keyboard_arrow_right
Déontologie

Fault, no fault, or ... ?

Fault, no fault, or…?

Note Symposium «Responsabilité et accidents médicaux: Fault, no fault, or…?»
14 juin 2000 (traduction)

EXPOSE AU NOM DU CONSEIL NATIONAL

Le Conseil national de l'Ordre des médecins remercie les initiateurs et organisateurs de ce symposium de la possibilité offerte d'exposer aussi les aspects déontologiques de l'assurance en responsabilité civile des médecins. Dans sa lettre du 11 décembre 1999, le Conseil national demandait aux ministres compétents de prêter une attention particulière à quatre points déontologiques importants: l'indemnisation complète de la victime en cas de faute médicale, une communication franche et ouverte avec la victime, la solidarité entre médecins et dispensateurs de soins et enfin, la prévention des fautes.

Dans la première partie de cet exposé, je me limiterai à la faute médicale; dans la deuxième partie, quelques remarques seront formulées au sujet du système "no fault".

Il fut une époque où tout médecin pouvait contracter contre une prime équitable une assurance adéquate pour la totalité de son activité médicale. Mais sous l'effet d'une série de facteurs, l'indemnisation complète du dommage a évolué vers des restrictions dans l'assurabilité de la responsabilité et vers un plafonnement de l'indemnisation du dommage. Cependant, le Conseil national estime qu'il est un des principes fondamentaux de la déontologie médicale d'au moins indemniser le patient complètement lorsqu'il est victime d'une faute médicale et d'éviter qu'il ne soit doublement victime. Il apparaît très clairement à la lecture des polices courantes d'assurance responsabilité civile des médecins qu'il doit y avoir des problèmes. L'analyse comparative incisive du Professeur Vansweevelt, dans son ouvrage consacré à l'assurance en responsabilité professionnelle des médecins et des hôpitaux, a donné la chair de poule à pas mal de médecins. Ceci n'empêche qu'il y a aujourd'hui encore des médecins qui ne sont pas suffisamment assurés ou qui ne peuvent l'être. Une boutade dit: il vaut mieux se faire renverser par un médecin au volant que d'être victime d'une erreur médicale. L'assurance de la voiture est en effet obligatoire, celle de l'activité médicale ne l'est pas. Du point de vue du patient, la première des priorités devrait être celle d'une assurance en responsabilité professionnelle légalement obligatoire et adéquate pour tous les médecins et tous les dispensateurs de soins. Pour les médecins et les assureurs, une assurance en responsabilité légalement obligatoire signifierait que le Ministre des Affaires économiques devrait donner son fiat pour toute augmentation de prime à l'instar de ce qui avait cours avant avril 1993.

Un deuxième point important pour le Conseil national est qu'il est essentiel à la relation de confiance que le médecin puisse, en cas de faute médicale présumée, parler ouvertement, en détail et sans aucune réserve de ce qui s'est passé, avec le patient ou dans le pire des cas avec ses proches parents. Toutes les polices responsabilité civile soulignent toutefois que l'assuré doit s'en tenir aux faits, sans aveu quelconque d'une faute. Plus que la faute humaine elle-même, la réserve imposée et la communication boiteuse qui en découle, font bien souvent basculer la relation de confiance qui persiste, dans l'incompréhension et la méfiance que l'on retrouve à la base d'une plainte arguant d'une faute. Le Conseil national est d'avis qu'une information maximale du patient et/ou de ses proches parents est déontologiquement indiquée dans le cadre aussi d'une faute médicale présumée et qu'aucune disposition de technique de l'assurance ne peut entraver cette communication ouverte.

Au troisième point, le Conseil national se demande si les assurances individuelles des dispensateurs de soins répondent encore à la réalité des soins d'aujourd'hui. De plus en plus de patients sont traités simultanément par des dispensateurs de soins de différentes disciplines, qui souvent travaillent à des échelons différents. Le plus bel exemple d'enchevêtrement des soins intra- et extra-muraux est celui du problème de la responsabilité lors d'une hospitalisation de jour. Ceci a notamment pour conséquence qu'en cas de faute présumée, le patient ne sait plus à qui il doit s'adresser. Une formule passant de l'assurance individuelle à une assurance globale de la responsabilité civile de tous les dispensateurs de soins éliminerait ces inconvénients. Le Conseil national n'opte pas pour la tendance dans laquelle l'hôpital assurerait aussi la responsabilité de tous ses dispensateurs de soins indépendamment de leur statut professionnel. Cette tendance n'est pas adaptée aux soins transmuraux et comporte le risque d'une collusion entre l'assureur et l'institution qui peuvent exclure certaines interventions par exemple chez des transsexuels ou certaines admissions par exemple de maladies infectieuses antibiorésistantes. En outre, on ne peut oublier que les plantes chinoises amaigrissantes n'ont pas été prescrites par des médecins hospitaliers.

