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Euthanasie25/03/2022 Code de document: a169006
Euthanasie dans les maisons de repos et les maisons de repos et de soins

En sa séance du 19 mars 2022, le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné la question de savoir dans quelle mesure la direction d’une maison de repos (et de soins) peut être impliquée en cas d’euthanasie de l’un de ses résidents.

Le médecin est tenu au secret professionnel pour chaque intervention médicale.[1] Le médecin ne peut donc pas interroger ou informer la direction de la maison de repos et de soins où réside le patient au sujet de la demande d’euthanasie du patient ou du déroulement de la procédure d’euthanasie.

Le médecin doit néanmoins, préalablement et dans tous les cas, s’entretenir de la demande du patient avec l’équipe soignante en contact régulier avec le patient ou des membres de celle-ci.[2] Le médecin qui prend la décision aura ainsi une meilleure compréhension de la situation médicale globale du patient. Toutefois, les conseils donnés par les membres de l’équipe soignante ne sont pas contraignants.

Pour des raisons organisationnelles il peut s’avérer inévitable et nécessaire que la direction de la maison de repos et de soins soit mise au courant de la date de l’exécution effective de l’euthanasie. La direction ne peut pas s’opposer à l’exécution de l’euthanasie et n’a aucun rôle à jouer dans le processus décisionnel. Toutefois, chaque membre de l’équipe soignante a le droit de refuser de collaborer à l’exécution de l’euthanasie (sur base de sa liberté de conscience).

Si le médecin a besoin d'une assistance technique pour pratiquer l'euthanasie et qu'aucun membre du personnel soignant de la maison de repos et de soins ne possède la connaissance/expérience nécessaire ou n'est disposé à assister le médecin, il doit demander l'aide d'un expert ou d'une organisation externe.


[1] Art. 458 Code pénal, art. 25, Code de déontologie médicale

[2] Art. 3, §2, 4°, loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie

Euthanasie19/02/2022 Code de document: a169002
Directives déontologiques pour la pratique de l’euthanasie des patients en souffrance psychique à la suite d’une pathologie psychiatrique – Actualisation de l’avis du Conseil national du 27 avril 2019

En sa séance du 19 février 2022, le Conseil national a mis à jour ses directives déontologiques pour la pratique de l’euthanasie des patients en souffrance psychique à la suite d’une pathologie psychiatrique.Cet avis remplace l’avis du Conseil national du 27 avril 2019 (a165002).

  1. Introduction

Le présent avis du Conseil national reprend les directives déontologiques pour la pratique de l’euthanasie dans le cas des patients en souffrance psychique à la suite d’une pathologie psychiatrique (ci-après : « euthanasie des patients psychiatriques »). Il a été élaboré par la Commission Euthanasie du Conseil national de l’Ordre des médecins. La Commission s’est notamment basée sur le texte « Hoe omgaan met een euthanasieverzoek in psychiatrie binnen het huidig wettelijk kader? » de la Vlaamse Vereniging voor Psychiatrie (Association flamande de psychiatrie, ci-après « VVP »). L’avis de son pendant francophone, la Société royale de médecine mentale de Belgique (ci-après « SRMMB »), a également été sollicité.

La loi du 28 mai 2002 concernant l'euthanasie (ci-après « loi euthanasie ») dispose que l'euthanasie des patients psychiatriques est possible moyennant le respect de certaines conditions. Cependant, le Conseil national estime que la pratique de l'euthanasie de patients psychiatriques doit se faire avec une très grande prudence en raison de la problématique spécifique de ces patients.

Cet avis complète la loi euthanasie par quelques directives déontologiques, destinées à servir de fils conducteurs pour les médecins en cas de demande et de pratique de l'euthanasie de patients psychiatriques. Ces directives donnent une interprétation déontologique aux conditions légales ou ajoutent des règles de comportement à la législation existante.

  1. Directives déontologiques pour la pratique de l’euthanasie des patients psychiatriques
  1. Concertation entre minimum trois médecins

La loi euthanasie prévoit que le médecin qui pratique l'euthanasie d'un patient qui ne décèdera manifestement pas à brève échéance doit consulter deux médecins, qui prennent connaissance du dossier médical, examinent le patient et s'assurent du caractère constant, insupportable et inapaisable de la souffrance physique ou psychique. Le premier médecin consulté doit être compétent quant à la pathologie concernée. Le deuxième médecin consulté doit être un psychiatre ou un spécialiste de la pathologie concernée. Les deux médecins consultés sont indépendants tant à l'égard du patient qu'à l'égard du médecin traitant et rédigent un rapport concernant leurs constatations. Le médecin traitant en informe le patient.

Étant donné qu'une pathologie psychiatrique n'entraîne généralement pas en soi la mort du patient à brève échéance, le médecin qui envisage l'euthanasie de patients psychiatriques consulte toujours deux médecins dans la pratique. Au moins deux des trois médecins impliqués dans l’euthanasie sont psychiatres.

Le Conseil national estime que le médecin qui envisage l’euthanasie d’un patient psychiatrique doit aller encore un pas plus loin et doit se réunir avec les deux psychiatres. Chaque médecin explique aussi objectivement que possible son point de vue. Une trace écrite de la concertation est consignée dans le dossier médical.

Durant cette concertation, il est recommandé que les constatations des prestataires de soins en contact régulier avec le patient psychiatrique soient prises en compte.

Le Conseil national propose que l'INAMI prévoie le remboursement d'une telle concertation physique, sous la dénomination « Consultation euthanasie multidisciplinaire » (CEM), par analogie à la « Consultation oncologique multidisciplinaire » (COM) en oncologie.

  1. Utilisation de tous les traitements possibles

La loi euthanasie dispose que le médecin qui envisage l'euthanasie de patients psychiatriques s'assure que le patient se trouve dans une situation médicale sans issue et fait état d'une souffrance psychique constante et insupportable qui ne peut être apaisée et qui résulte d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable.

Déterminer l'incurabilité et/ou le manque de perspectives d'une pathologie psychiatrique est une tâche complexe pour le médecin, d'autant plus en raison de la comorbidité significative et de l'incidence élevée de suicides. La pathologie psychiatrique en soi n'entraînera pas la mort du patient et l'évolution de la pathologie est très difficile à apprécier. Il peut tout de même être question d'incurabilité ou d'absence de perspectives car, pour certains patients psychiatriques, il n'existe pas de perspectives d'évolution positive de leur état de santé.

Le médecin qui constate que le patient souffre d'une pathologie psychiatrique incurable et sans perspective doit s'assurer que tous les traitements ont été utilisés. Autrement dit, le patient a eu tous les traitements evidence-based possibles pour sa pathologie. Si le patient psychiatrique a recouru à son droit de refus pour certains traitements evidence-based, le médecin ne peut pas pratiquer l'euthanasie.

Le médecin doit faire preuve de mesure, il ne peut pas verser dans l'acharnement thérapeutique. Le nombre raisonnable de traitements à suivre est limité, l'objectif est que le médecin soit convaincu que, pour la situation dans laquelle se trouve le patient, d'un point de vue médico-psychiatrique objectif, il ne peut plus appliquer de traitements susceptibles d'alléger les souffrances du patient.

  1. Une maladie de plusieurs années

La loi euthanasie dispose que si le médecin estime que le patient ne décèdera manifestement pas à brève échéance, il doit laisser s'écouler au moins un mois entre la demande écrite du patient et l'euthanasie.

Elle prévoit aussi que le médecin doit s’assurer de la persistance de la souffrance physique ou psychique du patient et de sa volonté réitérée. À cette fin, il mène avec le patient plusieurs entretiens, espacés d’un délai raisonnable au regard de l’évolution de l’état du patient.

