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Déontologie

Avis : loi relative aux droits du patient

Avis : loi relative aux droits du patient

En ses séances des 10 mai, 21 juin et 26 juillet 2003, le Conseil national a examiné l'impact sur la déontologie médicale de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient (Moniteur belge du 26 septembre 2002, entrée en vigueur le 6 octobre 2002) (voir Bulletin du Conseil national n° 99, mars 2003, p. 13). Dans ses avis des 17 février 2001 concernant la Note conceptuelle Droits du patient et du 16 février 2002 sur l'avant-projet de loi relatif aux droits du patient, le Conseil national s'est déclaré d'accord sur l'essentiel des textes examinés consacrant comme droits du patient bon nombre des principes déontologiques prônés par l'Ordre des médecins depuis des années. D'autre part, ces avis formulaient une série de remarques dont il a été tenu compte en partie dans l'élaboration de la loi. Par ailleurs, l'application de la loi soulève dans la pratique bien des questions d'ordre déontologique. Pour ces raisons, le Conseil national juge indiqué d'émettre un avis supplémentaire visant à compléter et préciser les avis précités.

Le présent avis traite successivement des points qui font difficulté concernant le dossier médical, la personne de confiance et le représentant du patient, l'expression de la volonté du patient et le nouvel article 95 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre. En ce qui concerne la fonction de médiation, le Conseil national déterminera son point de vue après publication de l'arrêté royal qui doit être pris en exécution de l'article 11, §3, de la loi relative aux droits du patient.

LE DOSSIER MEDICAL

Dans son avis du 16 février 2002, le Conseil national indiquait que médecins et patients devaient parvenir à une attitude adéquate en matière de dossier médical. Ils doivent être conscients que le dossier médical est et doit rester l'outil essentiel pour le diagnostic, la qualité et la continuité des soins. Les médecins doivent en outre réaliser, lorsqu'ils constituent le dossier médical et y notent leurs constatations, que le patient a désormais le droit d'en prendre connaissance. Indubitablement, cela nécessitera une période d'adaptation pour les médecins, mais après un certain temps, la nouvelle attitude deviendra un automatisme.

Contenu

Dans son avis du 16 février 2002, le Conseil national énumère les données devant figurer dans le dossier médical. A cet égard se pose la question de la destination de données confiées au médecin par des tiers à l'insu du patient. Le Conseil national estime que le dossier doit contenir toutes les données importantes pour le diagnostic, la qualité et la continuité des soins. Toutes ces données, quelle que soit leur provenance, sont importantes non seulement pour la stratégie du traitement, mais aussi pour sa justification le cas échéant.

Ceci s'applique tant à des données échangées entre praticiens professionnels dans le cadre de la continuité et de la qualité de soins qu'à des données fournies par des tiers.

Ainsi est-il essentiel, quand un patient est référé, de transmettre toute l'information nécessaire. Lorsque l'information est communiquée à l'insu du patient, elle doit être mentionnée dans le dossier médical avec tact et précaution afin que la relation du référant avec le patient ne s'en trouve pas altérée lors d'une éventuelle prise de connaissance ultérieure du dossier. Ainsi, il pourrait suffire par exemple de mentionner sans plus que l'entourage du patient a le sentiment qu'il boit en cachette.

Les renseignements hétéro-anamnestiques sont généralement pris en présence du patient ou avec son accord. Lorsque ces renseignements sont fournis à l'insu du patient et qu'ils sont importants pour la stratégie du traitement, ils doivent être repris dans le dossier médical avec la circonspection requise et, sauf en cas de nécessité particulière, sans mention précise de la source.

L'exclusion de toutes ces données du droit de consultation, sur la base de l'article 9, §2, troisième alinéa, comme étant des "données concernant des tiers", aurait pour conséquence de rendre la stratégie du traitement moins transparente et dès lors difficile à comprendre.

Annotations personnelles

Suivant l'exposé des motifs, les annotations personnelles sont "les notes que le praticien professionnel a dissimulées à des tiers, voire aux autres membres de l'équipe de soins, qui ne sont jamais accessibles" et qui perdent leur caractère personnel à partir du moment où le praticien professionnel les soumet à un collègue. Il peut en être déduit que ces annotations personnelles du praticien professionnel sont dénuées d'intérêt pour la qualité et la continuité des soins et qu'elles ne font pas partie du dossier du patient. L'exposé des motifs indique qu'il s'agit de notes "réservées à l'usage personnel du prestataire de soins". Il s'ensuit que le prestataire de soins appréciera si ces notes lui sont nécessaires.

