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Déontologie

Médecins militaires et médecins agréés de l'armée - Frais de soins médicaux en tant qu'avantage extra-légal pour le travailleur

Suite à l'avis du Conseil national du 17 novembre 2001 "Police intégrée et soins médicaux" (Bulletin du Conseil national n° 94, décembre 2001, p. 6), un médecin souhaite savoir

  1. si cet avis s'applique mutatis mutandis au service médical de l'armée belge. La gratuité des soins dispensés à des ayants droit par des médecins de l'armée entrave une bonne médecine parce que ces médecins militaires reprennent dans de nombreux cas la fonction de médecin généraliste et parce qu'il n'est pas aisé pour le médecin généraliste d'obtenir des données médicales concernant des patients militaires;
  2. si l'avis en question s'applique mutatis mutandis à d'autres circuits de médecine (préventive) gratuite telle que souvent organisée par l'intermédiaire de l'employeur;
  3. où se situe la limite entre médecine du travail, médecine préventive et médecine curative, donc ce qui peut être organisé par l'employeur et ce qui ne peut l'être.

Avis du Conseil national :

Le Conseil national a examiné, en sa séance du 16 novembre 2002, votre lettre du 14 janvier 2002 et vos réponses aux questions complémentaires du 3 novembre 2002.
Vous demandez en premier lieu si l'avis du Conseil national du 17 novembre 2001 (Bulletin du Conseil national numéro 94) concernant le médecin agréé de la police intégrée vaut mutatis mutandis pour le service médical de l'armée belge qui impliquerait un sérieux obstacle pour l'accès des ayants droit à une médecine générale de qualité. En effet, une médecine générale de qualité serait entravée par le fait que dans de nombreux cas, ces médecins militaires reprendraient la fonction de médecin généraliste et par le fait aussi qu'il est difficile pour un médecin généraliste d'obtenir par l'intermédiaire de ce service des données médicales concernant les patients militaires.

Vous vous interrogez aussi à propos de la frontière entre médecine du travail, médecine préventive et médecine curative dans le cadre d'autres circuits existants de médecine gratuite organisés par l'employeur.

Il convient de noter avant toute chose que le médecin militaire n'est tenu de s'inscrire à l'Ordre des médecins que s'il pratique l'art médical en dehors de l'exercice de son emploi militaire (arrêté royal n° 79 du 10 novembre 1967 relatif à l'Ordre des médecins, art. 2, 3ème alinéa). Ceci implique qu'un avis du Conseil national de l'Ordre des médecins ne peut s'appliquer à ces médecins. En revanche, les médecins civils attachés à l'armée, médecins agréés du service médical des forces armées, sont eux tenus de s'inscrire et doivent donc toujours soumettre leur contrat avec les forces armées à l'approbation du conseil provincial de l'Ordre compétent.
Ces médecins agréés ont contractuellement une mission tant préventive que curative, limitée aux militaires (cf. contrat article 4.1.). Le libre choix des patients doit évidemment toujours être garanti. Si le patient fait appel à un médecin militaire ou agréé qui n'est pas son médecin traitant, le médecin militaire ou agréé est tenu de fournir à la demande du patient toutes les informations médicales nécessaires au médecin traitant que celui-ci soit ou non gestionnaire du Dossier Médical Global.

Quant à votre question concernant la possibilité de dispensation par tous les médecins de soins médicaux gratuits aux militaires, il doit y être répondu par la négative. Pour l'instant, il est contractuellement du seul ressort des médecins agréés de dispenser des soins à ces conditions. Nous pouvons donc dire que l'application mutatis mutandis aux médecins agréés des forces armées de l'avis relatif aux médecins agréés de la police fédérale, n'est pas possible.

En ce qui concerne l'offre de soins médicaux gratuits, qu'ils soient préventifs ou curatifs, chaque employeur a la possibilité d'accorder à ses travailleurs des avantages extralégaux, bien entendu dans le respect du libre choix du patient et des règles déontologiques en matière de détournement de patients d'un confrère (art.19, §2 du Code de déontologie médicale) et de rabattage de patients (art.19, §1er du Code de déontologie médicale). Le médecin qui dispense des soins dans une entreprise doit également pouvoir exercer en toute indépendance. Il ne peut en aucun cas être à la fois médecin traitant et médecin du travail.