Le Conseil national estime que le médecin peut uniquement s'assurer de la persistance de la demande du patient psychiatrique si le patient est suivi pendant une période suffisamment longue. L'évolution de l'état de santé du patient psychiatrique est souvent imprévisible. L'état de santé initial sans perspective peut considérablement changer après un certain temps et moyennant l'application du trajet de soins adapté. Par conséquent, il n'est pas acceptable d'accéder à la demande d'euthanasie du patient psychiatrique au motif qu'il s'est écoulé un délai légal d'un mois après la demande écrite sans que ce patient ait suivi un programme de traitement sur une longue période.

  1. Implication des proches dans le processus

La loi euthanasie prévoit que préalablement et dans toutes circonstances, si telle est la volonté du patient, le médecin doit s'entretenir de la demande de celui-ci avec les proches qu’il désigne.

Le médecin doit inciter le patient à impliquer sa famille et ses proches dans le processus à moins qu'il ait de bonnes raisons de ne pas le faire

Le Conseil national est conscient du fait que des conflits peuvent naître entre l'autonomie du patient d'une part et l'intérêt de la famille et/ou de la société d'autre part. Cependant, le médecin a des devoirs non seulement envers le patient, mais aussi envers des tiers qui pourraient subir un préjudice grave par la demande du patient. Le soutien de tiers et la protection de la société sont indissociablement liés à la problématique de la pratique de l'euthanasie de patients psychiatriques.

De plus, l'implication des proches dans le processus est aussi importante pour l'appréciation légale de savoir si la demande émanait éventuellement d'une pression externe. Dans ce cadre, le Conseil national souscrit au texte « Hoe omgaan met een euthanasieverzoek in psychiatrie binnen het huidig wettelijk kader? » de la VVP, qui se base sur le texte néerlandais « Richtlijn verzoek om hulp bij zelfdoding door patiënten met een psychiatrische stoornis ».

  1. Capacité et conscience du patient

La loi euthanasie prévoit que le médecin qui pratique l'euthanasie ne commet pas d'infraction s'il s'est assuré que le patient est capable et conscient au moment de sa demande.

Il convient ici de distinguer la capacité juridique et la capacité effective du patient.

La capacité d'une personne est une notion juridique. C'est généralement le juge de paix qui, avec l'aide d'un médecin, déterminera si une personne est incapable et quels actes juridiques elle ne peut plus poser par conséquent. Le médecin qui pratique l'euthanasie doit vérifier si une telle mesure de protection juridique s'applique au patient qui introduit une demande d'euthanasie.

La capacité effective, c’est-à-dire la capacité à exprimer sa volonté ou à être conscient des actes que l'on pose, est une situation de fait que le médecin qui pratique l'euthanasie doit apprécier. Pour les patients psychiatriques, cette appréciation n'est pas évidente parce que les troubles psychiatriques peuvent nuire à la capacité du patient à exprimer sa volonté. Une pathologie psychiatrique n'implique pas automatiquement que le patient ne puisse pas formuler une demande d'euthanasie réfléchie et valide.

Pour l'appréciation par le médecin de la capacité du patient à exprimer sa volonté, le Conseil national souscrit au texte « Hoe omgaan met een euthanasieverzoek in psychiatrie binnen het huidig wettelijk kader ? » de la VVP, qui se base sur le texte néerlandais « Richtlijn verzoek om hulp bij zelfdoding door patiënten met een psychiatrische stoornis ».

  1. Renvoi en cas où le médecin refuse de pratiquer l’euthanasie

La loi euthanasie prévoit qu’aucun médecin n’est tenu de pratiquer une euthanasie.[1]

Si le médecin consulté refuse, sur la base de sa liberté de conscience, de pratiquer une euthanasie, il est tenu d’en informer en temps utile et au plus tard dans les sept jours de la première formulation de la demande le patient ou la personne de confiance éventuelle en en précisant les raisons et en renvoyant le patient ou la personne de confiance vers un autre médecin désigné par le patient ou par la personne de confiance.[2]

Si le médecin consulté refuse de pratiquer une euthanasie pour une raison médicale, il est tenu d’en informer en temps utile le patient ou la personne de confiance éventuelle, en en précisant les raisons. Dans ce cas, cette raison médicale est consignée dans le dossier médical du patient.[3]

Le médecin qui refuse de donner suite à une requête d’euthanasie est tenu, dans tous les cas, de transmettre au patient ou à la personne de confiance les coordonnées d’un centre ou d’une association spécialisé(e) en matière de droit à l’euthanasie et, à la demande du patient ou de la personne de confiance de communiquer dans les quatre jours de cette demande le dossier médical du patient au médecin désigné par le patient ou par la personne de confiance.[4],[5]

Dans les hôpitaux, il est recommandé de désigner une personne spécialisée en matière de droit à l’euthanasie qui peut informer le patient des conditions légales auxquelles elle est soumise.

  1. Conclusion

Par cet avis, le Conseil national émet des directives déontologiques pour que la demande d'euthanasie des patients psychiatriques soit évaluée avec la plus grande prudence.

Ce texte n'est pas exhaustif et peut évoluer dans le temps. La Commission Euthanasie du Conseil national de l'Ordre des médecins continuera à examiner cette problématique au cours des prochaines années.


[1]Art. 14, deuxième alinéa, loi euthanasie.

[2]Art. 14, cinquième alinéa, loi euthanasie.

[3]Art. 14, sixième alinéa, loi euthanasie.

[4]Art. 14, septième alinéa, loi euthanasie.

[5]cf. aussi ‘Obligation déontologique de renvoi en cas de refus de pratiquer une euthanasie’ – Avis du Conseil national du 6 mai 2017 (avis CN, 16 septembre 2016, a158004).

Consentement éclairé19/02/2022 Code de document: a169001
Pratique de l’euthanasie - Souffrance psychique à la suite d’affections somatiques ou d’une polypathologie

En sa séance du 19 février 2022, le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné la problématique de la pratique de l’euthanasie dans le cas des patients en souffrance psychologique à la suite d’affections somatiques ou d’une polypathologie et qui ne décèderont manifestement pas à brève échéance.

1. Introduction

Cet avis vise à formuler des directives déontologiques pour aider les médecins à agir de manière avisée lorsqu’ils envisagent l’euthanasie, en particulier dans les situations où une insécurité juridique persiste en raison de la complexité du processus médical. En effet, la gravité et l’irréversibilité de la situation médicale peuvent donner lieu à des différences d’interprétation. L’avis du Conseil national « Directives déontologiques pour la pratique de l’euthanasie des patients en souffrance psychique à la suite d’une pathologie psychiatrique », mis à jour le 19 février 2022, ne peut être utilisé sans davantage de précisions dans les situations de souffrance psychique dues à des affections somatiques ou une polypathologie.

2. La loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie et l’avis n° 73 du Comité consultatif de bioéthique de Belgique du 11 septembre 2017[1]

Dans le cadre d’une demande d’euthanasie, le médecin doit apprécier si les conditions prévues dans la loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie (ci-après : loi euthanasie) sont remplies.

Le médecin doit notamment s’assurer que « le patient se trouve dans une situation médicale sans issue et fait état d’une souffrance physique ou psychique constante et insupportable qui ne peut être apaisée et qui résulte d’une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable ».

Il est nécessaire d’interpréter ces conditions qui, dans des cas exceptionnels, peuvent prêter à controverse.

L’avis n° 73 du Comité consultatif de bioéthique de Belgique du 11 septembre 2017 concernant l’euthanasie dans les cas de patients hors phase terminale, de souffrance psychique et d’affections psychiatriques comprend plusieurs éléments très pertinents en relation avec les directives déontologiques de l’Ordre des médecins (voy. ci-dessous, sub 3).

Malgré un certain nombre de sujets de discussion non résolus, cet avis circonstancié relève un consensus sur les questions suivantes :

(1) seule la souffrance qui satisfait à la condition de résulter d’une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable peut former une base légale pour l’euthanasie ;

(2) il relève de la responsabilité du médecin d’estimer le caractère incurable d’une affection accidentelle ou pathologique grave ;

(3) en revanche, il revient au patient d’apprécier le caractère constant et insupportable d’une souffrance physique ou psychique. »[2]

La loi euthanasie[3] cite également la condition suivante : « une souffrance qui ne peut être apaisée », pour déterminer si un patient est dans une situation médicale sans issue.