C'est en vain que le Conseil national s'est opposé, dans son avis du 16 février 2002, à la consultation des annotations personnelles par un praticien professionnel désigné. Dans les pays qui nous entourent, dont la loi prévoit aussi la consultation des annotations personnelles par voie indirecte, il a été constaté que les annotations personnelles disparaissaient rapidement, si bien qu'il peut être affirmé avec une quasi-certitude que tel sera également le cas en Belgique.

Droit de consultation

Il ressort de la loi que le patient doit adresser sa demande de consultation du dossier au praticien professionnel qui l'a constitué. Lors d'une demande de consultation au cours d'un traitement ou à sa clôture, le droit de consultation se situe dans le prolongement de l'obligation d'informer. Il est indiqué dans ces cas de parcourir le dossier avec le patient afin de lui fournir les explications nécessaires le cas échéant.

Les demandes de consultation parfois longtemps après la clôture du dossier peuvent conduire à des difficultés surtout dans les hôpitaux. Ces dossiers sont conservés sous un numéro unique par patient dans des archives médicales gérées sous la responsabilité du médecin-chef. Ce n'est toutefois pas par le médecin-chef que doit être accordée la consultation du dossier, car la demande doit être adressée au praticien professionnel qui a constitué le dossier ou à son successeur. Les personnes habituées aux dossiers parfois volumineux des patients et au nombre de leurs auteurs, savent à quelles difficultés peut conduire la demande d'une copie de tels dossiers.

Le Conseil national estime indiqué que dans chaque hôpital, les médecins-chefs, les chefs de service, les membres du staff médical et tous les médecins dont des dossiers de patients sont conservés à l'hôpital, s'accordent sur une série de mesures pragmatiques facilitant au patient la consultation du dossier et l'obtention d'une copie éventuelle de l'ensemble ou d'une partie du dossier. Il est évident que ces conventions doivent être conformes aux dispositions légales en matière de dossier du patient et qu'elles ne peuvent restreindre les droits du patient et des praticiens professionnels. Il serait approprié que les médecins, la direction et les autres praticiens professionnels parviennent à un règlement uniforme pour la consultation et la copie de dossiers, et des modalités y afférentes comme entre autres le prix de la copie.

Lorsque des années après le dernier contact avec le médecin, la consultation du dossier médical est demandée par une personne de confiance, il peut être utile de vérifier si la désignation est encore valable et si le patient est encore capable d'exercer ses droits.

Droit d'obtenir copie

Dans son avis du 17 février 2001, le Conseil national considérait que, si l'on admettait le droit de consultation directe, il n'y avait pas d'argument du point de vue déontologique pour refuser au patient une copie de son dossier. Pour éviter que le patient ne puisse être l'objet de pressions de la part de tiers dans l'exercice de ce droit, le Conseil national a proposé dans son avis du 16 février 2002, que le droit de consultation directe soit associé à un droit indirect d'obtenir copie. Le législateur n'a pas retenu cette proposition, mais a quand même prévu qu'il soit mentionné sur chaque copie que celle-ci est strictement "personnelle et confidentielle". Il ne peut être déduit de ceci qu'un patient ne serait pas en droit de fournir une copie à des tiers afin de défendre ses intérêts. Il est possible d'exercer le droit d'obtenir copie sans consultation préalable du dossier médical bien qu'il soit recommandé de commencer par consulter le dossier afin de déterminer de quelles pièces une copie est souhaitée.

De la lecture conjointe des paragraphes 2 et 3 de l'article 9 de la loi, il ressort que le droit d'obtenir copie ne se limite pas au patient mais qu'il vaut aussi pour la personne de confiance par qui ce droit peut être exercé au nom du patient. Mais en ce qui concerne la demande d'une copie par le représentant, le Conseil national estime nécessaire que le patient marque son accord par écrit. Cet écrit doit faire apparaître qu'il n'est pas exercé de pression sur le patient pour qu'il communique la copie à des tiers. Plus du temps se sera écoulé entre la clôture du dossier et la demande de copie, plus cette dernière recommandation prendra de l'importance.

