adoption (jugement d’adoption).[2]
L’aptitude est appréciée par le tribunal de la famille sur la base d’une enquête sociale ; qu’il ordonne.[3] Pour apprécier l’aptitude, le tribunal tient compte, notamment, de la situation personnelle, familiale et médicale de l’intéressé, et des motifs qui l’animent.[4]
L'enquête sociale est concrétisée par des services reconnus par les différentes Communautés. Certains services demandent au médecin traitant de l'adoptant de remplir un questionnaire et d'attester s’il y a une contre-indication médicale à l'adoption.
2/ Il n'est pas rare que les services sociaux fassent appel au médecin traitant d'une personne pour constater l’état de santé de cette personne.
Le médecin généraliste, en tant que gestionnaire du dossier médical global du patient, a accès à un grand nombre d’informations relatives à la santé du patient, est proche de ce dernier et est le mieux placé pour dresser un tableau complet de son état de santé physique et psychologique général.
Le médecin remet au patient les documents médicaux dont il a besoin. Conscient de la confiance que la société place en sa fonction, le médecin les rédige de façon sincère, objective, prudente et discrète.[5]
En cas de doute sur l’existence d'une contre-indication médicale à l'adoption, en concertation avec le patient, un deuxième avis peut être demandé à un médecin spécialiste ou à un autre professionnel des soins de santé spécialisé dans un domaine de soins particulier.
En cas de présence d’une contre-indication médicale à l’adoption, le médecin généraliste engage le dialogue avec le patient et lui explique en honneur et conscience les raisons de la présence de cette contre-indication. Le médecin ne se prononce que sur l'aspect médical et n’apprécie pas par ailleurs l'opportunité de l'adoption.
Pour des raisons de secret professionnel et de relation de confidentialité avec le patient, le rapport ou l’attestation ne sera transmis(e) aux services compétents qu'avec le consentement du patient.
3/ Si, à titre exceptionnel et en raison de circonstances particulières, le médecin généraliste estime ne pas avoir la compétence, l'objectivité ou l'indépendance nécessaires pour établir l'attestation, il peut refuser la mission. Le patient, qui a besoin de ces documents dans le cadre de la procédure d'adoption, ne peut en subir aucun préjudice. Le médecin généraliste a alors l’obligation déontologique de motiver son refus et de l'attester à la demande du patient.
[1] Art. 346-1, ancien code civil belge.
[2] Art. 346-1/1, premier alinéa, ancien code civil belge.
[3] Art. 346-1/2, premier alinéa, ancien code civil belge.
[4] Art. 346-1/2, quatrième alinéa, ancien code civil belge.
[5] Art. 26, Code de déontologie médicale.
Refus, par un médecin généraliste, d'un patient dont le dossier médical global est géré par un autre médecin généraliste si le rendez-vous est pris uniquement pour des raisons de convenance personnelle du patient.
De plus en plus de patients font usage des systèmes d’agenda en ligne pour consulter un médecin généraliste. Lorsque le médecin généraliste détenteur du DMG n’est pas rapidement disponible, le patient prend rendez-vous avec un autre médecin généraliste qui peut le recevoir dans de plus courts délais.
En sa séance du 23 mars 2024, le Conseil national a examiné la question de savoir si un médecin généraliste peut refuser un patient dont le dossier médical global est détenu par un autre médecin généraliste si ce patient désire une consultation avec lui uniquement pour des raisons de convenance personnelle.
1/ Le patient a droit au libre choix du médecin et il a le droit de modifier son choix.[1]
Lorsqu’un patient inconnu du médecin généraliste prend rendez-vous avec celui-ci par le biais d’un système d’agenda en ligne, le médecin généraliste ne sait pas toujours pour quelle(s) raison(s) le patient vient en consultation. Les raisons peuvent être variées et légitimes : la recherche d’une second opinion, l’empêchement du médecin traitant détenteur du DMG, le souhait du patient de changer de médecin généraliste détenteur de son DMG, la présence d’une pathologie extrêmement urgente, etc.
En conséquence, le médecin généraliste ne peut pas refuser un patient du seul fait que le dossier médical global de ce patient est détenu par un autre médecin généraliste.
2/ Différentes obligations légales et déontologiques incombent au médecin généraliste :
- l’obligation légale d’assistance[2] en cas de pathologie extrêmement urgente ;
- la garantie de la continuité des soins[3]. Le médecin généraliste détenteur du DMG doit organiser sa pratique de façon à pouvoir répondre à son obligation de garantir la continuité des soins, et de recevoir les patients dont il détient le DMG dans un délai raisonnable ;
- le remplacement des confrères empêchés[4] ;
- la participation à la permanence médicale[5] ;
- etc.
Par ailleurs, le médecin est attentif à sa propre santé et s’efforce de maintenir un équilibre entre ses activités professionnelles et sa vie privée.[6]
Si la raison pour laquelle le patient a pris rendez-vous avec un autre médecin généraliste est purement de convenance personnelle, parce que le médecin généraliste détenteur du DMG propose une autre date dans un délai raisonnable qui convient moins au patient, le médecin généraliste peut refuser le patient.
La relation médecin-patient résulte d'un engagement volontaire entre le patient et le médecin, dans le respect de l'autonomie du médecin et du patient. Le médecin généraliste peut s'engager dans cette relation, la refuser ou y mettre un terme, en tenant compte de ses devoirs légaux et déontologiques. En cas de refus, la communication avec le patient doit être claire.
En ce sens, il est recommandé de faire en sorte que le système d’agenda en ligne soit uniquement accessible aux patient connus du médecin ou aux patients détenteurs d’un DMG. Les patients inconnus peuvent, par exemple, être invités à être contactés par téléphone pour demander au préalable les motifs de la consultation.
[1] Art. 6, loi du 22 août 2022 relative aux droits du patient ; art. 15, Code de déontologie médicale.
[2] Art. 422bis, Code pénal.
[3] Art. 17, loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé ; art. 13, Code de déontologie médicale.
[4] Art. 13, Code de déontologie médicale.
[5] Art. 17, loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé ; art. 13, Code de déontologie médicale.
[6] Art. 10, Code de déontologie médicale.
Echange d’informations entre le médecin en charge d’un enfant et celui de sa mère dans le contexte de la naissance.
Le Conseil national est interrogé concernant le respect du secret médical dans le cadre de l’échange d’informations médicales entre un gynécologue et un pédiatre en charge d’une mère et de son enfant dans le contexte de la naissance.
1. En règle, l’accord de la patiente doit être demandé pour permettre l’accès à ses données médicales par un médecin qui n’a pas de relation thérapeutique avec elle. Les raisons pour lesquelles cet accès est demandé et les informations qui sont recherchées sont préalablement portées à sa connaissance.
Ce n’est que lorsque l’urgence des soins de santé à apporter à l’enfant ne permet matériellement pas de demander à la mère son consentement que l’intérêt supérieur de l’enfant justifie de consulter les données de santé de celle-ci sans solliciter préalablement son accord.
2. Dans le contexte d’une naissance, l'échange d'informations entre les professionnels en charge de la mère et de l’enfant se fait sur la base d'une fiche de liaison (un dossier) de l'enfant.
Par définition, celui-ci reprend les informations pertinentes de la grossesse (maladies infectieuses, médicaments, complications,...) et les antécédents familiaux qui sont nécessaires pour que l’enfant reçoive des soins de qualité auxquels il a droit, dans les délais nécessaires (vaccination immédiate (hépatite b), médicaments contre la toxoplasmose, lait antiallergique pour les parents atopiques, examens complémentaires en cas d'anomalies à l'échographie fœtale, etc.).
Le recueil du consentement de la maman à la communication de données de santé la concernant à l’équipe médicale qui prend en charge son enfant peut se faire durant sa grossesse. Il s’accompagne d’une information concernant les raisons d’une telle communication et le type de données visées. Cela permet d’anticiper et de gérer dans de meilleures conditions un éventuel refus. Le médecin reste attentif au fait que la mère peut changer d’avis, dans un sens comme dans l’autre.
3. Dans l’hypothèse, exceptionnelle, où une mère refuse l’accès à ses données de santé en dépit de l’intérêt de son enfant, il convient de s’intéresser aux raisons de ce refus pour s’assurer qu’il n’est pas motivé par un malentendu ou une incompréhension qui pourrait être levé, par la crainte que le père de l’enfant ait accès à ses données (voir point 5 ci-dessous), qu’il ne s’adresse pas à un soignant déterminé et non au reste de l’équipe médicale, etc.
Face à un refus persistant, le gynécologue et le pédiatre se concertent pour décider s’il se justifie pour protéger un intérêt essentiel de l’enfant sur le plan de la santé d’outrepasser le refus de la mère.
Pour rappel l’article 22bis, alinéa 4, de la Constitution dispose que « dans toute décision qui le concerne, l'intérêt de l'enfant est pris en considération de manière primordiale ». Cette disposition a une portée générale et s’applique également en matière de santé.
Le Conseil national estime que l’intérêt de l’enfant à être en bonne santé prévaut sur le droit de sa mère au respect de sa vie privée.
Le cas échéant, la mère est informée de la consultation de ses données.
4. L’accès doit être limité aux données de santé de la mère nécessaires tenant compte du but poursuivi, en l’espèce une prise en charge médicale qualitative de l’enfant.
5. En tant que représentant légal, le père peut consulter directement ou recevoir copie du dossier médical de son enfant à l’exception des données qui concernent des tiers. La mère doit être considérée comme un tiers[1]. Le père n’a donc pas accès aux informations médicales relatives à la mère qui seraient contenues dans le dossier médical de son enfant, à moins que la mère consente à ce qu’elles lui soient communiquées.
Si l’enfant souffre d’une pathologie héréditaire ou doit prendre un traitement préventif ou curatif du fait de la situation de santé de l’un de ses parents, cet élément concerne cette fois la santé de l’enfant lui-même et ne peut pas être caché à l’autre parent exerçant l’autorité parentale[2].
6. En cas de décès de la mère, le proche qui a le droit de consultation indirecte du dossier médical de la défunte peut charger le pédiatre de prendre connaissance des informations utiles à la santé de l’enfant[3].
[1] Au sens de l’article 9, § 2, de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient
[2] Avis du 19 juin 2021 du Conseil national, Secret médical – information du père d’un nouveau-né quant au traitement prescrit à son enfant du fait de la séropositivité de sa mère, a168013.
[3] Article 9, § 4, de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient.
Recours à la contrainte pour imposer un acte médical à un étranger dans le cadre d’une procédure de transfert, de refoulement, de retour ou d'éloignement.
Le Conseil national de l’Ordre des médecins a été sollicité par plusieurs confrères pour donner son avis concernant le projet de loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers et la loi du 12 janvier 2007 sur l’accueil des demandeurs d’asile et de certaines autres catégories d’étrangers sur la politique de retour proactive (Doc. Parl., sess. 2022-2023, doc 55 3599/001).
Leur question s’inscrit dans les débats qui sont actuellement menés autour de l’article 26 du projet de loi qui insère un article 74/23 dans la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers (l’article est repris in extenso à la suite de cet avis), dont il ressort que, dans certaines conditions à vérifier au cas par cas, l’étranger majeur peut être soumis par la contrainte à des examens médicaux afin de permettre l'exécution forcée d'une mesure de transfert, de refoulement, de retour ou d'éloignement le concernant et à laquelle il refuse de coopérer.
1. Dans l’état actuel de la législation belge relative aux procédures de contrainte justifiant l’intervention d’un médecin, la contrainte physique pour l’exécution d’un acte médical est exceptionnelle et strictement encadrée[1].
Ce projet de loi s’inscrit dans le cadre d’une politique migratoire européenne que chaque État doit respecter au même titre que les droits humains fondamentaux qui sont en jeu.
En l’occurrence, le projet prévoit le recours à la contrainte pour imposer un acte médical qui n’est pas réclamé par la loi belge mais imposé, comme à d’autres États européens, par le pays de destination ou de transit, ou comme condition de voyage par le transporteur responsable du transport de l’étranger, dans le cadre d’une urgence de santé publique de portée internationale déclarée par l’Organisation mondiale de la santé.
Les actes médicaux qui pourront être imposés par la force ne sont pas définis, ni leur degré d’atteinte à l’intégrité physique de l’individu qui y est soumis. Il est seulement affirmé que l’acte médical doit permettre de déterminer si l’étranger peut voyager sans mettre en danger sa propre santé, celle des autres voyageurs ou celle de la population du pays de destination. L’acte médical doit en outre figurer sur une liste dressée par le Roi, sur « proposition conjointe du ministre[2] et du ministre de la Santé publique », par un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres.
L’individu n’a pas de recours permettant de s’opposer, avant son application, à la coercition au motif que la mise en place d’une telle procédure compliquerait très sérieusement l’exécution de la mesure de transfert, de refoulement, de retour ou d’éloignement et que, par conséquent, l’introduction de l’obligation de se soumettre à un examen médical n’aurait plus d’utilité (Doc. Parl., doc 55 3599/001, p. 15).
Face au refus d’un étranger de coopérer à l’examen médical, la décision de recourir à la contrainte et l’exercice de celle-ci appartient au délégué du ministre (un membre du personnel de l’Office des Étrangers), qui aura reçu une formation spécifique à cet effet, à déterminer par le Roi.
