Résultats
Résultats
Addictions - Concertation sur l'état de santé du patient entre les médecins traitants
En sa séance du 15 octobre 2022, le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné la question de savoir si un médecin peut signaler les graves problèmes de dépendance d’une patiente à un gynécologue avec l’accompagnement duquel la patiente souhaite commencer un traitement de fertilité.
Il est scientifiquement prouvé que la consommation d’alcool et d’autres substances générant une dépendance dès la conception et tout au long de la grossesse a un effet très néfaste sur le développement du fœtus. Le syndrome d’alcoolisme fœtal, par exemple, se caractérise par des anomalies très graves[1] qui compromettent sérieusement les perspectives d’avenir de l’enfant à naître.
Le Conseil national considère que dans les cas graves et avérés d’éthylisme et/ou de consommation d’autres substances générant une dépendance, après que l’attention de la mère a été attirée à plusieurs reprises sur le danger pour elle-même et le futur bébé, le secret professionnel peut être rompu au nom d’un intérêt supérieur, à savoir la protection de l’intégrité physique et psychique de l’enfant à naître.
[1] Caractéristiques du syndrome d’alcoolisme fœtal
À la naissance
Retard de croissance
Dysmorphie faciale
Anomalies neurologiques
• mauvaise coordination musculaire,
• mauvais réflexe de succion, problèmes de mastication,
• hypersensibilité au son et/ou à la lumière vive,
• troubles du sommeil,
• troubles de l’attention et de la mémoire,
• troubles du langage,
• altération des capacités visuelles,
• troubles de l’apprentissage et du comportement, hyperactivité, comportement autistique,
• retard mental (QI moyen de 60).
Autres anomalies possibles
• problèmes cardiaques
• malformations du squelette et des organes internes (par exemple: le foie, les reins, les organes sexuels)
• problèmes d’audition
• malformations de l’articulation de la hanche
• scoliose
• tension musculaire trop élevée ou trop faible
• troubles de la motricité (mouvements fins)
• risque accru d’infections auriculaires et pulmonaires
• tremblements
• irritabilité
• comportement impulsif
• épilepsie
• troubles de l’équilibre
Problèmes courants chez les enfants et les adultes
• Plaintes psychiques, problèmes psychiatriques (tels que la dépression)
• Difficultés d’apprentissage, mauvais résultats scolaires, problèmes au travail
• Problèmes de comportement, comportement criminel
• Comportement sexuel inapproprié
• Problèmes liés à l’alcool et à la drogue
• Isolement social
Prélèvement d'échantillons d'urines dans le cadre de la politique pénitentiaire en matière de drogue
Une commission centrale d'experts "drogue" a été créée au niveau de l'administration centrale du ministère de la Justice, direction générale des Etablissements pénitentiaires. Le conseiller général de la direction générale des Etablissements pénitentiaires pose les questions suivantes au Conseil national:
Le prélèvement d'un échantillon d'urines est-il est acte médical, à savoir, cet acte doit-il être effectué par du personnel ayant une formation professionnelle médicale? Serait-il question d'exercice illégal de la médecine si le prélèvement d'un échantillon d'urines était confié à du personnel n'ayant pas de formation professionnelle médicale?
[…] La communication des résultats est-elle réservée à un médecin ou ceux-ci peuvent-ils aussi être communiqués par exemple au directeur de l'établissement pénitentiaire?
De quelle façon les résultats peuvent-ils être utilisés? L'interprétation et l'utilisation de l'analyse de tests d'urines constituent-elles un acte médical?
Le prélèvement d'un échantillon d'urines doit-il avoir lieu sur une base volontaire ou peut-il être imposé?".
Avis du Conseil national:
Le Conseil national a examiné, en ses séances des 19 janvier et 16 mars 2002, les questions contenues dans votre lettre concernant la politique pénitentiaire en matière de drogue.
Il ressort de votre commentaire que le personnel médical traitant des établissements pénitentiaires refuse de prêter son concours au prélèvement d'urines pour contrôle lorsque des raisons médicales n'en imposent pas la nécessité.
L'arrêté royal du 18 juin 1990 portant fixation de la liste des prestations techniques de soins infirmiers et de la liste des actes pouvant être confiés par un médecin à des praticiens de l'art infirmier, ainsi que des modalités d'exécution relatives à ces prestations et à ces actes et des conditions de qualification auxquelles les praticiens de l'art infirmier doivent répondre, comporte trois annexes. L'annexe I porte la liste des prestations techniques de soins infirmiers pouvant être accomplies par des praticiens de l'art infirmier. Le point 6 concerne les activités de soins infirmiers liées à l'établissement du diagnostic. Sous le point B2 de cette liste, étant les prestations requérant une prescription médicale, sont mentionnés les prélèvements et collecte de sécrétions et d'excrétions dans lesquels se range le prélèvement d'urines.
