Comités d'éthique - Directive 2001/20/CE du Parlement européen et du Conseil
En vue de la transposition dans le droit belge (avant le 30 avril 2004) de la directive 2001/20/CE concernant la recherche clinique en matière de médicaments, une délégation de la commission "Ethique médicale" du Conseil national a été reçue au cabinet du ministre des Affaires sociales et de la Santé publique pour y exposer la position du Conseil national en la matière.
Lettre du Conseil national au docteur Yvon ENGLERT, coordination "Ethique", cabinet des Affaires sociales et de la Santé publique:
Suite à l'échange de vues agréable qu'une délégation de la commission "Ethique médicale" du Conseil national a eu avec vous le 30 octobre 2003, le Conseil national a examiné en sa réunion du 15 novembre 2003 les répercussions, au niveau du fonctionnement et de la composition des comités d'éthique, de la directive 2001/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 avril 2001 concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres relatives à l'application de bonnes pratiques cliniques dans la conduite d'essais cliniques de médicaments à usage humain.
Il ressort du texte de la directive que celle-ci concerne les comités d'éthique auxquels sont soumis les essais cliniques de médicaments et qu'elle ne s'applique pas aux essais non interventionnels (article 1er, 1.) tels que définis à l'article 2, c).
A l'heure actuelle, il existe en Belgique plus de deux cents comités d'éthique: outre les comités locaux d'éthique dont les hôpitaux doivent disposer, le Conseil national de l'Ordre des médecins a agréé à ce jour vingt-cinq comités d'éthique non hospitaliers.
Il est impossible de recenser exactement le nombre de comités d'éthique dont l'avis est sollicité à propos d'essais cliniques de médicaments entrant dans le champ d'application de la directive européenne. Il est presque certain que la grande majorité des comités d'éthique émet des avis sur des essais cliniques de médicaments, au moins occasionnellement. L'ampleur des essais cliniques pouvant être qualifiés de "non interventionnels" est plus difficile à évaluer. Il est établi que les essais cliniques de médicaments sont pour une large part des "essais cliniques multicentriques".
En ce qui concerne les essais cliniques multicentriques, l'article 9 dispose que les Etats membres doivent instaurer chacun une procédure qui permette pour chaque Etat un avis unique quel que soit le nombre des comités d'éthique. A cet égard, il convient de noter que même si un seul avis positif suffit, le considérant 8 de la directive prévoit la possibilité d'un refus de l'essai dans certains sites. Il est logique que celui-ci émane du comité d'éthique du site et qu'il soit fondé sur les éléments mentionnés à l'article 6, point 3, comme l'aptitude de l'investigateur et de ses collaborateurs (d), la qualité des installations (f) ou les éléments pertinents de tout contrat prévu entre le promoteur et le site (j).
Le Conseil national estime que l'importance de l'article 9 ne pourra jamais être soulignée suffisamment. Les essais cliniques multicentriques peuvent être aussi bien des essais cliniques de médicaments bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché que des essais de substances pharmacologiques pour lesquelles cette autorisation n'a pas été délivrée. En outre, il faut tenir compte à cet égard du fait que certaines études multicentriques incluent un très grand nombre de participants, ce qui requiert toutes les garanties de l'application des principes de bonne pratique clinique et toutes les assurances de la protection des participants quant à leurs droits, leur sécurité et le cas échéant leur indemnisation en cas de dommage consécutif à leur participation à l'essai clinique. Il est évident que la réunion des garanties nécessaires ne s'applique pas seulement aux études multicentriques, qui sont des essais cliniques de phase II, III et IV, mais aussi de manière maximale aux essais cliniques de phase I, car les risques pour les participants y sont nettement plus élevés.
