En ses séances des 18 janvier, 15 février et 22 mars 2003, le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné l'impact sur la déontologie médicale de la loi du 28 mai 2002 relative à l'euthanasie et de la loi du 14 juin 2002 relative aux soins palliatifs, ainsi que l'incidence des dispositions de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient sur les matières traitées dans les lois citées.
DÉONTOLOGIE et LÉGISLATION
Il ne peut être nié que bon nombre de médecins estiment que dans l'exercice de leur profession, les principes éthiques doivent primer la législation. Ce point de vue est également défendu par des organisations médicales internationales importantes qui fondent leur position sur des exemples concrets.
Toutefois, des questions éthiques peuvent faire l'objet d'une œuvre législative. Lorsqu'une législation de ce type est établie dans un état démocratique et respecte la liberté de conscience de chaque médecin, son existence ne peut être ignorée par une institution de droit public comme l'Ordre des médecins. Par conséquent, l'Ordre ne peut préconiser des règles de conduite ou prendre des décisions contraires aux lois adoptées démocratiquement dans notre pays.
Lorsque des règles de déontologie médicale ou des avis du Conseil national sont soumis au Conseil d'Etat, celui-ci les annule s'il est constaté qu'ils sont contraires à la législation. Des décisions disciplinaires qui violent la loi sont susceptibles d'être annulées par la Cour de cassation.
Dès lors, il est inexact de prétendre que des médecins puissent être sanctionnés par un conseil provincial sur la base d'un article du Code de déontologie médicale non encore modifié lorsqu'ils se sont conformés strictement à la loi. D'ailleurs, le Conseil national adapte les dispositions du Code de déontologie médicale non conformes à la loi.
Il convient de souligner que la jurisprudence permet au Conseil national d'ajouter à la législation des règles de conduite déontologiques destinées à guider les médecins dans l'exercice de leur profession.
Etant donné l’ampleur et la complexité de la coordination des lois examinées dans le présent texte, concernant des matières au sujet desquelles il n'existe pas de conception unanime tant au sein du monde médical que de la population, le Conseil national se limite dans un premier temps à émettre un avis et tiendra compte des réactions à cet avis et de l'expérience acquise pour procéder à une modification de certains articles du Code.
INFORMATION et CONSENTEMENT
Tant sur le plan légal que déontologique, le patient a droit à toutes les informations utiles sur son état et il doit donner son accord pour tout examen et tout traitement.
La loi relative aux droits du patient prévoit en son article 7, §1er, que le patient a droit à toutes les informations qui le concernent et qui peuvent lui être nécessaires pour comprendre son état de santé et son évolution probable, et en son article 8, §1er que le patient a le droit de consentir librement à toute intervention du praticien professionnel moyennant information préalable.
La problématique ici traitée nécessite aussi de faire référence à l'article 33 du Code de déontologie médicale. En vertu de cette disposition, le médecin doit communiquer à temps au patient le diagnostic et le pronostic; ceci vaut également pour un pronostic grave, voire fatal. Le deuxième alinéa ajoute qu'en tout cas, le médecin doit assurer le patient d'un traitement et d'un accompagnement ultérieurs adéquats.
Le fait de donner "à temps" l'information nécessaire lors d'un pronostic fatal est surtout important pour que le patient puisse réfléchir à la manière de quitter la vie et se concerter à ce sujet avec son ou ses médecins, avec les autres personnes qui le soignent et avec ses proches.
EUTHANASIE et SOINS PALLIATIFS
Malgré l'information largement diffusée par différents canaux, il est nécessaire de répéter que la loi relative à l'euthanasie - comme le dit son article 2 - concerne uniquement un "acte, pratiqué par un tiers, qui met intentionnellement fin à la vie d'une personne à la demande de celle-ci.". Il est de la plus grande importance que les médecins en soient conscients et qu'à ce propos, ils attirent l'attention tant de leurs patients que des proches, le cas échéant.
La loi ne s'applique pas à d'autres décisions médicales concernant la vie finissante. L'article 3, §2, 1°, de la loi relative à l'euthanasie dispose que le médecin doit informer le patient de son état de santé et de son espérance de vie, et se concerter avec lui sur sa demande d'euthanasie. Il est essentiel que cette concertation fasse apparaître clairement les motifs qui sont à la base de la demande d'euthanasie. Si des douleurs ou autres symptômes rendent sa situation insupportable, le patient doit être averti des possibilités thérapeutiques encore envisageables. Si l’atteinte à son autonomie et à sa dignité humaine rend ses souffrances insupportables, le patient doit être informé des possibilités qu'offrent les soins palliatifs.