L’interprétation du critère de « souffrance inapaisable » et la question de savoir si c’est le médecin ou le patient qui décide si la souffrance est apaisable, sont ouvertes à la discussion.

Dans tous les cas, la détermination du caractère (in)apaisable de la souffrance nécessite « un dialogue approfondi et soutenu entre le patient et son médecin »[4].

Selon le Comité consultatif de bioéthique, « La ’fatigue de vivre’ sans fondement médical ne répond pas aux conditions de l’art. 3(1) de la loi et ne peut dès lors constituer un motif légalement acceptable de recours à l’euthanasie »[5]. La loi euthanasie prévoit que la souffrance insupportable doit résulter d’une affection accidentelle ou pathologique. Même si, pour beaucoup de patient, la souffrance résultera d'une combinaison de problèmes médicaux et psychosociaux, tels que la solitude, l'abandon et le sentiment d'inutilité, ce sont les problèmes médicaux qui doivent être à l'origine de la souffrance constante et insupportable[6].

En ce qui concerne les demandes d’euthanasie basées sur une polypathologie, tous les membres du Comité consultatif de bioéthique de Belgique estiment que « certaines formes de polypathologie – c’est-à-dire la présence de plusieurs affections - peuvent constituer un fondement médical pour prendre en considération une demande d’euthanasie à condition que le caractère insupportable et inapaisable de la souffrance de l’intéressé, et l’absence d’espoir sur le plan médical, soient provoqués par la polypathologie en question »[7].

3. Directives déontologiques

Le Conseil national considère que les directives déontologiques suivantes en vue d’une pratique avisée peuvent contribuer à prévenir les conflits juridiques.

Lors du traitement d’un patient atteint de polypathologie, une attention particulière doit être accordée à la souffrance psychique qui résulte des affections somatiques.

3.1. Concertation entre les médecins, dont au minimum un psychiatre

La loi euthanasie dispose que le médecin qui envisage la pratique de l’euthanasie doit, préalablement et dans tous les cas, consulter un autre médecin compétent quant à la pathologie concernée.[8]

Les situations médicales qui donnent lieu à des discussions sur l’interprétation des conditions légales concernent toujours des affections pour lesquelles le médecin estime que le patient ne décèdera manifestement pas à brève échéance. Dans ce cas, la loi euthanasie prévoit que le médecin doit consulter un autre médecin (appelé « deuxième médecin » dans la loi), psychiatre ou spécialiste de la pathologie concernée.[9]

D’un point de vue déontologique, il convient de toujours faire intervenir un psychiatre lors de la pratique de l’euthanasie des patients pour qui la souffrance psychique, en raison d’une ou plusieurs affections somatiques ou d’une polypathologie, joue un rôle important dans leur demande d’euthanasie.

Dans le cas où le « deuxième » médecin consulté est un spécialiste de la pathologie en question, mais n’est toutefois pas psychiatre, comme la loi l’autorise, la consultation d’un troisième médecin, psychiatre, est déontologiquement recommandée.

Les médecins consultés doivent, conformément à la loi, rédiger un rapport avec leurs constatations, qui sera consigné au dossier médical du patient.

Il est déontologiquement recommandé que le troisième médecin consulté rédige lui aussi un rapport.

En outre, le Conseil national estime qu’au-delà d’une simple consultation avec un rapport écrit, une concertation entre les médecins concernés doit avoir lieu.

Le Conseil national réitère sa demande à l’INAMI de prévoir un remboursement pour ces consultations au titre de consultation euthanasie multidisciplinaire (CEM).

3.2. Période à respecter entre la demande et l’application de l’euthanasie

La loi euthanasie dispose que, dans le cas où le médecin estime que le patient ne décèdera manifestement pas à brève échéance, il doit laisser s’écouler au moins un mois entre la demande écrite du patient et l’euthanasie.[10]

En cas de souffrance psychique due à une polypathologie, les conditions de fond[11] de la loi euthanasie sont remplies dans de nombreux cas, où le délai légal d’un mois peut suffire comme condition.

Cela ne signifie toutefois pas que tout doute soit levé et qu’il n’y ait pas matière à discussion. Dans le cas d’une polypathologie, le médecin doit s’assurer qu’il n’existe pas d’autres traitements symptomatiques susceptibles de ramener la souffrance du patient en-dessous du seuil qualifié de supportable. Le médecin peut considérer que, pour une ou plusieurs des affections, il existe un traitement complémentaire efficace. Dans la pratique, il arrive que l’ensemble de la procédure dure plus longtemps que le délai d’un mois imposé par la loi. Le médecin doit tâcher consciencieusement de continuer à se concerter avec le patient et tenter de le convaincre de se faire soigner, même s’il souffre d’autres affections qui ne peuvent être apaisées et qui peuvent être qualifiées d’incurables. Le médecin doit faire preuve de bon sens, et ne doit pas verser dans l’acharnement thérapeutique.

3.3. Implication des proches du patient dans le processus

La loi euthanasie prévoit que le médecin doit, préalablement et dans tous les cas, si telle est la volonté du patient, s’entretenir de la demande du patient avec les proches que celui-ci désigne[12].

Si le patient refuse, le refus doit être mentionné dans le dossier patient. Si le médecin l’estime opportun, il note dans le dossier patient les raisons de son refus.

Le Conseil national est conscient du fait que des conflits peuvent naître entre l'autonomie du patient d'une part et l'intérêt de la famille et/ou de la société d'autre part. Les règles de la déontologie médicale requièrent que le médecin apporte son soutien aux proches du patient qui peuvent être gravement affectés par la demande d’euthanasie, de manière à préserver la confiance générale de la société dans le corps médical.

3.4. Renvoi à un autre médecin dans le cas où le médecin refuse de pratiquer l’euthanasie

Selon la loi euthanasie, le médecin ne peut être tenu de pratiquer l’euthanasie.[13]

En outre, l’article 14 de la loi euthanasie dispose :

« Si le médecin consulté refuse, sur la base de sa liberté de conscience, de pratiquer une euthanasie, il est tenu d’en informer en temps utile et au plus tard dans les sept jours de la première formulation de la demande le patient ou la personne de confiance éventuelle en en précisant les raisons et en renvoyant le patient ou la personne de confiance vers un autre médecin désigné par le patient ou par la personne de confiance. »[14]

« Si le médecin consulté refuse de pratiquer une euthanasie pour une raison médicale, il est tenu d’en informer en temps utile le patient ou la personne de confiance éventuelle, en en précisant les raisons. Dans ce cas, cette raison médicale est consignée dans le dossier médical du patient. »[15]

« Le médecin qui refuse de donner suite à une requête d’euthanasie est tenu, dans tous les cas, de transmettre au patient ou à la personne de confiance les coordonnées d’un centre ou d’une association spécialisé(e) en matière de droit à l’euthanasie et, à la demande du patient ou de la personne de confiance de communiquer dans les quatre jours de cette demande le dossier médical du patient au médecin désigné par le patient ou par la personne de confiance. »[16],[17]

Dans les hôpitaux, il est recommandé de désigner une personne qui possède des connaissances en matière de droit à l’euthanasie, et qui peut informer le patient au sujet des conditions légales.


[1] Art. 3, §1, troisième tiret, loi euthanasie.

[2] Comité consultatif de bioéthique de Belgique, avis n° 73 du 11 septembre 2017 concernant l’euthanasie dans les cas de patients hors de phase terminale, de souffrance psychique et d’affections psychiatriques (ci-après : avis n° 73), p.65.

[3] Art. 3, § 1er, loi euthanasie.

[4] Comité consultatif de bioéthique de Belgique, avis n° 73, p. 44.

[5] Comité consultatif de bioéthique de Belgique, avis n° 73, pp. 65 et 69.