Le Conseil national note que l'article 6, 3., de la directive européenne impose aux comités d'éthique des obligations particulièrement lourdes. En sus de la connaissance générale de la valeur scientifique et éthique et de l'évaluation de la faisabilité d'un essai dans un site déterminé, le comité doit réunir des compétences particulières en pharmacologie (évaluation de la brochure pour l'investigateur), en droit (l'indemnisation du dommage et l'assurance en responsabilité) et en déontologie médicale (sélection et par exemple recrutement des participants). Le délai dont dispose le comité d'éthique pour rendre son avis est singulièrement court: il est en principe de 60 jours (article 6, 5.) et de 35 jours seulement pour une modification apportée au protocole d'un essai en cours (article 10, a), deuxième alinéa).
Un changement important réside dans le fait qu'à dater du 1er mai 2004, les avis des comités d'éthique concernant des essais cliniques entrant dans le champ d'application de la directive européenne 2001/20/CE seront contraignants. Ceci pourrait être lourd de conséquences sur le plan de la responsabilité de ces comités d'éthique. Il n'est pas exclu en effet que le comité d'éthique soit appelé à la cause dans le cadre d'une procédure d'indemnisation ni qu'il fasse l'objet d'une action en justice pour avoir rejeté l'essai clinique proposé.
L'article 2, k), de la directive dit que le comité d'éthique doit être un organe indépendant, composé de professionnels de la santé et de membres non-médecins. Au regard des attributions de ces comités d'éthique, il paraît indiqué d'interpréter largement la notion de "professionnels" de la santé. L'indépendance vise la capacité de décision autonome, exempte de toute influence de tiers; même une apparence de dépendance doit être évitée.
L'idéal serait que ces comités d'éthique soient constitués au sein d'une instance indépendante et qu'ils n'aient aucun lien avec les centres d’étude où sont effectués les essais de médicaments. Cette conception ne pourra vraisemblablement pas être réalisée en raison d'obstacles d'ordre économique et pragmatique. L'indépendance des comités d'éthique est cependant essentielle pour l'obtention et le maintien de la confiance des participants et pour garantir au public que les participants ne courent pas de risques inutiles. L'indépendance des comités d'éthique institués dans des centres d’étude où sont également effectués des essais cliniques ne peut être crédible que par la neutralité de la composition du comité. Ainsi le Conseil national estime-t-il que les membres d'un comité d'éthique qui ont un lien avec le centre d’étude de réalisation des essais soumis à l'avis du comité, doivent être minoritaires. Pour réaliser ce rapport et accentuer l'indépendance de ces comités d'éthique, il pourrait être décidé que la majorité des membres de ces comités d'éthique doit être présentée par des instances totalement indépendantes du centre d’étude telles que le Comité consultatif de bioéthique, le Conseil national de l'Ordre des médecins et le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens, les sociétés scientifiques de médecine générale (SSMG - WVVH), le cercle de garde de médecine générale du centre d’étude ou d'autres comités d'éthique. Les médecins doivent être majoritaires dans ces comités d'éthique également. Il est recommandé de pourvoir à la suppléance des membres effectifs.
Le Conseil national estime que ce type de composition des comités d'éthique aura aussi la confiance des médecins-investigateurs qui souhaitent effectuer des essais cliniques de médicaments en dehors de tout centre d’étude et que de ce fait, il ne sera selon toute probabilité pas nécessaire de prévoir d'autres comités d'éthique pour ces chercheurs.
Compte tenu de l'investissement énorme requis des membres des comités d'éthique et des impératifs de temps que leur impose la directive européenne, le Conseil national estime que la gratuité des mandats au sein des comités d'éthique n'est plus défendable. Le Conseil national estime nécessaire la rétribution de la participation aux travaux d'un comité d'éthique par un honoraire suffisant. Il y a lieu aussi de prévoir des moyens suffisants pour le fonctionnement des comités d'éthique, car la directive européenne entraînera un surcoût sur le plan du secrétariat, du soutien logistique et des assurances.