Au quatrième point, le Conseil national demande que l'attention nécessaire soit accordée à la prévention des fautes médicales et à l'amélioration de la qualité des soins. A cet égard, l'organisation des soins médicaux requiert au moins autant d'attention que les soins en eux-mêmes. En matière de fautes médicales, les déficiences manifestes ne se présentent pas toujours au niveau du médecin et sont parfois celles du système dans lequel il doit fonctionner.

Je souligne à nouveau que je n'ai jusqu'à présent abordé que la faute médicale. Ci-dessous sont à présent développées quelques remarques au sujet du système "no fault".

Sous réserve de son contenu dans la pratique, ce système est évidemment attrayant à plus d'un titre. Il garantit une procédure simple et une réparation rapide. De plus, la preuve d'une faute médicale est souvent difficile à rapporter, et un patient peut être l'objet d'un dommage sévère qui n'est pas la conséquence d'une faute médicale mais de ce que l'on appelle un "aléa thérapeutique". Le Conseil national voit bien les avantages d'un système qui permet de régler rapidement les conflits et d'allouer une indemnisation décente à tous les patients malchanceux, et ce indépendamment de la cause du revers en question. Un tel système peut aussi exercer un effet favorable sur la tranquillité d'esprit des dispensateurs de soins et leur relation avec le patient.

La valeur du système "no fault" n'est pas déterminée par la magie du concept mais par la façon dont il prend forme sur le plan pratique. Ainsi, le Conseil national ne peut en aucun cas accepter que des patients s'étant en premier lieu adressés au tribunal civil ou s'étant portés partie civile, ne puissent plus par la suite introduire une demande en réparation auprès du Fonds d'indemnisation lorsqu'ils auront été déboutés par le tribunal. Ce système du tout ou rien est injuste envers le patient qui a subi un dommage grave et imprévu et qui a tenté sa chance devant le tribunal.
Le Conseil national est d'avis que le choix à faire entre deux voies pouvant conduire à l'indemnisation, l'une étant l'assurance responsabilité civile du dispensateur de soins, l'autre celle du Fonds d'indemnisation, pourrait aboutir à d'étranges situations. Le dispensateur de soins, ou son assureur responsabilité civile, ne va-t-il pas tenter de drainer au maximum les réclamations de dommages vers le Fonds d'indemnisation ?

En plus de la distinction qui est loin d'être évidente entre une faute et un dommage par "accident thérapeutique", bien d'autres facteurs peuvent intervenir, qui n'ont rien à voir avec ce qui s'est produit et qui peuvent être déterminants du choix entre la voie de l'assurance responsabilité civile ou celle du Fonds.

Le Conseil national penche pour la création d'une seule instance comportant des commissions de médiation appelées à examiner toutes les demandes en réparation, et proposant une indemnisation non seulement en fonction du dommage subi mais aussi en fonction de la cause étant à son origine. Pour un même dommage, la commission de médiation proposerait un montant nettement plus élevé lorsqu'elle jugerait qu'une faute est établie, et un montant moins élevé lorsqu'elle jugerait qu'il ne s'agit pas d'une faute mais d'un accident.
Si la victime n'était pas d'accord avec la proposition de la commission de médiation, elle pourrait faire valoir ses droits devant le tribunal.
L'instance à créer pourrait être l'"assureur" direct ou indirect de tous les médecins, éventuellement de tous les dispensateurs de soins, et pourrait prendre les initiatives nécessaires sur le plan de la prévention. L'instance encouragerait les dispensateurs de soins à un dialogue ouvert avec les victimes ou leurs proches et ce sans aucune restriction quant à l'aveu d'une faute.

Par la création de cette instance, la boucle est bouclée: une indemnisation complète du dommage subi en cas de faute médicale, ce à quoi s'est ajoutée une indemnisation partielle en cas d'accident thérapeutique; un contrat d'assurance adéquat et légalement obligatoire afin que le patient puisse également être tranquille sur ce plan; un dialogue ouvert avec, le cas échéant, reconnaissance de la faute ou de l'accident; la solidarité entre les dispensateurs de soins; la possibilité de faire véritablement de la prévention; une seule instance saisie des demandes en réparation et un règlement rapide de toute demande.
Cette proposition résout toutes les imperfections du système actuel avec la valeur ajoutée des avantages d'un système "no fault".

Le Conseil national estime qu'il n'est pas de sa compétence d'émettre des propositions concrètes au sujet de cette unique instance, mais compte sur votre créativité et votre inventivité à tous.

Dr I. UYTTENDAELE,
Vice-président du Conseil national