[6] Comité consultatif de bioéthique de Belgique, avis n° 73, p. 65

[7] Comité consultatif de bioéthique de Belgique, avis n° 73, p. 56.

[8] Art. 3, § 2, 3°, loi euthanasie.

[9] Art. 3, § 3, 1°, loi euthanasie.

[10] Art. 3, § 3, 2°, loi euthanasie.

[11] A savoir : le patient se trouve dans une situation médicale sans issue et fait état d'une souffrance physique ou psychique constante et insupportable, qui ne peut être apaisée et qui résulte d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable.

[12] Art. 3, § 2, 5°, loi euthanasie.

[13] Art. 14, deuxième alinéa, loi euthanasie.

[14] Art. 14, cinquième alinéa, loi euthanasie.

[15] Art. 14, sixième alinéa, loi euthanasie.

[16] Art. 14, septième alinéa, loi euthanasie.

[17] cf. aussi ‘Obligation déontologique de renvoi en cas de refus de pratiquer une euthanasie’ – Avis du Conseil national du 6 mai 2017 (avis CN, 16 septembre 2016, a158004).

Acharnement thérapeutique20/06/2020 Code de document: a167017
Décision concernant les codes DNR - Patient atteint d´un « handicap mental sévère » irréversible

Le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné la question de savoir si un médecin traitant peut prendre une décision concernant les codes DNR pour un patient atteint d'un « handicap mental sévère » irréversible.

Notes préliminaires

Le terme DNR (« do not resuscitate » ou « do not reanimate ») est plus large que la décision unique de ne plus réanimer. Dès lors, certaines institutions, à l'instar du Conseil national de l'Ordre des médecins, privilégient le terme CLT (« codes relatifs à la limitation de la thérapie »).

Sur le plan déontologique, une décision CLT est justifiée s'il est scientifiquement établi que le traitement n'offre pas de possibilité d'une amélioration raisonnable de l'état de santé du patient et que les traitements visant à prolonger la vie du patient porteraient gravement atteinte à son confort. Poursuivre le traitement ou l'étendre pourrait mener, dans ce contexte, à un acharnement thérapeutique.(1)

Les codes relatifs à la limitation de la thérapie peuvent impliquer ce qui suit(2) :

- Code 0 : pas de limitation de la thérapie ;

- Code 1 : pas de réanimation ;

- Code 2 : pas d'élargissement de la thérapie, avec mention explicite des traitements qui ne peuvent pas être lancés ;

- Code 3 : arrêt progressif de la thérapie, avec mention explicite des traitements qui doivent être arrêtés.

Avis du Conseil national

Dans ses avis précédents, le Conseil national de l'Ordre des médecins a exposé les principes déontologiques en cas d'application de la décision CLT.(3) Ces principes sont également d'application pour les patients atteints d'un "handicap mental sévère ». En soi, cette déficience ne constitue pas une raison suffisante pour prendre une décision CLT. Le médecin traitant ne juge pas de l'opportunité de la vie du patient ayant un « handicap mental sévère » ; il prendra uniquement l'initiative d'appliquer une décision CLT s'il est scientifiquement établi que le traitement n'offre pas de possibilités d'une amélioration raisonnable de l'état de santé du patient et que les traitements visant à prolonger la vie du patient porteraient gravement atteinte à son confort.

Pour rappel, les principes suivants sont notamment d'application :

1/ Respect de l'autonomie du patient

Le patient a droit, de la part du praticien professionnel, à toutes les informations qui le concernent et peuvent lui être nécessaires pour comprendre son état de santé et son évolution probable. La communication avec le patient se déroule dans une langue claire.(4)

Le patient a le droit de consentir librement à toute intervention du praticien professionnel moyennant information préalable.(5)

Si la personne majeure est incapable d'exprimer sa volonté, par exemple en raison d'un "handicap mental sévère", ses droits seront exercés par un représentant conformément au règlement en cascade tel que prévu à l'article 14 de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient.

Le médecin qui prend l'initiative de procéder à une décision CLT se concertera largement avec le représentant du patient atteint d'un « handicap mental sévère ». Sauf dans des situations urgentes et exceptionnelles, la décision CLT peut uniquement être appliquée si le représentant y consent.

Enfin, le patient est associé à l'exercice de ses droits autant qu'il est possible et compte tenu de sa capacité de compréhension.(6)

2/ Traitement pluridisciplinaire

Avant que le médecin traitant propose l’application d’une décision CLT au patient ou à son représentant, il est recommandé de se concerter avec les autres médecins traitants de ce patient (p. ex. son médecin généraliste). Les autres professionnels des soins de santé qui font partie de l’équipe soignante, en particulier le personnel infirmier, doivent aussi être consultés.

3/ Mention dans le dossier médical

Le dossier médical doit clairement indiquer les constatations qui motivent la décision CLT et faire ressortir qu'elles sont toujours d'actualité. La décision CLT doit être prise au cas par cas et être revue à plusieurs reprises selon l'évolution de l'état clinique du patient ; elle prend fin lorsque le patient quitte l'institution ou en cas de transfert du dossier médical vers un autre médecin.

En outre, il convient de consigner dans le dossier médical les informations communiquées aux proches.



(1) Avis du Conseil national de l’Ordre des médecins du 22 mars 2003, Avis relatif aux soins palliatifs, à l’euthanasie et à d’autres décisions médicales concernant la fin de vie, a100006 ; Avis du Conseil national de l’Ordre des médecins du 27 septembre 2003, Mention DNR dans le dossier médical hospitalier, a102001

(2) https://belraiwiki.health.belgium.be/nl/attach/Woordenlijst/DNR-codes.pdf

(3) Avis du Conseil national de l’Ordre des médecins du 18 janvier 1997, Do Not Resuscitate (DNR), a076010 ; avis du Conseil national de l’Ordre des médecin du 22 mars 2003, Avis relatif aux soins palliatifs, à l’euthanasie et à d’autres décisions médicales concernant la fin de vie, a100006 ; Avis du Conseil national de l’Ordre des médecins du 27 septembre 2003, Mention DNR dans le dossier médical hospitalier, a102001

(4) Art. 7, §§ 1 et 2, loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient

(5) Art. 8, § 1, loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient

(6) Art. 14, § 4, loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient

Euthanasie27/04/2019 Code de document: a165002
Directives déontologiques pour la pratique de l’euthanasie des patients en souffrance psychique à la suite d’une pathologie psychiatrique

Directives déontologiques pour la pratique de l'euthanasie des patients en souffrance psychique à la suite d'une pathologie psychiatrique

1. Introduction

Cet avis qui reprend des directives déontologiques pour la pratique de l'euthanasie des patients en souffrance psychique à la suite d'une pathologie psychiatrique (ci-après « euthanasie des patients psychiatriques ») a été élaboré au sein de la Commission Euthanasie du Conseil national de l'Ordre des médecins. Cette commission s'est notamment basée sur le texte « Hoe omgaan met een euthanasieverzoek in psychiatrie binnen het huidig wettelijk kader? » de la Vlaamse Vereniging voor Psychiatrie (Association flamande de psychiatrie, ci-après « VVP »). En outre, l'avis de son pendant francophone, la Société royale de médecine mentale de Belgique (ci-après « SRMMB ») a également été sollicité.

La loi du 28 mai 2002 concernant l'euthanasie (ci-après « Loi euthanasie ») dispose que l'euthanasie des patients psychiatriques est possible moyennant le respect de certaines conditions. Cependant, le Conseil national estime que la pratique de l'euthanasie de patients psychiatriques doit se faire avec une très grande prudence en raison de la problématique spécifique de ces patients.

Cet avis complète la Loi euthanasie par quelques directives déontologiques comme fils conducteurs destinés aux médecins en cas de demande et de pratique de l'euthanasie de patients psychiatriques. Ces directives donnent une interprétation déontologique aux conditions légales ou ajoutent des règles de comportement à la législation existante.