Au sujet de certains soins médicaux dispensés gratuitement à du personnel infirmier par un médecin dans un hôpital, le Conseil national renvoie à l'article 79 du Code de déontologie médicale qui dispose: "Il est d'usage pour les médecins de ne pas se faire honorer pour des soins donnés à leurs parents proches et leurs collaborateurs".

Enfin, sur le plan de la frontière entre médecine préventive, médecine curative et médecine du travail, nous soulignons que par définition le médecin du travail ne prodigue pas de soins curatifs (art.110 du Code de déontologie médicale). Sa fonction est essentiellement d'ordre préventif, administratif et consultatif, et est régie par les articles 104 à 112 inclus du Code de déontologie médicale relatifs à la médecine préventive.

Avis du Conseil national du 17 novembre 2001 concernant la police intégrée et soins médicaux, BO n° 94, decembre 2001, p. 7

Le nouveau statut des membres du personnel de la police intégrée est d'application depuis le 1er avril 2001. A quelques exceptions près, les membres du cadre opérationnel de la police intégrée bénéficient à présent de la gratuité des soins médicaux à condition de consulter un médecin du service médical ou un médecin agréé par le ministre ou par l’autorité qu’il désigne.
Ces derniers mois, des réactions sont parvenues au Conseil national à propos de cette nouvelle réglementation légale, demandant à chaque fois si ce système de dispensation des soins ne compromettait pas sérieusement le libre choix du médecin par le patient ainsi que la liberté thérapeutique.

Lettre du Conseil national à monsieur Antoine DUQUESNE, ministre de l’Intérieur:

En sa séance du 17 novembre 2001, le Conseil national a examiné les implications déontologiques dans la problématique du médecin agréé de la police intégrée.

Le bénéfice de la protection médicale gratuite a été étendu à tous les membres des services de la police intégrée (arrêté royal n°C-2001/0037 du 30 mars 2001, partie X, titre I, article X.1.1. à 1.8. traitant de la position juridique du personnel des services de police).

Le Conseil national a été interrogé à diverses reprises, tant par des médecins inscrits au Tableau de l’Ordre des médecins que par des non-médecins, quant à l’impact sur le respect de certaines règles de la déontologie médicale, du recours, notamment par des anciens membres de la police communale, aux services de soins gratuits par les médecins agréés (anciennement appelés médecins agréés de la gendarmerie.)

Le Conseil national est sensible au respect du libre choix du médecin par le patient et ne peut admettre qu'un employeur accorde des avantages sociaux à des travailleurs à condition qu'ils s'adressent à des médecins par lui agréés. Ceci fait craindre des conflits d’intérêts, notamment que l'employeur fasse pression sur ses médecins agréés afin par exemple qu'ils soient sévères dans l'octroi d'absences pour cause de maladie à des moments où il est préférable que tous les travailleurs soient à leur poste.
L’arrêt de travail et le repos peuvent faire partie du traitement, de sorte que la liberté thérapeutique peut aussi être influencée par l'intervention de l'employeur.

La plupart des membres du personnel des services de police et leurs familles ont choisi leur médecin généraliste avec lequel ils entretiennent une relation de confiance. La mesure précitée vient compromettre cette relation très importante, car d'aucuns se sentiront obligés d'aller consulter un médecin agréé et de quitter leur médecin généraliste habituel.
Le Conseil national est préoccupé par cette situation qui ne peut être bénéfique ni à la relation médecin-patient, ni aux relations de bonne confraternité entre médecins.

Le Conseil national estime que la mise en place de la police intégrée doit être l'occasion d'abroger le statut de médecin agréé afin que tous les membres de la police puissent choisir librement leur médecin généraliste avec les mêmes avantages sociaux.