Consultation après le décès

L'article 9, §4, prévoit qu'un patient peut empêcher la consultation de son dossier après sa mort, en s'y opposant expressément. Le médecin doit parler de cette possibilité au patient s'il sait que la volonté du patient va en ce sens. Il est évident qu'un patient ne peut exprimer son opposition à la consultation que lorsqu'il est encore capable d'exercer ses droits.

Le droit de consultation du dossier doit émaner de l'époux, du partenaire cohabitant légal, du partenaire ou des parents jusqu'au deuxième degré inclus. La demande d'une seule des personnes énumérées suffit et le cas échéant, chaque demandeur a la faculté de désigner un praticien professionnel afin de consulter le dossier.

Si la demande de consultation du dossier après le décès est insuffisamment motivée et spécifiée, le médecin requis peut s'opposer à la consultation du dossier après le décès du patient. Le Conseil national estime qu'un médecin ne peut s'opposer à la consultation du dossier en raison d'une suspicion de faute médicale. En revanche, il estime que la contestation d'un testament ne peut justifier la consultation du dossier. L'autoriser porterait gravement atteinte à la confiance de la personne âgée dans la médecine. Les contestations relatives à la validité d'un testament doivent être jugées sans violer la confidentialité de données médicales.

Consultation par le praticien professionnel

Outre la consultation du dossier médical par le patient ou par sa personne de confiance, la loi octroie dans certains cas une compétence exclusive de consultation du dossier à un praticien professionnel. Il s'agit de la consultation des annotations personnelles (article 9, §2, quatrième alinéa), de la consultation lorsque certaines informations ne sont pas divulguées au patient (article 9, §2, cinquième alinéa, et article 7, §4, deuxième alinéa), de la consultation du dossier après le décès (article 9, §4) et de la consultation à la demande du représentant du patient (article 15, §1er).

Le Conseil national estime que dans toutes ces situations concrètes définies par la loi, seuls des médecins peuvent être désignés comme praticiens professionnels pour consulter des dossiers médicaux. L'article 4 de la loi dit d'ailleurs que le praticien professionnel doit respecter les dispositions de la loi "dans les limites des compétences qui lui sont conférées par ou en vertu de la loi.". Ces compétences sont décrites dans l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice des professions des soins de santé. L'article 2, §1er, de cet arrêté royal dispose qu'il est de la compétence exclusive des médecins d'examiner l'état de santé, de dépister des maladies et déficiences, d'établir le diagnostic et d'instaurer un traitement. Il est dès lors inadmissible que des non-médecins donnent à leur mandant une seconde opinion sur l'état de santé, la maladie, le diagnostic ou le traitement d'un patient, sur la base des pièces d'un dossier médical.

LA PERSONNE DE CONFIANCE ET LE REPRESENTANT DU PATIENT

Les compétences de la personne de confiance et du représentant du patient seraient l'objet de confusion. La loi est pourtant claire à cet égard. La personne de confiance ne peut intervenir que conjointement avec ou au nom du patient capable d'exercer ses droits; le représentant n'intervient que si le patient n'est pas capable d'exercer ses droits. En outre, la loi n'accorde un rôle à la personne de confiance que dans l'exercice du droit à l'information et du droit à la consultation du dossier par le patient; le représentant exerce en principe tous les droits accordés par la loi au patient.

La personne de confiance

La loi prévoit qu'un patient capable d'exercer ses droits a la possibilité de désigner une personne de confiance afin de se renseigner sur son état de santé, que ce soit en vue d'une intervention du praticien professionnel ou non (article 7, §2, troisième alinéa, et article 8, §3). La loi prévoit aussi que la personne de confiance est entendue lorsque le patient demande que des informations ne lui soient pas fournies (article 7, §3) et qu'elle est informée de ce que le praticien professionnel ne divulgue pas, à titre exceptionnel, certaines informations au patient si la communication de celles-ci risque de causer manifestement un préjudice grave à la santé de ce patient. Il s'agit de ladite "exception thérapeutique" (article 7, §4, premier alinéa). L'article 9, §2, quatrième alinéa, prévoit que le patient peut se faire assister par une personne de confiance dans l'exercice de son droit de consultation du dossier ou exercer ce droit de consultation par l'entremise de cette personne de confiance. Il en va de
même pour le droit d'obtenir copie (article 9, §3) pour lequel on se référera aux précisions apportées ci-dessus dans le présent avis.

