keyboard_arrow_right
Déontologie

Etudes rétrospectives - Loi du 7 mai 2004 relative aux expérimentations sur la personne humaine

Le projet de loi portant des dispositions diverses en matière de santé (I) n°149/01, déposé à la Chambre des représentants, le 16 octobre 2008, comporte des propositions de modifications de la loi du 7 mai 2004 relative aux expérimentations sur la personne humaine (cf. également l’avis du Conseil national du 22 novembre 2008). Le 4 novembre 2008, le Conseil national adresse la lettre suivante, à madame L. ONKELINX, vice-Première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique.

Avis du Conseil national :

En sa séance du 25 octobre 2008, le Conseil national a pris connaissance du projet de loi portant dispositions diverses en matière de santé (I), déposé à la Chambre des représentants le 16 octobre dernier.

Le Conseil national estime que la modification proposée de la loi du 7 mai 2004 relative aux expérimentations sur la personne humaine, reprise à l’article 88 du projet de loi, nuit aux intérêts des patients et contrevient à la nécessaire relation de confiance entre les médecins et le patient.

L’article 88 proposé tend à apporter deux modifications profondes à la loi du 7 mai 2004 relative aux expérimentations sur la personne humaine.

Dans les travaux préparatoires, on peut lire :

Cet article tend à apporter deux précisions quant au champ d’application de la loi du 7 mai 2004 relative aux expérimentations sur la personne humaine.

D’une part, ceci concerne l’exclusion des études rétrospectives du champ d’application de cette loi.

D’autre part, ceci concerne essentiellement une simplification de la procédure pour les expérimentations liées à un objectif de qualité de l’activité des personnes qui exercent une profession telle que visée à l’arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l’exercice des professions de soins de santé et qui ont lieu à l’initiative d’un service public fédéral, d’un organisme d’intérêt public ou d’un organe créé en leur sein. Ceci concerne par exemple l’Institut National d’Assurance Maladie-Invalidité, le Centre d’Expertise Fédéral ou les collèges de médecins, tels que visés à l’arrêté royal du 15 février 1999 relatif à l’évaluation qualitative de l’activité médicale dans les hôpitaux.

Dans son avis, le Conseil d’Etat a remarqué que par rapport à ce passage, des questions pouvaient surgir à la lumière du principe constitutionnel d’égalité et de non-discrimination. A cette remarque, on peut répondre qu’en vue d’un soutien optimal à la qualité des soins de santé et d’une politique efficace de santé publique, il est absolument indispensable que les initiatives visées ne peuvent être remises en question par des procédures ou des conditions qui sont moins pertinentes pour des études ou expérimentations non interventionnelles. On ne touche cependant pas aux garanties essentielles pour la personne qui participe à l’expérimentation visée, mais les procédures sont bien simplifiées.

Le principe du consentement préalable du participant ou de son représentant, est remplacé par un système «opting-out», ce qui signifie que chacun peut s’opposer à la participation à l’expérimentation.

En cas d’expérimentation multicentrique, le système de l’avis unique reste d’application, mais la compétence des comités d’éthique qui sont attachés aux autres sites sur lesquels se déroulerait l’expérimentation, est supprimée.

Des conditions spécifiques ne sont pas applicables pour les expérimentations par rapport aux personnes qui sont incapables de donner leur consentement ou les cas dans lesquels ceci est impossible pour des raisons d’urgence. Ces conditions ne sont en l’occurrence pas pertinentes en raison des catégories d’expérimentations visées dans ce paragraphe.

En premier lieu, le Conseil national s’oppose à l’exclusion des études rétrospectives du champ d’application de la loi du 7 mai 2004 relative aux expérimentations sur la personne humaine.

Le Conseil estime en effet que rien ne justifie un pareil choix : aucun argument pertinent ne démontre que les études rétrospectives nécessitent de moindres garanties pour le patient que les études prospectives. Au contraire, les études rétrospectives méritent une attention particulière par leur seule nature : elles ne permettent en effet pas toujours l’obtention du consentement formel du patient si bien que des garanties spécifiques sont requises, tel l’examen par le comité d’éthique compétent.