2. Il est légitime que le corps médical, dont les valeurs déontologiques et éthiques reposent par essence sur le respect de l’intégrité et l’intérêt de l’individu, s’interroge sur son rôle dans une procédure fondée sur une conception où la bonne exécution de la politique migratoire, qui s’exerce à l’égard d’un groupe d’individus par nature vulnérables, est jugée supérieure à ces valeurs.
Le Bureau du Conseil national a été interrogé par le cabinet du Secrétaire d’Etat à l’asile et à la migration sur un avant-projet de loi avant que le présent projet de loi ne soit déposé à la Chambre.
Sans se positionner sur le fond, il a fait valoir que compte tenu de l’étendue de la gamme d’examens médicaux possibles et du fait notamment que l’examen médical peut être une exigence du seul transporteur, le type d’examen et sa finalité devraient être précisés. La mention que l’examen ne peut avoir un caractère vexatoire et est effectué dans le respect de la dignité de l’étranger, sans d’ailleurs mentionner qui apprécie que tel est bien le cas, ne lui a pas paru suffisante.
Le Bureau a souscrit à l’interdiction de recourir à la contrainte pour pratiquer un examen médical sur un mineur ou en présence d’un mineur, qu’un examen ne peut jamais être réalisé lorsqu’il est susceptible de mettre en danger la santé de la personne concernée, à l’obligation que l’examen médical soit réalisé par du personnel médical qualifié, au fait que l’examen le moins invasif soit effectué, au caractère résiduaire de l’examen médical, qui ne sera pratiqué qu’en l’absence des attestations et certificats médicaux nécessaires, et de la contrainte, prévue à défaut d’autre moyen moins coercitif. Ces restrictions sont reprises dans le projet de loi déposé.
Le Conseil national maintient ces observations.
3. Le Conseil national prend acte que l’intervention médicale sous la contrainte envisagée ne pourra viser qu’une situation d’« urgence de santé publique de portée internationale déclarée par l’Organisation mondiale de la santé ». Il conviendrait de s’assurer que la loi en projet ne permettra pas d’accomplir un tel acte médical hors le type d’urgence précité.
Le Conseil national s’interroge sur la portée de la « contrainte physique » préalable à l’intervention médicale. Ce concept n’est pas explicité dans l’exposé des motifs, bien que le Conseil d’État en avait déjà fait l’observation dans son avis relatif à l’avant-projet de loi (Doc. Parl., doc 55 3599/001, pp. 102-103). La contrainte physique peut prendre des formes très diverses et il ne faudrait pas que cette autorisation de la loi soit comprise comme un blanc-seing pour les agents de l’exécutif. Au regard des droits et libertés consacrés par la Constitution et la Convention européenne des droits de l’homme, cette notion devrait être clarifiée.
En ce qui concerne l’examen médical, l’article 26 du projet prévoit que seul l’examen le moins invasif sera effectué « à condition que cet examen soit disponible ». Les dispositions qui s’imposent doivent avoir été prises pour que l’examen le moins invasif soit réellement disponible. A défaut de quoi, le Conseil national estime que l’examen ne pourra pas être pratiqué.
4. Sur le plan déontologique, dans l’hypothèse où ce projet aboutirait, le Conseil national estime qu’un médecin appelé à prêter son concours à un examen médical pratiqué sous la contrainte dans le cadre d’une mesure de transfert, de refoulement, de retour ou d'éloignement, garde son indépendance professionnelle. Aucun médecin ne peut être tenu de pratiquer un tel acte.
Il est de la responsabilité du médecin de vérifier que son intervention est conforme à la loi, tant sur le plan des exigences légales relatives à l’examen médical qu’à sa réalisation par contrainte.
S’il considère que ces conditions ne sont pas rencontrées ou que le recours à la contrainte n’est pas adapté à la vulnérabilité de la personne ou que l’objectif peut être atteint par des moyens moins coercitifs, il ne posera pas l’acte médical en question.
Le médecin a toujours le droit de refuser de poser cet acte s’il l’estime en conscience contraire aux valeurs prônées par la déontologie médicale de professionnalisme, respect, intégrité et responsabilité. L’intervention du médecin doit toujours être conforme au Code de déontologie médicale (entre autres son article 30) et est susceptible de contrôle.
Enfin, le Conseil national tient à affirmer avec force qu’en aucun cas, il ne faudrait que les médecins et aucun professionnel des soins de santé ne soient instrumentalisés pour parer les difficultés et les impasses diplomatiques avec les pays tiers dans l’exercice de la politique migratoire.
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L’article 26 du projet de loi du 29 septembre 2023 modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers et la loi du 12 janvier 2007 sur l’accueil des demandeurs d’asile et de certaines autres catégories d’étrangers sur la politique de retour proactive, énonce :
Dans le Chapitre I, inséré (dans la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers) par l’article 24, il est inséré un article 74/23, rédigé comme suit:
“Art. 74/23. § 1er. En vue de l’exécution forcée d’une mesure de transfert, de refoulement, de retour ou d’éloignement, un étranger peut être soumis à un examen médical, le cas échéant par la contrainte, pour autant qu’un tel l’examen soit requis afin de déterminer si l’étranger peut voyager sans mettre en danger sa propre santé, celle des autres voyageurs ou celle de la population du pays de destination. L’examen médical obligatoire ne peut être effectué que s’il est nécessaire parce qu’il est imposé comme condition d’entrée ou de transit par le pays de destination ou de transit, ou comme condition de voyage par le transporteur responsable du transport de l’étranger, dans le cadre d’une urgence de santé publique de portée internationale déclarée par l’Organisation mondiale de la santé, et que les attestations médicales disponibles ne sont pas acceptées comme étant suffisantes par le pays de destination ou de transit, ou par le transporteur.
L’étranger est informé au préalable de l’examen médical qui lui sera imposé, de la manière dont il sera effectué, de l’objectif de l’examen, de son éventuel effet sur sa santé et de la possibilité, en cas de refus de coopérer, de procéder à l’examen médical par la contrainte conformément au paragraphe 2. Ces informations sont fournies dans une langue que l’étranger comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend.
L’étranger signe une déclaration dans laquelle il s’engage à coopérer à cet examen médical. Cette déclaration comprend les informations mentionnées à l’alinéa 2. L’étranger a la possibilité, avant de signer la déclaration et en étant séparé du personnel impliqué dans l’examen, de relire les informations fournies.
Sur proposition conjointe du ministre et du ministre de la Santé publique, le Roi détermine, par un arrêté délibéré en Conseil des ministres, les examens médicaux qui peuvent être imposés à l’étranger en application du présent article.
§ 2. Si l’étranger ne se soumet pas volontairement à l’examen médical visé au paragraphe 1er et que l’objectif ne peut être atteint par des moyens moins coercitifs, l’examen médical peut être effectué par la contrainte.
Le recours à la contrainte lors de l’examen médical est exclu pour les mineurs étrangers. Le recours à la contrainte lors de l’examen médical ne se fait jamais en présence de mineurs étrangers.
Le recours à la contrainte est effectué par le délégué du ministre qui a reçu une formation spécifique à cet effet. Le Roi détermine le contenu de cette formation.
Le recours à la contrainte est soumis aux conditions prévues à l’article 37 de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police. Le recours à la contrainte est adapté à la vulnérabilité de la personne.
Les moyens de contrainte autorisés sont la contrainte physique, la clef de bras et les menottes aux poignets et/ou aux pieds.
Tout recours à la contrainte lors d’un examen médical fait l’objet d’un rapport détaillé sans délai. Le délégué du ministre indique dans le rapport les moyens de contrainte utilisés, la durée du recours à la contrainte et la justification de celle-ci.
§ 3. L’examen médical visé au paragraphe 1er est effectué par du personnel médical qualifié.
Seul l’examen médical le moins invasif est effectué, compte tenu des conditions imposées par le pays de destination ou de transit, ou par le transporteur, et à condition qu’un tel examen soit disponible.
L’examen médical ne peut avoir un caractère vexatoire et est effectué dans le respect de la dignité de l’étranger. Si le personnel médical estime que l’examen est susceptible de mettre en danger la santé de l’étranger, il ne l’effectue pas.”.
[1] Voir par exemple l’article 90undecies, du Code d’instruction criminelle (analyse ADN) et l’article 524quater, § 2, du Code d’instruction criminelle (analyse de la possibilité de transmission d'une maladie contagieuse grave lors de la commission d'une infraction).
[2] Il faut sans doute lire « secrétaire d’État à l’Asile et la Migration », comme il est mentionné dans l’exposé des motifs (Doc. Parl., doc 55 3599/001, p. 15).
Collaboration entre la police, le ministère public et les hôpitaux, les postes de gardes de médecine générale et les cabinets médicaux – Principes généraux
En sa séance du 20 janvier 2024, le Conseil national de l’Ordre des médecins s’est penché sur l’avis relatif à la collaboration entre la police, le ministère public et les hôpitaux et l’a étendu aux postes de garde de médecine générale et aux cabinets médicaux.
Cet avis remplace les avis a167013 et a167039.
Contenu
1. Introduction
2. Situations particulières
2.1 Le patient commet un fait punissable dans l’hôpital, le poste de garde ou le cabinet médical
2.2 Le médecin a connaissance d’un fait punissable – patient en tant qu’auteur ou victime
2.3 Stupéfiants sur ou dans le corps du patient
2.4 Patient sous surveillance policière
2.5 Donner priorité à la police au service d’urgence, au poste de garde ou au cabinet médical
2.6 La police pénètre dans l’hôpital, le poste de garde ou le cabinet médical
2.7 La police demande des informations sur les interventions à l’hôpital
2.8 Interrogatoire à l’hôpital, au poste de garde ou au cabinet médical
2.9 Personnes disparues
2.9.1 Appréciation du caractère « inquiétant » de la disparition
2.9.2 Recherche du patient
2.9.3 Pour la rédaction d’un dossier ante mortem
2.10 Attestation médicale concernant une disposition à l’enfermement
2.11 Moyens légaux soutenant l’information ou l’instruction
2.11.1. Témoignage en justice
2.11.2. Concertation
2.11.3. Désignation d’un médecin expert judiciaire pendant l’enquête – Prise de sang ou salive dans le cadre de la détection d’une intoxication (alcool, drogues) ou pour déterminer le profil ADN
2.11.3.1. Généralités
2.11.3.2. Prélèvement sanguin dans le cadre judiciaire
2.11.3.3. Application spécifique : prélèvement sanguin dans le cadre judiciaire si la victime a potentiellement été contaminée par une maladie grave à la suite d’un fait punissable
2.11.3.4. Test ADN
2.12. Caméras de surveillance pour éviter ou constater les délits en milieu hospitalier, au poste de garde ou au cabinet médical
3. Conclusion
1. Introduction
Dans le cadre du fonctionnement de l’hôpital, du poste de garde et du cabinet médical, les médecins visent une autre finalité que les services de police et les parquets. La mission des premiers est de dispenser des soins de qualité à tout patient qui se présente, tandis que celle des seconds est de garantir la sécurité de la société et de faire des constatations objectives pour faciliter par la suite la découverte de la vérité judiciaire.
Cependant, ces deux groupes d’intervenants sont régulièrement en contact et la situation les oblige à collaborer, nonobstant leurs objectifs et normes souvent divergents. Ainsi, le médecin est tenu au secret professionnel, alors que la police, dans le cadre d’une enquête, tente de recueillir autant d’informations que possible sur un potentiel auteur ou sur une victime. D’autres droits fondamentaux, comme le droit aux soins et le droit de la défense, restent d’application.
Le cadre légal prévu n’est souvent pas suffisamment connu, tant par les médecins que par les services de police, ou n’indique pas assez clairement comment les deux acteurs doivent agir dans une situation spécifique. Dans certaines régions[1], les hôpitaux, les cercles de médecins généralistes, la police et le ministère public ont rédigé un protocole de collaboration, qui fixe plusieurs accords sur la façon dont les interactions entre eux doivent se dérouler en vue d’une efficacité maximale des deux services.
De tels protocoles favorisent une collaboration aisée entre les différents acteurs sur le terrain et offrent une réponse à plusieurs situations spécifiques. Cependant, le risque existe que chaque région rédige des accords différents ou contraires à la législation existante ou à la déontologie médicale.
Pour éviter ces cas de figure, le Conseil national donne, dans le présent avis, un aperçu des principes déontologiques que le médecin doit prendre en compte dans une situation spécifique, dans le respect du droit à la vie privée, du secret professionnel, de l’accès aux soins, de la qualité des soins, de la sécurité du patient, de la dignité humaine et de l’autonomie du patient.
2. Situations particulières
2.1. Le patient commet un fait punissable dans l’hôpital, le poste de garde ou le cabinet médical
Si un patient se rend coupable d’un fait punissable envers un autre patient, un médecin, le personnel ou l’hôpital, le poste de garde ou le cabinet médical peut porter plainte auprès de la police. Il peut par exemple s’agir de menaces à l’encontre du médecin, de violences physiques à l’égard de collaborateurs ou de patients, de destructions dans le local de consultation ou aux infrastructures de l’hôpital, de la possession d’armes dangereuses[2], etc.
Le médecin donne à la police le nom de l’auteur et le lieu où les faits se sont produits. Les données médicales de l’auteur ne sont pas divulguées.
