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Déontologie

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Secret professionnel25/03/2023 Code de document: a170008
Patient décédé - Informations pour la compagnie d'assurances

Le Conseil national de l'Ordre des médecins est interrogé concernant les informations médicales que le médecin d’une personne décédée peut communiquer dans le cadre de l’exécution d’un contrat d’assurance.

L'article 61, alinéa 4, de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances énonce que « pour autant que l'assureur justifie de l'accord préalable de l'assuré, le médecin de celui-ci transmet au médecin-conseil de l'assureur un certificat établissant la cause du décès ».

L’interprétation des conditions et limites auxquelles cet article soumet la levée du secret médical fait débat dès lors qu’il s’agit de concilier le respect de la vie privée d’une personne décédée et la bonne exécution du contrat d’assurance.

S'agissant de déroger au secret médical protégé par l'article 458 du Code pénal, le Conseil national estime qu’il est prudent que le médecin s’en tienne aux termes de cet article.

1. Il revient à l’assureur de prouver que l’assuré a consenti de son vivant à ce que son médecin délivre un certificat établissant la cause de son décès au médecin-conseil de l’assurance.

La loi ne prévoit pas que le bénéficiaire de l’assurance puisse pallier le défaut de consentement de l’assuré.

2. Le certificat établissant la cause du décès est à communiquer sous pli fermé au médecin-conseil de l’assureur et non directement à ce dernier.

3. La loi prévoit que l’information est communiquée par le médecin du patient décédé. Celui-ci ne doit pas être nominativement désigné par le patient de son vivant.

Sans préjudice du droit des proches d’avoir accès par l’intermédiaire d’un praticien professionnel au dossier d’une personne décédée (article 9, § 4, de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient), il n’est pas acceptable qu’ils désignent le médecin-conseil de la compagnie d’assurances pour exercer leur droit de consultation indirect du dossier afin de lui permettre de recueillir les informations qu’il juge utiles à l’exécution du contrat d’assurance (cf. avis du 25 novembre 2006 sur la consultation du dossier médical d’un défunt par le médecin-conseil d’une compagnie d’assurances, BCN 115, mars 2007, p. 3 ; avis du 21 juin 2013 de la Commission fédérale droits du patient concernant les modalités relatives au droit de consultation indirect du dossier d’un patient décédé).

Si le décès est investigué dans le cadre d’une procédure judiciaire, il n’y a pas d’objection déontologique à ce que le médecin expert judiciaire soit chargé, à la demande des proches, par l’autorité qui l’a mandaté, de préciser la cause du décès à l’assureur.

4. La levée du secret porte sur la cause du décès.

Les compagnies d’assurances, notamment, défendent une interprétation fonctionnelle de l’article 61, alinéa 4, de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances. Elles considèrent qu'il a pour objet de permettre à l'assureur de vérifier que le dommage est couvert par l’assurance souscrite et que l'assuré a respecté ses obligations contractuelles (dont l’obligation de déclarer, lors de la conclusion du contrat, toutes les circonstances connues de lui et qu'il doit raisonnablement considérer comme constituant pour l'assureur des éléments d'appréciation du risque).

Pour cette raison, il arrive que les informations qu’elles réclament ne se limitent pas à un certificat établissant la cause du décès.

Le Conseil national estime qu'il est prudent de la part du médecin, tenant compte de la disposition précitée, de ne communiquer qu’un certificat établissant la cause du décès.

La cause du décès (par exemple l’intoxication médicamenteuse) n’est pas à confondre avec la nature du décès (accident, suicide, iatrogène).

En cas d’incertitude, il convient de préciser que la cause du décès est indéterminée.

La question de la légalité d’une clause par laquelle un assuré consent à ce que son médecin communique après son décès davantage d’informations que le seul certificat établissant la cause de celui-ci relève de l’appréciation des cours et tribunaux.

Dans les situations litigieuses, il appartient à la juridiction saisie de décider le cas échéant d’entendre le médecin au titre de témoin ou d’ordonner la production de pièces du dossier médical.

Droits du patient25/03/2023 Code de document: a170009
Modernisation de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient

Le Conseil national de l’Ordre des médecins a pris connaissance de l’avant-projet de loi modifiant la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient et modifiant les dispositions en matière de droits du patient dans d’autres lois en matière de santé.

Le 13 avril 2023, il a adressé les observations qui suivent au ministre de la Santé publique.

1. Définitions

1.1. Le champ d’application personnel de la loi est élargi à la personne qui « cherche à bénéficier de soins » (art. 5 de l’avant-projet de loi précité). Cette modification est également apportée à la loi coordonnée du 10 mai 2015 relative à l'exercice des professions des soins de santé, à la loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé (loi qualité) et à la loi du 31 mars 2010 relative à l’indemnisation des dommages résultant des soins de santé (art. 19, 20 et 21 avant-projet).

S’agissant de la modification du champ personnel de la loi relative aux droits du patient, il ressort de l’exposé des motifs que cela n’entraîne pas l’obligation pour un professionnel des soins de santé d’accepter tout patient. Si la personne qui cherche à bénéficier de soins ne peut se prévaloir à l’égard d’un professionnel avec lequel elle n’a pas de relation thérapeutique du droit visé à l’article 5 de la loi relative aux droits du patient, on peut également s’interroger quant à l’exercice d’autres droits, tel celui à l’information sur son état de santé ou à un dossier tenu à jour.

La loi devrait préciser clairement les droits du patient qui peuvent être exercés par la personne qui cherche à bénéficier de soins, dans le but d’une interprétation uniforme.

1.2. Il serait opportun de définir à l’article 2 de la loi relative aux droits du patient les notions de « personne de confiance », « mandataire » et « représentant », afin de faciliter la compréhension de leur rôle.

Il est à noter que la version française de la loi relative aux droits du patient (art. 14 et 15) utilise à la fois les termes "représentant" et "mandataire", alors que la version néerlandaise n'utilise que le terme "représentant".

A l’article 15, § 1er, de la loi relative aux droits du patient, dans la version française, le terme « mandataire » devrait être remplacé par « représentant ».

2.L’information du patient

2.1. Le droit à recevoir une information écrite se voit consacrer de longs développements.

Les autorités politiques n’ignorent pas que les situations où les médecins refusent de nouveaux patients se multiplient, que les délais pour accéder aux soins s’allongent, que la charge administrative est un problème pour l’exercice de la profession, que les ressources disponibles sont limitées et que les besoins augmentent, tenant compte notamment du vieillissement de la population.

Si le droit à obtenir l’information par écrit était couramment exercé par les patients, cela constituerait une charge excessive dans l’emploi du temps du professionnel des soins de santé, au détriment du temps disponible pour les soins.

2.2. L’avant-projet prévoit que lorsque les informations communiquées au patient sont complexes et si cela est pertinent, le professionnel les met par écrit (art. 9 de l’avant-projet).

Le patient est le mieux à même de juger que l’information est complexe pour lui et qu’il est pertinent qu’il exerce son droit à recevoir une information écrite.

Le Conseil national n’aperçoit pas le bénéfice d’insérer dans la loi une telle obligation à charge du professionnel des soins de santé dès lors que le patient a un droit inconditionnel de demander une information écrite.

2.3. L’avant-projet ajoute au texte actuel que l’information donnée au patient doit être « adaptée à sa capacité de compréhension » (art. 9 de l’avant-projet). Le Conseil national suggère d’ajouter les termes “ et de son aptitude à recevoir l’information”, qui dans certaines circonstances peut jouer un rôle important dans la compréhension des informations reçues.

2.4. L’exception thérapeutique requiert que le professionnel vérifie si l’information peut être communiquée au patient d’une manière qui tienne compte du risque de préjudice pour sa santé (art. 9 de l’avant-projet).

Cette disposition paraît surabondante vu l’exigence de principe que l’information soit donnée au patient en prenant en considération sa capacité de compréhension et son aptitude à recevoir l’information.

2.5. Il est proposé que l’information relative aux répercussions financières se fasse conformément à l’art. 73, § 1er, de la loi coordonnée du 14 juillet 1994 relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités, ce qui la réduit au statut de conventionnement du professionnel (art. 10 de l’avant-projet).

Le Conseil national estime que la loi devrait prévoir en outre une information préalable et claire du coût de l’intervention du professionnel, en particulier de la façon dont il détermine ses honoraires et la hauteur des éventuels suppléments d’honoraires.

3. L’autonomie du patient et le rôle de son représentant

3.1. Le patient a droit à des prestations de qualité ciblées qui tiennent compte de ses préférences (art. 7 de l’avant-projet).

Sur le plan grammatical, l’ajout « et tient compte des préférences du patient » ne s’intègre pas correctement dans la version française.

Si le commentaire apporté dans l’exposé des motifs éclaire ce qui a été pensé derrière le mot « ciblé », le texte même de la loi laisse place à l’interprétation. Le mot « ciblé » est en lui-même vague et attend des précisions quant à la nature de la cible.

L’exposé des motifs ajoute que « c’est uniquement si la liberté diagnostique et thérapeutique n’empêche pas de respecter les préférences du patient que celles-ci sont respectées », comme le prévoit d’ailleurs la loi qualité. Cela devrait ressortir explicitement de la loi relative aux droits du patient.

La loi relative aux droits du patient se veut largement inspirée par le principe de l’autonomie du patient. Or, ce principe se conçoit non comme une autonomie inconditionnelle, mais comme une autonomie qui s’articule à celle de l’autre, soit une autonomie « interdépendante ». Au vu des difficultés croissantes que rencontrent de nombreux médecins, en termes de revendications, d’agressivité, voire de violence, de la part de leurs patients, il serait nécessaire que le texte de la loi mentionne, au moins a minima, une notion de réciprocité dans la relation, avec des devoirs, pour les patients, de respect autant de la personne du médecin que de sa liberté thérapeutique.

La loi relative aux droits du patient ne doit pas donner l’impression que les préférences de celui-ci sont illimitées alors que les ressources de la société en matière de santé sont limitées et que le professionnel a l’obligation d’en faire un usage raisonné (art. 73, § 1er, al. 2, de la loi coordonnée du 14 juillet 1994 relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités).

3.2. L’exposé des motifs énonce de manière surprenante que le patient peut (toujours) enregistrer l’entretien avec le professionnel des soins de santé, donc le cas échéant à l’insu de celui-ci.

L'enregistrement sonore d'une consultation médicale par le patient, notamment en vue de mieux assimiler les informations reçues, ne peut être fait que de commun accord pour ne pas préjudicier à la confiance et au dialogue entre le médecin et le patient.

Il serait opportun, au bénéfice de la relation de confiance, qu’il soit précisé dans la loi que le professionnel doit en avoir été préalablement informé.

La relation patient-médecin est une relation de confiance basée sur le respect mutuel ; l’inscrire dans une perspective de judiciarisation est un écueil.

3.3. Le professionnel doit tenir compte des souhaits exprimés dans la planification anticipée de soins tandis qu’il doit respecter le refus de soins (art. 12 de l’avant-projet).

Ces deux notions doivent être clairement distinguées dès lors que la définition de la planification de soins (art. 5 de l’avant-projet) n’exclut pas que le patient exprime des souhaits négatifs (voir le commentaire de l’art. 14 de l’avant-projet).

Il ressort de l’exposé des motifs que la planification de soins, tout comme les préférences du patient quant à ses soins (article 7 de l’avant-projet), ne porte pas atteinte à la liberté diagnostique et thérapeutique visée à l’article 4 de la loi qualité. Cela devrait être précisé dans la loi.

3.4. S’agissant du pouvoir de représentation, l’article 18 de l’avant-projet ne prévoit pas qu’en vue de la protection de la vie privée du patient, le professionnel peut également rejeter en tout ou en partie la demande de la personne visée aux articles 12 et 14 de la loi relative aux droits du patient ayant pour objet d’obtenir les informations visées aux articles 7 et 8 de la loi relative aux droits du patient.

Il conviendrait de le préciser afin de répondre à une critique récurrente à l’encontre du texte actuel de la loi.

Par ailleurs, le Code civil prévoit que certains actes, parmi lesquels des actes relatifs à la santé, ne peuvent être exercés que par la personne elle-même du fait qu’ils requièrent un choix extrêmement personnel de sa part. Ils ne peuvent pas donner lieu à une représentation ou à une assistance par l’administrateur judiciaire (article 497/2 du Code civil).

De telles limites au pouvoir de représentation n’apparaissent pas s’agissant du représentant désigné sur la base de la loi relative aux droits du patient. La modification de la loi relative aux droits du patient devrait être l’occasion de résoudre une inégalité devant la loi concernant la représentation du patient.

3.5. Il est prévu que le professionnel interroge régulièrement le patient quant à sa personne de confiance, pour savoir si sa désignation est toujours d’actualité (art. 16 de l’avant-projet).

Il ne convient pas de mettre à charge du professionnel d’interroger le patient s’il maintient le choix de sa personne de confiance, mais au patient de le signaler spontanément (art. 16 de l’avant-projet).

3.6. A l'article 10, § 1er, al. 2, de la loi relative aux droits du patient, il serait souhaitable d'ajouter : "Sauf accord du patient et en concertation avec le professionnel de santé, seules les personnes dont la présence est justifiée dans le cadre de services dispensé par un professionnel des soins de santé peuvent assister aux soins, examens et traitement".

4. Le dossier patient

4.1. L’article 14 de l’avant-projet de loi ne supprime pas la notion d’annotation personnelle dans la loi relative aux droits du patient.