Le législateur n'a pas fixé les critères auxquels doit répondre la personne de confiance au moment de sa désignation, ce qui ne signifie toutefois pas que le praticien professionnel doive toujours accepter d'office le choix fait par le patient. Dans son avis du 16 février 2002, le Conseil national indique que la relation de confiance ne doit pas exister seulement entre le patient et la personne désignée, mais doit pouvoir s'établir également entre cette personne et le praticien professionnel. L'on ne peut attendre d'un praticien professionnel qu'il fournisse des informations confidentielles à propos d'un patient à une personne en qui il n'a pas confiance. Dans ce cas, le médecin doit s'en entretenir avec son patient et s'ils ne parviennent pas à un accord, cela peut constituer une raison pour le médecin de mettre un terme à la relation avec le patient.

Le Conseil national estime que seules des personnes physiques agissant en leur nom propre peuvent être désignées comme personnes de confiance. Ainsi, des employés des administrations publiques, des mutuelles ou des personnes agissant au nom d'une asbl ou d'une société ne peuvent être désignés comme personnes de confiance. Si l'administrateur provisoire des biens désigné par le juge de paix ne peut agir comme personne de confiance du chef de cette fonction, il est pourtant possible qu'un patient incapable de gérer ses biens soit à même d'exercer ses droits en tant que patient et qu'il désigne comme personne de confiance l'administrateur provisoire de ses biens.

Le représentant

Comme souligné, le représentant exerce en principe les droits attribués au patient par la loi, lorsque le patient n'est pas en état d'exercer ses droits lui-même.

Dans la mesure où un mineur n'est pas capable d'exercer ses droits de manière autonome, il est représenté par ses parents. Ceux-ci doivent agir dans l'intérêt de l'enfant. La loi prévoit en son article 15, §2, qu'ils ne peuvent s'opposer à des interventions jugées vitales, par exemple à une transfusion sanguine, et ils ne peuvent non plus obtenir consultation ou copie de pièces du dossier dans leur intérêt personnel. L'article 15, §1er, de la loi prévoit explicitement la possibilité d'un rejet de la demande de tout représentant et il est évident qu'une demande émanant d'un praticien professionnel désigné par le père ou la mère à cette fin sera aussi rejetée en cas de suspicion d'un intérêt personnel du parent concerné.

L'une des innovations importantes de la loi réside dans la réglementation légale de la représentation du patient majeur qui n'est plus à même d'exercer ses droits. Du point de vue de la déontologie médicale, il était auparavant préconisé dans le cadre du traitement de ces patients d'associer à la décision les proches parents en tant que représentants de fait mais ces derniers ne disposaient d'aucun droit. A présent, une personne majeure peut décider, à une époque où elle est capable d'exercer ses droits, qu'un "mandataire désigné" exercera ses droits à partir du moment où elle n'en serait elle-même plus capable. Cette désignation doit se faire au moyen d'un mandat écrit spécifique, daté et signé par les deux personnes concernées. Le législateur part du principe que la personne majeure prend elle-même à l'avance les précautions qui s'imposent afin que le praticien professionnel "ait connaissance de l'existence du mandat au moment où il doit être exercé" (exposé des motifs).

Le Conseil national souligne qu'il est indiqué d'attirer l'attention des patients sur le fait qu' ils doivent non seulement faire usage de cette possibilité en temps utile mais qu'ils doivent avertir dans le même temps un certain nombre de personnes dont leur médecin généraliste et ceux qui sont en charge de leur traitement, de la désignation d'un mandataire.

A cet égard, il convient de noter qu'une même personne peut être désignée à la fois comme personne de confiance et comme mandataire, et que les modalités spécifiques de chacune de ces désignations doivent être respectées.

Si le patient majeur n'a pas désigné de représentant, la loi prévoit un système de cascade pour sa représentation par les proches parents lorsqu'il n'est plus à même d'exercer ses droits.

A l'instar de ce qui est prévu pour le représentant d'un patient mineur, la demande de consultation ou de copie du dossier d'un patient majeur, incapable de manifester sa volonté, par son représentant, peut être rejetée afin de préserver la vie privée du patient.