La police qui se rend sur place a accès au local où le patient se trouve et où les faits se sont produits pour pouvoir faire les premières constatations.
2.2. Le médecin a connaissance d’un fait punissable– patient en tant qu’auteur ou victime
Lorsque le médecin apprend dans l’exercice de sa profession que le patient a commis un fait punissable, cela relève du secret professionnel.
De même, lorsque le médecin apprend dans l’exercice de sa profession que le patient a été victime d’un fait punissable, cela relève du secret professionnel et le médecin respecte le choix de la victime de ne pas porter plainte auprès de la police.
Pour certaines infractions commises sur un mineur ou une personne vulnérable, l’article 458bis du Code pénal dispose que le médecin peut briser son secret professionnel, moyennant le respect de certaines conditions.[3] C’est le cas en particulier d’infractions qui portent gravement atteinte à l’intégrité physique d’un mineur ou d’une personne vulnérable, comme la traite d’êtres humains, l’assassinat ou des violences conjugales, abus de nature sexuelle, comme un attentat à la pudeur ou le viol d’un enfant ou d’une personne handicapée.[4]
Si le médecin a connaissance d’un délit précité et s’il estime qu’il existe un danger grave et imminent que l’auteur récidive et s’il n’est pas en mesure de protéger, seul ou avec l’aide de tiers, l’intégrité physique ou psychique du mineur ou de la personne vulnérable, il peut en informer le procureur du Roi.[5]
Outre l’exception légale de l’article 458bis du Code pénal, le médecin est soumis à l’article 422bis du Code pénal qui comporte une obligation légale d’assistance envers une personne exposée à un péril grave. Dans certaines situations, il n’est pas évident de concilier ces deux normes, à savoir le secret professionnel et l’obligation légale d’assistance.[6] Dans le cas d’un tel conflit de devoirs, « l’état de nécessité » peut être d’application.
L’état de nécessité est une notion issue de la doctrine et de la jurisprudence, impliquant que, dans des circonstances exceptionnelles, la transgression d’une norme pénale (par exemple la violation du secret professionnel) ne sera pas punie lorsque cette infraction peut être justifiée pour protéger un autre intérêt ayant une même valeur ou une valeur considérée supérieure ou en prévention d’une autre infraction (par exemple un meurtre). Une violation du secret professionnel peut exceptionnellement être justifiée si un danger grave, actuel et certain ne peut être évité autrement.[7] Tout dépend des circonstances de fait pour qu’il soit question d’état de nécessité. Il incombe au médecin de confronter les deux normes ou intérêts.[8]
Enfin, conformément à l’article 30 du Code d’instruction criminelle, toute personne qui a été témoin d’une atteinte, soit à la sécurité publique, soit à la vie ou à la propriété d’une personne, est obligée de le signaler au procureur du Roi, soit du lieu du délit ou du crime, soit du lieu où peut se trouver le suspect.[9]
Dans le cadre de la relation de soins entre un médecin et un patient, cette obligation générale de déclaration de crime de violence et contre la propriété est contraire au secret professionnel. Par conséquent, la doctrine et la jurisprudence énoncent que la déclaration obligatoire contenue à l’article 30 du Code d’instruction criminelle ne s’applique pas à une infraction commise par un patient.[10]
Si un patient a été la victime d’une infraction, l’obligation générale de déclaration, lue en lien avec les exceptions de l’article 458bis du Code pénal, doit être nuancée. L’objectif ne peut jamais être de faire une déclaration d’un délit lorsque cela va à l’encontre des intérêts du patient. Dans le cadre de la relation de soins, une déclaration sera uniquement faite après une évaluation réfléchie des différentes normes. Par conséquent, il est question d’un droit de parole et non d’une obligation.
2.3. Stupéfiants sur ou dans le corps du patient
Le médecin qui découvre pendant l’examen ou le traitement des stupéfiants sur ou dans le corps d’un patient remet ces stupéfiants, dans les plus brefs délais, aux services de police sans mentionner de données à caractère personnel ou médical du patient, à moins qu’il ne soit question d’une exception au secret professionnel (cf. 2.2). Ceci est communiqué au patient et indiqué dans son dossier. Il est primordial que le patient continue à avoir confiance dans le médecin et les soins qu’il lui prodigue et qu’il lui soit clairement expliqué que le médecin n’a pas de compétence de recherche et que son identité ne sera pas divulguée aux services de police.
Dans ce contexte, le médecin peut prendre en compte le principe de proportionnalité.
2.4. Patient sous surveillance policière
Si la police estime qu’un patient accompagné d’agents constitue une menace pour l’intégrité (physique) du personnel, le médecin autorise la police à être présente dans la zone de traitement ou dans l’environnement immédiat.
Le médecin respecte la décision de la police de laisser le patient menotté et peut uniquement s’opposer à cette décision pour des raisons médicales, par exemple lorsque les menottes du patient empêchent fortement la dispense de soins. Dans ce cas, le médecin et les services de police se concertent sur la façon dont ils peuvent, chacun, remplir leurs tâches de façon sécurisée et qualitative. Les deux sont tenus au respect de l’obligation légale d’assistance telle que prévue à l’article 422bis du Code pénal.
2.5. Donner priorité à la police au service d’urgence, au poste de garde ou au cabinet médical
Pour autant que l’urgence des soins à prodiguer à d’autres patients le permette, le médecin donne priorité au patient sous surveillance policière ou à l’agent de police qui, dans l’exercice de ses fonctions, est lui-même blessé ou a besoin de soins.
2.6. La police pénètre dans l’hôpital, le poste de garde ou le cabinet médical
La police peut pénétrer librement dans les espaces publics, tels que le hall d’accueil, la salle d’attente et les couloirs.
Il est uniquement permis de pénétrer dans le local de consultation moyennant l’accord du patient et du médecin traitant. Ce dernier s’y opposera seulement si cette intrusion dans le local empêche gravement la dispense de soins.
Dans un contexte hospitalier, il est seulement autorisé de pénétrer dans la chambre du patient moyennant son autorisation, sauf en cas de flagrant délit ou sur ordre du juge d’instruction conformément à l’article 89bis du Code d’Instruction criminelle.
2.7. La police demande des informations sur les interventions à l’hôpital
Les services de police qui mènent l’enquête essayent de recueillir autant d’informations que possible, notamment des informations médicales sur un auteur potentiel ou une victime.
Le médecin traitant est tenu au respect du secret professionnel et ne peut en principe pas transmettre d’informations médicales aux services de police. Ceci complique l’enquête et n’est pas favorable, plus tard, à la découverte de la vérité par le juge, en particulier lorsque l’agent de police interprète la situation médicale d’une façon qui ne correspond pas complètement à la réalité médicale.[11]
La relation de confiance entre le médecin et le patient prime et le médecin doit être très prudent quant à la violation du secret professionnel. Une attitude trop laxiste par rapport au secret professionnel peut entraîner des risques plus grands que les dangers ou inconvénients qui peuvent éventuellement être prévenus.
Cependant, le patient peut être demandeur de communiquer des informations médicales aux services de police ou au parquet. Le patient a le droit de disposer lui-même des informations médicales le concernant et de collaborer avec les services de police. Dans ce cas, le médecin peut accepter de rédiger une attestation médicale spécifique, comprenant des données médicales limitées[12], qui est remise à la police par l’intermédiaire du patient. Le médecin a pour tâche de protéger le patient de la transmission de ses données médicales à des tiers et de l’informer des conséquences possibles du transfert de ses données médicales aux services de police.
Le médecin note dans le dossier patient s’il a rédigé une attestation, quel en était le contenu et s’il a délivré ce document au patient ou directement aux services de police à la demande du patient.
Enfin, le médecin informe le patient de la possibilité de rédiger un rapport médical circonstancié. Le patient peut opter pour ajouter ce rapport au dossier de police, éventuellement ultérieurement. Le cas échéant, le médecin adresse le rapport sous pli fermé à l’éventuel médecin expert judiciaire et le transmet aux services de police avec la mention « secret médical ».
Si le patient n’est pas capable d’exprimer sa volonté, il est d’usage que le médecin transmette un certificat médical, avec un nombre limité de données médicales, au représentant du patient ou à des membres de la famille[13] en cas d’absence du représentant.
En cas d’absence du représentant ou des membres de la famille, le médecin peut remettre, dans l’intérêt du patient, un certificat médical avec un nombre limité de données médicales aux services de police après avoir considéré le principe de proportionnalité et si nécessaire. Des exemples d’un tel certificat figurent dans l’annexe 1.
2.8. Interrogatoire à l’hôpital, au poste de garde ou au cabinet de médecine
Si la police estime qu’il est nécessaire d’auditionner l’auteur potentiel ou la victime à l’hôpital, au poste de garde ou au cabinet médical, le médecin autorise la police à accéder à la zone de traitement ou à la chambre du patient, si le patient y consent et si sa situation médicale le permet.
2.9. Personnes disparues
Lorsqu’une personne est signalée disparue, la police a de nombreuses raisons de prendre contact avec le médecin traitant de cette personne ou avec les hôpitaux environnants.
2.9.1. Appréciation du caractère « inquiétant » de la disparition
La police peut être obligée de demander les informations médicales de la personne disparue pour évaluer le « caractère inquiétant » de la disparition. Le médecin traitant de la personne disparue peut uniquement communiquer avec les services de police si la disparition, au vu de la situation médicale du patient, menace potentiellement le pronostic vital, par exemple parce que le patient est suicidaire, qu’il est dépendant d’une médication vitale ou qu’il y a un risque de désorientation.
2.9.2. Recherche du patient
Sur la base de la directive ministérielle du 26 avril 2014 relative à la « Recherche des personnes disparues », en cas de disparition, qu’elle soit ou non de nature inquiétante, les services de police ont la possibilité de prendre contact avec les hôpitaux environnants. La compétence de contrôle n’est pas formulée de manière exhaustive et peut être étendue aux postes de garde et aux cabinets médicaux.
Pour éviter de poursuivre inutilement les recherches, le médecin concerné peut informer les services de police de la présence ou non du patient dans l’hôpital, sans divulguer les données médicales du patient.
Des problèmes concrets se posent quand le patient souhaite garder secrète son admission à l’hôpital pour son entourage. D’une part, le droit à la vie privée du patient concerné doit être respecté ; d’autre part, il convient d’éviter de poursuivre les recherches. Dans ce cas, il est recommandé de faire appel à un intermédiaire, par exemple le président ou un membre délégué d’un Conseil provincial de l’Ordre des médecins, ou un membre du conseil délégué, qui communique au magistrat du parquet compétent qu’il n’y a pas de raisons de considérer la disparition comme « inquiétante »[14].
En ce qui concerne la recherche de délinquants, le médecin confronte le secret professionnel à l’intérêt général.
2.9.3. Pour la rédaction d’un dossier ante mortem
Le service Disaster Victim Identification (DVI) de la Police fédérale a, notamment, pour tâche d’identifier les victimes décédées sur la base d’une comparaison entre le dossier ante mortem et le dossier post mortem.[15]
En vue de la préparation d’une identification d’une victime potentielle, un médecin expert judiciaire peut être désigné, sur ordre du Procureur du Roi ou du juge d’instruction, pour la constitution d’un dossier ante mortem. Dans ce cas, le médecin traitant transmettra le dossier patient de la personne disparue aux services de police, sous pli fermé, adressé au médecin expert judiciaire, avec la mention « secret médical ». Le médecin expert judiciaire appréciera les données issues du dossier patient qui sont nécessaires à la rédaction du dossier ante mortem.
L’accès au dossier patient par les services de police en vue de la rédaction d’un dossier ante mortem implique une violation du secret professionnel.
2.10. Attestation médicale concernant une disposition à l’enfermement
Il peut arriver qu’une personne soit blessée pendant qu’elle commet un fait de nature criminelle. Lorsque les services de police arrêtent une personne blessée, celle-ci doit être amenée en premier lieu à l’hôpital, au service de garde ou au cabinet médical pour des soins. Dans le cas où les services de police procèdent à une privation de liberté, il est demandé au médecin traitant, le cas échéant, si l’état de santé du patient permet son enfermement ou son audition.
Il n’incombe pas au médecin traitant de délivrer un certificat d’aptitude fixant que l’état de santé du patient lui permet d’être auditionné ou enfermé. En effet, le médecin traitant n’a pas pour tâche d’intervenir comme médecin expert judiciaire ; il a uniquement pour mission de dispenser des soins et peut délivrer, via le patient, une attestation aux services de police comportant un nombre limité de données médicales (cf. supra).[16]
2.11. Moyens légaux soutenant l’information ou l’instruction
Le secret professionnel n’est pas absolu. La loi prévoit plusieurs exceptions qui permettent au médecin de parler (cf. 2.2.).
En outre, le Procureur du Roi et le juge d’instruction ont des moyens légaux à disposition pour mener une enquête efficace et fiable.
2.11.1. Témoignage en justice
Le médecin peut être appelé à témoigner en justice devant le juge d’instruction ou devant une commission d’instruction parlementaire.[17]
Le médecin a un droit de parler, pas une obligation de parler.[18]
Cette exception légale ne permet toutefois pas de témoigner devant les services de police ou le parquet.