Comme énoncé dans son avis du 27 avril 2019, intitulé « notes (annotations) personnelles dans le dossier patient », le Conseil national partage le constat de la Commission fédérale « Droits du patient » que, compte tenu de l'évolution d'une pratique monodisciplinaire vers une collaboration multidisciplinaire, la question se pose de savoir si la notion de notes personnelles, telle qu'elle est décrite dans l'exposé des motifs, est encore suffisamment actuelle (avis du 21 novembre 2017 de la Commission fédérale « Droits du patient », Le dossier patient, p. 6 ). Il considère que cette notion devrait être supprimée de la loi relative aux droits du patient.

4.2. L’avant-projet organise le droit d’accès et de copie du dossier par les proches du patient décédé.

La loi maintient la nécessité pour certains proches de motiver et de spécifier leur demande de consultation ou de copie. On ne peut exclure que cette copie soit ensuite utilisée à d’autres fins que celles avancées dans la motivation. Le professionnel perd le contrôle du respect du secret, qui subsiste pourtant après le décès. Le Conseil national estime qu’il serait opportun de prévoir dans la loi des garanties pour éviter les mésusages des informations confidentielles.

Rien n’est prévu dans l’avant-projet si le professionnel de santé refuse cette consultation ou de délivrer copie.

Enfin, si la loi prévoit que le professionnel des soins de santé refuse de donner une copie du dossier s’il dispose d’indications claires selon lesquelles le patient subit des pressions afin de communiquer une copie de son dossier à des tiers, rien de tel n’est prévu concernant le droit de copie des proches et du représentant après le décès du patient.

5. Le patient mineur

5.1. Il est courant que des personnes qui ne sont pas investies de l’autorité parentale, comme le nouveau conjoint ou compagnon, les grands‐parents ou d’autres membres de la famille contribuent aux soins du mineur. Ne possédant pas l’autorité parentale à l’égard de l’enfant, elles ne peuvent normalement pas exercer les droits prévus par la loi relative aux droits du patient, dont le droit à l’information. Leur situation n’est pas réglée par la loi.

5.2. Afin de garantir la confidentialité et le droit à la vie privée des mineurs « capables de discernement » qui choisissent délibérément de consulter sans être accompagnés de leurs parents, des mesures devraient être prises pour que ces derniers n’en soient pas indirectement informés par l’organisme assureur (art. 10 de la loi relative aux droits du patient).

5.3. Le Conseil national profite enfin de la présente pour demander aux autorités compétentes de prendre les mesures nécessaires afin d’améliorer le niveau de connaissance des mineurs, notamment par le biais de l’enseignement obligatoire, concernant l’exercice autonome des droits que leur reconnaît la loi relative aux droits du patient et le droit à la confidentialité.

Cela contribuerait à une meilleure prise en charge des problèmes de santé sensibles propres à l’adolescence et susceptibles de continuer à hypothéquer la vie future (grossesses non désirées, maladies sexuellement transmissibles, etc.).

Toxicomanie25/02/2023 Code de document: a170004
Agressions sur les médecins

En sa séance du 25 février 2023, le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné l’augmentation du nombre de notifications d’agressions commises à l’encontre des médecins.

Le nombre de notifications d’agressions enregistrées au point de contact de l’Ordre des médecins est en constante augmentation[1] et a battu de tristes records en 2022. Cette tendance à la hausse concerne également d’autres catégories de prestataires de soins de santé et porte préjudice à la relation de soins. Les chiffres du point de contact de l’Ordre, ainsi que ceux d’une récente enquête à grande échelle auprès de 3.726 médecins belges[2], montrent la complexité de la problématique et suggèrent d’une part que l’approche doit être multifactorielle, et de l’autre que des études supplémentaires sont nécessaires.

Incidence

L’étude belge précitée[3] révèle que 84.4 % de tous les médecins ayant répondu à cette enquête ont été victimes d’une forme quelconque d’agression ou de violence dans le cadre de la relation médecin-patient à un moment donné dans leur carrière. Les chiffres atteignent 77.2 % pour la violence verbale, 41.7 % pour la violence psychique, 24.2 % pour la violence physique et 10.1 % pour la violence sexuelle.

La même enquête montre que pour 2016, l’année de référence, 36.8 % des médecins ont subi une forme quelconque d’agression ou de violence dans le cadre de la relation médecin-patient. Les chiffres atteignent 33.1 % pour la violence verbale, 30 % pour la violence psychique, 14.4 % pour la violence physique et 9.5 % pour la violence sexuelle.

Notifications

À la suite du meurtre du Dr Patrick Roelandt, le Conseil national a créé un point de contact en 2016 (https://ordomedic.be/fr/formulaire-de-notification-agression). Six ans et demi plus tard, 434 notifications lui sont parvenues, dont 59 % pour des violences verbales, 21 % pour des violences psychiques, 17 % pour des violences physiques et 2 % pour des violences sexuelles.

Parallèlement, des points de contact similaires ont été créés au sein de cercles de médecins généralistes, d’hôpitaux et d’unions professionnelles. La fragmentation des points de contact et le contraste entre le peu de notifications effectuées par rapport à la réalité du terrain (77.6 % des médecins ayant un subi des violences physiques ne rapportent pas l’incident)[4] entrainent des résultats assez divergents, ce qui complique l’analyse de ces chiffres et la réflexion d’une stratégie.

Lieux d’agressions

En soins ambulatoires, les agressions ont lieu principalement dans le cabinet et durant les visites à domicile. Dans les hôpitaux, les services de psychiatrie et d’urgence sont les plus concernés. Le harcèlement des médecins par téléphone et sur les médias sociaux sont également des pratiques courantes.

Causes et éléments déclencheurs d’agressions

Les causes sont très diverses. Un désaccord sur les attestations ou les prescriptions, une insatisfaction de l’approche médicale, un agacement face à l’augmentation du temps d’attente, une contestation quant à l’aspect financier ou encore une mauvaise communication ou attitude du médecin sont les éléments déclencheurs d’agressions les plus importants.

Profil des auteurs

L’analyse dévoile que dans la moitié des cas, l’agresseur est un patient connu. Les patients ayant des antécédents psychiatriques, qui souffrent d’éthylisme ou de toxicomanie présentent un risque plus élevé de commettre une agression.

Profil du médecin

Les femmes médecins et les jeunes médecins ayant moins d’expérience de pratique médicale sont plus susceptibles d’être victimes d’agressions[5].

Pistes de réflexion et solutions possibles

Tous les éléments énoncés ci-dessus montrent qu’il n’existe pas de solution unique. Il est clair que la solution, à l’image du problème, doit être multifactorielle, impliquer toutes les parties prenantes et mener à une action conjointe.

  • Mesurer, c’est savoir : un point de contact qui chapeaute

Avant tout, il faut s’attaquer au problème du nombre peu élevé de notifications par rapport à la réalité du terrain et la fragmentation des notifications. Les médecins doivent être poussés à signaler chaque cas d’agression (à la police, au cercle de médecins généralistes, à l’hôpital ou au point de contact national de l’Ordre des médecins, etc.). Sur la base d’un formulaire standard[6], toutes les notifications doivent être enregistrées et transmises au point de contact national de l’Ordre des médecins où, après analyse statistique, un rapport annuel sera mis à la disposition de toutes les parties prenantes et du gouvernement. Tous ces éléments centralisés, les leçons tirées et les chiffres de tous les secteurs des professionnels des soins de santé concernés, permettront d’élaborer un plan d’action conjoint.

  • Campagne de sensibilisation de la population

Parallèlement au fait d’inciter les médecins à notifier les cas d’agression, une campagne de sensibilisation doit être menée auprès de la population. Cette campagne doit fermement indiquer que toute agression d’un patient envers un médecin est inadmissible, et que les patients qui portent préjudice à la relation de confiance patient-médecin en agissant de manière agressive peuvent entraîner la fin de la relation thérapeutique (art. 32, Code de déontologie médicale).

  • Une politique de tolérance zéro

La proposition de loi instaurant un nouveau Code pénal opte pour un règlement uniforme harmonisé d’aggravation des peines pour les actes de violence commis sur une personne ayant une fonction sociale, dans le cadre de l’exercice de cette fonction protégée[7]. La définition de « personne ayant une fonction publique » va être élargie, de façon à ce que les professionnels des soins de santé soient repris dans le champ d’application de la nouvelle loi.

  • Examen de l’utilité des mesures actuellement en vigueur

Dans le cadre des soins ambulatoires, la plupart des cas d’agression se produisent dans le cabinet. Il convient donc d’examiner si les mesures actuellement en vigueur, telles que la surveillance par caméra[8], le bouton d’alarme, la caisse enregistreuse ou le terminal de paiement sécurisés, renforcent non seulement le sentiment de sécurité du patient, mais ont également un effet dissuasif.

En médecine générale, la mise en place de postes de garde et l’accompagnement par un chauffeur lors des visites à domicile semblent être des mesures utiles pour la prévention des agressions, même si des chiffres clairs font défaut. C’est également le cas pour la présence de stewards et de services de sécurité à l’hôpital.

  • Le signalement de patients à risque

Sur le lieu de travail, des « listes noires » sont parfois utilisées pour assurer une vigilance accrue à l’égard des patients potentiellement à risque. Le Conseil national estime que, suivant l’avis de l’ancienne Commission sur la protection de la vie privée, seule une loi peut encadrer toute utilisation de listes comportant des noms de patients potentiellement dangereux[9]. Dans un avis de 2017[10], le Conseil national a suggéré, de manière étayée, le placement d’un « red flag » dans le Sumehr pour les patients à haut risque. Ce point de vue a été bien accueilli sur le terrain, mais étant donné que les patients au comportement à haut risque ne peuvent être tenus que partiellement responsables de l’agression, cette approche à un impact limité.

  • S’attaquer aux éléments déclencheurs

Les principaux éléments déclencheurs d’agression sont les désaccords sur les attestations et les prescriptions, le mécontentement à l’égard de l’approche médicale, les longs délais d’attente et les discussions sur l’aspect financier. Ces désagréments peuvent être solutionnés au moyen d’une communication plus claire et transparente entre le médecin et le patient.

Un état d’esprit positif entre le médecin et le patient, où tous deux parviennent à une solution conjointe en tant que partenaires à part entière, peut également permettre d’éviter de nombreux problèmes. Les associations de médecins, les instances hospitalières et les organisations de patients devraient se concerter à ce sujet et élaborer ensemble un code de conduite.

Conclusion

Le nombre de notifications d’agressions à l’encontre des professionnels de soins de santé a augmenté de manière inquiétante ces dernières années. Les agressions se déroulant dans le cadre d’une relation thérapeutique, qui est une relation de confiance par excellence, sont inadmissibles. Il est urgent et nécessaire que des mesures générales telles qu’une campagne de sensibilisation auprès de la population ainsi que la mise en œuvre par le gouvernement d’une politique de tolérance zéro soient prises.

Il est nécessaire de disposer de chiffres plus précis. Les collègues sont donc instamment priés de signaler tous les cas d’agression. Les notifications, y compris celles destinées aux autorités locales, doivent être envoyées à un point de contact national afin de prendre de façon dynamique les mesures nécessaires après analyse de ces données.

Sur la base du savoir-faire acquis et de l’infrastructure existante, l’Ordre des médecins souhaite prendre l’initiative et organiser une concertation globale avec toutes les parties prenantes. Il convient d’accorder une plus grande attention au sujet dans le cadre de l’enseignement et de la formation continue. En outre, des études supplémentaires sont nécessaires afin de mieux cerner le problème, notamment l’utilité des mesures actuellement en vigueur.


[1] Statistiques de l’Ordre des médecins concernant les agressions (voir en annexe)

[2] De Jager L, Deneyer M, Buyl R, et al. Cross-sectional study on patient-physician aggression in Belgium : physician characteristics and aggression types. BMJ Open 2019 ;9 :e025942. doi :10.1136/bmjopen-2018-025942

[3]Ibid.

[4]Ibid.

[5] De Jager L, Deneyer M, Buyl R, et al. Cross-sectional study on patient-physician aggression in Belgium : psysician characteristics and aggression types. BMJ Open 2019 ;9 :e025942. doi :10.1136/bmjopen-2018-025942

[6] Formulaire d'agression, voir https://ordomedic.be/fr/formulaire-de-notification-agression

[7] Proposition de loi instaurant un nouveau Code pénal – Livre 1 et Livre 2, 24 septembre 2019, DOC 55 0417/001, https://www.dekamer.be/FLWB/PDF/55/0417/55K0417001.pdf

[8] Avis du Conseil national du 19 juin 2021 : Utilisation de caméras dans une institution hospitalière à des fins de surveillance médicale ou à des fins didactiques (a168012)

[9] Avis du Conseil national de l’Ordre des médecins du 4 février 2006 – Listes de nom de patients considérés comme potentiellement dangereux pour le médecin de garde – Avis de la Commission de la protection de la vie privée, a112005, Ordomedic | Listes de noms de patients considérés comme...

[10] Avis du Conseil national de l’Ordre des médecins du 15 juillet 2017, Plan d’action global – Disponibilité permanente des données de santé, a158001, Ordomedic | Proposition de plan d’action global – Disponibilité..., « En raison de la stigmatisation que peut entraîner l'indication d'un « red flag » dans le Sumehr d'un patient, le patient doit en être informé. En cas d'agression, ce symbole ne peut être placé qu'après concertation avec le président du cercle de médecins généralistes ou le médecin-chef, en fonction de la pratique. Dans le cas où le médecin ne peut pas se concerter avec un confrère ou un supérieur, le conseil provincial d'inscription peut être consulté. Il convient aussi de prévoir la suppression de cette indication. »

Certificat d'incapacité de travail25/02/2023 Code de document: a170005
La signature électronique de documents médicaux

En sa séance du 25 février 2023, le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné la question posée par une organisation patronale de savoir si les certificats d’incapacité de travail non signés ou signés au moyen d’une simple signature électronique sont valables et doivent être acceptés par l’employeur.