Comme précisé à l'article 3, §2, 1°, de la loi, le médecin "doit arriver avec le patient à la conviction qu'il n'y a aucune autre solution raisonnable dans sa situation" et qu'aucune autre décision médicale concernant la fin de vie n'offre une alternative raisonnable. Il est évident que le médecin doit avoir une connaissance approfondie des produits adéquats afin qu'il puisse assurer à son patient une mort paisible et sans souffrance.
Le médecin doit aussi être convaincu que la demande du patient est entièrement volontaire, ce qui ne signifie pas seulement qu'il n'existe aucune pression extérieure d'ordre financier, psychosocial ou relationnel, mais également que l'aptitude mentale du patient soit compatible avec un libre choix.
Il convient de noter que la demande d'euthanasie telle que définie à l'article 14 de la loi n'a pas de valeur contraignante alors qu'en vertu de l'article 2 de la loi relative aux soins palliatifs, ces soins sont un droit de chaque patient, avec pour condition restrictive toutefois qu'il s'agisse de l'"accompagnement de sa fin de vie". Dans ce même article, les soins palliatifs sont définis comme étant "l'ensemble des soins apportés au patient atteint d'une maladie susceptible d'entraîner la mort une fois que cette maladie ne réagit plus aux thérapies curatives.". Toutefois, le droit à l’autonomie est garanti au patient par la déontologie médicale et par l’article 5 de la loi relative aux droits du patient. Il s'ensuit qu'un patient peut refuser des soins curatifs, à tout moment de l'évolution de son affection, également avant son stade terminal, et qu'il peut à tout moment opter pour des soins palliatifs.
Il est inacceptable que la liaison des soins palliatifs à l'accompagnement de la fin de vie ait pour conséquence d'interrompre la prise en charge spécifique par la sécurité sociale lorsqu'un patient vit plus longtemps que ne l'avaient estimé ses médecins au moment où il a été recouru aux soins palliatifs. Le Conseil national estime qu’une application souple des critères des soins palliatifs est indiquée.
Le Conseil national soutient les initiatives d’amélioration de l’offre des soins palliatifs prévues par la loi. Des soins palliatifs correctement conçus pourraient constituer une réponse adéquate à certains motifs à la base d’une demande d'euthanasie, pourraient réduire le nombre de demandes d'euthanasie et créer un espace pour discuter d'autres façons de quitter la vie.
AUTRES DÉCISIONS MÉDICALES concernant la FIN DE VIE
Bien que la loi relative à l'euthanasie ne fasse pas référence à d’autres décisions médicales concernant la fin de vie, il est certain que l'article 8, §2, de la loi relative aux droits du patient, lorsqu'il vise les alternatives possibles à une intervention, donne au patient le droit d'être informé à propos d'autres décisions médicales pouvant aussi mettre fin à court terme à "une situation médicale sans issue de souffrance physique ou psychique constante et insupportable qui ne peut être apaisée et qui résulte d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable" (article 3, §1er, troisième alinéa, de la loi relative à l'euthanasie).
En l'occurrence, au droit d'être informé vient s'ajouter le droit à un consentement éclairé, préalable et libre tel que prévu par l'article 8, §1er, de la loi relative aux droits du patient.
L'arrêt ou la non-mise en œuvre d'un traitement est déontologiquement indiqué s'il est scientifiquement établi qu'il n'y a plus d'espoir d'une amélioration raisonnable et que des traitements prolongeant la vie n'augmentent pas le confort du patient et ne lui procurent plus que gêne et souffrance. Il faut dire à cet égard que ces dernières années, des protocoles dits DNR ont été élaborés en concertation pluridisciplinaire dans bon nombre d'hôpitaux et établissements de soins. Ces accords sont indiqués dans tous les lieux où l'on est régulièrement confronté à ces situations. Il est également recommandé aux médecins généralistes de prendre les initiatives nécessaires pour la mise en place de groupes de réflexion sur lesquels ils pourraient s'appuyer lorsqu'ils sont confrontés à cette problématique.