2.11.2. Concertation
L’article 458ter du Code pénal permet d’organiser une concertation entre divers acteurs soumis au secret professionnel et d’aboutir à une collaboration pluridisciplinaire, en vue de la protection de l’intégrité physique ou psychique d’une personne ou de tiers, ou pour éviter des actes terroristes ou des délits dans le cadre d’une organisation criminelle comme prévu à l’article 324bis du Code pénal.
La concertation est organisée par ou en vertu d’une loi, d’un décret ou d’une ordonnance, ou en cas d’autorisation motivée du procureur du Roi.[19]
Le médecin qui est prié de participer à une concertation a le droit de parler, pas une obligation de parler.
2.11.3. Désignation d’un médecin expert judiciaire pendant l’enquête – Prise de sang ou salive dans le cadre de la détection d’une intoxication (alcool, drogues) ou pour déterminer le profil ADN
2.11.3.1. Généralités
Pendant l’information ou l’instruction, le procureur du Roi ou le juge d’instruction peut désigner un médecin-expert judiciaire pour examiner l’état médical de l’auteur potentiel ou de la victime.[20]
Le médecin qui, dans les limites de sa mission en tant que médecin expert judiciaire, établit le rapport sur l’état de santé d’une personne, ne viole pas le secret professionnel.
Le médecin traitant doit mettre les informations nécessaires à la disposition du médecin expert judiciaire.
Les missions du médecin expert judiciaire sont incompatibles avec celles du médecin traitant.[21]
2.11.3.2. Prélèvement sanguin dans le cadre judiciaire
Le médecin qui exécute un prélèvement sanguin dans le cadre judiciaire, sur réquisition des autorités compétentes, et qui rédige le rapport y afférent ne se rend pas coupable d’une violation du secret professionnel. Si seul le médecin traitant peut être réquisitionné, il prélève un échantillon de sang sans fournir d’informations sur les éventuels signes d’intoxication ou d’autres données médicales.
Le médecin est contraint de poser les actes requis et peut seulement s’en abstenir si ses constatations montrent une contre-indication formelle à cette mesure ou lorsqu’il reconnaît comme fondées les raisons avancées par la personne concernée pour s’y soustraire.[22]
Les résultats du prélèvement sanguin et le rapport y afférent peuvent être communiqués, sous pli fermé, aux services de police, qui les transmettront au magistrat les réclamant.
Le médecin ne peut utiliser la contrainte physique contre la personne concernée qui refuse de se soumettre à un prélèvement sanguin dans le cadre judiciaire.
2.11.3.3. Application spécifique : prélèvement sanguin dans le cadre judiciaire si la victime a potentiellement été contaminée par une maladie grave à la suite d’un fait punissable
Lorsqu’il existe de sérieuses indications qu’une victime d’un délit puisse avoir été contaminée, à la suite de ce fait punissable, par une maladie grave reprise sur une liste fixée par arrêté royal[23], le procureur du Roi peut demander au suspect le prélèvement d’un échantillon sanguin pour vérifier s’il est porteur de cette maladie.
Le cas échéant, l’information médicale relève du secret professionnel et le laboratoire de référence requis transmettra les résultats uniquement au médecin traitant de la victime et à celui du suspect à sa demande. Les données médicales ne sont pas communiquées au procureur du Roi.
2.11.3.4. Test ADN
Le médecin peut aussi être requis pour des prélèvements capillaires (avec racines), de muqueuses buccales ou de sang pour réaliser un test ADN dans le cadre judiciaire.[24] Le médecin est obligé de poser ces actes et d’établir un rapport.
Pour le test ADN, le médecin ne peut utiliser la contrainte physique contre la personne concernée. Si la personne concernée refuse de se soumettre à cette expérience, ce refus est mentionné dans le procès-verbal.
2.12. Caméras de surveillance pour éviter ou constater les délits en milieu hospitalier, au poste de garde ou au cabinet médical
Le fait de prendre des images dans le local de consultation ou dans la chambre du patient est inacceptable.[25]
Selon les conditions prévues par la loi du 21 mars 2007 réglant l’installation et l’utilisation de caméras de surveillance, des caméras peuvent être placées dans des espaces accessibles au public (hall, couloirs de l’hôpital, etc.) afin de garantir la sécurité des médecins et des patients et de recueillir des preuves d’un délit. Le matériel visuel du délit peut être transmis aux services de police.
3. Conclusion
La collaboration entre le médecin, l’hôpital, le poste de garde ou le cabinet médical et les services de police ou le ministère public doit aller de pair avec le respect des principes déontologiques propres à chaque profession. Il incombe au médecin de s’informer des dispositions légales et des principes de la déontologie médicale avant de transmettre des informations médicales aux autorités judiciaires et à la police.
Le médecin a le devoir déontologique de remplir honnêtement et scrupuleusement sa mission de médecin expert judiciaire en cas de réquisition par un magistrat. Une bonne communication et des accords clairs entre les deux acteurs favorisent le fonctionnement correct du système judiciaire et du secteur des soins.
Les principes déontologiques repris dans cet avis s’appliquent à tous les médecins.
Les médecins peuvent toujours s’adresser à leur conseil provincial pour obtenir un avis déontologique sur des situations concrètes.
Sources - Législation : Artt. 422bis, 458, 458bis, 458ter, Code pénal Artt. 30, 43, 44, 56, Code d’instruction criminelle Arrêté royal du 10 juin 1959 relatif au prélèvement sanguin en vue du dosage de l’alcool et fixant la date de l’entrée en vigueur de la loi du 15 avril 1958 modifiant le Code d’instruction criminelle, la loi du 1er août 1899 portant révision de la législation et des règlements sur la police du roulage et l’arrêté-loi du 14 novembre 1939 relatif à la répression de l’ivresse Loi du 21 mars 2007 réglant l’installation et l’utilisation de caméras de surveillance Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) Arrêté royal du 16 mars 1968 portant coordination des lois relatives à la police de la circulation routière - Documentation : Code de déontologie médicale, version 2018 Handboek Gezondheidsrecht Volume II, T. Vansweevelt et F. Dewallens Omgaan met beroepsgeheim, B. Hubeau, J. Mertens, J. Put, R. Roose, K. Stas, F. Vander Laenen Beroepsgeheim en hulpverlening, I. Van der Straete, J. Put Forensische geneeskunde, W. Van de Voorde Beroepsgeheim en Politie/Justitie, KNMG Samenwerkingsprotocol tussen de Limburgse algemene ziekenhuizen – Limburgse politiediensten – Parket Limburg Samenwerkingsprotocol tussen de functies gespecialiseerde spoedgevallenzorg en de lokale politie Antwerpen Samenwerkingsprotocol politiezones-huisartsen tussen de lokale huisartsenkring en artsenkring Zennevallei Protocolakkoord-organisatie en afspraken wachtdienstregeling artsen gedwongen opnames voor meerderjarigen-Parket van de procureur des Konings Oost-Vlaanderen-afdeling Dendermonde - Avis du Conseil national de l’Ordre des médecins : Caméra de vidéo-surveillance dans un cabinet médical, avis CN du 21 septembre 2019, a166010 La présence de drogue et d'armes dans les hôpitaux psychiatriques, avis CN du 19 mars 2005, a108007 Admission dans un hôpital psychiatrique - Communication à la police ou au procureur du Roi, avis CN 24 avril 1999, a085004 Délivrance d’une attestation pour un placement en cellule par la police, avis CN du 20 avril 2013, a141014-R ‘Notion d’incapacité de travail personnel’ dans le chef de la victime de coups et blessures volontaires – article 399 du Code pénal, avis CN du 6 mai 2017, a157009 Le secret médical et la justice, avis CN du 30 septembre 2013, a144011 |
[1] Par exemple à Anvers et au Limbourg
[2] Voir aussi l’avis du Conseil national de l’Ordre des médecins, La présence de drogue et d'armes dans les hôpitaux psychiatriques, 19 mars 2005, a108007
[3] Ceci vaut tant pour les situations dans lesquelles le patient est l’auteur que pour les situations dans lesquelles le patient est victime.
[4] Art. 458bis, Code pénal
[5] Ibidem
[6] Par exemple : un patient veut mourir et confie au médecin qu’il va d’abord tuer son épouse quand il rentre. D’une part, le médecin est tenu au secret professionnel ; d’autre part, il est obligé d’aide une personne en grand péril (c’est-à-dire le patient et son épouse). Le médecin peut estimer que l’obligation légale d’assistance prime sur le secret professionnel et peut en informer des tiers (par exemple les services de police).
[7] C’est par exemple le cas lorsque le patient confie au médecin qui a l’intention de tuer quelqu’un.
[8] En cas de conflit, il revient finalement au juge d’apprécier s’il est question d’un état de nécessité.
[9] Art. 30, Code d’Instruction criminelle
[10] Cependant, il n’est pas exclu que la divulgation des faits soit justifiée en invoquant l’état de nécessité, p. ex. lorsque le patient menace sérieusement le médecin, d’autres collaborateurs de l’hôpital ou d’autres patients ou détruit l’hôpital (cf. 2.1.). Le médecin du patient-auteur qui sera parfois le seul témoin de l’infraction peut appeler les services de police pour garantir la sécurité des confrères et des autres patients. Cependant, dans une telle situation, le médecin ne peut pas transmettre à la police des informations médicales relatives au patient.
[11] Par exemple l’identification du type de lésions.
[12] Les informations suivantes figurent dans cette attestation : nom et prénom du patient, date de naissance, adresse, date de soins, nom de l’hôpital, description générale des lésions, estimation de la gravité, estimation de la durée prévue d’incapacité de travail.
[13] Le conjoint, le partenaire cohabitant légal, le partenaire cohabitant de fait, les enfants, les parents, les sœurs ou les frères.
[14] Avis du Conseil national de l’Ordre des médecins, Admission dans un hôpital psychiatrique - Communication à la police ou au procureur du Roi, 24 avril 1999, a085004
[15] Interpol standing committee on DVI – Resolution AGN/65/res/13 ; Arrêté royal du 10 juin 2014 déterminant les missions et les tâches de sécurité civile exécutées par les zones de secours et par les unités opérationnelles de la protection civile et modifiant l'arrêté royal du 16 février 2006 relatif aux plans d'urgence et d'intervention ; Arrêté royal du 14 novembre 2006 relatif à l'organisation et aux compétences de la police fédérale
[16] Voir aussi avis du Conseil national de l’Ordre des médecins, Délivrance d’une attestation pour un placement en cellule par la police, 20 avril 2013, a141014-R
[17] Art. 458, Code pénal
[18] Art. 28, Code de déontologie médicale
[19] Art. 458ter, Code pénal
[20] Art. 43, 44 et 56, Code d’Instruction criminelle
[21] Art. 43, Code de déontologie médicale
[22] Arrêté royal du 10 juin 1959 relatif au prélèvement sanguin en vue du dosage de l’alcool et fixant la date de l’entrée en vigueur de la loi du 15 avril 1958 modifiant le Code d’instruction criminelle, la loi du 1er août 1899 portant révision de la législation et des règlements sur la police du roulage et l’arrêté-loi du 14 novembre 1939 relatif à la répression de l’ivresse.
[23]Arrêté royal du 17 mai 2018 déterminant les maladies contagieuses pour lesquelles la procédure visée par le `Chapitre IX. De l'analyse de la possibilité de transmission d'une maladie contagieuse grave lors de la commission d'une infraction', du livre II, titre IV, du Code d'Instruction criminelle, peut être appliquée et déterminant les laboratoires auxquels ces examens peuvent être confiés
[24] Art. 44ter et suivants, Code d’Instruction criminelle
[25] Avis du Conseil national de l’Ordre des médecins, Caméra de vidéo-surveillance dans un cabinet médical, 21 septembre 2019, a166010
Médecins se soignant eux-mêmes – recommandations déontologiques
Le Conseil national est régulièrement interrogé sur le fait de savoir s’il est déontologiquement accepté qu’un médecin effectue une prestation de soins sur lui-même.
La nature des questions reçues par l’Ordre est assez variée : elles concernent l’autodiagnostic, l’auto-certification (d’un certificat de maladie, d’incapacité de travail, ou de divers documents visant à obtenir des avantages sociaux), l’auto-prescription, etc.
En sa séance du 20 janvier 2024, le Conseil national a examiné les limites déontologiques des prestations médicales d’un médecin effectuées sur lui-même.
Les avis antérieurs du Conseil national concernant les prestations de soins effectuées sur soi-même (a130018[1], a135007[2], a137014[3], a145011[4], et a147002[5]) sont remplacés.
1. Généralités
L’article 10 du nouveau Code de déontologie médicale (2018) met en évidence un sujet jusqu’alors plutôt délaissé par la communauté médicale. L’article énonce que les médecins doivent être attentifs à leurs besoins et prendre soin d’eux-mêmes.
Prendre soin de soi, c’est être attentif à son bien-être et préserver sa propre santé, y compris par un style de vie sain. Cela évoque une dimension positive, qui n’a rien à voir avec le fait d’effectuer une prestation de soins sur soi-même ou de pratiquer l’auto-traitement, bien au contraire. Un médecin qui prend soin de lui accepte de se laisser soigner par un confrère quand c’est nécessaire.
