Anomalies - Modalités du suivi par les médecins militaires au sein de la gendarmerie
Dans une lettre au Conseil national, un syndicat se déclare vivement opposé au fait que des médecins n'ayant que le statut militaire soient affectés -sans être tenus au respect du Code de déontologie médicale établi par l'Ordre des médecins- à l'exercice de la médecine du travail à l'égard du personnel démilitarisé de la gendarmerie. La question est aussi soulevée de savoir si un médecin du travail peut être à la fois médecin du travail et médecin traitant à l'égard d'un même membre du personnel de la gendarmerie.
Le syndicat communique le courrier échangé à ce sujet avec le Directeur général de la gestion du personnel à la gendarmerie.
Avis du Conseil national du 22 janvier 2000 :
Suite à votre demande d'avis du 4 octobre 1999, le Conseil national a formulé les remarques suivantes en sa séance du 22 janvier 2000 :
- en ce qui concerne votre question au sujet de l'exercice de la médecine du travail au sein de la gendarmerie par des médecins n'ayant que le statut de médecin militaire, le Conseil national constate que depuis le 1er janvier 1992, la gendarmerie ne constitue plus une des forces armées. L'article 13, § 3, de l'arrêté royal du 27 mars 1998, suivant lequel le service médical des forces armées peut être chargé de missions liées à la médecine du travail et exercer la surveillance médicale à l'égard du personnel des forces armées, sous l'autorité militaire, ne peut donc en l'occurrence être appliqué.
Les médecins militaires aussi doivent être inscrits au Tableau de l'Ordre des médecins pour exercer l'art médical, notamment la médecine de travail, à l'égard du personnel démilitarisé de la gendarmerie. Dans ce cas, lesdits médecins sont considérés exerçant une activité médicale "en dehors" de leur emploi militaire et sont soumis au Code de déontologie médicale pour cette activité médicale;
- en ce qui concerne votre remarque à propos de l'indépendance du médecin du travail qui a comme patient un membre du personnel de la gendarmerie (cf. votre lettre du 27 septembre 1999 à la direction générale de la gestion du personnel de la gendarmerie), il peut être déduit de différentes dispositions légales (1), qu'un médecin du travail ne peut être à la fois médecin du travail et médecin traitant à l'égard d'une même personne.
Sur le plan déontologique également, le Conseil national estime qu'il est exclu que le même médecin cumule les deux fonctions à l'égard d'un patient. Par analogie, il y a lieu d'appliquer dans ce cadre l'article 121, §§ 1 et 2, du Code de déontologie médicale.
L'avis ci-dessus est transmis au Conseil provincial ayant adressé la même demande d'avis au Conseil national.
Le 15 mars 2000, le même syndicat communique les réactions à l’avis du Conseil national, qu’il a reçues :
1. de monsieur A. DUQUESNE, ministre de l’Intérieur. Le ministre estime que les médecins militaires sont toujours redevables de justification envers leur propre structure hiérarchique concernant d’éventuelles fautes professionnelles ou déontologiques dans l’exercice de leur fonction au sein de la gendarmerie et que par conséquent, ils ne sont pas soumis aux décisions de l’Ordre des médecins;
2. du directeur général de la gestion du personnel de la gendarmerie. Celui-ci renvoie la réponse du ministre de l’Intérieur.
Avis du Conseil national au syndicat :
Le Conseil national a examiné en sa séance du 15 avril 2000 votre courrier du 15 mars 2000 nous communiquant entre autres le commentaire du Ministre de l’Intérieur suite à la communication des remarques que nous avions adressées le 25 janvier 2000.
Le Conseil national ne peut partager le point de vue du Ministre de l’Intérieur et donc l’interprétation qu’il fait de certaines dispositions législatives qui règlent la pratique de la médecine par des médecins militaires en dehors de leurs prestations au sein de l’armée.
Même si les médecins militaires du travail au sein de la gendarmerie sont encore toujours inclus dans le champ d’application de leur propre «statut» militaire (art. 11, § 3 modifié de la loi du 2 décembre 1957), il n’en demeure pas moins que dans le cadre de leurs missions liées à la médecine du travail, ils exercent une activité auprès d’un personnel non militaire. Aussi, la déontologie que ces médecins doivent respecter, dans cette situation, est la déontologie libellée par le Conseil national de l’Ordre des médecins (2).
Cet article concerne les médecins militaires qui exercent la surveillance médicale «à l’égard du personnel des forces armées» (et donc pas à l’égard de la gendarmerie) et qui resteraient donc, dans ce cas-là, soumis à la déontologie militaire. (L’article 13, § 3 remplace en effet l’article 104, § 5, du RGPT, lequel prévoyait explicitement que le service médical des forces armées pouvait tenir lieu de service médical du travail «pour le personnel des forces armées»).
Le Conseil national confirme en conséquence son courrier du 25 janvier 2000 dans lequel il constate que depuis le 1er janvier 1992, la gendarmerie ne constitue plus une des forces armées et que les médecins militaires, pour exercer l’art médical –notamment la médecine du travail- à l’égard du personnel démilitarisé, doivent être inscrits au Tableau de l’Ordre des médecins (si ce n’est déjà fait), comme doit l’être tout médecin du travail exerçant en Belgique. Ces médecins sont ainsi soumis de facto au Code de déontologie médicale pour cette activité comme pour toutes les activités médicales dispensées à des patients non militaires.
Une copie des deux avis est envoyée au ministre de l’Intérieu.
(1) Le Conseil national se réfère à l'art. 25 de l'arrêté royal du 27 mars 1998 relatif au service interne pour la prévention et la protection du travail, ainsi qu'aux articles 33 et 34 de l'arrêté royal du 27 mars 1998 relatif aux services externes pour la prévention et la protection du travail. Ces articles disposent expressément qu'en application de l'article 43 de la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l'exécution de leur travail, les conseillers en prévention accomplissent leurs missions en totale indépendance par rapport à l'employeur et aux travailleurs.
Les articles 3, 5 et 7 de la loi du 28 décembre 1977 garantissant la protection des médecins du travail font également mention de l'indépendance technique et morale du médecin du travail.
L'art. 148quater, 1er al., du RGPT dispose qu'en aucun cas, les médecins du travail ne pourront vérifier le bien-fondé des absences des travailleurs pour raisons de santé. Cependant, ils peuvent à cet égard prendre contact avec le médecin traitant.
(2) L’article 13, § 3, de l’arrêté royal du 27 mars 1998 relatif au service interne pour la prévention et la protection du Travail (Mon. b. du 31 mars 1998) prévoit explicitement la situation du service médical des forces armées (les médecins militaires) qui exerce certaines missions liées à la médecine du travail.