Les documents médicaux rédigés par le médecin doivent toujours être signés. Les documents médicaux non signés ne sont en principe pas valables[1].

Toutefois, pour les médecins et pour les tiers destinataires des documents médicaux, il subsiste une incertitude quant au type de signature qui doit être utilisé.

Il existe différentes sortes de signatures : d’une part, la signature manuscrite, et de l’autre, la signature électronique, qui se divise en trois catégories : la signature électronique simple, la signature électronique avancée, et la signature électronique qualifiée.[2]

Ni la législation existante[3], ni les documents-modèles proposés par l’INAMI[4] ne précisent le type de signature que le médecin doit utiliser pour signer des documents médicaux.

Sur le plan juridique, il faut partir du principe que tout type de signature est juridiquement valable.[5] Toutefois, seule la signature électronique qualifiée a la même valeur juridique que la signature manuscrite.

Sur le plan déontologique, il est recommandé pour le médecin d’utiliser la signature manuscrite, la signature électronique avancée ou la signature électronique qualifiée pour signer des documents médicaux. Dans la mesure du possible, le médecin doit éviter d’utiliser la signature électronique simple, car ce type de signature n’apporte aucune certitude quant à l’identité du signataire et à l’intégrité du document.

En cas de doute sur l’authenticité de la signature, le tiers destinataire du document médical peut contacter le médecin, qui pourra confirmer ou infirmer l’authenticité du document, sans révéler d’autres données de santé du patient.


[1] Durant la pandémie de la Covid, une exception a été prévue sous la forme d’un certificat d’incapacité de travail adapté aux avis par téléphone lors de la crise de la COVID-19, destiné au médecin-conseil de la mutualité du patient.

[2] Pour plus d’informations concernant les signatures électroniques, vous pouvez consulter le site web suivant : Signature électronique | economie.fgov.be

- Parmi les exemples de signature électronique simple, l’on retrouve l’insertion d’un scan de signature manuscrite sur un document à signer, la saisie d’un code PIN ou d’un mot de passe, ou encore le fait de cliquer sur un bouton « J’accepte ».

  • Parmi les exemples de signature électronique avancée, l’on retrouve la signature en cliquant sur un bouton dans un système d’information via une authentification (p. ex., nom d’utilisateur/mot de passe) en combinaison avec des pistes d’audit.
  • Le principal exemple de signature électronique qualifiée est la signature via eID ou via l’application Itsme.

[3] Voir entre autres l’art. 27, 5°, de la loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé ; l’art. 1, §2, A., de l’arrêté royal insérant un chapitre XI dans l’annexe à l’arrêté royal du 14 septembre 1984 établissant la nomenclature des prestations de santé en matière d’assurance obligatoire soins de santé et indemnités, et abrogeant certaines mesures temporaires de l’arrêté royal n°20 du 13 mai 2020 portant des mesures temporaires dans la lutte contre la pandémie COVID-19 et visant à assurer la continuité des soins en matière d’assurance obligatoire soins de santé ; l’art. 2 de l’arrêté royal du 10 août 2005 fixant des modalités de la prescription à usage humain ; l’art. 16 de l’arrêté royal portant instructions pour les pharmaciens.

[4] Voir entre autres modèle de prescription de médicaments : Les nouveaux modèles de prescription des médicaments – INAMI (fgov.be) ; modèle de prescription d’incapacité de travail : Incapacité de travail et réinsertion socio-professionnelle – INAMI (fgov.be).

[5] Voir entre autres l’art. 25, 1. Règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1993/93/CE

Internet25/02/2023 Code de document: a170006
Vigilance du médecin face à la cybercriminalité

Le Conseil national de l’Ordre des médecins a été récemment informé d’une nouvelle arnaque dirigée contre des médecins grâce à des informations recueillies sur Internet.

Un individu malveillant consulte les appréciations publiques mises sur la page Internet professionnelle d’un médecin afin d’identifier l’un ou l’autre de ses patients. Le médecin concerné est ensuite contacté téléphoniquement par une personne qui se présente comme un pharmacien à qui le patient, identifié sur la page professionnelle, aurait demandé la délivrance d’un médicament soumis à prescription (diazepam, zolpidem, etc.). Sous divers prétextes (pas de petit conditionnement, défaillance de la plate-forme eHealth, mauvais numéro NISS noté) le médecin est amené à prescrire un grand conditionnement du médicament et à communiquer oralement les codes des prescriptions et le numéro NISS du patient.

Comme l’illustre cet exemple, les médecins ne sont pas épargnés par la cyberfraude, dont les formes et les noms sont multiples (phishing, vishing, smishing, brandjacking, defacing, formjacking, angler phishing, spearphishing, spoofing, etc.).

La sécurité informatique doit être une préoccupation du médecin, tant sur le plan de la sécurité de l’outil informatique que sur le plan du bon comportement à adopter face aux risques et aux attaques.

Il est de son intérêt, mais aussi de celui des patients dont il traite des données, de veiller à se prémunir des actes de cybercriminalité.

Le respect des politiques de sécurité développées dans le milieu professionnel, notamment les institutions de soins, est essentiel.

Le Conseil national encourage les médecins à s’informer quant aux bonnes pratiques de prévention et à signaler les fraudes dont ils sont l’objet.

Le Centre pour la Cybersécurité Belgique (CCB) est l’autorité nationale en charge de la cybersécurité en Belgique (créé par l’arrêté royal du 10 octobre 2014). Son site fournit de nombreuses informations utiles, notamment sous forme de webinaires (https://ccb.belgium.be/fr/work ).

A travers le site Safeonweb.be, le CCB informe les internautes au sujet de la sécurité en ligne et des mesures à adopter en cas de problème (https://www.safeonweb.be/index.php/fr/conseils; https://www.safeonweb.be/fr/au-secours).

Le site de la Cyber Emergency Response Team fédérale (CERT.be), service opérationnel du CCB, contient, outre des conseils, une page de signalement des incidents (https://cert.be/fr).

Le site de la police fédérale aborde également les questions relatives à la cyberprévention https://www.police.be/5998/fr/questions/cyberprevention).

Ci-dessous, le rappel de quelques règles de base à adopter :

  • vérifier la vulnérabilité de votre matériel informatique ;
  • utilisez des mots de passe différents et robustes ;
  • ne transmettez pas vos identifiants, mots de passe ou codes secret par téléphone ou e-mail ;
  • considérez avec suspicion toute demande d'informations confidentielles et vérifiez que votre interlocuteur est légitime ;
  • méfiez-vous des messages non sollicités, particulièrement s’ils ne sont pas personnalisés, s’ils requièrent une action urgente, s’ils visent à éveiller votre curiosité (« regardez ce que j’ai lu sur vous… ») ou adoptent un ton menaçant ;
  • ne cliquez pas sur les liens contenus dans des messages non sollicités ;
  • ne cliquez pas sur les liens et n’ouvrez pas une pièce jointe qui ne vous inspirent pas confiance
  • considérez avec suspicion les messages officiels qui contiennent des fautes d’orthographe ou une formulation atypique (allez sur le site officiel pour contrôler l’information ou prendre contact);
  • lisez attentivement l’adresse de l’expéditeur, les courriels frauduleux utilisent souvent une adresse qui ressemble à une adresse fiable avec une lettre interchangée ou un mauvais nom de domaine;
  • considérez avec suspicion les offres « trop belles pour être vraies » ;
  • soyez conscients que les réseaux sociaux permettent de recueillir des informations utiles pour personnaliser le phishing ;
  • informez-vous régulièrement concernant la cybersécurité.

Remarque :

Le phishing consiste en un message reçu par email et envoyé à de nombreux comptes. L’objectif est que la cible télécharge ou ouvre un fichier, renseigne ses identifiants, ouvre une pièce jointe, dans le but d’amorcer une cyberattaque (fuite de données, ransomware, etc.). Cela peut se faire par e-mails mais également par SMS (smishing) ou messages sur les réseaux sociaux.

Le vishing est un type de phishing réalisé par le biais d’un appel téléphonique.

Le spearphishing est une version davantage ciblée et personnalisée du phishing. Le criminel identifie sa victime et recherche des informations personnelles la concernant pour créer un message d’apparence authentique et qui semble provenir d’une source de confiance.

Le angler phishing est un type de phishing qui vise les comptes de réseaux sociaux. Des hackers se font passer pour des agents du service client de ces réseaux (social phishing).

Le spoofing est une forme d’escroquerie dans laquelle les fraudeurs usurpent l’identité d’une autre personne pour mettre la cible en confiance. Ils se font passer pour un employé de banque, d’un service public ou d’une autre organisation connue.

Dans le brandjacking, l’arnaqueur se fait passer pour une entreprise connue, une grande marque ou une célébrité.

Le formjacking vise l’achat en ligne. Il a pour but de s'infiltrer dans le logiciel sous-jacent d'une boutique en ligne, par exemple, pour y installer un logiciel malveillant.

En cas de defacing, le contenu des pages web est remplacé par un message ou un contenu activiste qui porte atteinte à l’image de l’entreprise. Les hackers empêchent l’accès au site web pour obtenir une rançon, tentent de voler des données sensibles, etc.

Sociétés entre médecins et avec des non-médecins25/02/2023 Code de document: a170007
Honoraires - "succes-fee"

Le Conseil national de l’Ordre des médecins est interrogé concernant la possibilité pour un médecin de recours (médecin-conseil) de réclamer au titre d’honoraires un pourcentage sur les intérêts à la cause, usuellement appelé un « succes fee ».

Le succes fee n’est en règle déontologiquement pas acceptable dans le chef du médecin (art. 34 CDM – voir son commentaire).

L’indépendance professionnelle et l’objectivité dont le médecin de recours doit faire preuve lorsqu’il évalue l’état de santé d’une personne ne sont pas compatibles avec un mode de rémunération basé sur le résultat escompté par la partie qu’il assiste (art. 43 CDM – voir son commentaire).

En outre, la façon dont sont fixés les honoraires du médecin ne doit pas être de nature à porter préjudice aux exigences déontologiques de bon comportement, notamment le devoir de respect et d’empathie.

Le Conseil rappelle que le médecin a droit à une juste rémunération pour l’exercice de sa profession, basée sur les prestations qu’il fournit réellement.

Les honoraires du médecin de recours peuvent prendre en considération des critères tels que le temps consacré, la difficulté du dossier, la compétence et l’expertise du médecin. Le médecin est libre de fixer son tarif horaire, dans le respect du principe de modération (art. 33 CDM – voir son commentaire).

Le fait que le médecin soit rétribué par un assureur (défense et recours) ou par la victime ou le blessé et que les honoraires soient perçus par une personne morale ne justifie pas qu’il soit dérogé à ces principes.

Le Conseil national rappelle que les contrats, statuts et conventions auxquels souscrit le médecin dans le cadre de sa profession ne peuvent avoir pour effet de contrevenir aux règles de la déontologie médicale. Le médecin est responsable que la facturation de ses prestations par des tiers, par exemple une société professionnelle, soit conforme aux exigences déontologiques[1].

L’information relative au mode de détermination des honoraires liés aux prestations médicales doit être claire et préalable à l’accomplissement de la mission confiée au médecin de recours.

Les conseils provinciaux sont compétents pour arbitrer en dernier ressort les contestations relatives aux honoraires réclamés par le médecin à son client (art. 6, 5°, de l’arrêté royal n°79 du 10 novembre 1967 relatif à l’Ordre des médecins).


[1] Voir également l’article 38, §2, de la loi coordonnée du 10.05.2015 relative à l'exercice des professions des soins de santé

Dossier médical14/01/2023 Code de document: a170001
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Cet avis remplace les avis du Conseil national du 9 février 2013 (a140021-R) et du 19 septembre 2020 (a167022-R)

Traitement des données relatives à la santé dans le cadre d’une procédure disciplinaire

En sa séance du 14 janvier 2023, le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné le traitement des données relatives à la santé par les conseils provinciaux de l’Ordre des médecins dans le cadre d’une procédure disciplinaire.

Les conseils provinciaux ont la compétence légale de veiller au respect des règles de la déontologie et au maintien de l’honneur, de la discrétion, de la probité et de la dignité des médecins qui sont inscrits au Tableau de l’Ordre de cette province (…) (art. 6, 2° lu en combinaison avec l’art. 5 de l’arrêté royal n°79 du 10 novembre 1967 relatif à l’Ordre des médecins).

Une instruction disciplinaire (art. 20, §1, al. 2, arrêté royal n°79 du 10 novembre 1967 relatif à l’Ordre des médecins) visant à vérifier si un médecin a respecté les règles de la déontologie médicale lors de soins administrés à un patient implique que la commission d’instruction examine les données de santé du patient concerné qui sont nécessaires et proportionnées à l’exercice de l’action disciplinaire, conformément aux principes de la règlementation sur la vie privée (art. 9, al. 2, f) lu en combinaison avec le considérant 73 du Règlement général de protection des données).

C’est l’autorité disciplinaire elle-même, en tant que gardienne du secret professionnel, qui apprécie quelles données relatives à la santé sont nécessaires et pertinentes pour l’examen du litige.

L’accès aux données de santé du patient est justifié par la mission légale confiée à l’Ordre des médecins et par la finalité du droit disciplinaire, notamment la recherche de la vérité et la répression d’une infraction disciplinaire, afin de protéger la santé publique.