S’il n’est pas légalement interdit aux médecins d’effectuer une prestation de soins sur eux-mêmes, la déontologie déconseille cette pratique, en raison du manque d’objectivité et de professionnalisme qui lui sont indissociables. C’est pourquoi le Conseil national recommande à chaque médecin de ne pas y recourir et d’avoir son propre médecin traitant.
2. L’auto-prescription
Dans le monde entier, les médecins considèrent normal de se prescrire des médicaments. Notre pays ne fait pas figure d’exception [6].
Selon des études internationales [7] et l’analyse des demandes d’aides dans le cadre du parcours de « Médecins en Difficulté », la prévalence de l’abus de médicaments sur prescription chez les médecins est plus élevée que dans le reste de la population.
Plusieurs facteurs sont à l'origine de ce phénomène, notamment la facilité de l’accès aux ressources, un environnement professionnel stressant et de longues heures de travail. En raison de la pudeur, de la stigmatisation et de la tendance à minimiser les symptômes qui y sont liés, l'identification de la problématique est particulièrement difficile [8].
Les organismes de réglementation de plusieurs pays ont introduit des lignes directrices allant de l'interdiction totale de l'auto-prescription au rappel de la nécessité de consulter un confrère [9].
Le Conseil national considère qu'il est déontologiquement inadmissible que des médecins s’auto-prescrivent, pour un usage chronique, des substances pouvant créer une dépendance, tels que des somnifères et anxiolytiques, des produits psychopharmaceutiques (antidépresseurs, antipsychotiques, ...), des sédatifs, des antalgiques (opiacés) et des stimulants. Compte tenu du risque important de dépendance, il est essentiel que la prescription de ces médicaments soit contrôlée par un confrère qui possède l'objectivité et le professionnalisme nécessaires pour apprécier en connaissance de cause la prescription du médicament.
Le médecin souffrant d’une dépendance peut représenter un grave problème pour la santé publique, la qualité des soins et la sécurité des patients.
La prévention, le dépistage précoce, le traitement adéquat et le suivi par une équipe de soins spécialisée sont essentiels pour garantir à la fois la santé du médecin lui-même et la sécurité des patients.
Lorsqu'un problème de dépendance est suspecté ou constaté chez un confrère, la première étape doit être d'entamer une discussion avec lui dans le but de le persuader de suivre un traitement, avec une surveillance et un suivi appropriés. Le confrère doit être guidé de manière à le convaincre de se retirer spontanément de ses fonctions si sa compétence est altérée par son état de santé.
Les médecins ont la possibilité, en concertation et en confiance, d’être mis en contact avec des conseillers spécialisés par l'intermédiaire de Médecins en Difficulté, afin d’établir et suivre une cure de désintoxication (www.médecinsendifficulté.be).
En cas de manque de compréhension de la maladie ou de risque pour la sécurité des patients, la Commission fédérale de contrôle de la pratique des soins de santé peut être avertie.
3. L’auto-certification
En raison de l’éventualité d’un conflit d'intérêts, il est extrêmement difficile, et même généralement impossible, qu’un médecin se délivre à lui-même un certificat d’incapacité de travail. En effet, le contrôle médical prévu par la loi, pour lequel le médecin contrôleur est susceptible de prendre contact avec le médecin traitant du patient [10], est inopérant si le médecin traitant et le patient sont une même personne.
Pour ces raisons, le Conseil national est d’avis qu’un employeur peut demander à un médecin de faire attester son incapacité de travail par un autre médecin.
En outre, le Conseil national estime également qu’un médecin qui ne peut pas participer à la permanence pour des raisons médicales doit le cas échéant obtenir une attestation rédigée par un confrère.
En tout état de cause, le médecin doit prendre sa décision en âme et conscience. Un certain nombre de points d’attention doivent être pris en compte, tels que la nature de l’affection et la compétence spécifique du médecin à l’égard de cette affection.
4. Facturation d’un avis ou d’une consultation (ou une autre prestation) pour soi-même à l’assurance soins de santé et indemnités
Il est déontologiquement inacceptable qu’un médecin obtienne une indemnité de l’assurance soins de santé et indemnités pour un avis ou une consultation prodigué(e) à lui-même.
5. Missions non curatives pour soi-même
De nombreux médecins sont chargés, dans une plus ou moins large mesure, de missions non curatives. Leur tâche consiste souvent à examiner une personne (victime, employé, assuré social, etc.) sans mettre en place une thérapie particulière. Sur la base de cet examen, un avis ou une décision sera ensuite communiqué(e) à une personne ou à une instance autre que la personne examinée.
La médecine de contrôle, la médecine du travail, la médecine légale et la médecine d'assurance sont des exemples typiques de missions non curatives.
Les médecins traitants sont par ailleurs régulièrement sollicités pour des missions non curatives, par exemple pour remplir des documents médicaux pour une institution d'assurance, délivrer une attestation concernant la capacité de volonté d’un patient, délivrer un certificat attestant que le demandeur est capable de manipuler une arme sans danger pour lui-même ou pour autrui, établir un certificat médical complet dans le cadre d'une mesure de protection judiciaire, etc.
Ces missions sont des missions d'expertise pour lesquelles le médecin qui les effectue doit respecter les principes déontologiques d’indépendance, d'impartialité et d’objectivité [11]. Par conséquent, ces missions ne peuvent pas être réalisées par le médecin pour lui-même
6. Conclusion
Le Conseil national déconseille au médecin d’effectuer une prestation de soins sur lui-même, tant dans l’intérêt de sa propre santé que dans celui de la sécurité des patients.
L’auto-prescription pour un usage chronique de médicaments créant une dépendance, l’auto-délivrance d’attestations et certificats médicaux, la facturation à l’assurance soins de santé et indemnités d’une prestation pour soi-même et la réalisation de missions d’expertises sur soi-même sont déontologiquement inacceptables.
Les médecins qui effectuent des prestations médicales sur eux-mêmes dans certaines circonstances et pour certaines affections mineures doivent disposer de la compétence nécessaire tenant compte de la nature de l’affection.
Un médecin se rendra coupable d’une violation de la déontologie médicale s’il outrepasse ses compétences, transgresse une disposition de la loi, se livre à des abus ou commet un faux.
[1] Avis du Conseil national du 8 mai 2010, Délivrance à soi-même d’un certificat d’incapacité de travail.
[2] Avis du Conseil national du 8 octobre 2011, Délivrance à soi-même d’un certificat d’incapacité de travail.
[3] Avis du Conseil national du 18 février 2012, Délivrance pour soi-même d’un certificat d’incapacité de travail.
[4] Avis du Conseil national du 22 mars 2014, Délivrance pour soi-même d’un certificat de maladie.
[5] Avis du Conseil national du 20 septembre 2014, Prestation médicale d’un médecin prodiguée à lui-même.
[6] Debeuckelaere R. (Ugent), Zelfmedicatie bij artsen (ongepubliceerde masterthesis, 2019), onder begeleiding van Bastiaens H. en Van den Broeck, K. (UAntwerpen); zie onder meer in https://www.lespecialiste.be/f... en https://www.medi-sfeer.be/nl/nieuws/beroepsnieuws/ldquo-zelfzorg-moet-aandacht-krijgen-tijdens-opleiding-rdquo.html (ressource en néerlandais)
[7] Lisa J Merlo, Mark S Gold, Prescription opioid abuse and dependence among physicians : hypotheses and treatment, Harvard Review of Psychiatry. 2008;16(3):181-94.doi: 10.1080/10673220802160316.
[8]https://www.knmg.nl/.../presentatie-ambassadeurs-abs-artsen (ressource en néerlandais).
[9] Physician treatment of self, family members, or others close to them, CPOS, november 2001, https://www.cpso.on.ca/Physicians/Policies-Guidance/Policies/Physician-Treatment-of-Self-Family-Members-or; Ethical responsibilities in treating doctors who are patients, Guidance from the BMA Medical Ethics Department, januari 2010, https://www.bradfordvts.co.uk/wp-content/onlineresources/looking-after-ourselves/doctors-as-patients/doctors%20who%20are%20patients%20-%20bma%20guidance.pdf, Good medical practice: a code of conduct for doctors in Australia, Ahpra and the National Boards, oktober 2020, https://www.medicalboard.gov.au/codes-guidelines-policies/code-of-conduct.aspx.
[10] Art. 31, §4, loi du 31 juillet 1978 relative aux contrats de travail.
[11] Art. 44, Code de déontologie médicale.
Nouveau statut de "l’aidant qualifié"
Un directeur d'école primaire demande aux parents un certificat médical du médecin traitant pour l’administration à l’école d’un médicament par un enseignant à un élève.
En sa séance du 20 janvier 2024, le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné la question de savoir si la délivrance d’une attestation médicale pour permettre à un enseignant d’administrer à l’école un médicament à un élève est justifiée et utile sur le plan déontologique.
À plusieurs reprises dans le passé, le Conseil national a donné une réponse positive à des questions liées à l’exercice de simples missions de soins effectuées par le personnel d’accueil d’une structure de garde d’enfants ou dans l’enseignement [1]. Malgré l’absence de cadre légal, le Conseil national estime que dans certaines situations, les surveillants ou les enseignants peuvent être amenés à effectuer certains actes infirmiers sur les enfants, à la demande des parents et en concertation avec le médecin traitant et le service médical qui supervise la structure de garde ou l’école.
Entre-temps, une nouvelle loi [2] a été promulguée qui introduit le statut d’ « aidant qualifié ».
L’aidant qualifié est une personne qui, dans le cadre d’une profession (p. ex. instituteur) ou d’une activité bénévole, exercée en dehors d’une structure de soins, est tenue de s’occuper d’un patient et qui, selon une procédure ou un plan de soins établi par un médecin ou un infirmier [3], est autorisée par ces derniers à effectuer [4], dans le cadre de l’aide à la vie quotidienne, une ou plusieurs prestations techniques infirmières [5] pour ce patient en particulier.
Un arrêté royal doit énumérer les prestations techniques en question, les conditions de leur exercice et les conditions d'instruction ou de formation requises pour cette autorisation [6].
La loi précitée entrera en vigueur à une date qui sera fixée ultérieurement par arrêté royal [7].
Toutefois, la réglementation relative aux aidants qualifiés risque de créer des difficultés administratives pour les médecins et les infirmiers. En effet, des actes relativement simples nécessitent à chaque fois l'autorisation écrite d'un médecin ou d'un infirmier. Le ministre de la Santé publique a donc proposé un projet d'arrêté royal couvrant les « activités de la vie quotidienne » qui ne nécessitent pas d'instruction préalable, moyennant le respect des conditions énoncées dans le projet d'arrêté [8].
Dans l’attente, le Conseil national maintient sa position antérieure. Un certificat médical destiné à l’enseignant de l’école primaire avec les instructions nécessaires concernant l'utilisation des médicaments, délivré par le médecin traitant de l'enfant, est utile et nécessaire et constitue la meilleure garantie d'une action appropriée.
En ce qui concerne la garde d'enfants, l'Agence pour le développement de l'enfant du gouvernement flamand, en concertation avec les pédiatres et les médecins généralistes, a formulé une recommandation pour l'administration de médicaments spécifiques. Une attestation avec les instructions d'un médecin n'est pas nécessaire si des accords clairs ont été conclus avec les parents et si une étiquette du pharmacien indiquant le nom de l'enfant, le nom du médecin traitant et les instructions nécessaires à son administration est collée sur l'emballage du médicament [9].
[1] Avis du Conseil national de l’Ordre des médecins du 9 février 2013, « Responsabilité du personnel d’une garderie lors d’un choc anaphylactique chez un enfant » ; Avis du Conseil national de l’Ordre des médecins du 19 novembre 2016, « Réglage des pompes à insuline par les enseignants ».
[2] Loi du 11 juin 2023 modifiant l’article 124, 1°, de la loi relative à l’exercice des professions des soins de santé, coordonnée le 10 mai 2015, en vue d’y adapter la législation relative à l’exercice de prestations techniques infirmières par un aidant proche ou par un aidant qualifié.
[3] Un infirmier responsable de soins généraux ou un assistant en soins infirmiers.
[4] Art. 3, alinéa 2, loi du 11 juin 2023 modifiant l’article 124, 1°, de la loi relative à l’exercice des professions des soins de santé, coordonnée le 10 mai 2015, en vue d’y adapter la législation relative à l’exercice de prestations techniques infirmières par un aidant proche ou un aidant qualifié.
[5] Tel que déterminé par l’article 46, §1, 2°, de la loi coordonnée du 10 mai 2015 relative à l’exercice des professions des soins de santé : cela concerne les prestations techniques de l’art infirmier qui ne requièrent pas de prescription médicale ainsi que celles pour lesquelles elle est nécessaire. Ces prestations peuvent être liées à l’établissement du diagnostic par le médecin, à l’exécution d’un traitement prescrit par le médecin ou à des mesures relevant de la médecine préventive.
[6] Art. 3, alinéa 3 et s., loi du 11 juin 2023 modifiant l’article 124, 1°, de la loi relative à l’exercice des professions des soins de santé, coordonnée le 10 mai 2015, en vue d’y adapter la législation relative à l’exercice de prestations techniques infirmières par un aidant proche ou un aidant qualifié.