Lors de l'entrevue du 30 octobre, d'autres points encore ont été abordés, qui ont été soumis au Conseil national. Le Conseil national estime que surtout en raison de l'objectif d'indépendance des comités d'éthique poursuivi par la directive, les entreprises commerciales, qu’elles soient pharmaceutiques ou non, ne peuvent pas avoir au sein de leur organisation des comités d’éthique qui puissent émettre un avis utile. Le Conseil national fera le nécessaire pour les en informer.
En ce qui concerne l'aspect assurance du comité d'éthique, le Conseil national pense qu'il y a lieu de faire une distinction entre les comités locaux d'éthique tels que visés par l'arrêté royal du 12 août 1994 modifiant l'arrêté royal du 23 octobre 1964 fixant les normes auxquelles les hôpitaux et leurs services doivent répondre d'une part, et les comités d'éthique qui se prononcent sur des essais cliniques de médicaments et qui entrent dans le champ d'application de la directive européenne d'autre part. Comme évoqué lors de l'entrevue du 30 octobre, le Conseil national estime que les comités locaux d'éthique hospitaliers peuvent être perçus comme étant des organes de l'hôpital, puisque leur existence est l'une des conditions de l'agrément comme hôpital, et juge opportun que les hôpitaux fassent couvrir ce risque relativement restreint de responsabilité des comités d'éthique par leurs polices d'assurance RC. Le problème est toutefois de savoir s'il est possible de doter du statut d'organe de l'hôpital les comités d'éthique qui émettent des avis sur des projets d'études de médicaments et qui entrent dans le champ d'application de la directive européenne. Ceci semble en contradiction avec l'indépendance de ces comités d'éthique sur laquelle insistent la directive ainsi que le présent texte. Il conviendrait que cet aspect soit examiné par des spécialistes du droit des assurances et de la législation sur les hôpitaux.
En ce qui concerne les assurances, il y a lieu de faire une distinction entre les assurances responsabilité civile de l'investigateur et de l'hôpital (faute établie, dommage et lien de causalité) et l'assurance du promoteur de l’étude couvrant les risques liés à l’investigation, comprenant les "événements indésirables" et les "effets indésirables graves", lesquels ne sont pas couverts par l'assurance RC. En ce qui concerne cette dernière assurance, l'investigateur (et l'hôpital) doi(ven)t certainement informer l'assureur de ce que des essais cliniques de médicaments sont effectués et vérifier que les montants pour lesquels il(s) est(sont) assuré(s), sont suffisants pour couvrir des dommages corporels et matériels le cas échéant. Dans la grande majorité des polices, le montant prévu est le maximum qui peut être versé par an et par sinistre. Ceci peut poser des problèmes lorsque les victimes d'un sinistre sont nombreuses. En ce qui concerne les "événements indésirables" et les "effets indésirables graves" visés dans la directive, le Conseil national recommande que l'investigateur, en concertation avec son mandant, contracte les assurances requises. La survenance d'un accident pour lequel l'investigateur serait insuffisamment assuré nuirait gravement à la recherche. Les comités d'éthique doivent vérifier la présence de tous ces éléments lorsqu'ils ont à juger d'essais cliniques de médicaments.
Le Conseil national est convaincu que la grande majorité des comités d'éthique existants n'optera pas pour l'agrément comme comité d'éthique d'évaluation d'essais cliniques de médicaments tels que les définit la directive européenne 2001/20/CE, lorsqu'ils seront suffisamment informés des conséquences de cet agrément et des possibilités qui demeurent ouvertes d'effectuer des essais cliniques de médicaments hors le champ d'application de la directive européenne. Si cela ne devait malgré tout pas être le cas, le Conseil national estime qu’il faudra procéder à une sélection sur la base de critères quantitatifs et qualitatifs comme la valeur des publications scientifiques des membres du comité et la capacité de formation du centre. Enfin il convient de souligner que les comités d'éthique locaux ne perdront pas de leur importance, car ils auront à juger de la faisabilité dans le centre d'essais multicentriques ayant reçu un avis favorable ailleurs, tout en conservant les autres compétences qui leur sont attribuées par l’arrêté royal du 12 août 1994.