Le médecin poursuivi ou un tiers médecin, à qui le dossier patient est demandé, ne peut se réserver le droit de s’y opposer.

La demande du dossier patient auprès du médecin poursuivi ou d’un tiers médecin doit être motivée par la mission légale de l’Ordre des médecins et une description succincte de la plainte. La motivation doit permettre au médecin, auquel le dossier patient est réclamé, de répondre à la demande de l’Ordre des médecins de recevoir communication de données de santé du patient en respectant les principes de proportionnalité et de nécessité.

Les conseils provinciaux sont tenus au secret professionnel lorsqu’ils traitent les données relatives à la santé (art. 30 de l’arrêté royal n°79 du 10 novembre 1967 relatif à l’Ordre des médecins).

Lorsque les données de santé concernant le patient ont été obtenues auprès d’un tiers, le patient (qu’il soit plaignant ou non) doit être informé que les données nécessaires et pertinentes de son dossier médical sont traitées par l’Ordre des médecins conformément au prescrit du Règlement général sur la protection des données (art. 14 du Règlement général sur la protection des données).

Consentement éclairé14/01/2023 Code de document: a170003
Prise d’un rendez-vous médical via une plate-forme électronique - payement d’un acompte

Le Conseil national de l’Ordre des médecins est interrogé si la prise d’un rendez-vous médical via une plate-forme électronique peut être subordonnée au payement d’un acompte.

1- En règle, le médecin a droit à des honoraires ou des rémunérations forfaitaires pour les prestations qu’il a fournies (article 35 de la loi coordonnée du 10 mai 2015 relative à l'exercice des professions des soins de santé).

Des acomptes peuvent être perçus pour les prestations de santé à effectuer ou à fournir dans les limites fixées par les conventions et accords ou par décision séparée adoptée par les commissions de conventions et d'accords (article 53, §1er/1, de la loi coordonnée du 14 juillet 1994 relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités).

Aucune convention ou accord ne permet au médecin de réclamer un acompte comme condition préalable et systématique à l’octroi d’un rendez-vous médical (https://www.inami.fgov.be/fr/professionnels/etablissements-services/hopitaux/soins/Pages/default.aspx#Conventions - consultée le 6 janvier 2023).

Il ressort du site de l’INAMI que les acomptes ne sont pas autorisés si aucune limite n’a été fixée par la Commission de conventions ou d’accords compétente (https://www.inami.fgov.be/fr/professionnels/information-tous/Pages/document-justificatif-patient.aspx - consultée le 6 janvier 2023).[1]

2- Sur le plan de l’accès aux soins, le bénéfice du tiers payant ne peut pas être mis en défaut par un mécanisme qui subordonne la prise de rendez-vous médical au payement d’une somme d’argent.

La situation financière précaire du patient ne peut empêcher le médecin de lui dispenser l’aide médicale nécessaire (commentaire art. 33 CDM 2018).

3- Le commentaire de l’article 33 du Code de déontologie médicale 2018 rappelle que le médecin ne peut pas percevoir des honoraires pour un rendez-vous qu'un patient n'a pas respecté. Par contre, il peut réclamer à son patient un dédommagement raisonnable s'il démontre qu'il a subi un dommage à cause du non-respect de ce rendez-vous. Le patient doit avoir été préalablement correctement informé des conditions d'application d'un tel dédommagement. Cette indemnisation doit rester raisonnable et respecter les dispositions du Code de droit économique, notamment celles relatives aux clauses abusives (art. VI.83, 17° et 24° Code de droit économique).

Enfin, si le patient a été confronté à des circonstances particulières qui lui sont extérieures, il y a lieu de les prendre en considération.

4. Afin de lutter contre la non-présentation à un rendez-vous (no show), un mode aisé et efficace d’annulation du rendez-vous et l’envoi de rappels concernant la consultation peuvent s’avérer des outils efficaces.


[1] S’agissant des interventions esthétiques, voir également l’article 20 de la loi du 23 mai 2013 réglementant les qualifications requises pour poser des actes de médecine esthétique non chirurgicale et de chirurgie esthétique et réglementant la publicité et l'information relative à ces actes

Médecine esthétique10/12/2022 Code de document: a169027
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Cet avis remplace l’avis du 17 janvier 2015 (a148002)

Collaboration de médecins avec des centres de beauté, de bien-être et de soins

En sa séance du 10 décembre 2022, le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné si un médecin est autorisé à poser des actes médicaux dans un centre de beauté.

« La demande d’activités cosmétiques a connu une croissance phénoménale ces dernières années. Il faut dès lors s’attendre à une augmentation du nombre et de la diversité des nouvelles techniques et des nouveaux dispositifs esthétiques disponibles. »[1]

Tant des médecins que des non-médecins (professionnels des soins de santé ou non) répondent à la demande de traitements cosmétiques.

Les contrats de collaboration entre médecins et non-médecins (infirmiers/infirmières, esthéticiens/esthéticiennes, etc.) ne sont pas interdits, à condition que le médecin travaillant dans l’institut respecte strictement les règles juridiques et déontologiques suivantes :

1/ Le médecin est compétent et répond aux qualifications requises pour poser des actes de médecine esthétique, conformément à la loi coordonnée du 10 mai 2015 relative à l’exercice des professions des soins de santé et à la loi du 23 mai 2013 réglementant les qualifications requises pour poser des actes de médecine esthétique non chirurgicale et de chirurgie esthétique.

Les interventions invasives (traversant la barrière cutanée ou les muqueuses) qui ne peuvent être effectuées que par un médecin[2], ne peuvent pas être déléguées par le médecin à des non-médecins. Il doit y avoir une séparation stricte entre les actes esthétiques réservés à un médecin et ceux qui peuvent également être effectués par d’autres personnes.

2/ Le médecin dispose de l’expertise nécessaire grâce à une formation continu concernant les plus récentes interventions ou techniques chirurgicales ou non chirurgicales et les risques ou complications potentiels.

3/ Le médecin agit conformément à l’état actuel des connaissances scientifiques (art. 4, alinéa 2, Code de déontologie médicale).

Les techniques dont l’efficacité n’a pas été prouvée doivent être évitées.

4/ Le médecin veille à ce que le patient, après avoir été préalablement informé, consente librement à toute intervention médicale (art. 8, loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient ; art. 20, Code de déontologie médicale).

En outre, le médecin satisfait aux obligations légales supplémentaires d’information et de consentement telles que prévues par l’article 18 de la loi du 23 mai 2013 réglementant les qualifications requises pour poser des actes de médecine esthétique non chirurgicale et de chirurgie esthétique.

Le patient doit être informé du caractère médical de l’intervention. Il ne faut pas donner l’impression, à tort, qu’il s’agit d’un simple traitement de beauté sans danger.

L’environnement médical doit être clairement identifié. Une attention particulière doit être accordée aux risques et aux complications possibles. En ce qui concerne les interventions esthétiques, le médecin a l’obligation déontologique de communiquer cette information oralement et par écrit.

Sans préjudice du délai de réflexion légal de minimum 15 jours pour tout acte de chirurgie esthétique (art. 20, loi du 23 mai 2013 précitée), le patient doit, avant que l’intervention ait lieu, et après avoir reçu une information adéquate quant à celle-ci, disposer d’un temps de réflexion suffisant, en fonction de la nature de l’intervention et de la personne du patient, y compris pour les interventions esthétiques non chirurgicales.

5/ La demande doit être évaluée de manière approfondie, ainsi que les raisons psychologiques et sociales qui sous-tendent cette demande[3].

Le médecin doit s’interroger sur les attentes du patient et s’assurer qu’elles correspondent au résultat réellement escompté.

6/ Le médecin organise sa pratique de telle sorte qu’il puisse exercer sa profession à un niveau de haute qualité et de sécurité, assurer la continuité des soins et respecter la dignité et l’intimité du patient (art. 8, Code de déontologie médicale).

Il n’est pas interdit au médecin de pratiquer des interventions esthétiques dans le cadre d’un institut de beauté, s’il s’assure que l’encadrement nécessaire lui permettant d’exécuter les soins de santé avec un niveau de qualité élevé est présent (art. 14, loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé).

7/ Le médecin ne pratique pas d’examens, traitements et prestations inutilement onéreux ou superflus, même à la demande du patient (art. 41, Code de déontologie médicale).

Le médecin place les intérêts du patient au-dessus de ses propres intérêts financiers (art. 34, Code de déontologie médicale).

8/ Le médecin évite toute forme de dichotomie ou de collusion (art. 12, Code de déontologie médicale ; article 38, loi coordonnée du 10 mai 2015 relative à l’exercice des professions des soins de santé).

Le médecin ne peut pas se laisser influencer par une autre finalité que la santé du patient, telle que la vente par des tiers de produits ou services cosmétiques (massage, épilation, etc.).

Le médecin ne doit jamais donner l’impression que ces produits ou services font partie du programme de traitement médical.

9/ Le médecin veille à son indépendance professionnelle (art. 7, Code de déontologie médicale).

Le médecin ne doit jamais pratiquer un acte vide de sens du point de vue médical, indépendamment de la politique commerciales de l’institut.

10/ Le médecin garantit la continuité des soins (art. 13, Code de déontologie médicale).

Le suivi du patient après l’intervention esthétique et la surveillance postopératoire doivent répondre aux critères de qualité nécessaires et prévoir la possibilité d’intervenir dans les situations d’urgence.

Cela inclut le respect des règles relatives à la caractérisation et à l’anxiolyse et à l’anesthésie telles que prévues dans la loi qualité (art. 12, 13, 15 et 16, loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé).

11/ Le médecin respecte la réglementation sur la vie privée ainsi que le secret médical (art. 25 et 27, Code de déontologie médicale ; Règlement général sur la protection des données ; loi du 30 juillet 2018 relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel).

Seuls les professionnels des soins de santé entretenant une relation thérapeutique avec le patient ont accès aux données de santé nécessaires et pertinentes du dossier patient, à condition que le patient ait explicitement donné son consentement.

Dans tous les cas, le médecin respecte le libre choix du médecin par le patient, même au sein d’une équipe (art. 15, Code de déontologie médicale).

12/ Le médecin tient à jour pour chaque patient un dossier dont la composition et la conservation répondent aux exigences légales et déontologiques (art. 9, loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient ; art. 33, 34 et 35, loi du 22 avril 2022 relative à la qualité de la pratique des soins de santé ; art. 18, loi du 23 mai 2013 réglementant les qualifications requises pour poser des actes de médecine esthétique non chirurgicale et de chirurgie esthétique ; art. 22, Code de déontologie médicale).

En ce qui concerne les interventions esthétiques, les actes posés, en particulier les techniques appliquées et les produits utilisés, doivent être notés avec précision afin de pouvoir réagir plus rapidement et plus efficacement en cas de complications ultérieures.

13/ Le médecin respecte les règles en lien avec la publicité et l’information professionnelle (art. 31, loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé ; art. 37, Code de déontologie médicale).

Le médecin a l’obligation déontologique de s’opposer de façon active à toute publicité qui ne respecte pas les règles de la déontologie médicale. Les informations fournies au public doivent être fiables, objectives, pertinentes, vérifiables, discrètes et claires. Elles ne sont pas fallacieuses et n’encouragent pas les prestations superflues.

Accorder une réduction de prix dans le cas où le patient subit plusieurs actes médicaux (en combinaison ou non avec des traitements cosmétiques non-médicaux) n’est pas conforme à la déontologie.

Lorsqu’il est impliqué dans la diffusion d’informations dans les médias, sur des sites Web ou dans les médias sociaux, le patient doit, au préalable, donner son consentement et être pleinement informé. En outre, son intégrité physique et psychique doit être respectée à tout moment.

14/ Le médecin agit de façon adéquate et transparente en cas d’incident. Il doit être assuré afin de couvrir sa responsabilité professionnelle de façon suffisante (art. 9, Code de déontologie médicale).

Conclusion

Chaque médecin a la responsabilité de garder intacte la confiance que la société place dans le corps médical. Dans le cadre de sa vocation curative, le médecin a pour principale finalité la santé du patient. Il suffit d’un qui s’en détourne, et c’est la réputation et l’intégrité de tous les médecins qui en pâtissent.


[1] Avis du Conseil supérieur de la Santé, n° 9430, juin 2022.

[2] Ibid.

[3] Avis du Conseil Supérieur de la Santé, n° 8892, décembre 2014

Associations et contrats entre médecins19/11/2022 Code de document: a169024
FAQ : CONTRATS ET STATUTS - article 12 CDM 2018

article 12 Code de déontologie médicale 2018

Le médecin peut conclure des conventions de collaboration en vue de l'exercice de sa profession.

Le médecin évite toute forme de collusion.

Le médecin reste toujours individuellement responsable de ses actes médicaux.

L'exercice de sa profession et l'organisation de la collaboration professionnelle doivent correspondre aux dispositions de la déontologie médicale et être fixés dans une convention écrite.

Pour plus d’informations, consultez le commentaire de l’article 12 du Code de déontologie médicale

Conformité des contrats et statuts à la déontologie médicale

1. Lignes directrices

Le Conseil national a élaboré des lignes directrices « Contrats et sociétés », le 15 septembre 2018, qui reprennent les principales recommandations déontologiques relatives aux conventions. Veuillez les consulter ici.

Les contrats, statuts et conventions auxquelles souscrit le médecin dans le cadre de sa profession ne peuvent avoir pour effet de contrevenir, dans son chef ou dans celui de confrères, aux règles de la déontologie médicale.