Les protocoles précités ne peuvent être mis en œuvre sans le consentement préalable du patient dûment éclairé. Comme à présent la loi relative aux droits du patient est d'application, le consentement du représentant tel que défini aux articles 12, 13 et 14 de cette loi, doit être obtenu lorsque le patient n'est plus en mesure d'exercer ses droits lui-même. Des problèmes peuvent surgir lorsque le représentant n'est pas d'accord avec l'arrêt ou la non-mise en œuvre d'un traitement et demande au médecin un acharnement thérapeutique. L'article 15, §2, de la loi relative aux droits du patient prévoit que le praticien professionnel concerné peut dans le cadre d'une concertation pluridisciplinaire s'écarter de l'avis du représentant "dans l'intérêt du patient et afin de prévenir toute menace pour sa vie ou toute atteinte grave à sa santé". Ceci fait apparaître que l'intérêt du patient prime l'avis du représentant. Ce principe ne doit pas seulement valoir pour les interventions mais aussi pour l'arrêt et pour la non-mise en œuvre d'un traitement. Il est indiqué, en cas de divergence d'opinions persistante entre le médecin concerné et le représentant du patient, que le médecin vérifie si les représentants du même rang sont du même avis. Si tel n’est pas le cas, le médecin veille aux intérêts du patient (art. 14, §2, alinéa 4, de la loi précitée).
La lutte contre la douleur revêt une importance capitale pour le patient en fin de vie. La déontologie médicale a toujours admis l’usage de médicaments, même les plus puissants, malgré la possibilité d’induire des complications qui pourraient hâter le décès.
L’emploi de ces substances, vu le risque encouru, n’est possible qu'avec le consentement du patient dûment éclairé ou de son représentant. Des problèmes se poseront rarement à cet égard. Le patient est libre de refuser la lutte contre la douleur. Par contre, si le refus émane du représentant, il est évident comme dit plus haut, que les intérêts du patient doivent primer. Il est important d'attirer l'attention des parents d'un enfant épuisé par une affection fatale que la lutte efficace contre la douleur peut avoir un effet positif sur la qualité de la vie restante.
L'aide au suicide n'est pas explicitement prévue par la loi relative à l'euthanasie en tant qu'acte mettant fin à la vie d'une personne. Du point de vue déontologique, elle peut néanmoins être assimilée à l’euthanasie pour autant que soient réunies toutes les conditions prévues par la loi pour pratiquer une euthanasie. L’aide au suicide n'est acceptable que si le médecin et le patient discutent au préalable de toutes les éventualités, si le médecin procure lui-même la substance létale qui doit être absorbée en sa présence et en suivant ses indications. Il doit demeurer présent pendant toute la durée de l'agonie pour, conformément à ce qui a été convenu, apporter à tout moment l'aide nécessaire. Compte tenu de son indication stricte et des conditions posées à son application, l'aide au suicide telle que définie plus haut ne se différencie pas de l'euthanasie. De la sorte, toutes les conditions fixées par la loi relative à l'euthanasie doivent être remplies et la procédure prévue par la loi doit être suivie (souffrance insupportable ne pouvant être apaisée, consultation d’un deuxième ou troisième médecin, demande écrite, le cas échéant un mois d’attente, déclaration à la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation, etc.).
Toutes les formes dites d'aide au suicide qui ne répondent pas aux critères cités ci-dessus, sont déontologiquement inacceptables.
En outre, le Conseil national souligne que l'abrègement actif de la vie sans consentement préalable du patient ne peut être toléré par la déontologie, et qu'il est injustifiable d'y procéder à la demande de la famille.
CONVICTIONS du MÉDECIN
Il n'est pas seulement important que le patient soit informé à temps de son état de santé; il est tout aussi important qu'il soit informé à temps des convictions de ses médecins quant aux différentes possibilités de fin de vie. Il faut éviter qu'un patient, parce que tardivement informé des éventuelles objections de conscience de ses médecins, ne soit contraint en phase terminale de rechercher un médecin disposé à pratiquer à sa demande un mode déterminé d'arrêt de la vie. Il ne faut absolument pas que la loi relative à l'euthanasie conduise à l'apparition d'équipes et de centres d'euthanasie.
CONTINUITÉ des SOINS
Le Conseil national estime préférable que le traitement et l'accompagnement d'un patient pendant tout le déroulement d'une affection dont le pronostic est fatal, soient assurés par les mêmes médecins et la même équipe pluridisciplinaire. Ensemble et en concertation avec le patient, ils programment la manière dont il convient de traiter et de prendre en charge les différents stades de l'affection et sa phase ultime.