L'arrêté royal précité et ses annexes trouvent leur fondement dans l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice des professions des soins de santé, dont l'article 21quinquies, §1er, b), dispose que l'on entend par art infirmier, notamment l'accomplissement de prestations techniques de soins infirmiers liées à l'établissement du diagnostic par le médecin ou à l'exécution d'un traitement prescrit par le médecin ou à des mesures relevant de la médecine préventive. L'article 21quater, §1er, dispose que nul ne peut exercer l'art infirmier, tel qu'il est défini à l'article 21quinquies, s'il ne satisfait pas aux exigences de qualification requises et aux conditions de l'article 21sexies concernant le visa du titre par la commission médicale provinciale compétente.
Il ressort de l'arrêté royal n° 78 et de l'arrêté d'exécution et annexes que le prélèvement d'un échantillon d'urines est une prestation technique de soins infirmiers qui, en vue de l'établissement d'un diagnostic, peut être confiée par le médecin à des infirmiers répondant aux exigences de qualification requises et habilités à exercer l'art infirmier. Suivant l'arrêté royal n° 78, le prélèvement d'échantillons d'urines ne peut avoir lieu en l'absence de raisons d'ordre médical (diagnostique). Un échantillon d'urines peut évidemment être prélevé et analysé pour des raisons d'ordre diagnostique dans le cadre d'une expertise médicale. Mais il y a lieu d'entendre par "expertise médicale" telle que visée dans l'avis du Conseil national sur le rapport final de la commission Internement (1) auquel votre lettre fait référence, l'intervention d'un médecin désigné par une instance judiciaire, qui soumet une personne déterminée aux examens nécessaires dans le cadre d'une mission spécifique. Il paraît exclu au Conseil national qu'une série d'expertises médicales puissent résoudre le problème devant être traité par la commission centrale ad hoc.
Le Conseil national estime que la commission centrale doit vérifier l'existence ou la possibilité de créer des contrôles d'urines sortant du champ d'application de l'arrêté royal n° 78. Ainsi, la police peut procéder à des prélèvements d'urines pour contrôle, et ce, tant sur une base volontaire que forcée. Forcée par exemple lorsque sont réunies les conditions de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière; volontaire par exemple lorsque le contrôle est accepté par un usager de la drogue à titre de condition probatoire. Les résultats de ces analyses sont transmis par le laboratoire au mandant qui généralement est un non-médecin et qui se basera pour l'interprétation en l'espèce, sur les valeurs de référence données par le laboratoire. Si la commission centrale conclut à un mode analogue de contrôle d'urines, il va sans dire que nul dans le personnel médical traitant, au sens large du terme, ne peut assumer une quelconque fonction dans son exécution.
Produit potentiellement dangereux - Avertissement des personnes ayant reçu le produit
Un Comité d'éthique médicale pose la question suivante au Conseil national: "Une firme pharmaceutique informe un médecin de la présence potentielle dans un produit distribué par cette firme et administré par le médecin, d'une particule potentiellement dangereuse et pour laquelle aucun moyen de détection ni de destruction n'existe actuellement. Le médecin est-il moralement tenu d'avertir les personnes ayant reçu ce produit ?"
Réponse du Conseil national :
En sa séance du 22 août 1998, le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné vos lettres des 8 mai et 18 juin 1998.
La législation belge (1) prévoit une réglementation très précise et détaillée en ce qui concerne la fabrication, I'enregistrement et la distribution des substances médicamenteuses. La notice scientifique ainsi que celle qui accompagne le conditionnement du médicament doivent mentionner tous les effets secondaires, même mineurs. Elle renvoit généralement au médecin traitant pour tout problème éventuel.
La loi a, en outre, mis en place un système de pharmacovigilance destiné à enregistrer tout effet secondaire survenant à posteriori à la mise en circulation du produit. Ce système oblige d'avertir le ministre de la santé publique ainsi que l'inspection de la pharmacie. Ces instances peuvent retirer le produit du circuit de distribution s'ils l'estiment nécessaire.
Dans le cas présent, la firme a pris l'initiative de retirer de sa propre initiative les lots d'immunoglobulines incriminés du circuit de distribution, bien que telle ne soit pas, selon elle, l'exigence des instances ministérielles belges et européennes.
Le CPMP (Committe for Proprietary Medicinal Products - european agency) fait une distinction entre la Maladie de Creutzfeldt-Jakob type sporadique ancien et la nouvelle variété, dont l'agent est identique à celui de l'encephalite spongiforme des bovins.
Pour cette nouvelle variété elle recommande par prudence le retrait des produits.
La FDA américaine (Food and Drugs Administration) ne fait pas cette distinction et recommande la destruction des produits contaminés par un donneur atteint de CJD (Creutzfeldt-Jakob disease).