2. Directives déontologiques pour la pratique de l'euthanasie des patients psychiatriques

(1) Réunion physique d'au moins trois médecins

La loi euthanasie prévoit que le médecin qui pratique l'euthanasie d'un patient qui ne décèdera manifestement pas à brève échéance doit consulter deux médecins, qui prennent connaissance du dossier médical, examinent le patient et s'assurent du caractère constant, insupportable et inapaisable de la souffrance physique ou psychique.(1) Le premier médecin consulté doit être compétent quant à la pathologie concernée.(2) Le deuxième médecin consulté doit être un psychiatre ou un spécialiste de la pathologie concernée.(3) Les deux médecins consultés sont indépendants tant à l'égard du patient qu'à l'égard du médecin traitant et rédigent un rapport concernant leurs constatations.(4) Le médecin traitant en informe le patient.

Étant donné qu'une pathologie psychiatrique n'entraîne généralement pas en soi la mort du patient à brève échéance, le médecin qui envisage l'euthanasie de patients psychiatriques consulte toujours deux médecins dans la pratique et les deux médecins consultés sont psychiatres.

Le Conseil national estime que le médecin qui envisage l'euthanasie de patients psychiatriques doit aller encore un pas plus loin et doit se réunir physiquement avec les deux psychiatres. Une rencontre physique résulte en une collaboration interdisciplinaire où chaque médecin explique aussi objectivement que possible son point de vue. Les médecins rédigent ensemble un rapport et aboutissent à une conclusion commune, sans nécessairement qu'ils soient d'accord sur tout.

Il est recommandé que tous les prestataires de soins en contact régulier avec le patient psychiatrique soient impliqués lors de cette concertation physique. Outre l'équipe de soignants(5), il est recommandé que les psychologues et psychothérapeutes qui coréalisent le trajet de soins participent à la concertation.

Le Conseil national propose que l'INAMI prévoie le remboursement d'une telle concertation physique, sous la dénomination « Consultation euthanasie multidisciplinaire » (CEM), par analogie à la « Consultation oncologique multidisciplinaire » (COM) en oncologie.

(2) Utilisation de tous les traitements possibles

La Loi euthanasie dispose que le médecin qui envisage l'euthanasie de patients psychiatriques s'assure que le patient se trouve dans une situation médicale sans issue et fait état d'une souffrance psychique constante et insupportable qui ne peut être apaisée et qui résulte d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable.(6)

Déterminer l'incurabilité et/ou le manque de perspectives d'une pathologie psychiatrique est une tâche complexe pour le médecin, d'autant plus en raison de la comorbidité significative et de l'incidence élevée de suicides. La pathologie psychiatrique en soi n'entraînera pas la mort du patient et l'évolution de la pathologie est très difficile à apprécier. Il peut quand même être question d'incurabilité ou d'absence de perspectives car, pour certains patients psychiatriques, il n'existe pas de perspectives d'évolution positive de leur état de santé.

Le médecin qui constate que le patient souffre d'une pathologie psychiatrique incurable et sans perspective doit s'assurer que tous les traitements ont été utilisés. Autrement dit, le patient a eu tous les traitements evidence-based possibles pour sa pathologie. Si le patient psychiatrique a recouru à son droit de refus pour certains traitements evidence-based, le médecin ne peut pas pratiquer l'euthanasie.

Le médecin doit faire preuve de mesure, il ne peut pas tomber dans l'acharnement thérapeutique. Le nombre raisonnable de traitements à suivre est limité, l'objectif est que le médecin soit convaincu que, pour la situation dans laquelle se trouve le patient, il ne peut plus appliquer de traitements susceptibles d'alléger les souffrances du patient d'un point de vue médico-psychiatrique objectif.

(3) Une maladie de plusieurs années

La Loi euthanasie dispose que si le médecin estime que le patient ne décèdera manifestement pas à brève échéance, il doit laisser s'écouler au moins un mois entre la demande écrite du patient et l'euthanasie.(7)

Elle prévoit aussi que le médecin doit s'assurer de la persistance de la souffrance physique ou psychique du patient et de sa volonté réitérée. À cette fin, il mène avec le patient plusieurs entretiens, espacés d'un délai raisonnable au regard de l'évolution de l'état du patient.(8)

Le Conseil national estime que le médecin peut uniquement s'assurer de la persistance de la demande du patient psychiatrique si le patient est suivi pendant une période suffisamment longue. L'évolution de l'état de santé du patient psychiatrique est souvent imprévisible. L'état de santé initial sans perspective peut considérablement changer après un certain temps et moyennant l'application du trajet de soins adapté. Par conséquent, il n'est pas acceptable d'accéder à la demande d'euthanasie du patient psychiatrique au motif qu'il s'est écoulé un délai légal d'un mois après la demande écrite sans que ce patient ait suivi un programme de traitement sur une longue période.

(4) Implication des proches dans le processus

La Loi euthanasie prévoit que le médecin doit s'entretenir de sa demande préalablement et dans toutes circonstances si telle est la volonté du patient, avec les proches que celui-ci désigne.(9)

Le médecin doit inciter le patient à impliquer sa famille et ses proches dans le processus à moins qu'il ait de bonnes raisons de ne pas le faire.

Le Conseil national est conscient du fait que des conflits peuvent naître entre l'autonomie du patient d'une part et l'intérêt de la famille et/ou de la société d'autre part. Cependant, le médecin a des devoirs non seulement envers le patient, mais aussi envers des tiers qui pourraient subir un préjudice grave par la demande du patient. Le soutien de tiers et la protection de la société sont indissociablement liés à la problématique de la pratique de l'euthanasie de patients psychiatriques.

De plus, l'implication des proches dans le processus est aussi importante pour l'appréciation légale de savoir si la demande émanait éventuellement d'une pression externe.(10) Dans ce cadre, le Conseil national souscrit au texte « Hoe omgaan met een euthanasieverzoek in psychiatrie binnen het huidig wettelijk kader? » de la VVP(11), qui se base sur le texte néerlandais « Richtlijn verzoek om hulp bij zelfdoding door patiënten met een psychiatrische stoornis »(12).

(5) Capacité de discernement et conscience du patient

La Loi euthanasie prévoit que le médecin qui pratique l'euthanasie ne commet pas d'infraction s'il s'est assuré que le patient est doté de la capacité de discernement et est conscient au moment de sa demande.(13)

Il convient ici de distinguer la capacité de discernement et la capacité effective du patient.

La capacité de discernement d'une personne est une notion juridique. C'est généralement le juge de paix qui, avec l'aide d'un médecin, déterminera si une personne est incapable de discernement et quels actes juridiques elle ne peut plus poser par conséquent. Le médecin qui pratique l'euthanasie doit vérifier si une telle mesure de protection juridique s'applique au patient qui introduit une demande d'euthanasie.

La capacité effective, aussi capacité à exprimer sa volonté ou à être conscient des actes que l'on pose, est une situation de fait que le médecin qui pratique l'euthanasie doit apprécier. Pour les patients psychiatriques, cette appréciation n'est pas évidente parce que les troubles psychiatriques peuvent nuire à la capacité du patient à exprimer sa volonté. Une pathologie psychiatrique n'implique pas automatiquement que le patient ne puisse pas formuler une demande d'euthanasie réfléchie et valide.

Pour l'appréciation par le médecin de la capacité du patient à exprimer sa volonté, le Conseil national souscrit au texte « Hoe omgaan met een euthanasieverzoek in psychiatrie binnen het huidig wettelijk kader ? » de la VVP(14), qui se base sur le texte néerlandais « Richtlijn verzoek om hulp bij zelfdoding door patiënten met een psychiatrische stoornis »(15).