Le médecin doit être guidé dans les choix qu’il pose en rapport avec son activité professionnelle, en ce compris dans la rédaction de tous les actes juridiques auxquels il souscrit, par son devoir d’exercer une médecine respectueuse de la loi, de l’éthique et des règles du Code de déontologie médicale 2018, au bénéfice du patient et dans l’intérêt de la collectivité.

Il est de la responsabilité du médecin de respecter la législation applicable, dont le Code des sociétés et associations et le Code de droit économique, et d’en suivre les évolutions[1].

2. Avis du Conseil national antérieurs à 2018

Le Code de déontologie médicale a été actualisé en mai 2018 ; chaque article est assorti d’un commentaire conçu dans une perspective dynamique (https://ordomedic.be/fr/code-2018).

Les avis et lignes directrices émis par le Conseil national et les conseils provinciaux antérieurement au mois de mai 2018 et qui se basent sur des obligations du Code de déontologie médicale de 1975 qui n’apparaissent plus dans le Code de déontologie médicale de 2018 et son commentaire ne sont plus d’application.

Sur le plan légal, la lecture des anciens avis doit notamment prendre en compte l’évolution du Code de droit économique et le Code des sociétés et des associations du 23 mars 2019.

3. Rôle de l’Ordre des médecins

Le médecin n’a plus l’obligation de soumettre à l'approbation préalable de son conseil provincial tout projet de statuts, de règlement d'ordre intérieur, d'acte de fondation d'une société ou tout projet de convention en rapport avec son activité professionnelle. Il en va de même pour tout projet de modification de l'un de ces documents. Il ne doit pas non plus transmettre au conseil provincial copie de ces documents lorsqu’ils sont devenus définitifs. Si les documents précités contiennent une telle obligation, il est conseillé de la supprimer.

A la demande du médecin, l’Ordre rend uniquement un avis sur une question précise en rapport avec la déontologie médicale.

L’Ordre ne propose aucun modèle de convention, de statuts, de règlement d’ordre intérieur, etc.

Il n’entre pas dans la compétence de l’Ordre de donner à ses membres des conseils juridiques. Les commissions contrats des conseils provinciaux ont été supprimées.

4. Collaboration multidisciplinaire

Le Code de déontologie médicale 2018 n’impose plus que les associés d’une société professionnelle soient exclusivement des médecins.

L’objet et la forme de la collaboration doivent satisfaire aux règles légales et déontologiques. A ces conditions, la société multidisciplinaire au sein de laquelle le médecin et d’autres confrères ou professionnels de santé exercent leurs activités professionnelles ne suscite pas d'objection déontologique de principe.

Le médecin veille à ce que l’organisation de sa profession, la structure juridique à travers laquelle il l’exerce et les conventions de collaboration qu’il conclut lui permettent dans l’exercice de l’art médical de satisfaire aux exigences fondamentales de l’indépendance professionnelle (article 7 et 36 CDM 2018), la liberté thérapeutique (articles 4 et 7 CDM 2018), la liberté de choix du médecin par le patient (article 15 CDM 2018), la qualité des soins (article 8 CDM 2018)[2], la continuité des soins (articles 8 et 13 CDM 2018), le respect du secret professionnel (article 25 CDM 2018) et à l’interdiction de collusion ou de dichotomie (article 12 et 34 CDM 2018). Le médecin place les intérêts du patient et de la collectivité au-dessus de ses propres intérêts financiers (article 34 CDM 2018). Le médecin s’assure qu’en toutes circonstances, l’accès, le traitement et la conservation des dossiers médicaux est conforme aux exigences légales[3] et déontologiques (articles 22, 23, 24 et 35 CDM 2018).

Les conditions réglant la prise de décision (majorités), la cession de parts, l’exclusion d’un associé et la sortie de la société ne peuvent pas faire obstacle à ces exigences.

La collaboration professionnelle ne peut pas porter atteinte aux droits du patient[4].

Dans l'organisation et l’exercice de son activité médicale, le médecin ne peut se laisser influencer, ou en donner l'apparence, par un autre objectif que la santé du patient. Il ne donne des soins qu'en collaboration avec des personnes disposant des qualifications professionnelles requises par la loi.

5. Relation avec un non-médecin dans le cadre de la pratique médicale

La participation d’un non-médecin dans une société à travers laquelle le médecin exerce son activité professionnelle, pour des raisons matrimoniales ou successorales par exemple, ne peut pas être susceptible d’affecter le bon exercice et la dignité de la profession médicale dans un environnement adapté ou de permettre une immixtion dans l’exercice de sa profession par le médecin. Le respect de la déontologie médicale, en particulier l’indépendance professionnelle du médecin, doit être garantie.

Le médecin veille à ce que les aspects financiers inhérents à sa pratique médicale, dont ses sources de financement, soient conformes à la loi, notamment à l’article 38, § 2, de la loi coordonnée du 10 mai 2015 relative à l’exercice des professions des soins de santé, et ne portent pas préjudice à l’honneur et à la dignité de la profession et à son exercice dans le respect de la déontologie médicale (article 34 CDM 2018).

Le médecin est attentif à écarter les clauses statutaires ou contractuelles qui l’empêcheraient, notamment du fait de règles de majorité, de satisfaire à ses obligations légales et déontologiques .

6. Responsabilité professionnelle

L’exercice de la profession à travers une personne morale est sans incidence sur la responsabilité individuelle du médecin de ses actes médicaux.

Le médecin doit être assuré afin de couvrir sa responsabilité professionnelle de façon suffisante (article 9, CDM 2018).

7. Forme de la société

Le médecin choisit une structure juridique qui garantisse que l’exercice de l’art médical en Belgique soit conforme aux exigences légales et déontologiques qui y sont en vigueur.

8. Objet de la société

L’objet de la société par laquelle le médecin exerce son activité professionnelle doit être compatible avec l’exercice de la médecine, tel que la loi, notamment la loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé, et la déontologie médicale le conçoivent.

L’exercice de la médecine est réservé à la personne physique porteuse du diplôme de docteur en médecine, chirurgie et accouchements (article 3, § 1er, de la loi coordonnée du 10 mai 2015 relative à l’exercice des professions des soins de santé).

9. Siège de la société

Le siège de la société ne peut avoir d’effet sur le respect des exigences légales et déontologiques applicables à l’exercice de l’art médical en Belgique.

10. Nom de la société

Le médecin choisit, pour la structure juridique à travers laquelle il exerce son activité, une dénomination objective, discrète, non trompeuse et qui n’entraîne pas une concurrence déloyale.

11. Clause de non-concurrence

L’insertion d’une clause de non-établissement (clause de non-concurrence) dans une convention de formation n’est pas conforme à la déontologie médicale.

Dans les autres conventions, une telle clause doit, outre le respect de la loi, être à tout le moins modérée, c’est-à-dire limitée dans le temps, l’espace et quant à l’activité interdite.


[1] Voici quelques exemples de règles légales spécifiques à l’art médical : les dispositions reprises dans des conventions conclues par un médecin qui portent atteinte à sa liberté diagnostique et thérapeutique sont réputées non écrites (article 7 de la loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé) ; le Roi a le pouvoir de préciser les règles relatives à la structure et à l'organisation de la pratique du professionnel des soins de santé individuel et des accords de collaboration entre professionnels des soins de santé (article 32 de la loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé) ; l’interdiction d’enrichissement illicite des professionnels de santé du fait de conventions en rapport avec leur profession conclues avec d’autres professionnels de santé ou des tiers (article 38 de la loi coordonnée du 10 mai 2015 relative à l'exercice des professions des soins de santé).

[2] Loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé – Difficultés et préoccupations déontologiques (Avis du 23 avril 2022 du Conseil national, a169009).

[3] Articles 20 et 33-35, de la loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé.

[4] Tels que définis par la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient.

Internet19/11/2022 Code de document: a169022
Attestation dixit en matière scolaire

Communiqué de presse – Attestation dixit en matière scolaire

En dépit des efforts de l’Ordre des médecins pour expliquer les règles déontologiques relatives à la rédaction des attestations médicales (article 26, Code de déontologie médicale), le Conseil national constate que l’application particulière des attestations dixit dans le contexte de l’enseignement suscite encore de la confusion chez certains médecins.

En aucun cas le médecin ne peut rédiger un certificat médical d’absence scolaire pour des raisons non médicales (vacances familiales, problèmes de transport, etc.).

Dans le contexte de l’enseignement, entre autres, le médecin peut toutefois rédiger de façon exceptionnelle une attestation dixit pour des raisons de santé qui ne peuvent pas ou plus être objectivement établies.

L’attestation dixit mentionne explicitement que l’attestation se fonde uniquement sur les déclarations de la personne en question et non sur les propres constatations médicales du médecin.

Le Conseil national a approuvé le modèle suivant d’attestation dixit, rédigé en concertation avec le département Enseignement et Formation de la Communauté flamande :

https://ordomedic.be/fr/avis/professionele-samenwerking/centres-de-guidance-des-eleves-cge/nouveau-modele-d-attestation-dixit.

Pour plus d’informations au sujet des règles déontologiques relatives à la rédaction d’attestations médicales, les avis suivants sont à votre disposition :

https://ordomedic.be/fr/avis/deontologie/discipline/vision-strat%C3%A9gique-en-mati%C3%A8re-dattestations-de-complaisance

https://ordomedic.be/fr/avis/attestations-certificats/certificat/redaction-des-documents-medicaux-principes-et-recommandations

Discipline19/11/2022 Code de document: a169023
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Le présent avis remplace l’avis a097006 du 25 mai 2002.

Utilisation par le médecin mis en cause de la décision disciplinaire et des pièces du dossier disciplinaire à d’autres fins que la procédure devant l’Ordre des médecins

Le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné en sa séance du 19 novembre 2022 la question de l’utilisation par le médecin mis en cause de la décision disciplinaire et des pièces du dossier disciplinaire à d’autres fins que la procédure devant l’Ordre des médecins.

L’article 30 de l'arrêté royal n°79 du 10 novembre 1967 relatif à l'Ordre des médecins qui impose le secret aux membres des organes de l’Ordre n’est pas applicable au médecin qui fait l’objet d’une action disciplinaire.

Pour autant, le médecin concerné ne peut négliger le secret auquel il est lui-même tenu en vertu de l’article 458 du Code pénal et de l’article 25 du Code de déontologie médicale 2018, lorsque les pièces du dossier et la décision contiennent des éléments couverts par le secret professionnel.

Il ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation que " le secret professionnel n’est pas absolu mais peut être rompu, notamment, lorsque son dépositaire est appelé à se défendre en justice. Dans ce cas, la règle du secret professionnel doit céder mais seulement lorsqu’une valeur supérieure entre en conflit avec elle, de telle sorte que la dérogation à la règle ne s’opère que dans la mesure nécessaire à la défense des droits respectifs des parties à la cause " (Cass., 18 janvier 2017, P.16.0626.F). « La mesure nécessaire à la défense des droits respectifs des parties à la cause » implique que la Cour vise les droits de la défense tant du défendeur que du demandeur en justice.

Les principes de nécessité et de proportionnalité sont fondamentaux.

Le médecin doit également tenir compte que le traitement de toutes les données à caractère personnel, c’est-à-dire toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable, est soumis à la législation relative à la protection de la vie privée. Cette protection ne se limite pas à la protection des données relatives à la santé d’une personne, lesquelles font l’objet d’une protection accrue.

Les principes de protection des données, dont les principes de licéité, loyauté, finalité, transparence, minimisation des données traitées, etc. devront être correctement appréhendés et appliqués par le médecin, que les données se rapportent au plaignant ou à des tiers.

Le médecin qui utilise le dossier disciplinaire ou la décision disciplinaire en dehors de la procédure disciplinaire est conscient de sa responsabilité. Il agit de manière prudente et réfléchie après s’être assuré de la licéité de l’utilisation qu’il projette de documents qui révèlent l’identité de tiers (non anonymisés), qu’ils soient ou non couverts par le secret professionnel. Il n’use pas de données à caractère personnel qui ne sont pas adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard de la finalité licite qu’il poursuit.

Pour prouver son honorabilité, c’est-à-dire l’absence d’antécédents disciplinaires, le médecin peut toujours solliciter du conseil provincial au tableau duquel il est inscrit la délivrance d’une attestation d’honorabilité.

Le présent avis remplace l’avis a097006 du 25 mai 2002.

Libre choix du médecin19/11/2022 Code de document: a169025
SECOND OPINION – initiative d’une compagnie d’assurances

En sa séance du 19 novembre 2022, le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné l’initiative « Second Medical Opinion », un service qu’une compagnie d’assurances souhaite mettre en place dans le cadre de son assurance santé.

Afin de concrétiser cette initiative, la compagnie d’assurance entend engager des médecins qui, lors d’une première phase, prépareront le dossier médical du patient après un contact physique ou numérique. Lors d’une deuxième phase, le patient choisira un spécialiste sur une liste proposée par les hôpitaux qui sont disposés à participer à cette initiative. Ce spécialiste – en règle générale, après un contact physique avec le patient – fournit un deuxième avis.

Sur la base du consentement du patient et de la relation thérapeutique ainsi établie, la compagnie d’assurances affirme dans les documents préparatoires que les médecins engagés auront accès à toutes les données médicales de ce patient via la plateforme eHealth.

Le Conseil national reconnaît l’intérêt d’un deuxième avis, en particulier dans les cas de pathologies complexes et graves.

