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Le respect du cadre légal et des règles déontologiques par les chirurgiens plasticiens dans leur pratique.
En sa séance du 24 janvier 2025, le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné le respect du cadre légal et des règles déontologiques par les chirurgiens plasticiens dans leur pratique. Cette réflexion a été menée en raison du récent reportage de Test-Achats[1] qui met en évidence plusieurs manquements.
Les manquements relevés sont les suivants : une information insuffisante des patients, notamment sur les risques et les effets secondaires de telles opérations ; le non-respect du délai légal entre la consultation et l'intervention ; des demandes illégales d’acompte et l'imposition de frais d'annulation exorbitants ; la délivrance abusive d’attestations de soins donnés ; une publicité non autorisée ; un manque d'attention portée au contexte psychologique ; la tenue de propos inappropriés.
Sur le plan juridique
La loi du 23 mai 2013 réglementant les qualifications requises pour poser des actes de médecine esthétique non-chirurgicale et de chirurgie esthétique et réglementant la publicité et l’information relatives à ces actes est claire sur les modalités d’information et de consentement (art. 18), le délai d’attente (art. 20), ainsi que la publicité et l’information (art. 20/1).
Sauf lorsque cette loi particulière en dispose autrement, les principes de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient sont pleinement applicables à l’exercice de la médecine esthétique.
Le Conseil national rappelle aux confrères que la loi doit être strictement respectée en tout temps, et que son non-respect peut donner lieu à des sanctions pénales.
Sur le plan déontologique
Sur le plan déontologique, certains principes sont d’un intérêt capital pour une relation de confiance et de qualité entre le médecin et le patient.
1. Le consentement éclairé
Le consentement éclairé n’est respecté que lorsque le patient est en mesure de prendre une décision en parfaite connaissance de cause à partir des informations qui lui sont données. Les brochures d’information sont fortement recommandées car elles permettent au patient de considérer sereinement les éléments discutés lors de la consultation. Afin d’éviter au maximum les décisions impulsives, le médecin doit respecter le délai légal d’au moins 15 jours entre le rapport d’information écrit et l’intervention prévue. En outre le médecin tient compte de l’état psychologique du patient.
2. Au niveau financier
Une communication transparente quant aux coûts prévus et l’application de tarifs équitables renforce la relation de confiance entre le médecin et le patient et permettent d’éviter les litiges ultérieurs.
Pendant la période d'attente, le médecin ne peut demander ou recevoir aucune contrepartie ou engagement financier pour une opération esthétique, à l'exception des honoraires des consultations préalables à l'acte.
Si la demande d’un acompte est en principe interdite par la loi, elle est également inadmissible sur le plan déontologique. Par ailleurs, l’imposition de frais d’annulation disproportionnés restreint la liberté du patient de renoncer à l’intervention, ce qui revient à exploiter sa position de vulnérabilité.
La délivrance d’attestations de soins donnés dans ce contexte est frauduleuse et peut être qualifiée d’escroquerie.
3. Publicité et diffusion d’informations pratiques
Les médecins sont tenus de respecter l’article 37 du Code de déontologie médicale. Cet article dispose que le médecin peut porter son activité médicale à la connaissance du public. Les informations données, quelle qu’en soit la forme, doivent être conformes à la réalité, objectives, pertinentes, vérifiables, discrètes et claires. Elles ne peuvent pas être trompeuses ni inciter à des prestations médicochirurgicales superflues.
Le médecin s’oppose à toute publicité de ses interventions chirurgicales par des tiers qui ne respectent pas les dispositions du précédent alinéa.
Le commentaire de cet article du Code énonce également les formes de publicité qui ne sont pas autorisées :
- toute forme de publicité trompeuse ;
- un comparatif des tarifs d’honoraires (le statut de conventionnement est par contre une information obligatoire, en vertu de l’article 73, §1er, al. 3, de la loi coordonnée le 14 juillet 1994 relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités) ;
- l’incitation à la réalisation d’investigations ou de traitements superflus ;
- les publications, les conférences et autres communications sans caractère scientifique ou qui poursuivent un but commercial ; la communication de données couvertes par le secret médical ;
- l’utilisation d’outils visant à identifier ou à profiler les visiteurs d’un site Internet à leur insu ;
- la promotion commerciale de médicaments et d’autres produits de santé.
Les informations qui ont pour objet de faire connaître un professionnel des soins de santé ou à informer sur la nature de sa pratique professionnelle sont autorisées.
4. Empathie et traitement respectueux du patient
L’article 16 du Code de déontologie médicale dispose que le médecin a le devoir d’adopter une attitude empathique, attentive et respectueuse envers chaque patient.