(6) Renvoi en cas d'objection de conscience

La Loi euthanasie prévoit qu'aucun médecin n'est tenu de pratiquer une euthanasie.(16)

Si le médecin consulté refuse de pratiquer une euthanasie, il est tenu d'en informer en temps utile le patient ou la personne de confiance éventuelle, en précisant les raisons. Dans le cas où son refus est justifié par une raison médicale, celle-ci est consignée dans le dossier médical du patient.(17)

Le médecin qui refuse de donner suite à une requête d'euthanasie est tenu, à la demande du patient ou de la personne de confiance, de communiquer le dossier médical du patient au médecin désigné par ce dernier ou par la personne de confiance.(18)

Le médecin consulté qui refuse de pratiquer l'euthanasie de patients psychiatriques en raison d'une objection de conscience doit renvoyer le patient vers un autre médecin. Dans ce cas, il convient de veiller à ne pas susciter l'impression chez le patient que ce médecin auquel il est adressé accèdera à la demande. Le médecin ayant une objection de conscience ne peut pas non plus apprécier l'opportunité de la demande.

3. Conclusion

Par cet avis, le Conseil national donne un fil conducteur avec directives déontologiques pour que la demande d'euthanasie des patients psychiatriques soit évaluée avec la plus grande prudence.

Ce texte n'est pas exhaustif et peut évoluer dans le temps. La Commission Euthanasie du Conseil national de l'Ordre des médecins continuera à examiner cette problématique au cours des prochaines années.



(1) Art. 3, § 2, 3° et art. 3, § 3, 1°, loi concernant l'euthanasie

(2) Art. 3, § 2, 3°, deuxième alinéa, loi concernant l'euthanasie

(3) Art. 3, § 3, 1°, loi concernant l'euthanasie

(4) Art. 3, § 2, 3°, deuxième alinéa et art. 3, § 3, 1°, loi concernant l'euthanasie

(5) Art. 3, § 2, 4°, loi concernant l'euthanasie

(6) Art. 3, § 1, troisième tiret, loi concernant l'euthanasie

(7) Art. 3, § 3, 2°, loi concernant l'euthanasie

(8) Art. 3, § 3, 2°, loi concernant l'euthanasie

(9) Art. 3, § 2, 5°, loi concernant l'euthanasie

(10) Art. 3, § 1, deuxième tiret, loi concernant l'euthanasie

(11) http://vvponline.be/uploads/docs/bib/euthanasie_finaal_vvp_1_dec.pdfhttp://vvponline.be/uploads/docs/bib/euthanasie_finaal_vvp_1_dec.pdf, p. 21-22

(12) https://richtlijnendatabase.nl/richtlijn/levensbeeindiging_op_verzoek_psychiatrie/startpagina_-_levensbe_indiging_op_verzoek.html

(13) Art. 3, § 1, premier tiret, loi concernant l'euthanasie

(14) http://vvponline.be/uploads/docs/bib/euthanasie_finaal_vvp_1_dec.pdf, p. 25-26

(15) https://richtlijnendatabase.nl/richtlijn/levensbeeindiging_op_verzoek_psychiatrie/startpagina_-_levensbe_indiging_op_verzoek.html

(16) Art. 14, deuxième alinéa, loi concernant l'euthanasie

(17) Art. 14, quatrième alinéa, loi concernant l'euthanasie

(18) Art. 14, cinquième alinéa, loi concernant l'euthanasie

Droits du patient16/09/2017 Code de document: a158004
Obligation déontologique de renvoi en cas de refus de pratiquer une euthanasie – Avis du Conseil national du 6 mai 2017

Le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné la question de savoir si l'avis du Conseil national du 6 mai 2017 « Information du patient concernant son état de santé et les soins qui lui sont proposés » impose une obligation déontologique de renvoi aux médecins s'ils refusent de pratiquer une euthanasie.

Avis du Conseil national :

Le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné votre courriel du 4 septembre 2017 dans lequel vous demandez si l'avis du Conseil national du 6 mai 2017 « Information du patient concernant son état de santé et les soins qui lui sont proposés » impose une obligation déontologique de renvoi aux médecins s'ils refusent de pratiquer une euthanasie.

Le passage visé énonce : « Si le médecin fait valoir une objection de conscience, comprise comme la liberté personnelle du médecin de ne pas donner des soins qu'il estime, en conscience, contraires à ses convictions ou à sa mission, il en informe clairement le patient et le dirige vers une structure médicale susceptible de le prendre en charge. »

Le Bureau vous informe que ce passage est d'application pour l'euthanasie. Il existe une obligation déontologique de renvoi du patient en cas de refus d'une euthanasie. Ce devoir déontologique ne va toutefois pas jusqu'à l'obligation pour le médecin de s'assurer réellement que le médecin ou la structure médicale vers lequel/laquelle le patient est renvoyé pratiquera aussi de facto une euthanasie. Ce devoir déontologique de renvoi implique que le médecin, en cas de refus, ne peut pas abandonner le patient à son sort et qu'il doit continuer à l'accompagner.

Euthanasie20/02/2010 Code de document: a129018
Réanimation des enfants extrêmement prématurés

En sa séance du 20 février 2010, le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné la question de savoir si le fait de renoncer à réanimer des enfants extrêmement prématurés expose le médecin à des poursuites.

Malgré l'élargissement des connaissances médicales et des possibilités technologiques en vue de mieux gérer les conséquences d'une naissance prématurée, la médecine continue de se heurter à des limites d'âge toujours plus basses. Dans ces cas, la décision d'instaurer ou pas, de cesser ou pas un traitement chez des patients individuels reste très difficile. Ainsi, les prématurités extrêmes confrontent en permanence à des situations sans issue où un traitement prolongeant la vie ne fait que différer la mort ou comporte le risque d'un dommage physique et psychique très grave.

En principe, un acte médical a toujours pour but la réalisation d'un bénéfice thérapeutique, le maintien ou l'amélioration de l'état de santé du patient. Des actes médicaux qui ne conduisent pas raisonnablement à un bénéfice thérapeutique perdent leur légitimité et, dans des situations spécifiques, il est admis de ne pas mettre en œuvre ou d'abandonner des thérapies prolongeant la vie. Ceci requiert évidemment l'application de critères de prudence stricts. Ainsi, le diagnostic doit révéler un pronostic sans issue et des médecins indépendants doivent être associés au processus de décision. Et les parents doivent recevoir une information de soutien professionnelle, adaptée à la situation. L'équipe médicale doit veiller à la garantie maximale du confort du nouveau-né gravement malade et, à cette fin, lui prodiguer des soins palliatifs effectifs et assurer avec les parents un accompagnement de fin de vie humain.

Même s'il existe une certaine tolérance aux Pays-Bas sur la base du protocole de Groningen (N ENG J MED, 2005 ; 352 : 959-962), aucun pays ne dispose à l'heure actuelle d'une loi permettant de mettre un terme activement à la vie de nouveau-nés.

Secret professionnel27/10/2007 Code de document: a119002
Etude interuniversitaire « décisions médicales relatives à la fin de vie - région de bruxelles-capitale »

Dans le cadre d’une étude effectuée par un groupe de recherche interuniversitaire de la « Vrije Universiteit Brussel » (VUB) et de « l’Universiteit Gent » (UG) en collaboration avec l’ Université Catholique de Louvain (UCL), « l’Universiteit Antwerpen » (UA) et l’Institut Scientifique de la Santé publique (ISSP), il est demandé à un médecin de remplir un questionnaire concernant un décès qu’il a attesté récemment.
Contrairement à ce qu’assurent les chercheurs concernant l’anonymat et le respect du secret professionnel, ce médecin estime qu’il est possible de retrouver sans trop de difficulté l’identité tant du médecin que du patient, et il se pose de questions au sujet de l’envoi du questionnaire rempli à un avocat assermenté.
Il souhaite savoir aussi s’il est exact que le Conseil national de l’Ordre des médecins a émis un avis favorable pour la réalisation de cette étude.

AVIS DU CONSEIL NATIONAL :

Veuillez nous excuser pour cette réponse quelque peu tardive due à une confusion au sujet de projets d’études différents, entre-temps clarifiée.