Toutefois, il souhaite relever quelques préoccupations déontologiques concernant l’initiative proposée :

  1. Le médecin généraliste du patient n’est pas impliqué dans cette initiative, alors qu’il s’agit de la personne la mieux placée d’une part pour informer le patient lors de la première phase, et de l’autre pour trier les données médicales pertinentes et nécessaires qui doivent être communiquées. Même après un deuxième avis, le médecin généraliste est la personne la plus indiquée pour guider le patient dans sa prise de décision.
  2. L’accès via la plateforme eHealth à tous les documents médicaux par les médecins engagés par la compagnie d’assurance entre en contradiction avec la note du Comité de sécurité de l’information qui définit ce qu’est une relation thérapeutique et d’une relation de soins[1]. Cette note dispose que « dans la mesure où un réseau d’échange est conçu avec pour but le traitement diagnostique, préventif ou les soins d’un patient, la médecine d’assurance, la médecine de contrôle et la médecine légale doivent en principe pouvoir être exclues ». En outre, l’accès à tous les dossiers médicaux par le biais de la plateforme eHealth ne respecte pas les principes de base de la réglementation en matière de protection de la vie privée, notamment les principes de finalité et de proportionnalité. L’article 38 de la loi qualité[2] aussi énonce explicitement que, même en cas d’existence d’une relation thérapeutique, l’accès se limite aux données utiles et pertinentes dans le cadre de la prestation de soins de santé.

Pour les raisons précitées, le Conseil national demande à la compagnie d’assurances de reconsidérer son futur produit avant de le proposer à ses clients.


[1] Note relative aux preuves électroniques d’une relation thérapeutique et d’une relation de soins https://www.ehealth.fgov.be/ehealthplatform/file/view/AWdemjerkOz9DrMX5-eN?filename=Note%20relation%20therapeutique.pdf

[2] Loi relative à la qualité de la pratique des soins de santé du 22 avril 2019.

Secret professionnel19/11/2022 Code de document: a169026
Le secret médical du médecin interrogé par un assistant de justice

Le Conseil national de l'Ordre des médecins est interrogé concernant le respect du secret médical du médecin traitant, qui n’intervient pas dans le cadre d’un service d’aide aux justiciables, à l’égard d’un assistant de justice mandaté pour vérifier le respect des conditions imposées à un patient par une autorité judiciaire.

1- L’assistant de justice peut être chargé de vérifier le respect des conditions d’un suivi médical ou thérapeutique auquel est soumis le justiciable afin d’éviter la récidive.

Dans ce contexte, il peut contacter le médecin traitant, notamment pour contrôler des éléments rapportés par le justiciable (suivi de la thérapie, etc.), procéder aux vérifications réclamées par l’autorité mandante ou encore s’il estime avoir besoin d’informations supplémentaires.

D’autres situations peuvent également se présenter, telle que la vérification auprès du médecin traitant de la véracité d’une incapacité de travail dans le contrôle de la bonne exécution d’une peine de travail.

L’assistant de justice n’a pas besoin de l’accord du justiciable pour contacter son médecin.

Le médecin traitant sollicité doit être informé par l’assistant de justice du contenu de sa mission.

Le médecin traitant est tenu au secret médical. Le fait que l’assistant de justice soit également tenu au secret professionnel n’est pas suffisant pour que le médecin lui confie des données couvertes par le secret médical. Le médecin lève le secret si le patient, auquel il revient de prouver qu’il répond aux conditions qui lui ont été imposées, l’y autorise et si les informations demandées sont pertinentes et proportionnelles tenant compte du mandat de l’assistant de justice.

Le Conseil national recommande que le médecin réponde à l’assistant de justice en présence de son patient ou par l’intermédiaire de celui-ci (lorsqu’il s’agit de rapports médicaux, attestations, etc.).

L’assistant de justice n’est pas tenu au secret à l’égard de l’autorité qui lui a confié sa mission, à laquelle il rend compte de l’accomplissement de ses tâches et transmet les éléments pertinents au vu du mandat qu’il a reçu.

2- Le médecin traitant peut également se voir proposer de s’engager envers l’autorité judiciaire à assurer le suivi du traitement médical et à transmettre des informations à la justice (rapports relatifs aux présences de l'intéressé, à ses absences injustifiées, à la cessation unilatérale du traitement, aux difficultés survenues dans la mise en œuvre de celui-ci et aux situations comportant un risque sérieux pour un tiers, etc.)[1].

L’article 43 CDM 2018 énonce que la mission d’expert pour le compte d’un tiers n’est pas compatible avec celle de médecin traitant.

La déontologie médicale s'oppose au cumul du rôle de prestataire de soins ayant une relation thérapeutique avec l'exécution d'une mission d'évaluation de l'état de santé du même patient lorsque celle-ci intervient à la demande d'un tiers. La finalité des soins qui justifie la collecte de données à caractère personnel au cours d'une relation thérapeutique n'est pas compatible avec une évaluation de l'état de santé du patient sur mandat d'un tiers.

Une mission de traitement se distingue de l’expertise en ce qu’elle implique du médecin un accompagnement médical du patient.

Si le patient qui se voit imposer une guidance ou un traitement médical souhaite le suivre avec son médecin traitant, que l’assistant de justice et l’autorité judiciaire marquent leur accord sur ce choix et que le médecin concerné estime disposer de l’indépendance et de l’objectivité nécessaires pour y répondre, il peut accepter une telle mission. Préalablement, le médecin traitant s’assure que le patient a bien compris qu’il devra communiquer toutes les informations utiles à l’autorité mandante.


[1] Voir notamment l’article 9 bis de la loi du 29 juin 1964 concernant la suspension, le sursis et la probation ; l’article 35, § 6, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive ; l’article 62, §4, de la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine.

Tableau de l'Ordre15/10/2022 Code de document: a169020
Soumission d'un extrait de casier judiciaire lors du recrutement d'un médecin hospitalier

Un établissement hospitalier s’interroge s’il a le droit de demander un extrait du casier judiciaire à un médecin comme condition de recrutement.

En sa séance du 15 octobre 2022, le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné si un médecin a pour obligation déontologique de fournir un extrait de son casier judiciaire à la demande de la direction médicale d’un établissement hospitalier comme condition de recrutement.

  1. Introduction – Cadre juridique

1/ La législation ne donne pas de réponse concluante à la question de savoir si à l’occasion d’une procédure de recrutement un établissement hospitalier a le droit de sonder le passé judiciaire d’un médecin ni si le médecin a l’obligation légale de transmettre un extrait de son casier judiciaire.

Le principe général est qu’il est interdit à un employeur de poser des questions sur le passé judiciaire d’un candidat.

Le Règlement général sur la protection des données[1] prévoit que le traitement des données à caractère personnel relatives aux condamnations pénales et aux infractions (…) ne peut être effectué que sous le contrôle de l'autorité publique, ou si le traitement est autorisé par le droit de l'Union ou par le droit d'un État membre qui prévoit des garanties appropriées pour les droits et libertés des personnes concernées. Tout registre complet des condamnations pénales ne peut être tenu que sous le contrôle de l'autorité publique.

La demande d’un extrait du casier judiciaire lors d’une procédure de recrutement est donc, sauf exception légale, interdit.

2/ Avant l’entrée en vigueur de la loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé (ci-après : loi qualité), les commissions médicales provinciales avaient la charge d’informer les personnes intéressées des décisions prises par les tribunaux en rapport avec l’exercice de la profession médicale par le médecin.[2] Il s’agissait notamment d’informer de telles décisions le médecin-chef de l’institution dans laquelle l’intéressé exerce en tant que médecin spécialiste.[3] En ce sens, il existait une divergence entre la situation, d’une part, du médecin spécialiste qui n’avait pas encore été recruté dans une institution hospitalière et, d’autre part, du médecin spécialiste qui y travaillait déjà. En l’absence d’explication logique, il est permis de considérer que le médecin-chef de l’établissement hospitalier avait également le droit de vérifier les antécédents judiciaires du médecin spécialiste candidat, ou du moins d’interroger les commissions médicales provinciales sur les décisions prises par les tribunaux et dont elles avaient connaissance.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi qualité qui a supprimé les commissions médicales provinciales, cette communication des décisions judiciaires n’est plus garantie. La loi qualité dispose seulement que la Commission de contrôle informe l’AFMPS, l’INAMI et, le cas échéant, le patient, le professionnel des soins de santé ou l’instance qui a déposé plainte et les autres personnes et instances intéressées des mesures qu’elle a prises. Le Roi peut désigner d'autres instances devant être informées. A l’estime du Conseil national, il est indiqué que l’institution hospitalière dans laquelle le médecin exerce soit également informé des mesures prises par la Commission de contrôle[4].

3/ La circulaire n° 08/2014 du Collège des procureurs généraux près les cours d’appel du 9 janvier 2020 définit les conditions auxquelles le ministère public communique les condamnations pour, notamment, attentat à la pudeur, viol, détention d’images à caractère pédopornographique, et mauvais traitements sur une personnes vulnérable, à l’institution de soins où travaille le médecin condamné. Le Conseil national estime que l’établissement de soins de santé doit également être informé des éléments précités lors de la procédure de recrutement.

4/ La législation[5] relative à l’obligation pour certaines organisations de réclamer un extrait du casier judiciaire, modèle art. 596.2 (modèle mineurs), pour certains nouveaux employés, peut être interprétée dans le contexte de l’établissement hospitalier en ce sens que, lors du recrutement d’un nouveau médecin, il est nécessaire de vérifier que l’intéressé a eu un comportement irréprochable dans le traitement des mineurs tel que cela ressort d’un extrait du casier judiciaire, modèle art. 596.2[6]. Chaque établissement hospitalier est responsable, entre autres, de la surveillance médicale des mineurs.

En ce qui concerne la demande d'un extrait du casier judiciaire, modèle art. 595[7] (modèle général), il n'existe pas de législation particulière autorisant une institution hospitalière à exiger la production de ce document lors du recrutement d'un nouveau médecin.

5/ Lors de la demande d’inscription au Tableau de l’Ordre des médecins, le médecin a l’obligation de fournir un extrait de son casier judiciaire n’ayant pas plus de trois mois de date.[8] Cette disposition a pour but de permettre à l’Ordre de vérifier si le médecin qui sollicite son inscription a un casier judiciaire compatible ou non avec l’honneur et la dignité de la profession médicale. On peut admettre qu’un établissement hospitalier ait aussi la possibilité de vérifier la conduite d’un médecin lors de la procédure de recrutement afin de garantir la qualité et l’intégrité de ses services.

  1. Cadre déontologique

Nonobstant le débat juridique concernant le droit ou le devoir d'une institution hospitalière de vérifier un extrait du casier judiciaire lors du recrutement d'un nouveau médecin, tout médecin a le devoir déontologique de délivrer un extrait du casier judiciaire, modèle art. 595 et modèle art. 596.2, à la demande de la direction médicale de l'institution hospitalière.

Le Code de déontologie médicale[9] dispose que le médecin informe les confrères avec lesquels il collabore de toute décision disciplinaire, civile, pénale ou administrative susceptible de retombées quelconques sur leurs relations professionnelles. Ce principe s’applique également à des relations professionnelles futures.

Les médecins travaillant dans une institution hospitalière ont le devoir déontologique, en raison des responsabilités liées à l'exercice de leur fonction, d'avoir un comportement irréprochable et de répondre aux attentes légitimes et à la confiance que le patient place ou devrait pouvoir placer en eux.

La demande d'un extrait du casier judiciaire permet à l’institution hospitalière de garantir la qualité des soins, la sécurité du patient, l'intégrité et la bonne réputation de l’institution hospitalière et la protection des tiers.

Les médecins candidats ont le devoir déontologique de collaborer au principe de risque et de prudence que l’institution hospitalière doit respecter lors du recrutement des médecins.

Toutefois, il convient de noter qu'un médecin ayant encouru une condamnation pénale dans le passé, ne devrait pas être systématiquement refusé. L’opportunité d'un refus doit être évaluée au cas par cas, en tenant compte des principes de la déontologie médicale.

Enfin, l’institution hospitalière doit garantir le droit à la vie privée du médecin candidat. Le règlement général de l'hôpital doit au moins inclure les conditions de recrutement[10]. Ainsi, il doit être clairement indiqué :

  • si un extrait du casier juridique sera demandé lors de la procédure de recrutement ;
  • quels en sont les motifs ;
  • quelles condamnations peuvent être à la base d’un refus ;
  • le déroulement du processus d’appréciation qui ne peut pas être discriminatoire ;
  • les personnes ayant accès à ces données personnelles ;
  • la durée de la conservation de ces données personnelles, laquelle ne peut pas dépasser la durée de la procédure de recrutement.
  1. Conclusion

Lors de la procédure de recrutement, le médecin candidat a le devoir déontologique de fournir un extrait de son casier judiciaire (modèle art. 595 et modèle 596.2) à la demande de la direction médicale de l’institution hospitalière, conformément aux principes de la déontologie médicale. L’institution hospitalière doit traiter les données personnelles du médecin concerné dans le respect des principes de la vie privée et de la non-discrimination.