Le Conseil national rappelle à tous les médecins, et en particulier aux chirurgiens plasticiens, le strict respect des règles légales et déontologiques. Les violations de ces règles portent préjudice à la confiance que la société porte à la profession de médecin, font obstacle à une relation médecin-patient de qualité et sont susceptibles de sanctions disciplinaires.
Les patients qui estiment que le médecin commet un manquement déontologique peuvent le signaler au conseil provincial d’inscription du médecin (Ordomedic | Contact).
[1]https://www.test-achats.be/sante/soins-de-sante/couts-de-la-sante-et-assurances/news/notre-enquete-sur-les-augmentations-mammaires?_gl=1*1b04fil*_up*MQ..*_ga*OTk5MzUzODk5LjE3MzcwMzYyMDA.*_ga_J1Z6B7ZFYS*MTczNzAzNjE5OS4xLjAuMTczNzAzNjE5OS4wLjAuMA
Collaboration de médecins avec des centres de beauté, de bien-être et de soins
En sa séance du 10 décembre 2022, le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné si un médecin est autorisé à poser des actes médicaux dans un centre de beauté.
« La demande d’activités cosmétiques a connu une croissance phénoménale ces dernières années. Il faut dès lors s’attendre à une augmentation du nombre et de la diversité des nouvelles techniques et des nouveaux dispositifs esthétiques disponibles. »[1]
Tant des médecins que des non-médecins (professionnels des soins de santé ou non) répondent à la demande de traitements cosmétiques.
Les contrats de collaboration entre médecins et non-médecins (infirmiers/infirmières, esthéticiens/esthéticiennes, etc.) ne sont pas interdits, à condition que le médecin travaillant dans l’institut respecte strictement les règles juridiques et déontologiques suivantes :
1/ Le médecin est compétent et répond aux qualifications requises pour poser des actes de médecine esthétique, conformément à la loi coordonnée du 10 mai 2015 relative à l’exercice des professions des soins de santé et à la loi du 23 mai 2013 réglementant les qualifications requises pour poser des actes de médecine esthétique non chirurgicale et de chirurgie esthétique.
Les interventions invasives (traversant la barrière cutanée ou les muqueuses) qui ne peuvent être effectuées que par un médecin[2], ne peuvent pas être déléguées par le médecin à des non-médecins. Il doit y avoir une séparation stricte entre les actes esthétiques réservés à un médecin et ceux qui peuvent également être effectués par d’autres personnes.
2/ Le médecin dispose de l’expertise nécessaire grâce à une formation continu concernant les plus récentes interventions ou techniques chirurgicales ou non chirurgicales et les risques ou complications potentiels.
3/ Le médecin agit conformément à l’état actuel des connaissances scientifiques (art. 4, alinéa 2, Code de déontologie médicale).
Les techniques dont l’efficacité n’a pas été prouvée doivent être évitées.
4/ Le médecin veille à ce que le patient, après avoir été préalablement informé, consente librement à toute intervention médicale (art. 8, loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient ; art. 20, Code de déontologie médicale).
En outre, le médecin satisfait aux obligations légales supplémentaires d’information et de consentement telles que prévues par l’article 18 de la loi du 23 mai 2013 réglementant les qualifications requises pour poser des actes de médecine esthétique non chirurgicale et de chirurgie esthétique.
Le patient doit être informé du caractère médical de l’intervention. Il ne faut pas donner l’impression, à tort, qu’il s’agit d’un simple traitement de beauté sans danger.
L’environnement médical doit être clairement identifié. Une attention particulière doit être accordée aux risques et aux complications possibles. En ce qui concerne les interventions esthétiques, le médecin a l’obligation déontologique de communiquer cette information oralement et par écrit.
Sans préjudice du délai de réflexion légal de minimum 15 jours pour tout acte de chirurgie esthétique (art. 20, loi du 23 mai 2013 précitée), le patient doit, avant que l’intervention ait lieu, et après avoir reçu une information adéquate quant à celle-ci, disposer d’un temps de réflexion suffisant, en fonction de la nature de l’intervention et de la personne du patient, y compris pour les interventions esthétiques non chirurgicales.
5/ La demande doit être évaluée de manière approfondie, ainsi que les raisons psychologiques et sociales qui sous-tendent cette demande[3].
Le médecin doit s’interroger sur les attentes du patient et s’assurer qu’elles correspondent au résultat réellement escompté.
6/ Le médecin organise sa pratique de telle sorte qu’il puisse exercer sa profession à un niveau de haute qualité et de sécurité, assurer la continuité des soins et respecter la dignité et l’intimité du patient (art. 8, Code de déontologie médicale).