[7] Art. 4, loi du 11 juin 2023 modifiant l’article 124, 1°, de la loi relative à l’exercice des professions des soins de santé, coordonnée le 10 mai 2015, en vue d’y adapter la législation relative à l’exercice de prestations techniques infirmières par un aidant proche ou un aidant qualifié.
[8]https://overlegorganen.gezondheid.belgie.be/sites/default/files/documents/duiding_bij_kb_bekwame_helper_kb1990_en_kb_adl_evenredigheidsbeoordeling_f_signed.pdf
[9]https://www.kindengezin.be/sites/default/files/2022-12/website_Flowchart-geneesmiddelen-in-opvang.pdf
Intervention du médecin coordinateur et conseiller d’une maison de repos et de soins dans le cadre de la procédure d'euthanasie d'un résident.
Le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné, en sa séance du 9 décembre 2023, la question de savoir si un médecin coordinateur et conseiller (MCC) d’une maison de repos et de soins peut intervenir en tant que premier ou deuxième médecin consulté dans le cadre de la procédure d’euthanasie de l’un des résidents de cette maison de repos et de soins.
Conformément à la loi relative à l’euthanasie[1], le(s) médecin(s) consulté(s) doi(ven)t être indépendant(s) à l’égard d’un (des) autre(s) médecin(s) consulté(s), du patient et du médecin traitant. L’absence de tout lien entre les personnes concernées est la meilleure garantie d’obtenir un avis indépendant. Compte tenu de ses obligations légales, le MCC ne peut pas satisfaire pleinement à l’exigence d’indépendance.
Avis du Conseil national :
1/ Introduction
La loi relative à l’euthanasie[2] détermine certaines conditions quant à la qualité des médecins consultants dans le cadre d’une procédure d’euthanasie.
Le premier (ou autre) médecin consulté doit être indépendant, tant à l’égard du patient qu’à l’égard du médecin traitant, et être compétent quant à la pathologie concernée.[3]
Le deuxième médecin consulté (qui n’est consulté que si le patient ne décèdera manifestement pas à brève échéance) doit être psychiatre ou spécialiste de la pathologie concernée. Il doit lui aussi être indépendant, tant à l’égard du patient qu’à l’égard du médecin traitant et du premier médecin consulté.[4]
Tant la condition de « compétence » que la condition d’« indépendance » doivent être remplies pour intervenir en tant que médecin consultant dans le cadre d’une procédure d’euthanasie.
2/ Les exigences en matière de compétence
La loi relative à l’euthanasie énonce que le premier médecin consulté doit être compétent quant à la pathologie concernée.[5] Cela signifie que le MCC, qui est un médecin généraliste agréé[6], peut agir en tant que premier médecin consulté pour autant qu’il ait une connaissance suffisante de la pathologie et pour autant qu’il dispose de la compétence et de l’expérience nécessaires et démontrables, tel que doit en témoigner son portfolio.[7]
En ce qui concerne le deuxième médecin consulté, la loi relative à l’euthanasie énonce des exigences différentes en matière de compétence. Le deuxième médecin consulté doit être un psychiatre ou un spécialiste de la pathologie en question.[8] Un médecin généraliste ne peut être le deuxième médecin consulté que s’il est suffisamment familier avec la pathologie en question, ce qui peut survenir en cas de polypathologie.[9] Il devra lui aussi disposer de la compétence et de l’expérience nécessaires et démontrables, tel que doit en témoigner son portfolio.[10]
3/ Les exigences en matière d’indépendance
En ce qui concerne l’ « indépendance », le médecin consulté doit pouvoir se prononcer en toute indépendance et objectivité à l’égard du patient et à l’égard des autres médecins (le médecin traitant et le premier médecin éventuellement consulté).
La Commission fédérale de Contrôle et d’Évaluation de l’Euthanasie (CFCEE) considère que l’indépendance implique que le(s) médecin(s) consulté(s) ne doi(ven)t avoir aucun lien hiérarchique et que le patient ne doit pas être régulièrement suivi par le médecin consulté. En ce qui concerne la relation hiérarchique, tout risque de pression ou de « conflit de loyautés » doit être évité. Le médecin consulté ne peut pas non plus avoir une relation thérapeutique régulière avec le patient. Toutefois, la notion d’indépendance ne signifie pas que le médecin consulté ne doit jamais avoir rencontré le patient ni connaître ses antécédents médicaux, précise la Commission.[11]
Outre la CFCEE, le Conseil national s’est déjà prononcé sur la notion d’indépendance dans le cadre d’une procédure d’euthanasie. Un avis antérieur indique que l’absence de tout lien entre les parties impliquées est la meilleure garantie d’obtenir un avis indépendant de la part des médecins consultés. Ainsi, il convient que le patient et les médecins consultés n’aient pas eu de contacts antérieurs, tandis que l’absence de liens contractuels, matériels et moraux entre les médecins impliqués est la meilleure garantie de l’indépendance recherchée.[12]
La question se pose de savoir si les obligations légales du MCC[13] sont compatibles avec l'exigence d'indépendance par rapport au patient et à l'autre (aux autres) médecin(s) prévue par la loi relative à l'euthanasie.
En ce qui concerne sa relation avec le patient, le MCC organise et coordonne la continuité des soins médicaux et tient à jour[14] les dossiers médicaux des résidents.
Par ailleurs, il arrive que le MCC soit le médecin traitant de l’un des résidents.[15]
Le MCC, en ce qui concerne sa relation avec le(s) médecin(s) traitant(s), organise des réunions de concertation à intervalles réguliers, coordonne la politique des soins pharmaceutiques en concertation avec les médecins traitants, coordonne la politique de prévention des infections, informe les médecins généralistes de la maison de repos et de soins de la politique de prescription rationnelle des médicaments, etc.[16]
En raison de ces fonctions légales exercées par le MCC, notamment ses missions de soins, ses fonctions de coordination et de dispense d’avis ainsi que les contacts réguliers qui ont lieu avec le patient et les médecins traitants, l'exigence d'indépendance ne peut pas être suffisamment garantie.
En conséquence, sur le plan déontologique, il est déconseillé que le MCC d’une maison de repos et de soins soit le premier ou le deuxième médecin consulté dans le cadre de la procédure d'euthanasie de l'un des résidents.
[1] Loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie
[2] Ibid.
[3] Art. 3, §2, 3°, loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie
[4] Art. 3, §3, 1°, loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie
[5] Art. 3, §3, loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie
[6] Art. 33/1, §1, alinéa 1, Décret du 28 juin 2019 du Gouvernement flamand relatif à la programmation, aux conditions d’agrément et au régime de subventionnement de structures de soins résidentiels et d’associations d’intervenants de proximité et d’usagers
[7] Cf. art. 8, loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé
[8] Art. 3, §3, 1°, alinéa 1, loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie
[9] Commission fédérale de Contrôle et d’Évaluation de l’Euthanasie, Dixième rapport aux Chambres législatives (années 2020-2021, p. 22, https://organesdeconcertation.sante.belgique.be/sites/default/files/documents/10_rapport-euthanasie_2020-2021-fr_1.pdf.
[10] Cf. art. 8, loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé
[11] Commission fédérale de Contrôle et d’Évaluation de l’Euthanasie, Dixième rapport aux Chambres législatives (années 2020-2021), p. 24-25, https://organesdeconcertation.sante.belgique.be/sites/default/files/documents/10_rapport-euthanasie_2020-2021-fr_1.pdf
[12] Cf. avis du Conseil national du 22 mars 2003, « Avis relatif aux soins palliatifs, à l’euthanasie et à d’autres décisions médicales concernant la fin de vie »,
[13] Tel que déterminé par l’arrêté du Gouvernement flamand du 28 juin 2019 relatif à la programmation, aux conditions d’agrément et au régime de subventionnement de structures de soins résidentiels et d’associations d’intervenants de proximité et d’usagers et l’arrêté royal du 21 septembre 2004 fixant les normes pour l’agrément spécial comme les maisons de repos et de soins, comme centre de soins de jour ou comme centre pour lésions cérébrales acquises
[14] Cette obligation légale s'applique à la Région flamande, voir chapitre 7, annexe 11, chapitre 3, section 3, sous-section 1, article 33/1, §4, décret du 28 juin 2019 du Gouvernement flamand relatif à la programmation, aux conditions d’agrément et au régime de subventionnement de structures de soins résidentiels et d’associations d’intervenants de proximité et d’usagers
[15] Il s’agit d’une situation exceptionnelle mais non interdite en raison du droit au libre choix du médecin, voir l’avis du Conseil national du 8 décembre 2012 « Le médecin coordinateur et conseiller (MCC) d’une maison de repos et de soins peut-il être le médecin traitant des résidents », https://ordomedic.be/fr/avis/deontologie/libre-choix-du-medecin/le-medecin-coordinateur-et-conseiller-mcc-d-une-maison-de-repos-et-de-soins-peut-il-etre-le-medecin-traitant-des-residants.
[16] Chapitre 7, annexe 11, chapitre 3, section 3, sous-section 1, article 33/1, §4, arrêté du Gouvernement flamand relatif à la programmation, aux conditions d’agrément et au régime de subventionnement de structures de soins résidentiels et d’associations d’intervenants de proximité et d’usagers et l’arrêté royal du 21 septembre 2004 fixant les normes pour l’agrément spécial comme les maisons de repos et de soins, comme centre de soins de jour ou comme centre pour lésions cérébrales acquises.
L’accompagnement médical du patient mineur qui présente une dysphorie de genre.
Le Conseil national de l’Ordre des médecins est interrogé concernant l’accompagnement médical du patient mineur qui présente une dysphorie de genre.
Les recommandations qui suivent ont pour objet d’attirer l’attention des confrères sur des aspects déontologiques à prendre en considération.
1. La prise en charge de la dysphorie de genre chez un patient mineur est un défi, notamment du fait de l’incertitude quant aux effets à long terme des choix thérapeutiques posés. Aussi bien un traitement inadéquat que l’absence d’un traitement opportun sont de nature à porter préjudice à sa santé physique et psychique.
L’évolution du profil des patients et l’augmentation des demandes font qu’il y a consensus au sein de la communauté médicale sur la nécessité que davantage de recherches scientifiques soient menées sur les soins psycho-sociaux et médicaux aux jeunes transgenres, afin de déterminer les meilleurs standards de soins.
Cette recherche scientifique devrait clarifier les opinions actuellement très divergentes sur les causes et le traitement de la dysphorie de genre[1]. L’expérience des patients doit être prise en considération.
2. Entretemps, il est de la responsabilité des équipes de soins de répondre au mieux et avec professionnalisme aux demandes d’aide des patients et de leur famille, dans le respect de l’éthique et de la déontologie médicale.
Cela ne peut être le fait que d’une équipe multidisciplinaire expérimentée qui agit de manière concertée. La prise en charge globale et dans la durée du patient mineur, sur le plan psychique et physique, requiert en effet des compétences diverses et spécifiques notamment dans le champ de la pédiatrie, la psychologie, l’endocrinologie, la pédopsychiatre, etc. La concertation favorise une démarche clinique nuancée et minutieuse, qu’impose la complexité de la dysphorie de genre chez le mineur. La remise en question est à encourager, tenant compte notamment du caractère évolutif des recommandations de bonnes pratiques émises par les sociétés scientifiques.
3. Le contexte social et son influence sur le bien-être du jeune et l’expression de sa dysphorie sont à appréhender à leur juste mesure.
L’environnement familial du jeune patient agit fortement sur son développement et son bien-être. Les besoins propres des parents ou des proches, confrontés à une situation émotionnellement difficile et angoissante, ne peuvent pas être négligés. Leur bien-être contribue directement à celui du mineur.
4. L’information du patient et de ses parents est progressive, répétée, complète et transparente. Elle ne peut faire l’économie des effets secondaires et des risques que les traitements médicamenteux font peser sur sa santé (future) et leurs effets irréversibles. Une information écrite qui complète l’information orale est opportune.
Le Conseil national estime que l’obtention du consentement libre et éclairé du patient mineur est une étape cruciale, indispensable à tout traitement médical motivé par une discordance entre le corps et l’identité de genre.
L’évaluation de la capacité de discernement du patient mineur à apprécier raisonnablement ses intérêts face à ce type de traitement, ce qui implique notamment d’être capable de faire la balance entre les bénéfices espérés et les risques encourus mais aussi d’être capable de distinguer le genre de l’orientation sexuelle, nécessite une démarche scrupuleuse. Il s’impose de tenir compte du processus de développement physique, psychologique et cognitif (capacité de compréhension) du jeune en pleine croissance, en ce compris les bouleversements que cela peut induire sur son psychisme.
5. La prise en charge doit être menée par étapes progressives et suffisamment espacées dans le temps de façon notamment à apprécier la persistance de la demande de soins par le mineur. Cela nécessite de l’écoute et du temps, tant pour la réflexion du patient et de ses parents que pour celle de l’équipe de soins, afin de poser le meilleur choix.
L’accompagnement psychologique est continu et se poursuit après une intervention.
Si le jeune présente d’autres problèmes de santé, l’impact de ceux-ci sur la dysphorie de genre exprimée par le patient est évaluée. Le cas échéant, ils sont traités ou stabilisés avant toute intervention physique visant une transition.
Chaque étape des soins est discutée avec le patient, ses deux parents s’ils exercent conjointement l’autorité parentale ou ses représentants légaux et l’ensemble de l’équipe de soins.
