Projet pilote « Be Well Point » de la firme MSD
Le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné le projet pilote « Be Well Point » de la firme MSD équipant une vingtaine de pharmacies d'un instrument de mesure pour déterminer des valeurs sanguines chez des patients souffrant d'hypertension ou de diabète.
Avis du Conseil national :
En sa séance du 26 avril 2014, le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné le projet pilote « Be Well Point » de la firme MSD équipant une vingtaine de pharmacies d'un instrument de mesure pour déterminer des valeurs sanguines chez des patients souffrant d'hypertension ou de diabète.
Les Commissions médicales provinciales d'Anvers (par courrier du 22 janvier 2014) et du Brabant d'expression néerlandaise (par courrier du 27 mars 2014) ont fait savoir au Conseil national, qu'elles ont émis un avis négatif sur ce projet.
Après analyse de la description du projet, le Conseil national s'associe aux points de vue des commissions médicales provinciales en se référant à son avis du 1er février 2003 « Médecine préventive - Dépistage de masse » (BCN 100, p. 5) qui énonce : « Un test prédictif doit être réalisé dans les conditions de fiabilité scientifique les plus grandes, pour éviter d'alerter ou de rassurer à tort les participants. (...)
La transmission d'un résultat qui peut être alarmant ne peut se faire qu'avec un encadrement permettant de le nuancer et de discuter les mesures diagnostiques et thérapeutiques à prendre. (...)
Il ne convient pas qu'un tel dépistage soit réalisé à l'insu et en l'absence de participation du médecin traitant. »
Le Conseil national formule en outre les remarques suivantes :
1/ Suivant les directives de MSD, ces tests peuvent être réalisés entre autres sur proposition du pharmacien. Sans préjudice de l'obligation de dispenser des soins pharmaceutiques en vertu de l'article 4, § 2bis, de l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice des professions des soins de santé et des arrêtés d'exécution y afférents, le Conseil national considère que l'initiative de ce test peut uniquement venir soit du patient lui-même, sur la base de son droit à l'autodétermination, soit du médecin traitant.
2/ Il ressort des directives de MSD que le pharmacien, ou son « assistant » formé à cette fin en quelque qualité que ce soit, offre une assistance au patient lors de de la lecture des résultats. Le Conseil national estime que cette assistance dépasse les obligations en matière de dispensation de soins pharmaceutiques et qu'il est effectivement question ici d'une interprétation des résultats du test, ce qui équivaut à une évaluation de l'état de santé du patient.
Dans son rapport du 28 juin 2008, l'Académie royale de médecine de Belgique écrit e.a. : « L'interprétation par le pharmacien des résultats des tests d'automesure, l'établissement d'un diagnostic et l'instauration d'un traitement constituent un exercice illégal de l'art médical.».
3/ Si la réalisation de ces tests comprend une prise de sang veineux, le Conseil national ne trouve aucune base légale qui donne cette compétence au pharmacien d'officine et/ou à son assistant.
4/ Le médecin traitant n'est impliqué dans ces tests que lorsque le patient a consenti à la transmission des résultats via « Medibridge ». Les médecins ne disposant pas de ce programme ne peuvent pas y accéder. Référant à son avis précité, le Conseil national déplore profondément que, d'une part, le rôle du médecin traitant soit à tel point limité, et, d'autre part, qu'il ne sera en outre pas possible de contacter tous les médecins.
5/ Sur la base de l'information mise à notre disposition, il ne ressort pas suffisamment que des garanties soient offertes en matière de conformité aux normes de qualité en vigueur. Rien n'assure que ces appareils soient contrôlés par un laboratoire de biologie clinique agréé, ni soumis à un quelconque suivi de qualité ni à un contrôle indépendant, soit par les autorités, soit par une instance indépendante.
6/ La clause « L'appareil HbA1c-Lipides utilisé ne donne pas de test validé. La validation peut uniquement être faite par un biologiste clinique . Les valeurs obtenues peuvent diverger du test réalisé dans un laboratoire clinique. Les résultats du test en soi sont insuffisants pour poser un diagnostic. Il est toujours indispensable de faire établir un diagnostic par le médecin traitant et de se faire suivre régulièrement par lui. » sur laquelle le patient doit cliquer avant de commencer le test, fait naître de sérieuses questions au sujet de l'utilité médicale de ce test.
La non-validation de ce test contraste manifestement avec l'installation de l'appareil dans une pharmacie. Ce contexte médico-professionnel crée chez le patient l'impression que le test est effectivement médicalement validé.
7/ Dans la présentation de MSD, on ne parle pas du coût de ce type de test. Faut-il en déduire que faute de remboursement par l'Inami, les frais seront entièrement supportés par le patient ou par la firme pharmaceutique ?
8/ Eu égard à l'article 10 de la loi du 22 août 2002 relative aux droits des patients, il n'y a pas de directives qui ont été rédigées ou de garanties offertes concernant la protection de la vie privée du patient lorsqu'il subit ces tests.
9/ Sur la fiche d'information attachée au formulaire de consentement éclairé, il est mentionné que le patient peut recevoir son dossier médical personnel via « Familyware ». Le Conseil national estime que ceci est en contradiction avec l'affirmation plusieurs fois avancée, que toutes les données sont effacées automatiquement de l'appareil après la fin du test.
Le Conseil national voit une contradiction semblable dans le fait que, lorsqu'un patient choisit qu'on lui envoie les données par mail, il doit s'identifier avec un code s'il veut consulter les résultats électroniquement. Ce procédé implique pour le moins que les données soient conservées sur un support électronique.
10/ En rapport avec le point 2 susmentionné concernant l'interprétation des résultats du test et le point 7 concernant le paiement des frais, le Conseil national considère qu'il est tout à fait inutile que les coordonnées ou les conditions de vie soient introduites. La mise à disposition des coordonnées au moyen de la carte d'identité électronique est uniquement justifiée dans le cas où le patient accepterait que les données soient transmises au médecin traitant.
11/ Le Conseil national émet de sérieuses réserves sur la conservation de l'adresse électronique du patient par « Familyware ». Il craint que cela ne soit dicté par une raison commerciale, par exemple pour pouvoir faire plus tard la publicité d'un nouveau test.
12/ A l'instar des points précédents, le Conseil national se demande si la Commission pour la protection de la vie privée a autorisé le traitement de ces données.
Le Conseil national conclut que ce projet ne peut être accepté du point de vue de la déontologie médicale.
cc. Ordre des pharmaciens