Il n’est pas interdit au médecin de pratiquer des interventions esthétiques dans le cadre d’un institut de beauté, s’il s’assure que l’encadrement nécessaire lui permettant d’exécuter les soins de santé avec un niveau de qualité élevé est présent (art. 14, loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé).
7/ Le médecin ne pratique pas d’examens, traitements et prestations inutilement onéreux ou superflus, même à la demande du patient (art. 41, Code de déontologie médicale).
Le médecin place les intérêts du patient au-dessus de ses propres intérêts financiers (art. 34, Code de déontologie médicale).
8/ Le médecin évite toute forme de dichotomie ou de collusion (art. 12, Code de déontologie médicale ; article 38, loi coordonnée du 10 mai 2015 relative à l’exercice des professions des soins de santé).
Le médecin ne peut pas se laisser influencer par une autre finalité que la santé du patient, telle que la vente par des tiers de produits ou services cosmétiques (massage, épilation, etc.).
Le médecin ne doit jamais donner l’impression que ces produits ou services font partie du programme de traitement médical.
9/ Le médecin veille à son indépendance professionnelle (art. 7, Code de déontologie médicale).
Le médecin ne doit jamais pratiquer un acte vide de sens du point de vue médical, indépendamment de la politique commerciales de l’institut.
10/ Le médecin garantit la continuité des soins (art. 13, Code de déontologie médicale).
Le suivi du patient après l’intervention esthétique et la surveillance postopératoire doivent répondre aux critères de qualité nécessaires et prévoir la possibilité d’intervenir dans les situations d’urgence.
Cela inclut le respect des règles relatives à la caractérisation et à l’anxiolyse et à l’anesthésie telles que prévues dans la loi qualité (art. 12, 13, 15 et 16, loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé).
11/ Le médecin respecte la réglementation sur la vie privée ainsi que le secret médical (art. 25 et 27, Code de déontologie médicale ; Règlement général sur la protection des données ; loi du 30 juillet 2018 relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel).
Seuls les professionnels des soins de santé entretenant une relation thérapeutique avec le patient ont accès aux données de santé nécessaires et pertinentes du dossier patient, à condition que le patient ait explicitement donné son consentement.
Dans tous les cas, le médecin respecte le libre choix du médecin par le patient, même au sein d’une équipe (art. 15, Code de déontologie médicale).
12/ Le médecin tient à jour pour chaque patient un dossier dont la composition et la conservation répondent aux exigences légales et déontologiques (art. 9, loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient ; art. 33, 34 et 35, loi du 22 avril 2022 relative à la qualité de la pratique des soins de santé ; art. 18, loi du 23 mai 2013 réglementant les qualifications requises pour poser des actes de médecine esthétique non chirurgicale et de chirurgie esthétique ; art. 22, Code de déontologie médicale).
En ce qui concerne les interventions esthétiques, les actes posés, en particulier les techniques appliquées et les produits utilisés, doivent être notés avec précision afin de pouvoir réagir plus rapidement et plus efficacement en cas de complications ultérieures.
13/ Le médecin respecte les règles en lien avec la publicité et l’information professionnelle (art. 31, loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé ; art. 37, Code de déontologie médicale).
Le médecin a l’obligation déontologique de s’opposer de façon active à toute publicité qui ne respecte pas les règles de la déontologie médicale. Les informations fournies au public doivent être fiables, objectives, pertinentes, vérifiables, discrètes et claires. Elles ne sont pas fallacieuses et n’encouragent pas les prestations superflues.
Accorder une réduction de prix dans le cas où le patient subit plusieurs actes médicaux (en combinaison ou non avec des traitements cosmétiques non-médicaux) n’est pas conforme à la déontologie.
Lorsqu’il est impliqué dans la diffusion d’informations dans les médias, sur des sites Web ou dans les médias sociaux, le patient doit, au préalable, donner son consentement et être pleinement informé. En outre, son intégrité physique et psychique doit être respectée à tout moment.
14/ Le médecin agit de façon adéquate et transparente en cas d’incident. Il doit être assuré afin de couvrir sa responsabilité professionnelle de façon suffisante (art. 9, Code de déontologie médicale).
Conclusion
Chaque médecin a la responsabilité de garder intacte la confiance que la société place dans le corps médical. Dans le cadre de sa vocation curative, le médecin a pour principale finalité la santé du patient. Il suffit d’un qui s’en détourne, et c’est la réputation et l’intégrité de tous les médecins qui en pâtissent.
[1] Avis du Conseil supérieur de la Santé, n° 9430, juin 2022.
[2] Ibid.
[3] Avis du Conseil Supérieur de la Santé, n° 8892, décembre 2014
Le Conseil national prépare une révision de cet avis du 10 décembre 2022 (a169027).
Cet avis remplace l’avis du 17 janvier 2015 (a148002).