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Déontologie

Réalisation d’examens de prévention de médecine du travail par un infirmier

Un conseil provincial soumet au Conseil national une demande d’avis concernant la réalisation d’examens de prévention de médecine du travail par un infirmier.

Avis du Conseil national :

La proposition suivante a été soumise à un Conseil provincial par le service de médecine du travail X. Excédant les limites provinciales, elle a été transmise au Conseil national de l’Ordre des médecins.

En tant que service de médecine du travail, X connaît une pénurie aiguë et chronique de médecins du travail, et souhaite savoir s’il existe une base légale, éthique et déontologique permettant de faire effectuer par un infirmier, à la place du médecin du travail personnellement, des examens de prévention de médecine du travail pour des professions à faibles risques comme les travailleurs sur écran de visualisation.

Si de son côté, le travailleur en faisait la demande ou si le médecin du travail le jugeait utile, le travailleur pourrait toujours être vu par le médecin du travail personnellement.
Les résultats des examens effectués par l’infirmier seraient ensuite soumis au médecin du travail, qui à son tour, procéderait à l’évaluation du travailleur concerné en remplissant et signant le formulaire d’évaluation de santé.

Le Conseil national a examiné cette proposition en sa réunion du 30 mai 2009.

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Il faut d’abord mentionner qu’il résulte de la lecture conjointe de la législation actuelle concernant les services de médecine du travail, à savoir la loi Bien-être (loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l'exécution de leur travail), l’arrêté royal du 27 mars 1998 relatif aux services externes pour la prévention et la protection au travail et l’arrêté royal du 28 mai 2003 relatif à la surveillance de la santé des travailleurs, qu’il n’est pas interdit au médecin du travail de se faire assister par du personnel infirmier ou du personnel ayant reçu la formation adéquate, pour la réalisation d’un certain nombre d’examens préventifs.

Le conseiller en prévention - médecin du travail est et demeure le responsable final de l’exécution de la surveillance médicale.

D’autres législations plus spécifiques comme la directive 90/270/CEE du Conseil du 29 mai 1990 concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives au travail sur des équipements à écran de visualisation et l’arrêté royal du 27 août 1993 relatif au travail sur des équipements à écran de visualisation, qui est la transposition de cette directive dans le droit belge, indiquent que les examens de prévention ne doivent pas tous être effectués, personnellement, par le conseiller en prévention - médecin du travail

Il convient de se référer aussi à l’arrêté royal n°78 du 10 novembre 1967 relatif à l’exercice des professions des soins de santé, suivant lequel seuls les médecins peuvent exercer l’art médical. Les infirmiers peuvent accomplir les activités qui relèvent de l’art infirmier.

Ces activités sont définies dans l’arrêté royal du 18 juin 1990 portant fixation de la liste des prestations techniques de soins infirmiers et de la liste des actes pouvant être confiés par un médecin à des praticiens de l'art infirmier, ainsi que des modalités d'exécution relatives à ces prestations et à ces actes et des conditions de qualification auxquelles les praticiens de l'art infirmier doivent répondre.

Ainsi, l’annexe I à cet arrêté royal précise que certaines prestations techniques peuvent être effectuées par les infirmiers eux-mêmes, sur la base ou non d’une prescription d’un médecin, tandis que l’annexe II définit les actes confiés qui peuvent également être posés par des infirmiers, mais uniquement sous la surveillance d’un médecin.

Il ressort de ce qui précède que les infirmiers ont la compétence légale de poser de manière autonome un certain nombre d’actes, soit sur prescription, soit sous le contrôle d’un médecin. Le médecin demeure le responsable final de ces actes prestés par des infirmiers. Sa responsabilité peut être mise en cause et il est le seul compétent pour prendre la décision finale.

Enfin, le Conseil national renvoie au Code de déontologie médicale précisant que, lors de la délégation d’actes à des infirmiers, le médecin doit toujours veiller à éviter toute initiative qui pourrait les amener à exercer illégalement l’art médical, de même que de les charger de fonctions ou d’actes n’entrant pas dans leurs attributions ou compétences.

Le Conseil national conclut, par conséquent, qu’il n’est pas autorisé de faire effectuer par un infirmier de manière indépendante et autonome l’examen, en l’occurrence, de travailleurs sur écran, car cette fonction n’est pas prévue dans la liste des prestations que les infirmiers sont autorisés à effectuer de manière autonome, telle que définie par l’arrêté royal du 18 juin 1990. En effet, le conseiller en prévention - médecin du travail n’est pas présent lors de l’examen ; il ne peut non plus le contrôler puisqu’il ne voit pas lui-même le patient, et il ne peut donc pas être question d’assistance ; le contrôle par le médecin du travail se limite à remplir et signer le formulaire d’évaluation de santé alors qu’il n’a pas vu et examiné personnellement le patient.

Faire effectuer ces examens par un infirmier, en lieu et place et sans supervision d’un médecin, pourrait conduire, dans le cadre législatif actuel, à un exercice illégal de l’art médical, et est déontologiquement inacceptable.