A cet égard, il convient de noter que, sur la base de l'article 7, §3, de la loi relative aux droits du patient, le patient peut demander que certaines informations ne lui soient pas fournies. Tout comme l'article 33 du Code de déontologie médicale recommande au médecin de tenir compte, lors de l'information du patient, de son aptitude à la recevoir et de l'étendue de l'information qu'il souhaite.
Il est évident que le patient doit être d'accord avec le plan de traitement et d'accompagnement proposé et qu'il peut changer d'avis à tout moment et revenir sur son consentement. Il est en effet établi que les choix faits peuvent se modifier, et que cela arrive aussi lorsque le moment du départ approche.
D'aucuns se demandent jusqu'à quel moment un patient se trouvant dans un état de "souffrance physique ou psychique constante et insupportable" peut encore formuler une demande d'euthanasie "réfléchie" et "volontaire". Lorsque cela a été discuté au préalable avec lui et qu'il a toujours maintenu l'option choisie, on peut dire avec une plus grande certitude que l'exécution de la procédure définie par la loi n'est rien de plus que la formalisation d'une décision bien réfléchie.
APPROCHE PLURIDISCIPLINAIRE
Les patients dont le pronostic est grave ou fatal sont rarement traités par un seul médecin. En fonction des différents stades de l'affection, ce seront des médecins possédant une expertise particulière dans l'une ou l'autre branche de la médecine qui interviendront dans le traitement ou en prendront même temporairement le relais. Une collaboration et une concertation pluridisciplinaire s'indiquent aussi dans la phase qui précède la mort. L'échange des connaissances au sujet de la pathologie spécifique et de ce que l'on sait à propos des caractéristiques du patient concerné est à cet égard un élément essentiel. Dans cette concertation collégiale, le médecin généraliste joue un rôle central. Connaissant généralement l'intéressé et les personnes de son entourage qui le soutiennent, son opinion et son intervention éventuelle peuvent être importantes dans le choix de fin de vie le plus approprié au patient.
La loi prévoit que le médecin traitant doit évoquer avec le patient les possibilités qu'offrent les soins palliatifs. Le Conseil national estime que l'intervention d'une personne qualifiée en matière de soins palliatifs est en règle générale indiquée, car les médecins ne sont pas tous suffisamment au courant des possibilités et des objectifs spécifiques de la dispensation de soins palliatifs.
Il est clair que le patient doit avoir marqué son accord pour la consultation des médecins précités et le recours à une personne qualifiée en matière de soins palliatifs.
MÉDECINS A CONSULTER
Le patient doit aussi avoir donné son autorisation pour la consultation du (des) médecin(s) prévu(s) par la loi. Pour offrir au patient un libre choix, il est indiqué de parcourir avec lui les qualifications de quelques médecins compétents en la matière et répondant aux critères prévus par la loi.
Curieusement, suivant la loi relative à l'euthanasie, ce n'est pas le médecin consulté qui informe le patient concernant les résultats de cette consultation, mais le médecin traitant. Il ne fait toutefois aucun doute que le médecin consulté entre dans le champ d'application de la loi relative aux droits du patient, qui prévoit explicitement que le patient a droit à toutes les informations le concernant, nécessaires à la compréhension de son état de santé et de son évolution probable. L'évocation d'autres solutions permettant aussi à court terme l'apaisement d'une souffrance sans issue et insupportable, fait également partie de cette information.
En outre, il est évident que le médecin traitant ne peut pas se limiter à informer le patient des résultats de la consultation. Il doit expliquer le rapport qui a été fait des constatations du ou des médecins(s) consulté(s) et s'en entretenir avec le patient. Sur la base de l'article 9, §2, de la loi relative aux droits du patient, le patient a le droit de prendre lui-même connaissance du dossier le concernant dont le rapport du médecin consulté est un élément. Il est recommandé que le médecin consulté tienne compte de cette éventualité lorsqu'il rédige son rapport.
La portée de l'indépendance des médecins consultés prévue à l'article 3, §2, 3°, deuxième alinéa, et §3, 1°, du même article, n'apparaît pas clairement.