Si le patient mineur capable de discernement exprime des appréhensions quant à la réaction de ses parents, l’équipe de soins doit lui apporter son expertise, son aide au dialogue et un encadrement propice pour surmonter ses craintes ou préjugés à leur égard.
S’agissant de soins non urgents aux effets irréversibles, le Conseil national recommande que le consentement exprès des deux parents du mineur soit systématiquement recueilli. Si cela s’avère impossible et que la demande de soins persiste, il est opportun que l’équipe de soins sollicite l’avis d’experts extérieurs, rendu après un contact direct avec le patient et non sur dossier, quant à l’adéquation de la proposition thérapeutique à la situation personnelle du patient tenant compte notamment de l’absence de soutien parental.
6. Le recours aux inhibiteurs de puberté et aux hormones d'affirmation du genre impose d’avoir correctement évalué la perception qu’a le patient de son identité, ses besoins spécifiques et considéré leur possible évolutivité. Le stade du développement pubertaire détermine quand un tel traitement peut être envisagé.
7. Tous les éléments relatifs à la décision doivent figurer dans le dossier médical.
[1] Gender dysphoria describes a state of distress or discomfort that may be experienced because a person’s gender identity differs from that which is physically and/or socially attributed to their sex assigned at birth, Standards of Care for the Health of Transgender and Gender Diverse People, version 8, World Professional Association for Transgender Health (WPATH) (https://www.wpath.org/ - consulté le 17 octobre 2023).
Infections sexuellement transmissibles et le traitement du partenaire.
En sa séance du 9 décembre 2023, le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné la question relative à la remise au patient porteur d'une infection sexuellement transmissible (IST) d’une prescription médicamenteuse destinée au partenaire, sans que le médecin prescripteur ait eu un contact direct avec ce dernier.
Les infections sexuellement transmissibles (IST) sont causées par des bactéries, des virus et des parasites qui se transmettent principalement lors des rapports sexuels sans préservatif (vaginal, anal et oral).
Certaines IST peuvent aussi se transmettre par contact cutané lors de caresses sexuelles, par le sang (consommation de drogues injectables, greffe et transplantations) et de la mère à l’enfant pendant la grossesse et l’accouchement.
Les IST peuvent avoir des conséquences importantes sur la santé (stérilité, cancer du col de l’utérus etc.)[1]
Parmi les IST fréquemment diagnostiquées, figurent notamment la gonorrhée, la chlamydia, la syphilis, le VIH, les hépatites B et C, etc.[2]
Il ne ressort pas des compétences du Conseil national d’émettre des recommandations de bonnes pratiques scientifiques pour la prise en charge d’une IST.
Par contre, le Conseil national est d’avis que le traitement du ou des partenaires du (de la) patient(e) examiné(e) en consultation pour une IST est une question déontologique pertinente.
Les recommandations nationales et internationales préconisent un traitement accéléré du partenaire (TAP) [3].
La prescription anonyme pour le(s) partenaire(s) n’est pas autorisée en Belgique [4] et n’est pas possible sans le numéro national dans le cadre d’une prescription électronique.
De plus, en prescrivant à l’aveugle un traitement à un partenaire qui n’est pas son patient, le médecin ne peut pas apprécier les effets secondaires qui pourraient survenir.
Le Conseil national recommande que le médecin sensibilise le (la) patient(e) qui consulte pour une IST à l’importance de traiter son (sa) (ses) partenaire(s) en insistant pour que ce(s) dernier(s) consulte(nt) rapidement un médecin de son (leur) choix (médecin traitant, centre IST dans un hôpital, etc.).
Si le (la) patient(e) exprime des difficultés à procéder lui (elle)-même à cette information, le médecin le (la) renseigne sur la possibilité de les alerter anonymement, par sms ou e-mail, via les sites de référence tels que https://depistage.be/sms/ ou https://www.partneralert.be.
[1]https://www.sciensano.be/fr/su...
[2] Rapport 321BS du KCE, 2019, Prise en charge en 1ère ligne des infections sexuellement transmissibles: développement d’un outil interactif d’aide à la consultation (https://www.ist.kce.be/), et rapport 371 BS du KCE, 2023, Diagnostic et prise en charge de la gonorrhée et de la syphilis.
[3] Recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) – France, La notification au(x) partenaire(s), 2 février 2023.
Rapport 310Bs du KCE, 28 mars 2019, Diagnostic et prise en charge de la gonorrhée et de la syphilis.
[4] Art. 2 de l’arrêté royal du 10 août 2005 fixant les modalités de la prescription à usage humain.
L'utilisation off-label des dispositifs médicaux
Le Conseil national de l’Ordre des médecins est interrogé parl’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMPS) concernant les limites de la liberté thérapeutique du médecin s’agissant d’utiliser un dispositif médical à d’autres fins que celles pour lesquelles ce dispositif a obtenu une autorisation de mise sur le marché, voire d’utiliser un matériel qui n’a reçu aucune autorisation de mise sur le marché au titre de dispositif médical.
1. La liberté thérapeutique du médecin trouve son fondement dans la loi[1] et dans la déontologie médicale[2] : le médecin prescrit le traitement qu'il juge le plus adéquat pour le patient et choisit les moyens qu'il met en œuvre dans le cadre de la prestation de soins de santé[3].
La liberté thérapeutique du médecin n’est pas absolue. Le médecin tient compte des limites de ses propres compétences[4], respecte les compétences des autres professionnels des soins de santé ainsi que celles des différents organes au sein de l’hôpital. Dans le contexte hospitalier, s’agissant de l’utilisation des dispositifs médicaux, elle s’exerce notamment dans le respect des compétences du Comité du matériel médical.
La liberté thérapeutique ne peut pas être dissociée de la question de la responsabilité. Il appartient au médecin de prendre ses décisions de façon responsable, avec pour référence le médecin normalement prudent, compétent et diligent placé dans les mêmes circonstances.
Ses choix sont guidés par les données scientifiques pertinentes et son expertise, tout en tenant compte de la situation particulière du patient. S’il s'écarte des directives de soins, il doit pouvoir s'en justifier.
Davantage qu’un droit, la liberté thérapeutique est une responsabilité. La sécurité, l'intérêt du patient et le respect du principe éthique de non-malfaisance[5] doivent impérativement guider le médecin dans sa prise en charge médicale et ses choix thérapeutiques, sous peine de constituer un abus de sa liberté thérapeutique.
Enfin, le médecin exerce celle-ci en respectant les droits du patient[6].
2. L'utilisation uniforme de marques et de modèles de dispositifs médicaux au sein de l'hôpital présente des avantages en termes de qualité et de sécurité.
Cela permet au pharmacien hospitalier, responsable de la disponibilité et de la qualité des dispositifs médicaux, de constituer de plus larges stocks du matériel sélectionné. De ce fait, il est moins nécessaire de recourir à du matériel prêté par les firmes qui les commercialisent, stérilisé en dehors des procédures habituelles, parce que les délais de livraison posent problème.
Sur le plan technique, une telle démarche de rationalisation présente l’avantage de l’entraînement des médecins et des autres professionnels attachés à l’institution à utiliser un matériel connu, l’apprentissage ne concernant pas que le médecin mais aussi ses collaborateurs hospitaliers.
Elle offre aussi davantage de transparence quant aux motivations qui guident le choix du matériel.
Il ne peut en résulter un appauvrissement de la qualité, de la disponibilité ou de l’innovation. La rationalisation des choix peut être un facteur de qualité pour autant que les choix soient bien faits. La qualité doit être l’objectif de toute l’équipe de soin, y compris de l’équipe dirigeante et logistique. Le choix des dispositifs médicaux doit prendre en compte l’avis des praticiens concernés, ce qui requiert une représentation suffisante et équilibrée au sein du comité du matériel médical.
Les situations particulières doivent permettre l’accès à du matériel spécifique (par exemple, pour des techniques exceptionnelles ou innovantes).
3. La notion de dispositif médical recouvre une gamme très étendue (tout instrument, appareil, équipement, logiciel, implant, réactif, matière ou autre article, utilisé seul ou en association, destiné à être utilisé chez l’être humain à des fins médicales spécifiques)[7].
La législation relative aux dispositifs médicaux ne régit pas leur utilisation à d’autres fins que celles pour lesquelles le dispositif a obtenu une autorisation de mise sur le marché (off-label)[8].
L'utilisation d'un dispositif en dehors des indications approuvées peut concerner diverses situations, telles que :
- en dehors des pathologies ou groupes spécifiques de patients auxquels il était destiné,
- pour un stade différent de la maladie,
- face à un état clinique similaire mais pas identique,
- pour une introduction dans le corps par d'autres voies[9].
L'utilisation d'un dispositif conformément à sa finalité et aux indications prévues est conforme aux principes de la médecine fondée sur les preuves. Cependant, sur le plan déontologique, l’utilisation en dehors de ces indications d’un dispositif doté d’un marquage CE peut être admise aux conditions suivantes :
- elle est exclusivement justifiée par les besoins et l’intérêt du patient sur le plan de sa santé,
- le bénéfice escompté justifie le risque inhérent à cette utilisation,
- le risque est acceptable sur le plan médical et éthique,
- la plus-value et l’efficacité de cette utilisation repose sur une démarche scientifique étayée (par exemple une documentation scientifique),
- les alternatives ont été envisagées et écartées pour des raisons scientifiques objectives,
- le patient a consenti de manière libre et éclairée à cette utilisation,
- une telle utilisation ne peut être contraire à la loi.
Tenant compte de ces critères, l’utilisation en dehors des indications d’un dispositif médical à haut risque, tels que les implants placés de façon permanente dans le corps ou qui entrent en contact avec le cœur ou le cerveau, est notamment à exclure.
Le fait de ne pas disposer du matériel adapté qui est disponible sur le marché n’est pas une justification suffisante pour une utilisation off-label, particulièrement dans une situation prévisible et non-urgente.
Au sein d’un hôpital, le médecin qui y procède agit avec une grande rigueur et avec transparence envers sa hiérarchie et le comité du matériel médical[10]. Sur le plan de la stérilisation, il respecte les compétences et l’expertise du pharmacien hospitalier[11] et collabore avec lui.
L’usage en dehors des indications est soumis au respect des droits du patient[12], notamment le droit de celui-ci à être informé (spécialement des alternatives aux soins qui lui sont proposés) et à consentir aux soins qui lui sont proposés[13]. Cette utilisation sera motivée dans son dossier médical.
Le retraitement des dispositifs médicaux à usage unique est réglé par la loi[14][15].
Enfin, les effets indésirables qui surviendraient lors d’un usage off-label doivent être signalés à l’AFMPS.
4. L’ AFMPS évoque la problématique particulière de certains instruments chirurgicaux dérivés d’outils de bricolage.
Les instruments chirurgicaux marqués CE distribués par des firmes spécialisées offrent des garanties de qualité en matière de corrosion et de stérilisation.
Cela s’accompagne d’une majoration importante de leur prix d’achat par rapport au prix des outils de bricolage dont ils sont parfois dérivés.
Il n’est pas acceptable que pour faire des économies le patient soit privé d’un matériel nécessaire, labellisé et autorisé, ni que pour de telles raisons du matériel qui n’a pas été conçu pour un usage médical soit utilisé.
Lorsque le prix du matériel fait manifestement obstacle à son acquisition, il revient aux autorités publiques ou hospitalières de sensibiliser les fabricants à ce problème et de donner des instructions claires quant à l’utilisation optimale des ressources disponibles afin de garantir que les patients auront accès aux meilleurs soins possibles.
Le médecin ne peut contourner l’avis du Comité du matériel médical ni celui du pharmacien hospitalier lorsqu’il s’agit de s’équiper d’instruments spécifiques.
5. Pour conclure, le Conseil national estime qu’il serait opportun d’encadrer l’usage d’un dispositif médical labellisé CE en dehors des indications admises pour sa mise sur le marché de façon à garantir la sécurité juridique des médecins, plutôt que de mener une politique répressive sachant que certaines situations médicales peuvent justifier un tel usage.
[1] Art. 4 de la loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé ; art. 144, § 1er de la loi du 10 juillet 2008 sur les hôpitaux et autres établissements de soins ; art. 73, § 1er , de la loi coordonnée du 14 juillet 1994 relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités.
[2] Art. 7 du Code de déontologie médicale et son commentaire.
[3] Dans la littérature médicale, voy. not. T. Goffin, De professionele autonomie van de arts, Die Keure, 2011, n° 276 et suivants; G. Genicot, Droit médical et biomédical, Larcier, 2010, pp. 380 et suivantes, not. p. 385; H. Nys et T. Goffin, « Recente ontwikkelingen met betrekking tot de autonomie van arts en patiënt », in Medisch recht, H. Nys et S. Callens (éd.), Die Keure, Themis, 2011, vol. 63, pp. 41 et suivantes.
[4] Art. 6 du Code de déontologie médicale et art. 8 de la loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé. La loi peut imposer au médecin de disposer d’une compétence spécifique pour poser certains actes (cf. la loi du 23 mai 2013 réglementant les qualifications requises pour poser des actes de médecine esthétique non chirurgicale et de chirurgie esthétique du esthétique).
