Avant-projet de loi relatif aux expérimentations sur la personne humaine
Le 19 décembre 2003, l'avant-projet de loi relatif aux expérimentations sur la personne humaine a été approuvé par le Conseil des ministres et soumis à l'avis du Conseil d'Etat.
Monsieur Rudy DEMOTTE, ministre des Affaires sociales et de la Santé publique a transmis au Conseil national cet avant-projet retravaillé ainsi qu'une lettre dans laquelle il expose son point de vue suite à l'avis du Conseil national du 13 décembre 2003.
Lettre du Conseil national à monsieur Rudy DEMOTTE, ministre des Affaires sociales et de la Santé publique:
En sa séance du 17 janvier 2004, le Conseil national a pris connaissance de votre lettre du 26 décembre 2003 concernant le courrier vous adressé par le Conseil suite à votre demande d’avis à propos de l’avant-projet de loi relatif aux expérimentations sur la personne humaine. A la lecture de votre lettre, il semble exister une certaine incompréhension à propos des prises de position du Conseil national. C’est pourquoi celui-ci pense utile de préciser son point de vue .
Contrairement à votre interprétation, le Conseil national n'estime pas qu'il soit positif d'étendre à toutes les expérimentations la directive 2001/20/CE du 4 avril 2001 du Parlement européen et du Conseil concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres relatives à l'application de bonnes pratiques cliniques dans la conduite d'essais cliniques de médicaments à usage humain. Le Conseil national a justement fait remarquer que cela, en raison de la lourdeur de la procédure, complique inutilement les recherches qui n'impliquent pas l'usage de médicaments et dont le risque à l'égard des participants est pratiquement inexistant si elle n'est pas interventionnelle.
Le Conseil national attache, en effet, une très grande importance à la recherche sur l’homme. C’est dans cette optique qu’il a participé, il y a presque 20 ans, à la création des premiers comités d’éthique. Il est particulièrement sensible aux droits au respect de l’intégrité physique et mentale des volontaires participant aux études cliniques, ainsi qu’à leurs droits au respect de la vie privée et à la protection des données les concernant. Ceci explique l’intérêt porté par le Conseil national à la composition et au fonctionnement des comités d’éthique, dont la mission essentielle est de veiller au respect des droits et intérêts des patients.
Le Conseil national constate avec satisfaction que vous n'avez pas l'intention de restreindre l'indépendance des comités d'éthique agréés par l'Ordre des médecins depuis de nombreuses années. L'avant-projet prévoit néanmoins que quelques instances seulement pourront constituer des comités d'éthique non hospitaliers, que l'autorité compétente agréera ces derniers s'ils remplissent des conditions qui, pour eux, ne seront cependant pas réalisables en pratique (article 2, 4°, 2ème tiret et article 2, 4°, dernier paragraphe). Le Conseil national insiste à nouveau sur le caractère inacceptable de la formulation de l'article 26, §5, de l'actuel avant-projet.
Le Conseil national continue de s’étonner de la place réservée au promoteur dans l’avant-projet. Dans la toute grande majorité des essais cliniques, le promoteur est l’industrie pharmaceutique qui a le plus souvent conçu le protocole en fonction de ses objectifs qui sont avant tout commerciaux. La cascade prévue dans l'avant- projet de loi laisse au promoteur un pouvoir, que le Conseil national juge exorbitant, dans le choix du comité d’éthique qui doit rendre l’avis. Le recours à cette procédure sera probablement la pratique habituelle. En effet, les études multicentriques impliquent généralement des centres de recherche de même niveau. Dès lors, de manière habituelle, plusieurs centres universitaires ou plusieurs hôpitaux sont concernés simultanément. Le Conseil national a toujours estimé que c’est à l’expérimentateur qu’il incombe de solliciter l’avis du comité d’éthique. Dans les études multicentriques, le choix du comité d'éthique devrait être dévolu au médecin coordinateur de l'étude.
Le Conseil national s’inquiète des délais de réponse, nettement plus courts que ceux prévus dans la directive, et n’est pas totalement convaincu par les arguments développés dans les textes. La mise en route d’un essai clinique prend en effet de nombreux mois. Le délai de réponse du comité d’éthique est rarement le facteur limitant. Les délais prévus de 15 et 28 jours pourraient constituer une menace quant à la qualité du travail accompli par les comités d’éthique. Il faut rappeler que les membres de ces comités ont par ailleurs des activités cliniques, voire des charges d’enseignement. La majorité des comités se réunissent en dehors des heures de prestation habituelles. D’autre part, certains des dossiers sont très volumineux et par définition concernent des domaines nouveaux ou peu connus, justifiant le recours à des experts dans le domaine. Ceci souligne l’importance pour le comité de disposer du temps nécessaire pour se réunir en séance et discuter des aspects posant question, éventuellement de demander des éclaircissements à l’expérimentateur, voire de l’entendre. Si effectivement un certain nombre de protocoles ne posent que peu de problèmes et peuvent recevoir avis dans le délai de 28 jours, un pourcentage significatif risque de demander des délais plus longs et de ce fait de ne pas recevoir l’avis dans les limites prévues. Ce sera en particulier le cas des protocoles les plus novateurs. Beaucoup de membres du Conseil national sont actifs dans les comités d’éthique et de manière unanime s’inquiètent des délais proposés et de la possibilité pratique de les respecter.
Le Conseil national se permet de vous rappeler son intérêt pour les problèmes déontologiques posés par l’expérimentation sur l’homme et le fonctionnement des comités d’éthique. Les réflexions formulées se veulent constructives et sont motivées par son souci de profiter de cette importante initiative législative pour définir au mieux les droits et les responsabilités de chacun des acteurs dans ce domaine.
Une délégation du Conseil national se tient par ailleurs à votre disposition pour vous rencontrer et expliciter les points de vue du Conseil concernant la problématique traitée dans l'avant-projet de loi.