Tant le représentant du patient majeur incapable de manifester sa volonté que le représentant du patient mineur, sont en droit d'être informés complètement de l'état de santé du patient qu'ils représentent, et le praticien professionnel doit obtenir leur consentement pour toute intervention ainsi qu'il en serait avec un patient à même d'exercer ses droits. Si le praticien professionnel et le représentant ne s'accordent pas à propos du traitement, le praticien professionnel est alors libre, à condition de prendre les dispositions nécessaires sur le plan de la continuité des soins, de mettre fin à la prise en charge, tout comme cela peut être fait lorsque médecin et patient ne s'accordent pas à ce sujet.

Parce que souvent le temps manque dans les urgences pour une concertation détaillée, l'article 8, §5, de la loi dispose que toute intervention nécessaire est pratiquée immédiatement dans l'intérêt de la santé du patient dans les cas d'urgence, lorsqu'il y a incertitude "quant à l'existence ou non d'une volonté exprimée au préalable par le patient ou son représentant". Il s'ensuit qu'en règle, l'intervention nécessaire ne peut être pratiquée dans un cas d'urgence lorsque la volonté contraire du patient ou de son représentant est certaine. Mais lorsque dans un cas d'urgence, la vie est en péril, la disposition qui s'applique est celle de l'article 15, §2. Elle prévoit que le praticien professionnel peut déroger à la décision du représentant "dans l'intérêt du patient et afin de prévenir toute menace pour sa vie ou toute atteinte grave à sa santé".

L'application de cette disposition ne se limite pas aux seuls cas d'urgence de menace pour la vie; elle vaut aussi dans tous les cas où le renoncement à une décision médicale évidente peut avoir de graves conséquences pour le patient. Il faut toutefois préciser pour être complet, que de tous les représentants, seul le mandataire désigné a la possibilité, en vertu de l'article 15, §2, de s'opposer à la décision du praticien professionnel s'il peut démontrer que l'intervention envisagée est contraire à la volonté expresse du patient.

Le praticien professionnel étant dans l'impossibilité de rechercher lui-même si un patient en incapacité de manifester sa volonté a désigné un mandataire, il va de soi que c'est à ce dernier qu'il incombe de prendre contact avec le praticien professionnel et de l'informer du mandat spécifique. Le praticien professionnel part du principe que le conjoint ou le partenaire cohabitant est normalement le représentant. Si cette personne fait défaut ou ne souhaite pas intervenir, le contact avec les proches parents fera apparaître lequel d'entre eux agira en tant que représentant. En cas de désaccord entre eux, c'est le praticien professionnel qui, suivant l'article 14, §2, veillera aux intérêts du patient, le cas échéant en concertation pluridisciplinaire, tout comme il le ferait si un représentant faisait défaut ou ne souhaitait pas intervenir.

LA DECLARATION DE VOLONTE DU PATIENT

La loi relative aux droits du patient prévoit que lorsque des décisions doivent être prises au sujet d'un patient n'étant plus à même d'exercer ses droits, la volonté du patient doit être respectée pour autant que celui-ci l'ait clairement exprimée à une époque où il en était encore capable.

L'article 8, §4, quatrième alinéa, dispose que le praticien professionnel doit respecter le refus écrit de consentement à une intervention déterminée rédigé par le patient à un moment où il était en mesure d'exercer les droits tels que fixés par la loi précitée.

Le législateur n'a pas fixé les conditions auxquelles ce refus écrit devrait répondre. Néanmoins, il est indiqué, pour éviter des contestations au sujet d'éventuelles incertitudes concernant la volonté du patient, qu'il ressorte de l'écrit contenant le refus de l'intervention que la déclaration de volonté a été rédigée en connaissance de cause à un moment où le patient était à même d'exercer ses droits. Il est recommandé que le refus soit rédigé en présence et avec le conseil d'un médecin. Il est important que le patient veille à ce que les médecins qui le traitent soient informés en temps utile de son refus de consentement afin que ces médecins puissent encore discuter avec lui du contenu de la déclaration et l'actualiser si nécessaire. Il est notamment indiqué dans ce cadre d'examiner si le refus ne résulte pas d'une pression extérieure.