[5]cf. Principles of Biomedical Ethics, Tom L. Beauchamp and James F. Childress (réflexion médico-éthique qui propose un cadre d'analyse universel fondé sur la confrontation de quatre principes : l'autonomie, la bienfaisance, la non-malfaisance et la justice).
[6] Loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient.
[7] Art. 2, 1) et 2), du règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux
[8]https://www.afmps.be/fr/humain/produits_de_sante/dispositifs_medicaux/utilisation_exceptionnelle/demande_dutilisation
[9] The European Association of Medical devices Notified Bodies (Team-NB), Position paper, Data generated from ‘Off-Label’ Use of a device under the EU Medical Device Regulation 2017/745, 5 octobre 2022.
[10] Art. 26 à 28 de l’arrêté royal du 4 mars 1991 fixant les normes auxquelles une officine hospitalière doit satisfaire pour être agréée.
[11] Art. 12 de l’arrêté royal du 4 mars 1991 fixant les normes auxquelles une officine hospitalière doit satisfaire pour être agréée.
[12] Loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient.
[13] Avis CN du 06/05/2017, Information du patient concernant son état de santé et les soins qui lui sont proposés, a157006.
[14] Art. 12 de la loi du 22 décembre 2020 relative aux dispositifs médicaux.
Délais de conservation des coupes et des blocs de paraffine
En sa séance du 14 octobre 2023, le Conseil national de l’Ordre des médecins a à nouveau examiné la question des délais de conservation applicables aux coupes et aux blocs de paraffine.
Dans le passé, le Conseil national s’est déjà longuement penché sur la problématique, en témoigne l’élaboration de l’avis du 17 septembre 2016 « Délai de conservation des coupes et des blocs de paraffine en anatomie pathologique » (a154010), qui précise que tant le protocole que les coupes et les blocs de paraffine font partie du dossier patient pour lequel s’applique le délai légal de conservation d’au moins 30 ans à partir du dernier contact avec le patient.
Les nouvelles lignes directrices pour la mise en place d’un système de qualité dans les laboratoires d’anatomie pathologique agréés travaillant dans le cadre du décret d’agrément (en application de l’arrêté royal du 5 décembre 2011 relatif à l’agrément des laboratoires d’anatomie pathologique par le Ministre qui a la Santé publique dans ses attributions), rédigé par la Commission d’anatomie pathologique (publication 12/10/2022)[1], impose un délai de conservation de 10 ans à partir de la date de prélèvement pour les blocs de paraffine et de 20 ans à partir de la date de prélèvement pour les coupes.
La discordance entre l’avis du Conseil national et les lignes directrices soulève à nouveau la question de savoir quel délai de conservation doit être respecté par le médecin.
La question pratique concerne principalement le problème de la capacité à conserver des blocs de paraffine et des coupes qui nécessitent beaucoup d’espace de stockage.
Les éléments suivants peuvent être pris en compte à titre informatif :
1/ Les produits résiduels d’un processus de diagnostic anatomopathologique pertinents pour le présent avis sont les suivants :
- Les blocs de paraffine : morceaux de tissus enfermés dans la paraffine (biopsies)
- Les coupes : coupes de tissu très fines (4µ) montées sur des lames et colorées par histochimie (minimum coloration H.E.) et immunohistochimie pour l’examen microscopique en vue du diagnostic anatomopathologique ; selon le nombre de colorations effectuées pour le diagnostic (minimum 1), il y a un nombre correspondant de coupes pour 1 bloc de paraffine.
Les blocs de paraffine et les coupes concernent donc du matériel humain à des fins de diagnostic.
2/ Les résultats du processus pathologique-diagnostic (effectué sur les coupes) sont consignés par écrit dans un rapport médical qui indique le diagnostic et les éléments morphologiques - ce qui est visible sur la coupe au microscope - sur lesquels le diagnostic est fondé.
3/ La conservation des coupes et des blocs de paraffine repose sur des bases juridiques et médicales (de qualité) selon le principe d'agir en personne prudente et raisonnable.
Dans l'intérêt du patient, il peut être nécessaire, au cours de l'évolution de la maladie ou lors de l'apparition d'un nouveau processus pathologique, de procéder à des examens complémentaires tels que la révision des coupes (par exemple, également pour le second opinion) et de (nouvelles) colorations supplémentaires, dans le cadre d'une bonne prise en charge et de la continuité des soins (pour lesquelles le rapport/le compte rendu écrit sert avant tout) ; à cette fin, une conservation de 10 ans (blocs de paraffine) et de 20 ans (coupes), respectivement, est tout à fait raisonnable.
En cas de responsabilité médicale, lorsque le diagnostic anatomo-pathologique est contesté (par exemple, en raison d'une plainte pour défaut de diagnostic ou diagnostic erroné), la révision des coupes originales (sur lesquelles le diagnostic initial a été posé) par le(s) médecin(s) expert(s) judiciaire(s) peut être appropriée. En ce sens, la période de conservation prévue par la loi est de 20 ans (voir l’article 2262bis du Code civil).
Pour les blocs de paraffine, cela n'est pas nécessaire étant donné que l'évaluation du diagnostic initial, telle qu'elle figure dans le rapport, est basée sur les coupes originales et que celles-ci doivent être réévaluées en tant que telles, par conséquent pas sur de nouvelles coupes des blocs de paraffine[2].
Pour la conservation de coupes et de blocs de paraffine (contenant du matériel corporel humain) en vue d'une (future) recherche scientifique, les conditions telles que formulées par la loi du 19 décembre 2008 relative à l'obtention et à l’utilisation de matériel corporel humain destiné à des applications médicales humaines ou à des fins de recherche scientifique doivent être remplies.
Conformément aux articles 33, 6° et 35 de la loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé, les résultats d’examens tels que des examens cliniques, radiologiques, biologiques, fonctionnels et histopathologiques doivent être conservés pendant minimum 30 ans à compter du dernier contact avec le patient ;
Par résultats, dans le cas des examens histopathologiques, on entend le rapport écrit/rapport/protocole contenant les résultats.
Dans un souci d'exhaustivité, il convient de noter que, pour les diagnostics pathologiques et anatomiques, l'imagerie numérique et l'analyse d'images sont de plus en plus utilisées, avec une utilisation croissante de l'intelligence artificielle.
Une réflexion doit être menée afin de pouvoir à l’avenir numériser de manière fiable le matériel existant.
***
Conclusion :
Sur la base des arguments précités, on peut considérer que seuls les résultats (lire le rapport écrit) doivent légalement faire partie du dossier du patient et sont donc soumis à l'obligation légale de conservation pendant 30 ans.
En attendant une législation spécifique, les délais de conservation des coupes (20 ans) et des blocs de paraffine (10 ans) fixés conformément aux nouvelles lignes directrices pour la mise en place d’un système de qualité dans les laboratoires d’anatomie pathologique agréés travaillant dans le cadre du décret d’agrément (en application de l’arrêté royal du 5 décembre 2011), peuvent être considérés comme très raisonnables et conformes au comportement d'une personne prudente et raisonnable.
Les avis précédemment évoqués du Conseil national (a036004, a069003 en a154010) doivent être modifiés en conséquence.
Il est recommandé à l’Union Professionnelle Belge des Médecins Spécialistes en Anatomie Pathologique d’examiner les possibilités de conservation des images numériques et le rôle de l’apport de l’intelligence artificielle en ce qui concerne la responsabilité médicale de l’anatomopathologiste.
[1]https://www.sciensano.be/fr/biblio/praktijkrichtlijn-voor-het-opzetten-van-een-kwaliteitssysteem-de-erkende-laboratoria-voor-0
[2] sauf, mais c’est extrêmement rare, si par exemple une certaine coloration histochimique ou immunohistochimique, disponible au moment de l'examen initial, n'a pas été effectuée et aurait pu conduire à un diagnostic différent (correct).
Refus du médecin biologiste de procéder à des analyses dont l’intérêt est discuté sur le plan scientifique et qui sont onéreuses pour le patient.
Le Conseil national de l’Ordre des médecins est interrogé concernant la possibilité pour le médecin biologiste de refuser de procéder à des analyses dont l’intérêt est discuté sur le plan scientifique et qui sont onéreuses pour le patient.
1. La liberté thérapeutique du médecin trouve son fondement dans la loi[1] et dans la déontologie médicale[2].
Cette liberté n’est pas absolue[3].
Le médecin dispense des soins de qualité. Il est guidé dans ses choix par les données scientifiques pertinentes et son expertise, tout en tenant compte des préférences du patient[4]. Il agit avec dévouement et compétence dans l'intérêt du patient et le respect de ses droits, en prenant en considération les moyens globaux mis à sa disposition par la société[5].
L’autonomie professionnelle a pour corollaire que le médecin peut refuser de poser un acte de soin, demandé par un patient ou un confrère, qu’il estime inapproprié du point de vue médical.
2. Le médecin biologiste a la responsabilité de dispenser des soins de qualité. Il peut refuser pour ce motif de procéder à une analyse qu’il estime injustifiée sur le plan médical et contraire à l’intérêt du patient, notamment parce qu’elle est onéreuse et ne bénéficie pas d’un remboursement dans le cadre de l’assurance soins de santé.
La confraternité requiert qu’il en informe rapidement le médecin prescripteur en lui précisant les motivations de sa décision.
Si le médecin prescripteur estime devoir maintenir sa prescription, ce dernier assure la continuité de ses soins en orientant le patient vers un autre médecin biologiste, lequel appréciera la suite à réserver à la demande d’analyse[6].
Le médecin biologiste explique au patient les raisons médicales de son refus dans des termes nuancés et respectueux de son confrère prescripteur[7]. A la demande du patient, le médecin biologiste lui renseigne lui-même d’autres confrères.
En cas d’urgence, les divergences d’opinions médicales entre les médecins prescripteur et biologiste ne peuvent empêcher l’accès du patient aux soins que son état requiert.
[1] Art. 4 de la loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé ; art. 144, § 1er, de la loi du 10 juillet 2008 sur les hôpitaux et autres établissements de soins ; art. 73, § 1er , de la loi coordonnée du 14 juillet 1994 relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités.
[2] Art. 7 du Code de déontologie médicale et son commentaire.
[3] Dans la littérature médicale, voy. not. T. Goffin, De professionele autonomie van de arts, Die Keure, 2011, n° 276 et suivants; G. Genicot, Droit médical et biomédical, Larcier, 2010, pp. 380 et suivantes, not. p. 385; H. Nys et T. Goffin, « Recente ontwikkelingen met betrekking tot de autonomie van arts en patiënt », in Medisch recht, H. Nys et S. Callens (éd.), Die Keure, Themis, 2011, vol. 63, pp. 41 et suivantes.
[4] Art. 4, al. 2, de la loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé ; art. 4 du Code de déontologie médicale.
[5] Art. 73, § 1er, loi coordonnée du 14 juillet 1994 relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités.
[6] Art. 32 du Code de déontologie médicale.
[7] Art. 11 du Code de déontologie médicale.
Enregistrements audio des consultations
En sa séance du 16 septembre 2023, le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné la possibilité pour le patient d’effectuer un enregistrement audio d’une consultation.
Le patient a droit, de la part du praticien professionnel, à toutes les informations qui le concernent et peuvent lui être nécessaires pour comprendre son état de santé et son évolution probable (art. 7, loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient).
Le patient a également le droit d’être informé de la manière la plus complète possible sur les différents aspects du traitement afin de pouvoir donner son consentement éclairé, préalable et libre à toute intervention du médecin (art. 8, loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient).
Le document « Avant-projet de loi modifiant la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient et modifiant certaines dispositions relatives aux droits du patient dans d’autres lois en matière de santé » vise à renforcer encore ce droit à l’information et à le rendre le plus performant possible à l’égard du patient. En ce qui concerne l’enregistrement audio d’une consultation, l’exposé des motifs de l’avant-projet précise que « un patient peut enregistrer l’entretien avec le professionnel des soins de santé avec son consentement afin de pouvoir réécouter ultérieurement les informations fournies » (voir exposé des motifs relatif à la loi sur les droits du patient, d.d. 19 juillet 2023).
L’avis du Conseil national est le suivant :
La relation médecin-patient est une relation de soins basée sur la confiance mutuelle.
L'enregistrement clandestin par le patient d'une consultation peut rompre la confiance du médecin et entraîner la fin de la relation thérapeutique (selon les modalités de l’article 32 du Code de déontologie médicale).
Il peut arriver que le patient indique au médecin que l’information verbale ne lui permet pas de comprendre pleinement son état de santé ou de donner un consentement éclairé (informé), par exemple en raison de la quantité d’informations ou de la gravité de l’état de santé du patient (dans le cadre d’une consultation en oncologie, etc.).
Dans ce cas, une solution peut être recherchée par le médecin et le patient, en concertation, afin de permettre à celui-ci de mieux assimiler les informations de santé, notamment en lui fournissant les informations (supplémentaires) par écrit ou en enregistrant la consultation en audio. Les deux acteurs de la relation de confiance doivent marquer leur accord quant à cet enregistrement.
Le patient et le médecin doivent être conscients que la présence d'un microphone ou d'un dispositif vidéo peut rendre la consultation moins spontanée et plus artificielle.
Cet avis remplace les avis a167013 et a167039.