Le projet de recherche en question trouve apparemment son origine au niveau du mandat donné par le SPF Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement pour la réalisation, en collaboration avec les institutions universitaires et scientifiques et les dispensateurs de soins, d’une étude scientifique prospective concernant la prise de décision et les actes médicaux en fin de vie, qui date déjà de 2005.

Le Conseil national de l’Ordre des médecins a marqué son approbation, le 1er octobre 2005, pour le protocole de recherche, sans se prononcer, évidemment, sur la valeur scientifique de ce protocole.

Dans le même contexte, un projet scientifique pluridisciplinaire de quatre ans, le projet MELC (Monitoring quality of End-of-Life Care in Flanders) (coordinateur général professeur Luc DELIENS), a été attribué à un consortium formé par les universités VUB, UG, UA, VU medisch centrum Amsterdam et le Wetenschappelijk Instituut voor Volksgezondheid, financé par l’IWT (Instituut voor de Aanmoediging van Innovatie door Wetenschap en Technologie in Vlaanderen) et le SBO (Strategisch Basis Onderzoek programma).

Le questionnaire qui vous a été envoyé est un volet de ce projet MELC, plus précisément une étude des décès à Bruxelles (Medische Beslissingen rond het Levenseinde in het Brussels Hoofdstedelijk Gewest, chef de projet Professeur Johan Bilsen VUB).

Par lettre du 15 janvier 2007, le professeur Deliens a demandé un avis, au nom du groupe de recherche MELC, concernant la garantie de l’anonymat et la protection de secret professionnel intégrées dans une procédure de collecte de données en vue d’une étude rétrospective des décès intitulée Medische Beslissingen rond het Levenseinde van patiënten. Een retrospectief strefgevallenonderzoek in Vlaanderen en het Brussels Hoofdstedelijk Gewest.

La procédure d’anonymisation utilisée étant identique à celle de la précédente étude scientifique pour laquelle le Conseil national de l’Ordre des médecins avait marqué son approbation, le Bureau du Conseil national a communiqué à l’auteur de la demande d’avis, par lettre du 21 mars 2007 (copie en annexe), que la procédure proposée présentait des garanties suffisantes de protection du secret professionnel (sans se prononcer, comme pour les projets antérieurs, sur la valeur scientifique du projet).

Pour des questions concrètes concernant la garantie de l’anonymat et la protection du secret professionnel lors de la collecte de données, il vous est naturellement loisible de contacter directement le groupe de recherche, qui pourra vous fournir plus d’explications.

Euthanasie04/06/2005 Code de document: a109012
Kit euthanasie

Lettre au Directeur général du Service Public Fédéral Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement, Direction Générale médicaments :

A la suite de la mise en place de trois groupes de travail pour aboutir à des accords précis concernant la disponibilité d’un coffret de produits euthanasiants dans le cadre des soins à domicile (appelé le « kit euthanasie »), le Conseil national de l’Ordre des médecins a débattu des aspects déontologiques de cette proposition.
Dans son avis du 22 mars 2003 relatif aux soins palliatifs, à l’euthanasie et à d’autres décisions médicales concernant la fin de vie, le Conseil national stipule dans un des paragraphes traitant de l’euthanasie : « Il est évident que le médecin doit avoir une connaissance approfondie des produits adéquats afin qu’il puisse assurer à son patient une mort paisible et sans souffrance ». Il en résulte qu’un médecin qui se propose d’appliquer l’euthanasie doit avoir sur la base de sa connaissance et de l’état clinique du patient concerné, une connaissance exacte des substances euthanasiantes et des éventuels dispositifs d’administration qu’il choisit. Ces choix constituent une partie importante de sa liberté thérapeutique. Il doit prescrire les médicaments et les moyens de son choix.

Il est d’usage lorsqu’un médecin prescrit des produits pharmaceutiques ne se trouvant pas d’habitude en stock en pharmacie, qu’il prenne contact avec le pharmacien sachant que celui-ci est disposé à faire le nécessaire pour pouvoir fournir les substances prescrites. Le médecin et le pharmacien se concertent et s’accordent clairement sur le moment de la livraison.

Eu égard au caractère strictement personnel du problème, il est exclu d’impliquer des membres de la famille du patient ou des tiers lors de la délivrance des substances euthanasiantes. Conformément aux dispositions convenues avec le pharmacien, le médecin doit lui-même recevoir les substances prescrites en échange d’une prescription médicale au nom du patient.

Il est important de noter que le médecin concerné par une euthanasie doit prendre contact avec le pharmacien suffisamment longtemps à l’avance afin de laisser à ce dernier le temps d’exécuter la prescription médicale. L’application de l’euthanasie ne peut pas être considérée comme une urgence en médecine.

Le Conseil national est d’avis que la prescription, par un médecin, d’un « kit euthanasie » ne répond pas aux principes ci-dessus exposés. Le médecin doit prescrire les substances qu’il estime nécessaires et le pharmacien doit exécuter cette prescription. Le Conseil national de l’Ordre des médecins n’est pas compétent pour exprimer un quelconque jugement sur la nécessité d’un « kit euthanasie » dans l’approvisionnement des pharmaciens d’officine chez un grossiste.

Secret professionnel19/06/2004 Code de document: a105001
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Voir aussi l'avis a155011.

Cet avis remplace les avis BCN 95 p. 3, a095001 et BCN 101 p. 6, a101006 concernant cette problématique + voir avis BCN 118 p. 3, a118001.

Le secret professionnel après (le) décès (du patient)

La consultation du dossier médical après le décès du patient telle que définie à l'article 9, §4, de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient suscite bon nombre d'interrogations chez les médecins. En sa séance du 19 juin 2004, le Conseil national a décidé de nuancer et compléter les positions prises dans ses avis des 16 février 2002 et 26 juillet 2003.

Le Conseil national reste d'avis, comme précisé dans son avis du 16 février 2002, que le médecin traitant peut, suivant ce qui est d'usage depuis des années, donner à l'époux, à l'épouse, au partenaire ainsi qu'aux proches parents, les explications nécessaires concernant la cause de la mort et les circonstances du décès. Mais il doit en l'occurrence tenir compte d'une éventuelle opposition de la personne décédée, veiller à ne pas porter atteinte à la mémoire de la personne décédée et ne pas communiquer des données ayant trait à des tiers.

A la demande des proches parents, le médecin traitant de la personne décédée peut communiquer à leur médecin généraliste ou à leur médecin traitant les données pouvant être importantes pour leur état de santé et leurs projets en matière de procréation. Ceci se rapporte notamment aux questions de plus en plus fréquentes concernant des données génétiques, qui parfois se posent des années après le décès.

Il est possible, soit que les proches parents renoncent à ce type d'entretien, soit que l'entretien n'apporte pas de réponse satisfaisante à leurs questions. Il peuvent en tout cas faire usage de leur droit de consultation indirecte prévu à l'article 9, §4, de la loi relative aux droits du patient, qu'ils doivent exercer par l'intermédiaire d'un praticien professionnel qu'ils ont désigné. L'on peut supposer que les proches parents feront appel à un médecin pour la consultation du dossier médical de la personne décédée.

Dans les avis précités, le Conseil national ne se prononçait pas sur les obligations légales et déontologiques du médecin sollicité pour la consultation par les proches parents.
L'article 9, §4, de la loi dispose que la demande de consultation doit être faite par "l'époux, le partenaire cohabitant légal, le partenaire et les parents jusqu'au deuxième degré inclus". Il est exclu que d'autres personnes, par exemple un avocat, agissent au nom des personnes concernées par l'article 9, §4.