Aucun cas de transmission par voie sanguine de la maladie de Creuzfeldt-Jakob, quelle que soit la variété, n'a été signalé à ce jour sur le plan mondial. Le risque est considéré comme purement potentiel et se situe sur un plan théorique.
Sur le plan déontologique le médecin doit avertir son patient de tout événement dommageable, accidentel ou conséquence imprévue d'un acte ou traitement médical, qu'il y ait ou non faute médicale. Il risque sinon de nuire et de miner gravement la confiance, indispensable et nécessaire, qui doit présider à la relation médecin - malade. Son silence priverait en outre le patient de toute action en réparation d'un préjudice subi, tout en rendant inapplicable toute intervention thérapeutique correctrice. Celle-ci n'est pas nécessairement impossible et peut être recherchée par une consultation large, même sur un plan international. Il convient aussi que le médecin avertisse son assureur en responsabilité professionnelle et veille à ce que son patient soit conseillé en matière de recours éventuel en justice.
Ceci ne concerne pas les risques connus et prévisibles, même très sérieux, des traitements et interventions auxquels le patient, dûment averti et informé au préalable, a consenti.
Lorsque le risque est potentiel, sur un plan théorique, comme dans le cas qui nous occupe, il appartient au médecin qui a le malade en charge de juger de l'opportunité d'informer son malade en tenant compte de toutes les circonstances.
D'une façon générale le Conseil national se rallie à l'avis n° 55 du Comité Consultatif National d'Ethique français "sur l'information à donner aux patients à propos de la possibilité de transmission de l'agent de la Maladie de Creutzfeldt-Jakob par des composants du sang", dont les conclusions concernant le patient sont citées ci-dessous.
"Dans l'état actuel des connaissances scientifiques, le risque de transmission par voie sanguine d'agents non conventionnels n'est que théorique. Aucun cas n'est connu en clinique humaine.
Il n'est cependant pas permis de négliger l'éventualité d'une transmission d'un agent non conventionnel par des médicaments dérivés du sang ou des produits sanguins labiles d'origine humaine.
Il est donc nécessaire de compléter dès à présent les dispositions actuelles par des mesures prospectives qui permettraient, le jour venu, la mise en place d'un éventuel dépistage, voire d'un traitement possible de la MCJ si cette éventualité se réalisait.
Cela suppose l'information des médecins et celle des patients :
(....)
L'information des malades sur les traitements qu'ils reçoivent est une obligation déontologique et éthique. Il serait inadmissible qu'on leur refuse l'information à laquelle ils ont droit s'agissant de leur propre santé. La décision d'informer sur la nature des traitements reçus doit être systématique et ne peut être laissée à l'appréciation des médecins. L'administration de produits sanguins à un malade signife que son état est ou a été sérieux. La communication de son dossier médical est d'autant plus impérieuse qu'il existe un risque potentiel de traitements ultérieurs qui peuvent comporter une incompatibilité avec certains produits sanguins ou médicaments déjà administrés. C'est le cas non seulement des médicaments dérivés du sang, mais aussi de certains antibiotiques ou de certains médicaments anesthésiques qui comportent un risque d'immunisation ou d'effets secondaires.
L'information sur le risque potentiel que comportent certaines thérapeutiques est d'une autre nature que l'information sur le traitement lui même quand elle ne repose pas sur des faits scientifiquement établis. Dès lors qu'un risque est connu, scientifiquement démontré, I'information du malade s'impose. Si le risque est virtuel, théorique, cette information n'a pas de justification éthique car elle peut être ressentie comme une menace inconnue, diffuse, qui peut inciter à des comportements irrationnels dangereux pour le malade lui même et pour la société.
C'est actuellement le cas pour l'ESST (encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles).
Le CCNE estime donc nécessaire, dans le cas précis du risque de contamination sanguine par des agents non conventionnels, de mettre en place une structure de vigilance scientifique et éthique qui fasse régulièrement le point des publications scientifiques sur ce sujet. Dès lors que des faits scientifiquement établis permettraient d'affirmer que ce risque existe réellement, I'exploitation des dossiers médicaux mis en place de façon prospective permettrait de traiter les informations recueillies et de retrouver les malades potentiellement contaminés. Ils seraient alors systématiquement informés selon des modalités définies."
L'enregistrement fiable et durable des patients ayant reçu des produits sanguins parait nécessaire. Cet enregistrement doit permettre leurs repérages et suivi ultérieurs et doit être mis au point au niveau national.
(1) Extrait de l'arrêté royal du 6 juin 1960 relatif à la fabrication et à la distribution en gros des médicaments et à leur dispensation.
Extrait de l'arrêté royal du 3 juillet 1969 relatif à l'enregistrement des médicaments.