Un refus de consentement formulé clairement et en connaissance de cause sera généralement accepté sans problème par les médecins amenés à traiter le patient; en cas de doute, il peut même être déterminant de l'abstention ou de l'intervention. En revanche, il n'en sera pas de même lorsqu'un refus écrit interdira une intervention susceptible de sauver la vie de la personne et/ou d'éviter une atteinte grave à sa santé. Lorsqu'il est établi aux yeux du médecin qui traite le patient que le refus coïncide avec la ferme conviction du patient, il doit le respecter tout comme il doit accepter que des patients en mesure d'exercer leurs droits renoncent parfois à des interventions pouvant être importantes pour leur santé. Lorsqu'un médecin pense que le texte littéral de la déclaration de volonté n'a pu être l'intention du patient, il doit en tous les cas se concerter avec le représentant et les dispensateurs de soins concernés, et prendre l'avis d'un confrère. Si pour des raisons dictées par sa conscience, il décide de ne pas respecter le refus, il ne peut perdre de vue qu'il pourrait être amené à justifier sa décision, éventuellement devant une juridiction.

Il peut aussi arriver en l'absence de refus écrit de consentement à une intervention déterminée que le médecin traitant soit amené à devoir respecter la volonté du patient démontrée par le mandataire désigné par ce dernier. Comme exposé plus haut, cette possibilité est prévue à l'article 15, §2. Cette situation ne se présentera qu'exceptionnellement.

Il est indiqué que le patient rédige le refus écrit de consentement à une intervention déterminée lors de la désignation de son mandataire. Ceci serait la meilleure garantie du respect de sa volonté par le médecin.

ARTICLE 95 DE LA LOI SUR LE CONTRAT D'ASSURANCE TERRESTRE

L'article 19 de la loi relative aux droits du patient modifie l'article 95 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre. Le nouvel article 95 limite la quantité de données pouvant être réclamées et traitées par un assureur lors de la conclusion et de l'exécution d'un contrat d'assurance de personnes.

Le premier alinéa dit que les certificats médicaux doivent se limiter à la description de l'état de santé actuel de l'intéressé. Dès lors que la notion d'"état de santé actuel" ne sera probablement pas interprétée de façon univoque, une analyse plus approfondie en sera nécessaire.

Le deuxième alinéa de l'article 95 dispose que l'assuré ne peut remettre les certificats médicaux qu'au médecin-conseil de l'assureur. Il est désormais exclu que les certificats soient encore remis sur la base d'un consentement écrit de la personne concernée (article 7, §4, de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel) à d'autres personnes travaillant pour l'assureur.

On remarquera le rôle central dont le législateur investit le médecin-conseil de l'assureur. Celui-ci n'est autorisé à communiquer à l'assureur que l'information pertinente eu égard au risque pour lequel les certificats ont été établis et cette information ne peut concerner d'autres personnes que l'assuré. Dès l'instant où le risque n'existe plus pour l'assureur, le médecin-conseil doit restituer, à leur demande, les certificats médicaux à l'assuré ou, en cas de décès, à ses ayants droit. Il est évident que ces dispositions auront des répercussions importantes dans le traitement de certificats médicaux chez les assureurs. Le Conseil national estime nécessaire, avant d'émettre un avis sur la mission des médecins-conseils, de faire examiner cette problématique par un groupe de travail comprenant des experts extérieurs.

CONCLUSION

Cet avis complémentaire ne peut en aucun cas détourner l'attention des traits déontologiques caractéristiques de la relation médecin-patient, tels qu'exposés par le Conseil national dans ses avis des 17 février 2001 et 16 février 2002.

Dans cette relation, l'obligation d'informer pour le médecin et le droit de consentir pour le patient jouent un rôle capital. Il importe pour le patient, non seulement d'être informé à propos de son état de santé, mais aussi de connaître les nouvelles possibilités que lui offre la loi relative aux droits du patient.

Le présent avis complémentaire attire l'attention, entre autres, sur le fait qu'en plus d'une personne de confiance, le patient a aussi la possibilité de désigner un mandataire, qu'il peut s'opposer à la consultation de son dossier après son décès et qu'il a aussi la faculté de rédiger un refus de consentement à une intervention déterminée. Il convient de discuter avec lui de ces possibilités en temps utile afin qu'il puisse aussi en temps opportun prendre les initiatives nécessaires.

Par le rappel des principes exposés dans les avis précités et par le présent avis complémentaire, le Conseil national souhaite contribuer à une relation patient-médecin harmonieuse et basée sur une confiance mutuelle.