Le Conseil national estime que le médecin sollicité doit être convaincu qu'une demande de consultation indirecte du dossier médical est la voie la plus indiquée pour permettre aux proches parents d’obtenir l'information souhaitée. Il doit garder à l'esprit - et en avertir le demandeur - que le médecin traitant de la personne décédée, ainsi que prévu à l'article 9, §2, de la loi, dispose de 15 jours à dater de la réception de la demande de consultation pour y donner suite, et que la loi ne prévoit pas le droit d'obtenir copie du dossier de la personne décédée. Il est évident que le médecin sollicité doit avoir la compétence nécessaire pour pouvoir donner au demandeur une information correcte et complète après avoir consulté le dossier de la personne décédée. Ce ne sont pas seulement les médecins dépositaires du dossier, mais également le médecin sollicité pour effectuer la consultation indirecte, qui doivent être convaincus que la demande de consultation est "suffisamment motivée et spécifiée".

On peut attendre du médecin désigné qu'il conseille en connaissance de cause le demandeur afin que la consultation du dossier se déroule sans difficulté ni retard. Ainsi, il veillera à ce que le demandeur s'adresse aux praticiens professionnels qui avaient la responsabilité de la tenue soigneuse et de la conservation sécurisée des parties du dossier du patient dont la consultation indirecte peut être utile. Le dossier médical n'est qu'une partie du dossier du patient et de ce fait, une demande de consultation adressée au médecin responsable des soins de la personne décédée ne donne pas droit à la consultation indirecte, par exemple, du dossier infirmier. Il faut noter que le médecin-chef d'un hôpital n'est pas compétent pour accorder la consultation d'un dossier.

Le Conseil national estime que la désignation d'un seul praticien professionnel est suffisante pour l'obtention de la consultation indirecte des parties utiles du dossier du patient mais toutes les demandes doivent être suffisamment motivées et spécifiées. Dans son avis motivé du 26 juillet 2003, le Conseil national considère que seuls des médecins peuvent être désignés pour consulter le dossier médical d'une personne décédée, et le Conseil national maintient cette position.

Dans son avis du 16 février 2002, le Conseil national demandait de faire figurer dans la loi que la consultation du dossier du patient après le décès ne serait pas possible si la personne décédée s'y était opposée implicitement, mais le législateur s'en est tenu à une "opposition expresse". Le Conseil national reste cependant d'avis que la notion de caractère "exprès" doit recevoir une interprétation large. Lorsqu'une personne décédée n'a pas de son vivant informé ses proches parents de la nature de sa maladie, et n'a pas souhaité qu'ils en soient informés par le médecin traitant, cela doit être considéré comme une opposition expresse à la consultation. Il est ainsi exclu que les proches apprennent par la consultation indirecte du dossier médical que, par exemple, une euthanasie a été pratiquée. Il convient de noter que l'opposition expresse de la personne décédée à la consultation de certaines données du dossier, peut être non seulement écrite mais aussi verbale et il est en ce cas indiqué que le médecin en fasse la mention datée dans le dossier médical. Comme précisé dans l'avis du Conseil national du 26 juillet 2003, un patient ne peut s'opposer à la consultation post mortem du dossier qu'à un moment où il est encore capable d'exercer ses droits.

La difficulté dans la consultation indirecte du dossier du patient après sa mort par ses proches parents réside dans la condition prévue à l'article 9, §4 selon laquelle "la demande soit suffisamment motivée et spécifiée". Indépendamment de la discussion sur ce qu'est une motivation suffisante, il convient d'observer que seule est possible la consultation indirecte des pièces qui sont pertinentes au regard de la motivation donnée. Suivant la loi, les annotations personnelles du praticien professionnel peuvent entrer en considération sur ce plan. Les données ayant trait à des tiers sont exclues de toute consultation.

Dans son avis du 16 février 2002, le Conseil national considérait que pouvaient être remises au médecin désigné demandeur des photocopies de toutes les pièces du dossier médical pertinentes en la matière. Le texte de l'article 9, §4, fait cependant uniquement référence au §2, et non au §3 du même article, qui traite du droit d'obtenir copie. Il en résulte que le droit d'obtenir copie de certaines pièces ou de la totalité du dossier est un droit du patient valable uniquement du vivant du patient.

A ce jour, la pratique indique que les deux motivations les plus fréquentes de demande de consultation du dossier d'une personne décédée sont la présomption d'une faute professionnelle à l'égard d'un praticien et la contestation du testament de la personne décédée.

Dans son avis du 16 février 2002, le Conseil national a estimé qu'un médecin ne pouvait invoquer le secret professionnel pour étouffer une éventuelle faute médicale. Le Conseil national maintient le point de vue qu'en cas de présomption d'une faute médicale, le médecin traitant doit présenter pour consultation, au médecin désigné par les proches parents à cet effet, toutes pièces du dossier médical susceptibles d’éclairer l'affaire. En cas de contestation au sujet de la présentation de certaines pièces, il peut être fait appel de commun accord à la médiation d'un médecin proposé par le conseil provincial de l'Ordre dans ou en dehors de son sein. Ceci est de loin préférable à une action en justice qui peut aboutir à une longue procédure.

Dans les avis des 16 février 2002 et 26 juillet 2003, la position du Conseil national au sujet de la contestation d'un testament est que celle-ci ne peut être acceptée comme motivation suffisante d'une demande par les proches parents de consultation indirecte du dossier médical de la personne décédée. Ce point de vue n'étant pas généralement admis, le Conseil national estime devoir en expliquer les raisons de manière plus circonstanciée.

Les partisans de la consultation en cas de contestation d'un testament soutiennent que l'intérêt des proches parents prévaut sur le droit à la vie privée de la personne décédée. La motivation du Conseil national ne repose pas sur une évaluation d'intérêts individuels, mais sur l'intérêt général qui est à la base du secret professionnel garanti par le droit pénal. Dans son avis du 16 février 2002, le Conseil national énonce que: "De plus, le fait pour les personnes âgées d'apprendre que leur dossier médical sera utilisé après leur mort pour juger de leurs dernières dispositions de volonté, portera sérieusement atteinte à leur confiance dans la médecine. Ces problèmes doivent être tranchés sans briser la confidentialité des données médicales.". Cette position est confirmée dans l'avis du 26 juillet 2003.

Le Conseil national reste d'avis - sans être partisan du caractère absolu du secret professionnel - qu'il est dans l'intérêt de la collectivité et en particulier des personnes âgées de ne pas admettre la consultation du dossier médical après le décès dans le cadre d'une contestation de la validité d'un testament. Le Conseil national ne conteste pas qu'il faut être sain d'esprit pour faire un testament, mais il estime que d'autres éléments de preuve doivent être invoqués pour remettre en question un testament. Ainsi, la Cour de cassation a admis que des attestations médicales régulièrement délivrées du vivant du testateur, en vue de son interdiction ou de son placement dans une maison de repos et de soins, soient utilisées dans une procédure ultérieure visant l'annulation de son testament.

En outre, les médecins traitants ont la possibilité d'éviter bon nombre de discussions à propos de la validité d'un testament en conseillant au patient âgé encore sain d'esprit de faire appel à un notaire pour l'établissement de son testament. Il est indiqué que le testament soit rédigé devant notaire en présence d'un expert compétent pour déclarer que le testateur est sain d'esprit à ce moment-là. Il est à déconseiller que le médecin traitant remplisse le rôle d’expert pour ses propres patients.

Le Conseil national estime préférable qu'un médecin auquel la consultation du dossier médical d'une personne décédée est demandée en raison de la contestation de son testament, se concerte au préalable à ce sujet avec le bureau de son conseil provincial.

La consultation du dossier médical après le décès, telle que définie à l'article 9, §4, de la loi relative aux droits du patients, est une matière nouvelle pour tous les médecins et pour le Conseil national. La difficulté sera l'appréciation du caractère "suffisamment motivé et spécifié" d'une demande: le médecin désigné défendra les intérêts du demandeur alors que l'auteur du dossier médical privilégiera la protection de la vie privée de la personne décédée et le respect du secret professionnel à l'égard de l'ensemble des patients. Le Conseil national espère contribuer par cet avis au rapprochement des différents points de vue.

Cet avis remplace les positions exposées dans les avis des 16 février 2003 et 26 juillet 2003 concernant cette problématique.

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