Plan national VIH 2014-2019
Le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné le plan national VIH 2014-2019, en ce qu'il soutient le développement d'un dépistage décentralisé et démédicalisé à l'égard de groupes cibles prioritaires (particulièrement vulnérables face à l'épidémie de VIH).
Avis du Conseil national :
En sa séance du 19 juillet 2014, le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné le plan national VIH 2014-2019, en ce qu'il soutient le développement d'un dépistage décentralisé et démédicalisé à l'égard de groupes cibles prioritaires (particulièrement vulnérables face à l'épidémie de VIH).
1° Dépister précocement les personnes infectées par le VIH est un enjeu important. L'administration rapide d'un traitement améliore le pronostic de la maladie et la connaissance de sa séropositivité permet de prendre des mesures pour éviter la transmission.
Le recours au dépistage est insuffisant au sein de certains groupes de population.
La fréquentation trop faible des structures classiques de dépistage et la difficulté, associée à la crainte de stigmatisation et de jugement moral, d'instaurer un dialogue avec les professionnels de santé au sujet de l'orientation sexuelle, des comportements sexuels et des prises de risque, constituent des freins au dépistage des personnes relevant de ces groupes .
Sur la base de ces constats, s'est développée la notion de dépistage décentralisé, en dehors des structures classiques de dépistage (par exemple dans une unité mobile), et démédicalisé, par du personnel formé mais non professionnel de la santé (par exemple des personnes issues du groupe cible). L'objectif poursuivi est de faciliter l'accès à un test de dépistage en allant à la rencontre d'une population vulnérable face au VIH.
Le plan national pluriannuel VIH précité recommande de développer, en adéquation avec la législation existante, le dépistage décentralisé et démédicalisé en vue de cibler les groupes prioritaires ainsi que les contextes présentant une prévalence élevée et où l'on peut s'attendre à une proportion élevée de diagnostics tardifs.
2° Le Conseil national estime qu'il est primordial de développer des stratégies pour augmenter le recours au dépistage, tenant compte des facteurs qui facilitent ou au contraire freinent l'accès au dépistage.
Le dépistage décentralisé et démédicalisé est une réponse aux difficultés d'accès auxquelles se heurtent certains groupes.
La contrepartie de cet accès facilité est l'absence d'un environnement médicalisé.
La décentralisation et la démédicalisation doivent être correctement évaluées et circonscrites, afin de s'assurer qu'elles sont proportionnelles et pertinentes au vu de l'objectif poursuivi, soit un meilleur dépistage de la population cible.
Des indicateurs épidémiologiques, sociodémographiques et comportementaux doivent être inclus dans les évaluations, notamment pour vérifier si ces dispositifs permettent effectivement d'atteindre le public visé. Les évaluations doivent également comprendre des mesures de la satisfaction des usagers, de la qualité des partenariats institutionnels mis en œuvre et de l'impact sur les milieux de vie abordés.
3° Le dépistage relève de l'exercice de l'art de guérir ; il est donc essentiel que ce dépistage démédicalisé soit encadré juridiquement.
Le Conseil national estime que de tels dépistages doivent être organisés, supervisés et évalués par des structures de référence, agréées ou reconnues par les autorités compétentes, qui disposent en leur sein de médecins. Ils doivent offrir toutes les garanties de qualité, d'hygiène et de respect des bonnes pratiques en matière de dépistage.
Le recrutement des volontaires doit être rigoureux. Leur formation et leur compétence sont essentielles, notamment du point de vue de l'utilisation et de l'interprétation des tests, de l'information et des conseils délivrés, des aspects psychologiques et du respect de l'éthique et de la confidentialité.
Leur formation et leur pratique doivent être supervisées et régulièrement réévaluées par des structures de référence et faire l'objet d'une certification.
Des mesures doivent être prises en vue de garantir la confidentialité et le respect de la vie privée à tous les niveaux, notamment lors de la délivrance des résultats et dans la configuration des lieux. La question de la confidentialité est particulièrement délicate lorsque la personne rentre dans l'unité mobile, ce qui, aux yeux des autres, peut sous-entendre un comportement à risque, ou en sort dans un état de détresse après l'annonce d'un résultat positif.
Des mesures de suivi et de soutien adéquates doivent être définies pour éviter que la personne ne soit livrée à elle-même à l'issue du dépistage. Des accords de collaboration avec des structures de soins doivent exister afin que la personne dépistée accède facilement à une prise en charge médicale et à un soutien psychosocial. Le recours au médecin traitant doit être encouragé.
Dans un cadre festif, il est particulièrement important de s'assurer que la personne est bien en mesure de consentir au dépistage et qu'elle n'est pas sous l'influence d'alcool ou de drogues.
Avant de consentir à la réalisation du test, elle doit être informée des conditions dans lesquelles le test va se dérouler, notamment le fait que le personnel est non médicalisé et les limites inhérentes au type de test utilisé pour réaliser le dépistage.
Le test rapide d'orientation diagnostique n'est pas suffisant pour affirmer une séropositivité et nécessite d'être confirmé par un test de dépistage classique.
4° Enfin, le Conseil national estime qu'il faut encourager prioritairement le dépistage via le circuit médical.
Le dépistage délocalisé et démédicalisé peut être un élément au sein d'une stratégie globale, en complément des dispositifs existants qui ont fait leurs preuves.
La formation et la sensibilisation des acteurs de première ligne, notamment les médecins généralistes, au rôle qu'ils peuvent jouer dans le cadre du dépistage du VIH, doit être aussi une priorité afin de supprimer les freins au dépistage des groupes prioritaires.
Cet avis sera réévalué sur base des résultats de la mise en œuvre du plan VIH 2014-2019.