L'absence de tout lien entre les intéressés est la meilleure garantie d'un avis indépendant des médecins consultés et de l'appréciation objective par le médecin traitant de ces avis non contraignants à son égard. Ainsi, il est indiqué qu'il n'y ait pas eu de contacts antérieurs entre le patient et les médecins consultés, tandis que l'absence de liens contractuels, matériels et moraux entre les médecins concernés est la meilleure garantie de l'indépendance visée. Il convient d'envisager s'il y a lieu de faire intervenir en premier lieu un médecin de référence en matière de soins palliatifs répondant aux exigences légales, ce qui permet de rencontrer une recommandation faite ci-dessus.
DÉCÈS NON PROCHE
Dans son avis du 17 novembre 2001, le Conseil national se prononçait contre la possibilité légale de l'euthanasie pour des patients dont la mort n'est manifestement pas proche. Le Conseil national maintient que ce groupe est extrêmement réduit, car "un examen pluridisciplinaire approfondi de patients formulant une telle demande, fera apparaître qu'il ne sont pas traités de manière compétente ou qu'ils sont insuffisamment informés ou encore que la demande procède uniquement de motifs relationnels, sociaux ou économiques.". Le Conseil national estime de son devoir d'exhorter les médecins à la plus grande prudence dans le cadre de demandes d'euthanasie de patients dont la mort n'est pas censée être proche.
MINEURS
Du point de vue déontologique, l'âge mental d'un patient est plus à prendre en considération que son âge civil. Cette approche s'inscrit en parallèle de la Convention internationale des droits de l'enfant, en vigueur en Belgique, et de la loi relative aux droits du patient dont l'article 12, §2, dit notamment: "Les droits énumérés dans cette loi peuvent être exercés de manière autonome par le patient mineur qui peut être estimé apte à apprécier raisonnablement ses intérêts.". Pour les mineurs qui n'entrent pas dans le champ d'application de cette disposition, il est prévu au premier paragraphe de l'article 12 que les droits sont exercés par les parents ou par le tuteur. Il peut être admis que ce qui précède ne vaut pas seulement pour les droits tels que définis dans la loi relative aux droits du patient, mais aussi pour le droit à des soins palliatifs.
Les patients mineurs mentalement adultes ont, sur le plan des décisions médicales concernant la fin de vie, les mêmes droits que les patients majeurs, et si le patient mineur n'a pas suffisamment de maturité pour les exercer de manière autonome, ces droits sont exercés par les parents ou par le tuteur. La mise en œuvre de l'euthanasie est une exception à cette règle.
Il est expressément précisé à l'article 3, §1er, premier tiret, de la loi relative à l'euthanasie, que le patient doit être majeur ou mineur émancipé, et la loi ne prévoit pas qu'un représentant puisse agir à la place d'un mineur. En ce qui concerne l'éventuelle mise en œuvre de l'euthanasie chez des mineurs, le médecin se retrouve dans la même situation qu'avant la loi relative à l'euthanasie et ne peut que se conformer aux règles de la déontologie.
Dans son avis du 15 janvier 2000, le Conseil national admet que "dans des circonstances exceptionnelles, le médecin peut se trouver placé devant un conflit de valeurs et de décisions qui en découlent, à savoir de ne pas provoquer délibérément la mort ou de mettre en œuvre les moyens adéquats nécessaires pour permettre à un patient de mourir dans la dignité. Dans ces circonstances, le médecin doit prendre en honneur et en conscience, et en concertation avec le patient, une décision qu'il devra toujours pouvoir justifier". L'avis cité pose comme conditions supplémentaires de demander conseil à un confrère au moins, de recueillir le cas échéant l'opinion des proches du patient ainsi que de l'équipe infirmière et/ou de l'équipe soignante.
DÉCLARATION ANTICIPÉE
Suivant l'article 4, §1er, de la loi relative à l'euthanasie, tout majeur capable peut, dans l’éventualité où il ne serait plus en état de manifester sa volonté, consigner par écrit, dans une déclaration, sa volonté qu'une euthanasie soit réalisée sur sa personne si les conditions suivantes sont réunies: être atteint d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, être inconscient et se trouver dans une situation irréversible selon l'état actuel de la science. Ces situations se présenteront rarement, car il est entre autres admis qu'en cas de démence de l'auteur de la déclaration anticipée de volonté, il ne peut être donné suite à cette dernière.
