Psychiatrie – Admission forcée – Rédaction d’un rapport médical circonstancié ou d’un avis
La question concerne l’application en psychiatrie infanto-juvénile de la loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux. Un pédopsychiatre attaché à un département de psychiatrie infanto-juvénile peut-il être le médecin traitant après avoir rédigé un avis ou un rapport médical circonstancié destiné au procureur du Roi ou à un juge (juge de paix ou juge de la jeunesse) ? Les questions suivantes sont aussi posées en rapport avec cette problématique:
Un psychiatre qui a rédigé l’avis ou le rapport médical circonstancié destiné au procureur du Roi ou au juge doit-il être considéré comme un expert judiciaire ?
Ce psychiatre peut-il par la suite être le médecin traitant, par exemple, dans la situation où le jeune, encore sous statut d’admission forcée ou pas, ou ses parents demande(nt) son transfert dans le service de ce psychiatre ?
Si pas, y a-t-il alors un délai raisonnable au terme duquel cela serait possible ?
Des collègues du psychiatre qui a rédigé l’avis/le rapport médical circonstancié peuvent-ils agir comme médecin traitant, en sachant que ce confrère doit assurer la continuité des soins avec eux pendant les services de garde, lors de remplacements pendant les vacances ou d’autres absences des premiers ?
Avis du Conseil national :
En sa séance du 7 février 2009, le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné votre lettre du 22 octobre 2008.
Question 1
La procédure ordinaire, qui conduit à une mise en observation forcée dans un service psychiatrique, requiert un « rapport médical circonstancié » rédigé par un médecin après avoir examiné le patient. La loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux ne prévoit que deux incompatibilités : le médecin ne peut pas être un médecin parent ou allié du malade, ou attaché à un titre quelconque au service psychiatrique où le malade se trouve. La loi ne contient aucune exigence concernant les compétences ou la spécialisation du médecin qui rédige le rapport. Cela fait apparaître clairement que le médecin qui rédige le rapport n’agit pas comme expert judiciaire.
La procédure d’urgence est de loin la plus fréquente dans la pratique médicale et elle est conduite par le procureur du Roi. Celui-ci agit :
- soit à la demande écrite d’une personne intéressée, accompagnée d’un rapport médical circonstancié comme dans la procédure ordinaire ;
- soit d’office, à la suite d’un avis écrit d’un médecin désigné par lui.
Si le procureur du Roi agit d’office, il peut requérir un médecin à qui il demandera de lui remettre un « avis » (il n’est donc plus question d’un rapport médical circonstancié). Dans aucun des deux cas, le médecin n’est un « expert » au sens juridique de ce terme. Dans la pratique, l’avis exigé par la loi est souvent demandé à des services d’urgences des hôpitaux. Bien que la loi ne précise pas si l’avis doit être donné par un pédopsychiatre, le Conseil national considère, à l’instar des auteurs de la demande d’avis, que dans ce contexte de mesure privative de liberté à l’égard d’un mineur, il convient que l’avis soit donné par un médecin disposant des compétences nécessaires.
Le Conseil national approfondit la question de savoir si le médecin/psychiatre traitant peut rédiger lui-même l’avis ou le rapport médical circonstancié. La loi le permet pour autant que le médecin traitant ne soit pas attaché au service où le patient se trouve.
Il faut cependant tenir compte, sur le plan déontologique, des considérations suivantes.
Dans son avis du 18 août 2001[1], le Conseil national rappelle que « le médecin doit toujours rester objectif dans la rédaction d'un certificat, c'est-à-dire professionnellement et intellectuellement indépendant, sans implication émotionnelle, a priori ou partialité ». En outre, le fait que le rapport soit rédigé par le médecin traitant peut porter atteinte à la relation médecin-patient. Les médecins traitants ont de bonnes raisons de ne pas rédiger eux-mêmes le document et de faire appel à un confrère pour juger en indépendance de la situation et éventuellement rédiger le rapport médical circonstancié. De plus, la pratique apprend que certains juges de paix rejettent la demande d’admission forcée en raison des qualifications du rédacteur du rapport. Il arrive que le patient concerné refuse d’être examiné par un médecin tiers et que, par conséquent, le médecin traitant soit le seul à pouvoir rédiger les documents médicaux nécessaires (avis ou rapport médical circonstancié). Il est parfois impossible de faire appel à un médecin tiers en raison de l’urgence. Dans ces situations, l’intérêt du patient doit être la préoccupation première et à défaut de tout autre traitement adéquat, le médecin traitant prendra ses responsabilités. Mais en dehors de ces situations particulières, la règle sur le plan déontologique est de recourir, pour juger de la situation, dans le cadre de la procédure d’admission forcée, à un médecin tiers et non au médecin traitant.
Questions 2 et 3
Le psychiatre ou le médecin qui délivre le rapport médical circonstancié ou l’avis requis pour la mise en observation ne peut pas intervenir comme médecin traitant tant que la période d’observation forcée est en cours (durée maximale de 40 jours). Le médecin traitant qui aurait rédigé le rapport médical circonstancié ou l’avis, ne pourrait traiter à nouveau le patient qu’après cette période d’observation forcée.
La décision éventuelle du juge de paix de « maintien » du patient, ce qui équivaut à une prolongation de l’admission forcée, est prise suivant une procédure spécifique où les médecins requis pour la mise en observation forcée n’ont plus de rôle à jouer. Il n’y a dès lors plus d’objection déontologique à ce que ces médecins prennent en charge le traitement du patient après la période d’admission forcée. Ceci a pour point de départ déontologique et légal que le médecin ayant rempli les documents médicaux en vue de l’admission forcée d’un patient ne peut avoir une quelconque responsabilité dans le traitement de ce même patient tant que ce patient se trouve sous le statut initié par ce médecin.
Question 4
Les médecins attachés au service psychiatrique du psychiatre qui a rédigé l’avis ou le rapport médical circonstancié ne peuvent agir comme médecins traitants du patient mis en observation. Cette règle est respectée de manière très stricte et sans trop de problèmes en psychiatrie adulte. La même règle s’applique aux pédopsychiatres, mais la situation se complique en raison de leur nombre restreint et du manque de services de psychiatrie infanto-juvénile. Le secteur est en plein développement mais la réalité sur le terrain est que dans la plupart des régions, les patients doivent être adressés pour le traitement à l’unique service de psychiatrie infanto-juvénile de la région concernée. C’est pourquoi il est indiqué que le pédopsychiatre dans ces régions ne rédige pas le rapport et que cette mission soit confiée, sur la base d’accords mutuels, à un confrère, par exemple, un psychiatre des adultes. L’appel à un pédopsychiatre pour rédiger le rapport prévu par la loi est louable mais en cas de pénurie des spécialistes compétents, il doit être fait appel à des confrères. Cela permet de confier rapidement le traitement du patient à un pédopsychiatre. Les auteurs de la demande d’avis mentionnent d’ailleurs que cette mesure de protection à l’égard d’un jeune peut souvent être rapidement levée. Un pédopsychiatre qui aura rédigé le rapport requis pour la mise en observation pourra lui aussi assurer la fonction de médecin traitant dès la levée de la mesure.