L’exclusion du champ d’application de la loi du 7 mai 2004 des études rétrospectives conduirait à exclure l’effectivité des garanties procédurales contenues dans la loi et nuirait par conséquent aux intérêts des patients.

Le Conseil national vous renvoie à ce propos au courrier qu’il vous faisait parvenir le 16 octobre dernier, repris ci-joint.

En second lieu, le Conseil national considère que l’insertion proposée du § 3, à l’article 3 de la loi du 7 mai 2004, porte gravement préjudice aux intérêts des patients.

Cette insertion conduit à les priver de garanties indispensables, notamment eu égard à leur autonomie, dès lors qu’une expérimentation est réalisée par une autorité publique, non davantage définie, telle par exemple l’INAMI ou le KCE.

En vertu du second paragraphe en effet, l’ensemble des études rétrospectives menées par ces autorités sortiraient du champ d’application de la loi du 7 mai 2004. Et en ce qui concerne les études prospectives, les garanties procédurales découlant de cette loi se réduiraient à une peau de chagrin dès lors que la loi exclurait l’application des articles 6, § 1er, 8, 2°, 9, 1°, 11, § 3, 7°(1), § 7 et § 8.

Le Conseil national prend acte de la mise en place d’un système d’ ‘opting-out’, signifiant certes que chacun peut s’opposer à l’expérimentation mais surtout qu’il ne doit pas y donner son consentement formel.

A propos de ce système, nous constatons en premier lieu qu’il ne s’appliquerait pas aux études rétrospectives dès lors que celles-ci sortiraient du champ de la loi du 7 mai 2004. On peut dès lors se demander dans quelle mesure un patient serait informé de la tenue d’une étude de ce type.

En ce qui concerne les études prospectives, le Conseil national estime que l’acceptabilité d’un système d’opting-out dépend nécessairement des garanties qui l’accompagnent du point de vue de l’autonomie de la volonté des patients. En l’espèce, ces garanties feraient cruellement défaut.

Le principe de l’ ‘opting out’ nécessite d’abord une réflexion quant à l’information à laquelle le patient a droit et quant aux modalités de transmission de celle-ci. Le troisième alinéa de l’article 3 proposé pose ainsi question : le médecin peut-il éthiquement, dans tous les cas d’expérimentations à l’initiative d’instances publiques telles l’INAMI ou le KCE, se contenter de communiquer au patient une information ‘de manière générale’ (2)?

Le Conseil national est par conséquent d’avis que la teneur de l’information et ses modalités doivent nécessairement, pour chaque étude, être évaluées par le comité d’éthique de l’hôpital où l’expérimentation a lieu. Il s’agit là d’une garantie procédurale au profit des patients.

Dans cette mesure, il est absolument nécessaire que les paragraphes 7 et 8 de l’article 11 de la loi du 7 mai 2004 restent pleinement d’application aux expérimentations menées par les autorités visées au paragraphe 3 de l’article 3 de la loi du 7 mai 2004, tel que proposé.

En outre, il est éthiquement requis que le comité d’éthique puisse effectivement évaluer l’efficacité et l’exhaustivité des informations écrites à fournir au sens de l’article 11, § 4, 7°. Une dispense d’application de cet article aux instances publiques n’est pas raisonnablement justifiée.

Le Conseil national est dès lors d’avis que l’article 88 doit être retiré du projet de loi.

cc : Chefs de groupes politiques de la Chambre des Représentants et du Sénat.
Clinical Trial Task Force
Comité consultatif de bioéthique.
Vlaams Patiëntenplatform


(1) L’article 11, §3, 7°, n’existe pas. Le gouvernement vise ici manifestement l’article 11, §4, 7°.

(2) Entend-on par-là que les documents d’admission en hôpital doivent mentionner que des études y sont menées par des instances publiques, sans davantage de précisions ?