L'application de l'article 8, §4, quatrième alinéa, de la loi relative aux droits du patient sera plus fréquente. Cet alinéa dit: "Si, lorsqu'il était encore à même d'exercer les droits tels que fixés dans cette loi, le patient a fait savoir par écrit qu'il refuse son consentement à une intervention déterminée du praticien professionnel, ce refus doit être respecté aussi longtemps que le patient ne l'a pas révoqué à un moment où il est lui-même en mesure d'exercer ses droits lui-même.". Cette disposition qui ne s'applique pas à l'euthanasie, peut toutefois s'appliquer aux autres décisions médicales concernant la fin de la vie. Suivant l'article 8, §4, quatrième alinéa, l'opposition exprimée par écrit à la mise en œuvre d'un traitement comme l'alimentation par sonde, doit être respectée. Dans son avis du 16 février 2002 sur l'avant-projet de loi relatif aux droits du patient (Bulletin du Conseil national n° 95, mars 2002, p. 3), le Conseil national a estimé que le dispensateur de soins doit sérieusement tenir compte d'une déclaration écrite de volonté du patient, pouvant être décisive en cas d'hésitation entre l'abstention ou l'intervention. Une opposition par écrit à une intervention déterminée n'a pour le Conseil national dans cet avis qu'une valeur indicative et non contraignante. Lorsqu'il s'agit toutefois d'un patient qui n’est plus à même d'exercer ses droits et se trouve dans une situation médicale sans issue de souffrance physique et psychique constante et insupportable qui ne peut être apaisée et qui résulte d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, le refus écrit d'une intervention déterminée susceptible de prolonger la vie doit être respecté.
RESPONSABILITÉ
Dans son avis du 17 novembre 2001, le Conseil national attirait l'attention des médecins sur la nécessité de respecter les dispositions légales en matière d'euthanasie de manière stricte et de remplir minutieusement les documents d'enregistrement. La Commission fédérale de contrôle et d'évaluation sera probablement rarement confrontée à des dossiers devant être transmis au procureur du Roi. La loi relative à l'euthanasie n'a cependant pas limité les compétences des magistrats du parquet et des juges d'instruction, de sorte que ceux-ci peuvent très bien ouvrir une enquête lorsqu'ils sont informés d'un décès suspect.
CERTIFICAT MÉDICAL en cas de DÉCÈS
Un conseil provincial a déjà soulevé plusieurs questions au sujet du certificat médical à remettre en cas de décès au médecin-conseil de l'assureur. Le Conseil national estime indiqué de ne pas mentionner dans ce certificat qu'une euthanasie a été pratiquée à la demande de la personne décédée. L'article 15 de la loi relative à l'euthanasie précise en effet qu'une personne décédée à la suite d'une euthanasie est réputée décédée de mort naturelle. Ceci vaut tant pour les contrats d’assurance que pour les attestations de décès destinées à l’état civil. L'argument suivant lequel le médecin-conseil doit respecter son secret professionnel à l'égard de l'assureur et n'est pas en droit de lui communiquer qu'une euthanasie a été pratiquée, ne vaut qu'en partie. Suivant le dernier alinéa de l'article 95 de la loi sur le contrat d'assurance terrestre modifié par la loi relative aux droits du patient, le médecin-conseil doit restituer le certificat médical aux ayants droit de la personne décédée, lorsqu'il n'existe plus de risque pour l'assureur. Il s'ensuit que les ayants droit de la personne décédée apprennent qu'une euthanasie a été pratiquée alors qu'il n'est pas établi que telle a été la volonté du défunt.
En ce qui concerne les conséquences sur le plan des assurances vie s'il s'avérait ultérieurement que l'euthanasie pratiquée était une infraction, cette situation ne se différencierait pas des autres situations dans lesquelles il apparaît que le décès a été la conséquence d'une infraction commise par un médecin.
CONCLUSION
Afin d'éviter que la qualité de la relation médecin-patient ne soit altérée dans la phase ultime de la vie, il est fondamental de ne pas se focaliser sur la formalisation juridique, mais plutôt de prêter attention à ce qui constitue l'essence des dispositions légales analysées, à savoir le respect mutuel de l'autonomie et des valeurs éthiques de chacun.
Cette attitude s’appuie sur une compréhension réciproque dans laquelle un patient dûment informé pourra faire en concertation franche avec son médecin, son choix de fin de vie.