[1] Art. 10, Règlement UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE

[2] Art. 119, §1, 2°, c), 2., e), Loi coordonnée du 10 mai 2015 relative à l’exercice des professions des soins de santé, abrogé par l’art. 82 de la loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé

[3] Art. 30bis, 6°, Arrêté royal du 7 octobre 1976 relatif à l’organisation et au fonctionnement des commissions médicales

[4] Art. 61, Loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé

[5]Art. 596, 2me alinéa, Code d’instruction criminelle; Decreet (Vlaamse regering) van 3 juni 2022 houdende de verplichting voor bepaalde organisaties om een uittreksel uit het strafregister als vermeld in artikel 596, tweede lid, van het Wetboek van Strafvordering, te controleren voor bepaalde nieuwe medewerkers

[6]Extrait de casier judiciaire - Service public federal Justice (belgium.be)

[7] art. 21, §1, alinéa 2, 3., Arrêté royal du 6 février 1970 relatif à l’organisation et au fonctionnement de l’Ordre des médecins

[8] art. 21, §1, alinéa 2, 3., Arrêté royal du 6 février 1970 relatif à l’organisation et au fonctionnement de l’Ordre des médecins

[9] Art. 14, 2me alinéa, Code de déontologie médicale

[10] Art. 144, §3, 1°, Loi coordonnée du 10 juillet 2008 sur les hôpitaux et autres établissements de soins

Relation médecin-patient15/10/2022 Code de document: a169021
Addictions - Concertation sur l'état de santé du patient entre les médecins traitants

En sa séance du 15 octobre 2022, le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné la question de savoir si un médecin peut signaler les graves problèmes de dépendance d’une patiente à un gynécologue avec l’accompagnement duquel la patiente souhaite commencer un traitement de fertilité.

Il est scientifiquement prouvé que la consommation d’alcool et d’autres substances générant une dépendance dès la conception et tout au long de la grossesse a un effet très néfaste sur le développement du fœtus. Le syndrome d’alcoolisme fœtal, par exemple, se caractérise par des anomalies très graves[1] qui compromettent sérieusement les perspectives d’avenir de l’enfant à naître.

Le Conseil national considère que dans les cas graves et avérés d’éthylisme et/ou de consommation d’autres substances générant une dépendance, après que l’attention de la mère a été attirée à plusieurs reprises sur le danger pour elle-même et le futur bébé, le secret professionnel peut être rompu au nom d’un intérêt supérieur, à savoir la protection de l’intégrité physique et psychique de l’enfant à naître.


[1] Caractéristiques du syndrome d’alcoolisme fœtal

À la naissance

Retard de croissance

Dysmorphie faciale

Anomalies neurologiques

• mauvaise coordination musculaire,

• mauvais réflexe de succion, problèmes de mastication,

• hypersensibilité au son et/ou à la lumière vive,

• troubles du sommeil,

• troubles de l’attention et de la mémoire,

• troubles du langage,

• altération des capacités visuelles,

• troubles de l’apprentissage et du comportement, hyperactivité, comportement autistique,

• retard mental (QI moyen de 60).

Autres anomalies possibles

• problèmes cardiaques

• malformations du squelette et des organes internes (par exemple: le foie, les reins, les organes sexuels)

• problèmes d’audition

• malformations de l’articulation de la hanche

• scoliose

• tension musculaire trop élevée ou trop faible

• troubles de la motricité (mouvements fins)

• risque accru d’infections auriculaires et pulmonaires

• tremblements

• irritabilité

• comportement impulsif

• épilepsie

• troubles de l’équilibre

Problèmes courants chez les enfants et les adultes

• Plaintes psychiques, problèmes psychiatriques (tels que la dépression)

• Difficultés d’apprentissage, mauvais résultats scolaires, problèmes au travail

• Problèmes de comportement, comportement criminel

• Comportement sexuel inapproprié

• Problèmes liés à l’alcool et à la drogue

• Isolement social

Commission médicale provinciale17/09/2022 Code de document: a169016
Loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé – Modification des articles 44 à 63 relatifs à la Commission de contrôle

Le Conseil national de l’Ordre des médecins a analysé de manière approfondie la version consolidée des articles 44 à 63 relatifs la Commission fédérale de contrôle de la pratique des soins de santé (Commission de contrôle), modifiés par la loi du 30 juillet 2022 modifiant la loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé (MB, 8 août 2022).

Lettre au ministre des Affaires sociales et de la Santé

Monsieur le Ministre,

Le Conseil national de l’Ordre des médecins a pris connaissance avec intérêt de la loi du 30 juillet 2022 modifiant la loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé (MB, 8 août 2022).

Les articles 2 à 21 (chapitre 2) de cette loi apportent des modifications et précisions importantes aux articles 44 à 63 (chapitre 4) de la loi qualité entrés en vigueur le 1er juillet 2022, en ce qui concerne la Commission fédérale de contrôle de la pratique des soins de santé (Commission de contrôle).

Après avoir analysé de manière approfondie la version consolidée des articles 44 à 63 de la loi qualité d’un point de vue déontologique, juridique et médical, le Conseil national observe avec satisfaction que de nombreuses dispositions ont été précisées, retravaillées et clarifiées, et que des lacunes ont été comblées, en tenant compte entre autres des préoccupations déontologiques formulées par l’Ordre des médecins dans son avis (a169009) du 23 avril 2022 (voir annexes).

De nombreux points soulevés ont été pris en compte, tant en ce qui concerne la mission, la composition, l’organisation et le fonctionnement de la Commission de contrôle, la procédure de contrôle et les mesures et sanctions qui peuvent être infligées. Il est positif que la procédure de contrôle ait été simplifiée, avec un rôle central pour la Commission de contrôle en cas de plaintes et de manquements.

Néanmoins, certaines lacunes, dispositions à délimiter et préoccupations subsistent.

Le Conseil national est d’avis que les préoccupations déontologiques suivantes doivent faire l’objet d’une attention particulière, avant que les chambres compétentes de la Commission de contrôle ne soient effectivement constituées et qu’elles ne commencent leur mission.


  • Un premier point concerne la composition des chambres de la Commission de contrôle, qui n’est plus définie dans la loi qualité.

Conformément au nouvel article 46, § 2, le Roi[1] détermine la composition des chambres de la Commission de contrôle[2].

La manière dont les membres-professionnels des soins de santé évalueront les autres professionnels dans la pratique, de manière générale et particulière dans chaque dossier[3], doit être clairement précisée par des arrêtés d’exécution. L’article 59 de la loi qualité initiale montrait l’intention de faire évaluer (dans une large mesure) les professionnels des soins de santé par des membres de la profession concernée. Cette piste semble difficile à identifier dans la loi du 30 juillet 2022.

De même, la composition des groupes de travail, constitués de membres de la chambre concernée de la Commission de contrôle, et l’élargissement à des experts invités, qui ne font pas partie de la chambre multidisciplinaire, impliquent l’adoption de règles précises afin d’assurer une action objective et uniforme[4] avec l’expertise requise.

  • Une autre préoccupation concerne la qualification et le rôle des inspecteurs.

Les chambres de la Commission de contrôle ont désormais la compétence de donner des instructions directement à un inspecteur pour qu’il effectue un contrôle concret sur le terrain, et les inspecteurs remettent leur procès-verbal à la chambre compétente.

Les inspecteurs ont également la possibilité, « sur initiative propre »[5], sans l’intervention de la chambre[6], d’examiner un dossier au regard de tous les cinq manquements possibles énumérés à l’article 45 : l’aptitude physique et psychique des professionnels des soins de santé (1°), le respect de la loi qualité (2°), l’exercice légal d’une profession des soins de santé (3°), le respect de la loi relative aux droits du patient (4°) et la poursuite de la pratique entraînant des conséquences graves (5°).

La question se pose de savoir comment la disposition « s’ils ont connaissance d’indices sérieux et persistants d’un manquement probable … » sera interprétée objectivement et uniformément dans la pratique. Le Conseil national est d’avis qu’une telle initiative doit être encadrée par des règles très strictes et une responsabilité devant la chambre compétente de la Commission de contrôle.

L’article 49 précise quelles sont les personnes qui peuvent occuper la fonction d’inspecteur, compte tenu du contenu des dossiers, de la charge de travail prévue pour les inspecteurs, de leur nombre[7] (insuffisant) et de leurs qualifications. En ce qui concerne cette dernière caractéristique, le Conseil national demande, sur la base de l’exposé des motifs[8], davantage de garanties.

La loi qualité utilise la notion de « capacité » comme unité de mesure pour évaluer la qualité de la pratique. Le Conseil national souligne la nécessité d’une définition clairement délimitée de ce concept et réaffirme son point de vue « Dans le contexte de la Commission de contrôle, le Conseil national plaide pour que la compétence du médecin soit appréciée par des ‘pairs’[9] ». La capacité des inspecteurs doit également être clairement définie afin d’éviter des jugements éventuellement arbitraires au détriment de la qualité de soins et de la sécurité des patients. Comment les inspecteurs pourront-ils agir en ayant une connaissance adéquate des questions spécifiques dans chaque cas ?

  • Une préoccupation particulière de l’Ordre des médecins est l’évaluation de l’aptitude physique et psychique des professionnels des soins de santé pour continuer d’exercer leur profession sans risque. Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi qualité, le Conseil national, conformément à sa compétence[10], a, au cours des dernières décennies, constitué rapidement des collèges de médecins-experts, à chaque fois qu’une Commission médicale provinciale le requérait.

Cette mission de l’Ordre est devenue caduque depuis l’entrée en vigueur du chapitre 4 de la loi qualité le 1er juillet 2022. Les groupes de travail au sein de la chambre de la Commission de contrôle, complétés par des experts externes si nécessaire, reprendront-ils le rôle des collèges d’experts désignés par l’Ordre des médecins en matière d’évaluation de l’aptitude physique et psychologique de (tous les) professionnels des soins de santé ? Ou alors, l’intention est-elle de confier cette tâche à des inspecteurs (avec davantage d’effectifs) ?

Le Conseil national souligne que cette évaluation par la Commission de contrôle implique une capacité de diagnostic. Par conséquent, il convient de garantir légalement que les médecins, soit en tant qu’inspecteurs, soit en tant qu’experts, seront impliqués dans de telles décisions – cruciales pour la pratique des professionnels des soins de santé. Un plan d’amélioration permet de poursuivre l’exercice de la profession. En revanche, sans un visa valide en tant que licence to practise, le professionnel des soins de santé ne peut (temporairement) pas continuer d’exercer.

Le Conseil national demande instamment de connaître rapidement les conclusions qui en résulteront dans la pratique concernant l’exercice de ces contrôles, de quelle manière la continuité du contrôle des visas actuellement suspendus ou retirés des professionnels des soins de santé est assurée, ainsi que les directives que l’Ordre des médecins doit respecter en ce qui concerne les questions actuelles quant à l’aptitude physique et psychique des professionnels des soins de santé, d’ici à ce que les chambres compétentes de la Commission de contrôle soient constituées et que le nombre nécessaire d’inspecteurs soit en service.

  • Le Conseil national approuve les précisions et les garanties importantes dans la modification de la loi du 30 juillet 2022 relatives aux droits de défense du professionnel des soins de santé, entre autres le nouvel article 54 de la loi qualité.

Toutefois, le Conseil national constate que le droit fondamental du professionnel des soins de santé de faire appel d'une décision de la chambre compétente de la Commission de contrôle d'imposer un plan d'amélioration ou de retirer/suspendre le visa est absent de la loi qualité. L'exposé des motifs ne fait pas non plus mention d'une possibilité de recours ou de la création d'une instance de recours.

Le Conseil national note qu’une possibilité de recours est bien prévue lorsque le professionnel des soins de santé se voit infliger une amende administrative (art. 58/1, § 4, 4°).

La possibilité de recours devant la chambre compétente de la Commission médicale de recours était légalement prévue s’agissant des décisions des Commissions médicales provinciales concernant l’évaluation de l’aptitude physique et psychologique requises d’un médecin, d’un pharmacien, d’un infirmer, d’un vétérinaire ou d’un membre d’une profession paramédicale à poursuivre sans risque l’exercice de sa profession[11].

Dans l’exposé des motifs relatif à l’article 56 initial de la loi qualité, les rédacteurs remarquent : « Le professionnel des soins de santé peut éventuellement introduire un recours auprès du Conseil d’État contre la décision finale prise par le ministre »[12]. Le ministre doit-il être remplacé mutatis mutandis par la chambre compétente de la Commission de contrôle qui, suite à la modification de la loi qualité, décide désormais ?

  • L’article 58/1 ajouté définit de manière exhaustive les modalités du concept entièrement nouveau de l’amende administrative qui peut être infligée (art. 56, al. 1, 1°, b) et 2°, c)). Cette amende n’est pas une sanction en soi, complémentaire au plan d’amélioration et au retrait ou à la suspension du visa, mais constitue une mise sous pression pour le professionnel des soins de santé qui ne se conforme pas ou ne met pas en œuvre les mesures.

Dans cet article, l’accent est largement mis sur les droits de la défense, dont la garantie d’une communication claire avec le professionnel des soins de santé et une possibilité de recours, qui est prévue en l’espèce (cf. supra art. 58/1, §4, 4°). L’instance vers laquelle le professionnel des soins de santé peut se tourner dans ce cas de figure n’est mentionnée nulle part.

Le Conseil national est particulièrement préoccupé par l’ajout d’un troisième motif pour lequel une amende administrative peut être infligée à l’article 58/1, § 1er, deuxième alinéa : « De même, une amende administrative telle que visée au premier alinéa peut être infligée au professionnel des soins de santé qui refuse de prêter son concours aux actes d’enquête visés à l’article 52 ».

Une amende due au refus de prêter son concours aux actes d’enquête par la chambre de la Commission de contrôle appelle une étude plus approfondie concernant les droits de la défense à la lumière du principe général du droit relatif au respect des droits à la défense, consacré par les articles 6.1, CEDH et 14.3, g, PIDCP.

La collaboration obligatoire du médecin à l’enquête disciplinaire de l’Ordre[13] a fait l’objet d’une réflexion approfondie au sein du Conseil national, notamment lors de la rédaction de ses propositions de réforme (2016) ainsi que du nouveau Code de déontologie médicale (2018) et de ses commentaires (2019). Une telle disposition ne figure plus parmi les obligations déontologiques, conformément notamment aux droits de la défense garantis par les règles du droit international.

Le Conseil national estime opportun d’examiner, par analogie avec la procédure disciplinaire prévue pour les ordres, si la Commission de contrôle peut légitimement priver un professionnel des soins de santé, sous peine d’une amende administrative, du droit de ne pas être obligé de contribuer à la preuve des faits qui lui sont reprochés, et de collaborer à sa propre condamnation.

La restriction « Le praticien n’est pas libre de se soustraire délibérément à l’examen des experts » de l’article 119, § 1er, 2°, b), deuxième alinéa, abrogé[14] de la loi coordonnée du 10 mai 2015, concernant l’aptitude psychique et psychologique du professionnel des soins de santé, ne justifie aucunement la disposition de l’article 58/1, § 2, deuxième alinéa, de la loi qualité.

  • Les dispositions relatives à un règlement intérieur qu’elle doit établir (art. 59/1) concrétisent le fonctionnement de la Commission de contrôle. En ce qui concerne les informations sur les autres possibilités de traitement de la plainte (art. 59/1, deuxième alinéa, 2°)[15], le Conseil national soutient la référence des rédacteurs[16] aux « différentes instances » pour « un même comportement du professionnel des soins de santé », mais constate l’absence de mention des organes déontologiques (Ordre des médecins, …). L’Ordre des médecins, à la lumière de la déontologie positive, mise de plus en plus sur la médiation, la concertation et la prévention avant de prendre des mesures de sanction.
  • En ce qui concerne la communication des mesures prises et des sanctions infligées par la Commission de contrôle, le Conseil national réitère ses préoccupations exprimées dans son analyse du 23 avril 2022 (p. 75).

Afin de promouvoir une pratique des soins sûre et loyale par tous les professionnels du secteur de la santé, le Conseil national continue de mettre son expertise à votre disposition, dans l’intérêt des patients et de la santé publique.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’assurance de ma haute considération.

Pour le Conseil national,

B. DEJEMEPPE,

Président.

ANNEXES

  • 'Loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé – Difficultés et préoccupations déontologiques’ (avis du Conseil national, 23 avril 2022, a169009)
  • analyse intégrale de la Loi qualité (annexe à l’avis du Conseil national, 23 avril 2022, a169009)


[1] « Les critères minimaux concernant la composition des chambres sont réglés par la loi. D’autres normes relatives à la composition, comme le nombre de membres, seront déterminées par un arrêté royal en Conseil des ministres. » (exposé des motifs, p. 9)

[2] Une composition limitée de « la chambre composée du président et de deux membres » (art. 57, premier alinéa) concerne seulement le cas où il s’agit de prendre une mesure provisoire urgente, si des conséquences graves et imminentes pour les patients ou la santé publique sont à craindre, dans le cadre de la poursuite d’une pratique. Il n’est pas mentionné si les membres de la profession concernée sont visés.

[3] Les rédacteurs de la loi qualité initiale ont même pensé à « par exemple, des règles [...] pour la composition des chambres si une personne est titulaire d’un titre de plusieurs professions de santé ou si plusieurs professionnels de la santé sont impliqués dans une même affaire… »

[4] Art. 59/1, deuxième alinéa, 4°.

[5] Art. 45, deuxième alinéa, b) (cf. exposé des motifs p. 8) et art. 51, deuxième alinéa.

[6] Exposé des motifs, p. 13.

[7] « De plus, les moyens budgétaires nécessaires seront libérés pour le recrutement de plusieurs inspecteurs. » (exposé des motifs, p. 5).

[8]Les modifications suivantes ont été apportées :

« — […] Idéalement, les inspecteurs sont des professionnels des soins de santé, mais ce n'est pas une exigence. Le but est de pouvoir faire appel à des inspecteurs aux profils différents pour la préparation des dossiers. Les Chambres qui sont composées de professionnels des soins de santé et qui dirigent les inspecteurs, mobiliseront l'inspecteur le plus approprié et le plus compétent en fonction des caractéristiques de chaque dossier. Si l'inspecteur est un professionnel des soins de santé, il ne s'agira pas nécessairement d'un professionnel de la même catégorie que la personne inspectée. Cependant, les Chambres veilleront toujours à l'égalité entre l'inspecteur et le professionnel des soins de santé qui fait l’objet de l’inspection. Il ne fait aucun doute que chaque inspection devra être menée de façon très approfondie. Il n’est dès lors pas exclu qu’une Chambre qui juge qu’une inspection n’a pas été convenablement réalisée ordonne, le cas échéant, une deuxième inspection par un autre inspecteur ; […]

si les inspecteurs ne sont pas des professionnels des soins de santé, ils doivent suivre une formation spécifique concernant les matières pour lesquelles la Commission de contrôle est compétente. Les inspecteurs qui sont des professionnels des soins de santé devront eux aussi suivre une formation spécifique pour les matières dans lesquelles ils ne possèdent pas de connaissances sur la base de leur profession spécifique des soins de santé. (nouveau § 2/2) Dergelijke opleiding draagt bij aan een degelijke voorbereiding van de dossiers door competente inspecteurs. Deze vereiste inzake opleiding heeft ook betrekking op de inspecteurs van het FAGG en het RIZIV zoals bedoeld in paragraaf 2. Ce à quoi la formation doit répondre dans chaque cas peut être défini par arrêté royal. (modification § 3) » (exposé des motifs, p. 12).

[9] Cf. analyse intégrale de la loi qualité, annexe à la 'Loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé – Difficultés et préoccupations déontologiques’ (avis CN, 23 avril 2022, a169009), pp. 12-14.

[10] Cf. arrêté royal relatif à l’organisation et au fonctionnement des commissions médicales, artt. 11 et s.

[11]cf. arrêté royal relatif à l’organisation et au fonctionnement des commissions médicales, artt. 24 à 30.

[12]cf. analyse intégrale Loi qualité, annexe à la loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé – Difficultés et préoccupations déontologiques (avis CN, 23 avril 2022, a169009), p. 73.

[13]Infligé par l’ancien article 69 du Code de déontologie médicale (1975).

[14]Par l’art. 82 de la Loi qualité.

[15]Dans ce contexte, le Conseil national rappelle sa question concernant le principe non bis in idem dans son analyse du 23 avril 2022 (p. 76).

[16]Exposé des motifs, p. 21.

Certificat d'incapacité de travail17/09/2022 Code de document: a169017
Possibilité pour un médecin de délivrer un certificat d’incapacité à l’issue d’une téléconsultation.

Le Conseil national de l’Ordre des médecins est interrogé concernant la possibilité pour un médecin de délivrer un certificat d’incapacité à l’issue d’une téléconsultation.

La rédaction d’un certificat d’incapacité obéit aux même règles déontologiques qu’il soit rédigé à l’issue d’une téléconsultation ou d’une consultation en présentiel.

La déontologie médicale impose au médecin lorsqu’il déclare avoir constaté un fait de nature médicale de faire preuve de sincérité, d’objectivité et de prudence (article 26 CDM 2018 ; avis du 19 septembre 2020 du Conseil national, intitulé Rédaction des documents médicaux : principes et recommandations, a167021).

Le médecin s’appuie sur des faits médicaux qu’il a lui-même constatés pour émettre avec objectivité un avis, médicalement fondé, sur la capacité du patient à exercer une activité déterminée.

La majeure partie des téléconsultations se font actuellement par téléphone ou vidéo, sans disposer d’un matériel technologique avancé ou de l’assistance d’un professionnel de santé auprès du patient.

Dans ces circonstances, pour qu’un certificat d’incapacité puisse être délivré suite à une téléconsultation, il faut qu’un examen physique ne soit pas nécessaire et que l’anamnèse ou les éléments contenus dans le dossier du patient permettent de récolter suffisamment d’éléments objectifs pour évaluer sa capacité à exercer une activité déterminée.

Ces situations sont rares et, sauf circonstances particulières, cela requiert une bonne connaissance de la situation médicale du patient (par exemple en cas de maladie chronique) et l’accès à ses données de santé.

Il appartient aux associations professionnelles, par spécialité, de développer des lignes directrices concernant le recours à la téléconsultation, en ce compris l’opportunité de la prescription de médicaments et la délivrance de documents médicaux.

Si le médecin ne dispose pas suffisamment d’éléments objectifs pour attester d’une incapacité, il propose au patient une consultation physique.

Comme pour une consultation physique, chaque téléconsultation doit être enregistrée dans le dossier médical, en ce compris la délivrance éventuelle de documents.

Le médecin est prudent et précis dans la rédaction du certificat. Il ne mentionne pas qu’il a examiné le patient lorsque tel n’est pas le cas.

Les règles déontologiques à respecter pour la réalisation d’une téléconsultation médicale ont été énoncées dans l’avis du 18 juin 2022 du Conseil national, intitulé Téléconsultation dans le domaine des soins de santé – règles déontologiques, a169012). Elles précisent notamment que le patient doit être informé des limites de la consultation à distance ce qui vaut aussi concernant la possibilité de se voir délivrer un certificat d’incapacité.

Il est de la responsabilité du médecin de faire un bon usage de la téléconsultation, qui peut s’avérer un complément utile et quelque fois nécessaire dans certaines situations, dans la perspective d’une médecine de qualité au bénéfice de la santé du patient et dans l’intérêt de la collectivité.

Depuis le 1er août 2022, un nouveau cadre existe pour le remboursement des consultations médicales à distance, consultable sur le site de l’INAMI https://www.riziv.fgov.be/fr/themes/cout-remboursement/par-mutualite/prestations-distance-medecins/Pages/default.aspx#Quelles_consultations_entrent_en_consid%C3%A9ration_pour_le_remboursement_. (consulté le 14 septembre 2022).

COVID-1917/09/2022 Code de document: a169019
Obligation déontologique du médecin de porter un masque buccal dans son cabinet médical comme mesure de prévention pour prévenir la propagation du Coronavirus

En sa séance du 17 septembre 2022, le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné la question de savoir si le médecin est soumis à l’obligation déontologique de porter un masque buccal dans son cabinet médical (en ce compris la salle d’attente).

Suite à la pandémie, dans les hôpitaux et les établissements de soins, chaque médecin est légalement tenu de porter un masque buccal. Cette obligation s’applique à l’ensemble du territoire belge.[1]

En outre, les médecins généralistes et les médecins spécialistes exerçant en cabinet privé en Wallonie et à Bruxelles sont légalement tenus de porter un masque buccal dans leur cabinet médical.[2] En Flandre, cette obligation légale n’est pas d’application.

La politique juridique relative à l'obligation de porter un masque pour les médecins généralistes et les médecins spécialistes en pratique privée diffère donc d'une région à l'autre. Cependant, cette différence de politique n'est pas corrélée avec l'incidence du nombre de cas par région. Le Conseil national plaide donc pour une politique uniforme pour l'ensemble de la Belgique.

Outre l'obligation légale, la mesure préventive du port du masque dans le cabinet médical fait également partie des obligations de la déontologie médicale. Il est vrai que l'attention portée au Coronavirus a diminué, et que les nombreuses mesures concernant la limitation des contacts et la quarantaine se sont vues assouplies ; toutefois, le virus circule toujours, et il reste du devoir du médecin d'être vigilant et de protéger la santé de chaque patient.

Tant que les instances scientifiques recommandent le port du masque buccal dans le cabinet médical[3] (salle d’attente comprise), chaque médecin a l’obligation déontologique de suivre cette mesure, sur la base du Code de déontologie médicale.

La mesure de prévention consistant à porter un masque buccal contribue à

- la protection de la santé des patients, en particulier ceux qui appartiennent à un groupe à risque en raison de leur âge avancé ou d’une maladie sous-jacente (art. 5, Code de déontologie médicale) ;

- la protection de la santé du médecin, qui doit assurer la continuité des soins (art. 8, 10 et 13, Code de déontologie médicale) ;

- la qualité des soins (art. 3 et 8, Code de déontologie médicale) ;

- la sécurité du patient (art. 9 et 39, Code de déontologie médicale) ;

- la prévention de la poursuite de la propagation du Coronavirus (art. 4 et 5, Code de déontologie médicale).

Cette mesure est jugée comme étant proportionnée à l’objectif poursuivi par le Conseil national.

En outre, dans une optique de protection de ses autres patients et de sa propre santé, le médecin peut demander au patient de porter également un masque buccal quand il entre dans son cabinet.


[1] Art. 8, §1, 13°, décret du 21 octobre 2021 du service public de Wallonie relatif à l’usage du COVID Safe Ticket et à l’obligation du port du masque ; art. 3, §1, arrêté du 11 mars 2022 du Gouvernement flamand relatif à l'obligation de port du masque buccal dans les transports en commun et dans les établissements de soins ; art. 2, §1, arrêté du 22 mai 2022 du Collège réuni de la Commission Communautaire Commune relatif à l’obligation du port du masque buccal dans les transports en commun et les établissements de soins et abrogeant l’arrêté du Collège réuni de la Commission Communautaire commune du 22 avril 2022 relative à l’obligation de port du masque buccal dans les transports en commun et les établissements de soins

[2] Art. 8, §1, 13°, décret du 21 octobre 2021 du service public de Wallonie relatif à l’usage du COVID Safe Ticket et à l’obligation du mort du masque ; art. 2, §1, arrêté du 22 mai 2022 du Collège réuni de la Commission Communautaire Commune relatif à l’obligation du port du masque buccal dans les transports en commun et les établissements de soins et abrogeant l’arrêté du Collège réuni de la Commission Communautaire commune du 22 avril 2022 relative à l’obligation de port du masque buccal dans les transports en commun et les établissements de soins

[3]Masques buccaux | Coronavirus Covid-19 (sciensano.be)